dimanche 9 mai 2010

Zef - texte intégral... sans les fenêtres ouvertes sur d'autres histoires possibles

Didier de Lannoy
La mort d'un sorcier, on fait la fête
2000-2001




s'il vous plaît ? watte ?
b bonj'oir
goeie avond
dank u

je ne pose pas de questions, j'émets, j'énonce, j'éructe, je pr profère
- à vot'bon coeur !
attrapant au vol une pièce de monnaie qu'on me lance, eh
joder
je f ff fronce et je cr crécelle
je prononce et je proverbe
j'rct éructe
je profère
prf f
un seul remède contre l'héroïsme, le cancer des couilles

quand je suis une mouche à merde, je tiens un rouleau de pellicule pour un attrape-

il y a deux marches de pierre à l'entrée du café RIO
saupoudrées de gros sel marin

mouches et je lui f fais des
g gg gourmandises s
godverdomme

CAFE RIO

il y a deux marches de pierre bleue
à l'entrée
du café
RIO
O

et la patronne du staminei-estaminet, en bigoudis, faisant claquer ses gros sabots de ferme fourrés au foin ou à la paille sèche, armée d'une serpillière et de deux seaux, d'un balai-brosse et d'une raclette
chasse les mouches, piétine les blattes, traque les chiques, les mégots, les chewing-gums, les sparadraps, les serviettes hygiéniques et les tessons de verre qui se planquent sournoisement en dessous des banquettes, jette de la sciure sur le carrelage, immobilise avec la main une ampoule qui se balance d'avant en arrière, lave à grands jets d'eau les pavés de grès du trottoir qui se déchaussent sous la pression des racines d'un vieux platane, frotte les vitres, s'efforce d'enlever la mince couche de nicotine qui s'y est déposée au fil des jours et des semaines, gratte les murs à la brosse en fer pour effacer les graffitis, éloigne les poules qui picorent le mastic des carreaux, descend à la cave pour y prendre du charbon, rate la dernière marche de l'escalier et manque se briser la cheville

en face du Z-BAR

CHEZ TINA

déjections canines souillant les trottoirs, pulpes de betteraves, mégots de cigarettes, papiers de bonbons chiffonnés, kleenex froissés, trognons de pommes rouges et pansements rouillés, couches-culottes usagées, langes souillés, tubes de dentifrice écrasés, grains de chapelet grignotés par les rats de messe, dégueulis d'hosties avariées

odeurs d'épluchures de pommes de terre
le fritkot de Tina est une ancienne roulotte de camping, aménagée en friterie-frituur, installée sur pilotis
entre le café RIO et le Z-BAR

tout près du MACUMBA
dancing des raclures, des déchets, des rebuts, des racailles, des résidus de nuit, des ivrognes bagarreurs de fins de kermesses et de bals populaires, des crachats visqueux, des disques grillés, des bielles fondues, des jantes tordues, des chewing-gums et des sparadraps qui collent au fond des cendriers
et pas loin de l'AMBASSY
bordel de voisinage et de proximité, maternel et surchauffé, avec un bar, deux arrière-salons, trois chambres à l' étage
et quelques mansardes sous les toits
louées à des étudiants qui ne prennent pas la peine de se rendre aux toilettes du premier étage et se soulagent par la fenêtre, directement, dans la gouttière

Tina a enlevé les volets de son fritkot, fixé l'auvent, donné un coup de balai à l'extérieur, branché les bouteilles de butane, allumé les fourneaux, fait chauffer les graisses, trié, brossé, lavé, épluché et découpé les patates, aligné les bocaux sur les étagères, mis la radio en marche, servi les premiers clients
ouvert son sac, sorti ses aiguilles à tricoter et ses revues de mots fléchés
pour entretenir la forme

Tina fait des frites et les vend, depuis bientôt trente ans
Tina est frituriste

- ik ?
je tiens un rouleau de p pellicules pour un attrape-mouches
et quand on m'interroge
si je suis allergique aux poussières et à c rt certaines espèces de gr graminées, si j'prv éprouve une sensation d'opp pression dans la poitrine ou dans la région pectorale, si je crache des sg glaires pendant l'hiver et me fais régulièrement d dd déboucher les r rr oreilles à l'aide d'une poire en cc tch caoutchouc, si j'ai des pr problèmes de parole ou d'entendement, si j'ai mal aux mollets en montant td deux marches de pierre bleue à l'ntr entrée du café RIO, si je suis ncm incommodé par de petites st taches floues qui me s st sautillent devant les yeux, si je c nst constate des d ffc difficultés à évacuer complètement mes sxcr excréments ou si j'ai modifié récemment mes h bt habitudes en matière de d fc défécation, si je suis pr propriétaire de trois sb baraques, si j'ai tout tp plein de pognon et si je le p place en ct actions ou en obligations, si je parle fr français ou néerlandais, si la police me laisse tr nq tranquille, si j'ai encore des ch cheveux sous ma c sq casquette et si des sc chauve-souris sr sortent des sp poches de mon nm manteau, tous les s soirs, vers 18 heures
les cheveux
quand on les cueille, quand on les coupe et quand on les arrache
quand on les met dans des pots
perdent toutes leurs couleurs
si ma br braguette est ntr entrouverte, si je sais sj jouer de la tr mp trompette avec les m ns mains, si je f fais encore l'amour, avec qui, cm comment, p pourquoi
si je me m mm mst msttt masturbe tous les s soirs dans un pot de ch mbr chambre ou dans un seau en p plastique, si des g gouttes me tombent toujours de la v rg verge lorsque j'ai fini de pisser, si j'utilise des pr tct protections nt antifuites ou si je p prends d'autres mesures sp spécifiques, si je suis d'humeur fn fantasque et c pr capricieuse, si Zef est mon vrai nom, si mes verrues sont purulentes, si je me sens las de vivre, pour qui des l rm larmes me coulent p rf parfois des yeux
je ne réponds js jamais, je p pousse des cris, je ricane, j'rct éructe et tj je pr profère e
prf f

Tina vend des frites au saindoux
- croustillantes à l'extérieur, moelleuse à l'intérieur !
à quarante befs (environ 1 euro), cinquante befs (environ 1,25 euro), soixante befs (environ 1,50 euro)
- moins cher !
mangées avec les doigts
servies à l'ancienne dans des sachets à pointe
ou dans des barquettes en plastique ou en carton
moutarde et mayo, sauce cocktail, sauce marocaine, sauce andalouse, sauce américaine, sauce tartare, sauce à l'ail, sauce tzigane, sauce banzaï, sauce au curry, sauce au pili-pili
cornichons, pickles, oignons
cervelas, saucisses sèches, fricadelles, brochettes, croquettes de dinde ou de poulet, boulettes de viande précuites, carbonnades, goulash
hot dogs, hamburgers, saucisses blanches
beignets, loempias, nems, samosas
merguez
maatjes, harengs saurs, oeufs à la russe, moules au vinaigre, rollmops, canettes de bière et de Coca-Cola

Tina invite ses clients à commander
- d'abord les viandes et ensuite les frites ! pour faciliter le service !


- ik ?
la langue est amp-
utée
la bouche est éd-
entée e
la lèvre est déch-
irée
rrah ! rah! rah!
cris d de crabe
crabcès, cr craries, des s
cris de rire, des cc cris de sable
je ricane, j'rct éructe
et je pr profère
prf f
épingles et c clous enfoncés dans l'écorce du tronc d'un arbre mort rt
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !
baies d'rg argousier, de de h houx, de g genévrier ou de srb sorbier
- bien gentil ! bien aimable !
graines de v verrues recrachées p par un merle ou une gr grive, restées c collées s sur le m menton et y ayant g germé
n'avend
s'il vous plaît ? watte ?
danke
blattes me sortant des oreilles et du nez, du gosier et du t trou de balle, se nourrissant de mes parasites

je ricane, j'rct éructe et je p pr profère e
des cris de lettres perdues, de lettres ar rrachées

deux
deux lourdes marches
deux lourdes marches de pierre bleue
saupoudrées de gros sel marin
à l'entrée
du café
RIO
O


ce qui pèse le plus quand on meurt
tous les soirs
c'est de se réveiller dans son lit
tous les matins
et de devoir se lever, se laver et s'habiller
manger, causer, fumer, tousser, pisser, chier, crier, danser, bander, baiser
pointer, bosser et casser les cailloux
chasser, cueillir ou cultiver
vivre
jusqu'à la nuit tombée
comme si rien ne s'était jamais passé

Busleidengang, à côté de l'entrée du Z-BAR
panneaux d'exclusion cloués aux arbres, pancartes agressives, obscènes et menaçantes
affichettes de rendez-vous pervers placardées sur les palissades ou collées sur les poubelles ou les sorties de secours, murs des chiottes barbouillés de graffitis merdeux, mots d'ordre effrayants et slogans haineux tagués au spray, monstres libidineux et violeurs sadiques dessinés au charbon de bois, déclarations de haine tracées à la craie
signatures, chiffres maléfiques, initiales et lettres majuscules gravés au couteau sur l'écorce du tronc d'un arbre mort

défense de pisser sur les murs
interdiction de déféquer sur la voie publique
interdiction de pêcher à la mouche dans les étangs du château
verboden voertuigen te wassen
défense de laver les véhicules
les jeux de ballon sont interdits dans la cour de l'immeuble
les chaises roulantes sont priées de passer par le garage

FRATERNITE ARYENNE ! SUPREMATIE BLANCHE ! UNION PATRIOTIQUE ! REVEIL NATIONAL ! ECRASONS LA VERMINE ! DIEU EST GRAND ! HONNEUR ET PATRIE ! ETHIQUE ET TRADITION ! LA DIRECTION SE RÉSERVE LE DROIT D'ENTRÉE ! TODO POR LA PATRIA ! PREFERENCE NATIONALE ! IVOIRITE ! CE QUE NOUS FAISONS NOUS-MÊMES, NOUS LE FAISONS MIEUX ! ROMANIA MARE ! DUC IN ALTUM ! GLOIRE A LA FRANCE ! TOUCHE PAS A MON BELGE ! NUS FÉMININS RÉALISÉS D'APRÈS MODÈLES ! HOMMES MURS RECHERCHENT COMPAGNIE DE JEUNES FEMMES STERILES ! NOS PAUVRES D'ABORD ! IDENTITE CHRETIENNE ! SUS AUX MOSQUÉES ! DU VIN, DES FEMMES ET DU BOUDIN ! FAISONS LE MÉNAGE ! ECRABOUILLONS LES INSECTES ! CHASSONS LES CANCRELATS ! ERADIQUONS LES NUISIBLES ! FRAPPONS LES PINATAS ET COGNONS LEUR LE VENTRE AVEC UNE BATTE DE BASE-BALL JUSQU'A CE QU'ELLES CRACHENT LEURS BRONCHES ET CHIENT LEURS ENTRAILLES DANS LA RIGOLE ! BIENVENUE EN ENFER ! RETOUR A LA TERRE DES ANCÊTRES ! RELAXATION COQUINE ! ON DEMANDE SERVEUSES !

orgue de barbarie installé sur une carriole sans charretier, tirée par un âne, ivre et sourd, abritant l'âme d'un mort, divaguant

je r ricane
c cris de crabe ensablé
de vampire éd-
enté é
j'rct éructe et je pr profère
prf f



BUSLEIDENGANG

tenir les chiens en laisse
pizzas om mee te nemen
pizzas à emporter pour la vie entière
interdiction de pisser en dehors de la rigole
interdiction de déposer des détritus
interdiction de tremper son mouchoir dans le sang des suppliciés
défense de prendre fait et cause
interdiction d'installer des extracteurs de hurlements dans les prisons du Roi
interdiction de passer outre
verboden aan te plakken
défense d'afficher

JESUS SAUVE, GUERIT, DELIVRE ! ARBEIT MACHT FREI ! MUKLISTO ADJALI MWINDA ! ALLES VOOR VLAANDEREN, VLAANDEREN VOOR KRISTUS ! ELECTROCUTONS LES MOUSTIQUES ! STERILISONS LES HANDICAPES ! REGULONS LES ESPECES ! PADANIA LIBERA ! INTERDIT AUX NORD-AFRICAINS ! MARCHONS SUR LES SYNAGOGUES ! EMPECHONS L'HOMOSEXUALITE IMMORALE ET LES ORGIES VICIEUSES ! DEFENDONS ET ILLUSTRONS LA LANGUE FRANÇAISE ! IMMIGRATION ZERO ! NO ALLA MOSCHEA ! VIVE LA BIERE, LES MOULES ET LES FRITES ! QU'UN SANG IMPUR ABREUVE NOS SILLONS ! LES FLAMINS C'N'EST NIN DES DJINS ! ON NE RECRUTE PAS DE NOIRS POUR LE SERVICE EN SALLE ! MORT AUX LOUKOUMS ET AU BOEUF ANGLAIS ! FORMONS NOS BATAILLONS ! KAMERADEN TOEN, KAMERADEN NU ! JETONS LES KURDES A LA MER ! INTERNONS LES TZIGANES ! EXTERMINONS LES INYENZI ! WALEN BUITEN ! SOLI DEO GLORIA ! CLANDESTINS DEHORS ! CORNELIU VADIM TUDOR PRESIDENTE ! DIEU SOIT BENI ! GORA ETA ! FDF VAINCRA ! GEEN FACILITEITEN ! WALLONNIE INDEPENDANTE ! RATTACHEMENT A LA FRANCE ! VIVA EL PERELLO LIBRE ! VLAANDEREN ONAFHANKELIJK ! A BAS LES IGNOBLES ! GAZONS LES BLAIREAUX DANS LEURS TERRIERS ! NETTOYONS LES MUTINS ! DESINFECTONS GAZA ! STÖRKRAFT ! ENDSIEG !

interdiction de ne pas heurter la pudeur d'autrui
interdiction de stationner devant les bars à hôtesses et les églises du Christ Ressuscité
interdiction de faire la manche
- l'aumône faite à une population fragilisée finance et encourage la consommation de drogue et d'alcool !
interdiction de nourrir les hommes qui errent dans les rues et de leur jeter des grains de maïs et des croutons de pain par la fenêtre

une enfant, quelquefois, une petite fille aux joues de faïence, élevée par une marraine en chaise roulante, vilaine et méchante, impotente et incontinente, qui utilise sa nièce comme cuisinière, lavandière, garde-malade et femme de chambre
- lala lalala lala
une petite fille aux ongles rongés, aux lèvres livides, au visage barbouillé de chocolat, aux yeux boutons, aux doigts tachés d'encre
n'ayant pas beaucoup d'amies, ne s'intéressant pas vraiment aux garçons, rougissant quand on la regarde, s'enfuyant quand on l'appelle, ne se posant jamais de questions, ne s'inquiétant encore de rien, allant toujours au pot et se torchant le cul avec un gant de toilette, chaque soir, avant de se coucher
jupe marine à plis, lunettes rondes, noeud de satin noir piqué dans les cheveux, nattes sur les épaules ou se balançant dans le dos
- Bompa Zef ?
dessinant un gentil poisson rouge et un joli canari jaune dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé, jouant avec des marionnettes de bois et une poupée de chiffons, sautant à la corde, suçant son pouce pour savoir d'où vient le vent, s'essuyant la bouche avec le bras
- youppie youp, les ex-gendarmes sont venus, lala lalala, ils ont pris mon fiancé, lalala lala
mangeant ses croûtes et avalant sa morve, dansant avec les feuilles mortes, tétant son tchoc-tchoc en laine, interpellant une ombre
- trois pas en avant, trois pas en arrière, lala lalala, trois pas à gauche, trois pas à droite, lalala lala, Bompa, c'est toi ?
une petite fille vient se laver les mains au filet d'eau rouillée qui se déverse en crachouillant dans la rigole de la pissotière du Busleidengang, à côté de l'entrée du Z-BAR
- ils ont pris mon fiancé, lala lalala, mais je n'en suis pas fâchée, lalala lala, car un autre le remplacera, lala lalala

une petite fille se passe la paume de ses mains sur la surface du mur, enlève des écaillures de vieille peinture au plomb, se donne la Sainte Communion, tète le soufre des allumettes, les tubes de colle et de dentifrice, sniffe, jouit

je e
j je brandis des crocs d'un rire
une poule gratte des feuilles de laitue, picore des coquilles d'oeufs, distingue une

ruiné, borgne, ép-
ilé

mouche

une p poule, sur un rebord de fenêtre, au rez-de-chaussée, picore une mouche à m rd merde à t rv travers la vitrine d'un bordel de famille, m maternel et sr surchauffé
éclairée au n néon
rose-vert
fluo

A L'AMBASSY

un type en bicyclette circulant au milieu de la chaussée
en sens interdit
salopette et béret, thermos et boîte à tartines, cigarette sur l'oreille, canette de bière à la main, sac de sport porté en bandoulière
zigzaguant, faisant du vélo sans les mains
sur une bicyclette non éclairée
un type aux doigts couverts de peinture et de sparadraps,
visitant tour à tour les différents bistrots du quartier, sifflant faux
- des gars qui sifflent sur les chantiers, y en a plus !
se raclant la gorge et reniflant, un type s'arrête devant le MACUMBA, descend de sa bécane rouillée, urine sur la façade du dancing, boitille, bute sur un pavé déchaussé, trébuche, perd l'équilibre, manque se casser la gueule sur la bordure du trottoir, se rattrape de justesse, oublie de reboutonner sa braguette

Tina de la friterie-frituur, fichu noué sur la tête, épluchant et découpant les patates, plongeant les frites dans l'huile ou le saindoux
portant des médailles de la Sainte Vierge Marie, mère compatissante, accrochées à la bretelle de son soutien-gorge avec une épingle de sûreté
glissant les gros billets de banque entre ses seins opulents, croyant au pouvoir des étoiles, Tina nettoie ses lunettes avec un mouchoir à pois

une p poule frappe au carreau
- ik ?
cacanéant, quand je suis m mort, on me transporte
s'il vous plaît ? watte ?
cris de mots secs, de noms g gobés, de boue séchée, de sangs g gg gom-
més

on ne meurt pas gratuitement
à la fin du contrat, après exécution complète du marché
q quand je suis mort
gelé, de faim, roué de coups
on me transporte
- au cercueil ! à la tombe !
on m'oblige à revenir sur scène, ss saluer r mon public ?
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
s'il vous plaît ? watte ?
danke, choukrane

il faut payer pour mourir
à l'avance, par acomptes, tous les jours

Tina la frituriste discute avec un individu
jouant avec un béret rouge et une batte de base-ball, chiquant un mégot humide qui lui boude au coin des lèvres, un militaire de carrière, un boutonneux
les grandes oreilles décollées, le menton et le front proéminents, les testicules hypertrophiés
un caporal-chef, un tueur en uniforme, un assassin professionnel, un connard, une brute, un salaud
- un défenseur de la Patrie en danger ! un croisé de l'Occident ! un servant de l'ordre établi ! un souteneur de la civilisation chrétienne ! un protecteur des traités régissant les échanges internationaux ! un Rambo du droit d'ingérence et de l'intervention humanitaire ! un conquérant de la libre entreprise et de la loi du profit ! un combattant de la mondialisation ! un héros du marché !

cris de dents rares, d'orbites cr creuses
cris de consonnes qui r rou-

deux marches et des gens qui gravissent

lent les lettres à même des g gencives en pierres sèches

- c'est comment, Zef ? hoe gaat't met je ? comment ça va avec toi ?
- alles goed, Zef ? tout va bien ? en forme ? alles in orde ?
- Zef, t'es sourd ? tu nous nies ou quoi, Zef ?

les sourds ont le droit de rire en silence, dans l'obscurité la plus totale

- ik ?
je t tousse un rire, si on cr croit
mv m'avoir
je ne réponds j jamais s

- Zef, tu n'vas pas danser ?

- ik ?
si je suis s sourd, d'accord, mais seulement d'une oreille, d'une seule oreille, j jamais de l'autre, jamais la même
cacanéant tt
et cornes de crocodile

j'entends ce qu'il me p plaît d'entendre et ce qu'ils n'osent pas dire
- à vot'bon coeur ! la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
je ne réponds jamais aux q qq questions que personne ne me p pose
plus

godverdomme
et puis s soudain j'explose, j'entre en f fureur, je lâche des g gaz, je cr crache de la lave, je pr projette des cendres
je reviens sur mes pas, je m menace et je brandis ma canne, je t trace des moulinets, je tire des f ff flèches acérées, j'acc ccroche aux branches des arbres des l lanières de cuir tr tressé
t terminées s par un nd noeud c coulant
j'accroch che e et je t tire, je m menace d' appeler la p police
j'ai des amis dans la p pp lc police ?
b bonj'oir
goeie avond d

CAFE RIO


Chez Tina
Bij Tina

je m'approche
- ik ?

Tina l'avorteuse, plante grasse, tendre et bourrue, dont un sein pèse plus lourd que l'autre
secoue une pelletée de frites au saindoux, longues de 7 à 8 centimètres, épaisses de 10 à 13 millimètres, dans sa passoire en métal
en égoutte la graisse bouillante
appelle
- Jozef !

- ikke ?
je dis b bonj'oir, que je suis Zef f ff
bonj'oir, n'avend
mel'si

quand je suis v vieux, je m'appelle Zef et si j'étais cul-de-jatte

elle en égoutte la graisse encore bouillante
- des frites, Jozef ? un cornet ou un ravier ? un grand ou un petit ?
- non, peut-être !
- un cornet, Zef ? ou un ravier ? un grand ou un petit ?
- un cornet, Tinneke ! un grand ! et pas trop cuites, meï !
et si j'étais cul-de-jatte, s si je jouais s de l'accordéon n je m'appelerais Juju ?

- avec quelqu'chose, Jozef ?
Tina, son fichu noué sur la tête
- avec beaucoup d'sel et d'la sauce tartare, Jozef ?

Tina m m'aime bien, du moins elle me sp ssp supporte, c'est sa façon
je g grumine
je gr grumine et j'attends s - ja zeker, meï !

BIJ TINA

Tina sert un ménage de teckels à poil dur, unis par les liens sacrés du Mariage, entretenant des relations sexuelles en période de fécondité en vue d'une procréation rapide, élevés dans le droit chemin de la Race, de la Croix, de l'Epée, de la Banque et du Drapeau, sachant dissimuler aux yeux du vulgaire la répulsion définitive et réciproque qu'ils éprouvent l'un pour l'autre, sortant du Z-BAR
où la canaille vient s'embourgeoiser et la bourgeoisie s'encanailler

ayant été piqués par le Saint Démon de la Divine Tentation ?
cherchant à comprendre les comportements du bas peuple ?
en empruntant, à cet effet, les rites récréatifs et les habitudes alimentaires ?
curiosité humanitaire, joyeuse entrée, expédition anthropologique, espionnage de classe, voyeurisme ordinaire, exhibitionnisme discret, exploration du monde, training électoral ?

des jeunes gens d'excellent pedigree et de bonne éducation, faisant partie des 0,3 % des ex-Belges qui possèdent 50% de la fortune nationale et se marient entre eux, bagués dès leur naissance, mettant un soin particulier à tenir leur rang, ayant quelques introductions à la Cour, entretenant des affinités certaines avec les mondes politique, ecclésiastique, agro-industriel, financier, pénitentiaire, vétérinaire, judiciaire, artistique, journalistique, culinaire, militaire, pharmaceutique, diplomatique, européen et policier
mangeant des frites, debout, sous un auvent

Orval, Grégoire-Yveric, Raphaël-Aurélien, Antoine-Evrard, Vincent-Léopold, Reginald-Brice, Hans-Adam, Gerhard-Johan, Toussaint-Ghislain, Philippe-Edgar, Blaise-Philippe, Juste-Michel, James-Patrick, Jacques-Ulrich, Ronald-Andrew, Gregory, Aymar, Amaury, Aymeric, Balderic, Diederik, Ludovic, Wolfgang, Krzysztof, Carlos, Wenceslas-Gaston, Léo-Ferdinand, François-Ferdinand, François-Albert, Viktor-François, Willem-Alexander, Morgan-Ayres, Gérard-Paul, Gédéon-Otto, Ernest-Antoine, Karl-August, Marc-Aurèle, Alfred-Charles, Jean-Charles, Charles-Aymon, Charles-Henry, Henry-Claude, Claude-Emmanuel, Rodolphe-Arnoud, Adrien-Lionel, Geoffroy, Josselin, Tanneguy, Nikolaas, Maximilien-Frederik, Pierre-Anne de la Sèche Mare, membre de la Conférence de Saint Vincent de Paul et chevalier de l'Ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem depuis le XIIe siècle, sous-lieutenant de réserve au 1er régiment de Guides, possédant des participations dans le groupe chimique Solvay et l'entreprise pharmaceutique UCB, appartenant à diverses sociétés royales de lawn-tennis, la voix nasillarde et le zézaiement distingué, dressé pour le polo par un précepteur castré, protecteur de la nature, s'intéressant à la vie intérieure secrète et aux comportements ludiques des animaux de compagnie, perché sur les plus hautes branches de son chêne généalogique, aimant les kermesses moyenâgeuses et les défilés folkloriques, portant une fleur à la boutonnière, prenant le thé à cinq heures et le whisky à sept, posant dans les salons lambrissés de son hôtel particulier sous un crucifix gravé à ses armes, parmi les livres et les tableaux, les tabatières en ivoire et les vases en porcelaine, les portraits en pied et les bustes de ses ancêtres, les meubles encaustiqués, les pendules, les lustres et les dorures, les ors et les cristaux, les épées d'apparat, les tissus bordés de perles, les tapisseries anciennes, la vaisselle en argent et le service à thé
ou devant la superbe cheminée de marbre de la salle des Glaces du manoir de son illustre famille
qui se glorifie d'avoir donné un prélat au Royaume, des ambassadeurs et des champions de golf et de bridge, des administrateurs coloniaux, des présidents de conseils d'administration, un maréchal de la Cour, des ministres, des généraux, des gouverneurs, des sénateurs, des députés, des bourgmestres, des chanoinesses, des gourgandines et des bâtards royaux, des pères jésuites, des yachtmen, des archéologues et des académiciens d'art et d'histoire
et qui célèbre la musique d'inspiration celtique, le gui sacré, les faines et les glands, la chouette chevêche élisant domicile dans le tronc des vieux saules, le druide et l'hydromel, la fleur de lys et le dix-cors

le bouton d'or n'est pas comestible, même un lundi, même en avril

Orval de la Sèche Mare, exposant à ses pairs que le sida et la tuberculose, nnn'essst-ccce pppas, ne se transmettent guère par le piano ou le violon, nnn'essst-ccce pppas, mais plutôt par l'harmonica et l'accordéon, nnn'essst-ccce pppas, s'investissant dans le monde associatif équestre, étudiant les moeurs des populations en déclin, participant à un programme de reproduction des espèces végétales menacées d'extinction, considérant que 1789 et 1917 sont des articles du code criminel, observant qu'il vaut mieux se noyer dans une piscine à Uccle que d'être jeté dans le canal de Charleroi, attaché au développement de la pratique des armes et à la promotion des valeurs écologiques de l'escrime
en plein air, dans le parc du château
maniant le paradoxe qui déconcerte, lançant l'allusion qui blesse, décochant la saillie qui assassine
et dont l'aptitude à jongler avec les phrases vipérines, fourrées de perfidie, ne laisse pas de surprendre

depuis longtemps déjà
un problème est assis au bord de la route et regarde sa montre
il attend

Orval et sa bécheuse
Adeline, Alexia, Liesse, Liévine, Anne-Sophie, Anne-Friederike, Anne-Emmanuelle, Valérie-Anne, Marie-Anne, Marie-Elyane, Marie-Aglaé, Marie-Morgane, Marie-Pauline, Marie-Caroline, Maria-Isabella, Britt-Marie, Gentiane-Marie, Marie-Marie, Cassiane, Cédrique, Cléomire, Romane, Laetitia, Aurélia, Albina, Olivia ,Guénola, Priscilla, Clotilde, Colienne, Eugénie, Jehanne, Jean-Maureen, Alsace-Lorraine, Henriette-Aimée, Elsebeth-Elfriede, Mathilde-Blanche, Régine-Christyn, Aude, Inès, Yseult, Garance, Guillemette, Gwendoline, Gaëtane, Eglantine, Ombeline, Amandine, Capucine, Ondine, Ursuline, Daphnis, Yoanna, Ludmille, Lutgarde, Theodora, Alexandra, Ariane, Isis, Ingeborg, Benedikte, Engelberte, Cayetana, Jacquette, fille adultérine de la riche héritière d'une famille de hobereaux fransquillons reconvertis dans l'industrie agroalimentaire et d'une Personne Royale dont il convient de taire le nom, élevée par une nurse anglaise, ancienne cheftaine d'une meute de louveteaux de pure race, animant des goûters de charité dans des maisons de retraites et des hôpitaux gérées par des révérendes mères issues de la bonne société, appréciant l'atmosphère chaleureuse des galas philanthropiques et des tournois de bienfaisance, des vernissages et des pique-niques sur les gazons anglais, les dessous distingués et les bijoux à particule, les anecdotes savoureuses et les souvenirs émouvants
allergique au latex des préservatifs, à la vaseline et aux crèmes lubrifiantes mais sachant composer les menus, assortir les nappes et les ronds de serviette, dresser la liste des invités, disposer les places à table, donner des instructions au jardinier et confectionner des bouquets, choisir les fournisseurs
- Marks & Spencer pour les chutneys, Rob pour les mangoustans et le foie gras, Wittamer pour les massepains ! ils sont certes hors de prix mais leurs produits sont définitivement sublimes !
apprenant à ses gens à servir le champagne dans des flûtes et le cognac dans des ballons, passant beaucoup de temps à faire du shopping dans d'élégantes galeries marchandes, ayant toujours un chapelet et une pince à épiler dans son sac, ne dédaignant pas d'apparaître dans les réceptions mondaines où le crédit bancaire, les portefeuilles d'actions cotées en Bourse et les titres de noblesse reconnus et respectés déterminent les préséances
chasseresse confirmée, se plaisant à tordre, à mains nues, le cou d'un faisan blessé
mélomane avertie, se plaisant à écouter jouer du violon
aimant assister à des funérailles concélébrées dans des églises gothiques et s'y faire voir dans ses plus belles toilettes de deuil, reconnaissant toutefois ne plus fréquenter assidûment ces lieux
- envahis par le tout-venant ! on y trouve un peu n'importe qui ! et puis, vous avez vu, mon ami, ces toiles qui se craquellent, ces panneaux qui se fissurent, ces pierres qui se descellent, ces murs qui se lézardent, ces taches noires qui apparaissent, ces champignons qui fructifient ?
faisant collection de timbres et de bijoux, de scarabées en argent, de boules à thé, d'horloges en forme de lyre, de statuettes en verre, de tablettes à mosaïques, de caniches en porcelaine, de bouchons de carafes en cristal et de bouddhas laqués recouverts de feuilles d'or, participant aux rallyes de berlines et de cabriolets dans les collines de l'Eifel, éprise de haute couture, de cuisine moderne et de tourisme ethnique
ne buvant que de l'eau capsulée, ne mangeant que des fruits pelés, ne suçant que des bonbons emballés sous vide, évitant tout contact avec les poignées de porte et les mains de petits vendeurs qui pourraient être souillées par des germes fécaux, jetant des piécettes aux autochtones qui plongent autour des navires de plaisance pour les repêcher
leur demandant de rire de toutes leurs dents
prenant des clichés zoologiques
faisant l'objet des soins attentifs d'une manucure, d'une pédicure, d'une décoratrice d'intérieur, d'un installateur de piscine et d'un confesseur
ayant, dans sa jeunesse, été mordue à la gorge par un cheval sous ecstasy alors qu'elle en caressait un autre
ou par un chien de garde, nourri au chanvre congolais, qui avait réussi, en creusant le sol, à se glisser sous le grillage de son enclos
se plaisant à donner à une petite fille le foulard qu'elle porte autour du cou pour dissimuler sa vilaine cicatrice
l'altruisme faisant partie de son éducation
gloussant de se trouver si généreuse
portant à la connaissance de son époux qu'elle n'a absolument plus rien à se mettre et l'invitant à lui offrir ce châle de soie, dans des teintes ocres ou fuchsia, ou ce manteau de pur cashmere d'Ecosse ou de Mongolie, avec un col et des poignets de velours, tissé en véritable poil de chèvres
égorgées avec tendresse, non stressées
qu'ils avaient vus, ensemble, la semaine passée, jeudi dernier, en fin d'après-midi, dans la vitrine d'une boutique de mode et d'articles de luxe, en promenant leur caniche ou leur lévrier dans un passage couvert du haut de la ville
- je sais que je peux compter sur vous, mon ami

les pauvres contrastés et les peuplades bigarrées
on ne leur demande pas leur bristol
on les photographie

des jeunes gens de bonnes manières et de bon placement, séparés par un vitrage pare-balles et se parlant par interphone, s'interdisant les contacts oropharyngés, refusant d'éprouver du plaisir conjugal, s'abstenant de tout rapport sexuel qui ne réponde pas expressément à une finalité procréatrice autorisée par Notre Seigneur Jésus-Christ
s'efforçant néanmoins de donner l'image avenante et moderne d'un couple épris et très soudé, rentrant à la maison pour procéder à des ablutions nocturnes et à des actes de dévotion, prenant le risque d'être reconnus en train de manger
- des frites ! dans une gargote ! avec les doigts !
- jjj'espppère qque vvous nn'en êtttes ppas offfusquée, tttrès chcchère, jjj'avvvais unnne pppetite ffffaim ? se risque-t-il, avec audace et componction, une botte anglaise, à revers, mieux cirée que l'autre
la cravate de chasse triturée nerveusement, fermée par une épingle en or
- oh que non, mon ami !
- mmmmmais vvvous nnnne mmmangez ggguère, vvvous nn'avvvez pppoint d'appppétit ? bégaie-t-il, avec affectation et fermeté, se retenant de porter un noeud papillon pour ne pas ressembler à un garçon de café
craignant de s'aliéner l'aristocratie charbonnière, métallurgiste et francophone du XIXe siècle et les anciennes dynasties lainières de la région verviétoise par une politique de rapprochement avec la bourgeoisie agro-industrielle, informatique et biotechnologique flamande du XXIe siècle
- je suis très fatiguée, j'ai très mal à la tête, se prépare-t-elle, la petite chérie, à refuser d'accomplir son devoir conjugal
et n'ose-t-elle confesser, l'ancienne élève du Sacré-Coeur du Berlaymont, qu'elle a foutrement mal au bide, qu'elle souffre de sécheresse vaginale et qu'elle n'est pas en période de fécondité
- ouais ! qu'elle a ses klottes, quoi ! comme une caissière d'Aldi, une infirmière de nuit ou une hôtesse de l'air, une vendeuse de Marks & Spencer ou une ouvrière de la FN, quoi !

- qquoi dddonc, ttrès chchchère ? vvvvous nnne sseriez ppas dddisposée à mmme rrrecevoir ?
- j'en suis désolée, mon ami, vraiment désolée !
- pppuis-jje vvvvous sugggggérer ddde ppprendre unnne tttisane ddde cammmmmomille ?
- à quel effet, mon ami ?
- jjjess sssuis ppppersuadé qqque ccela vvous fffera llle pplus ggggrand bbbbbien, trrrtrès chhhèrre !
- je vous l'accorde, mon ami, je vous l'accorde !

CHEZ TINA

et puis des religieuses faisant le signe de la croix pour chasser les esprits malins, s'accrochant à leur parapluie, le vent leur gonflant les jupes, ressemblant à des vautours
des Ma Soeur en tchador, préposées à la garde sourcilleuse d'un troupeau de jeunes filles en capeline sombre
choristes de tragédies de patronage
- une deux ! une deux !
qui vont où, qui sont très pressées, qui viennent d'où, en rang, par deux

et Mademoiselle Juliette, en religion Soeur Philippe-Marie, adoratrice du Saint-Sacrement, les doigts mordus, les seins sucés et le cul piqué par des puces de missel
ayant basé sa vie sur le rencontre avec Dieu

Dieu est un kakerlak
l'haleine pestilentielle, la barbe blanche peinte au jaune d'oeuf, des restes de nourriture coincés entre les dents

- Comment va notre Seigneur ce matin ? Dieu a-t-il fait de beaux rêves ? Dieu boira-t-il une tasse de thé au lit en parcourant la presse quotidienne et en dépouillant son courrier ? Dieu n'a sûrement pas oublié de prendre ses gouttes et ses comprimés ? Dieu a-t-il mangé avec appétit ses croissants au beurre et siroté son jus d'orange ? Dieu a-t-il fait son petit rot ?
déformée par plusieurs grossesses mystiques
gouine maquerelle puisant dans la Contemplation du Coeur Sacré de Jésus la force d'accomplir sa mission, de manifester et de répandre l'amour miséricordieux

Dieu se cache derrière le frigo
chaque fois que je l'extermine
trois jours après, il ressuscite


Soeur Philippe-Marie passe commande à Tina, d'un ton péremptoire
- des frites, s'il vous plaît !
- ...
- un seul cornet, ça suffira !
- ...
- pour tout le monde, évidemment !
- ...
- à quarante befs (environ 1 euro), très peu de sel, pas de pickles !
- ...
- pas de sauce, madame ! rien qui pique ! surtout pas ! s'il vous plaît !

Soeur Philippe-Marie compte ses sous en se servant de son chapelet
et s'inquiète de voir approcher un groupe de students
en vadrouille, chopes à la main, défoulés, défoncés, débraillés, achevant d'honorer la quatrième station de leur chemin de croix nocturne
- skooool ! santeï !
attirés par les rires et les piaillements des petites, se taisant, s'immobilisant, levant une patte, dressant l'oreille, observant l'assemblée, ricanant, interpellant les mignonnes, se débraguant, exhibant leur biroute, s'avançant lentement en direction de la troupe
qui rigole, s'affole, se disperse, s'égraine, s'égaille, se débande, s'éparpille

Soeur Philippe-Marie se prend à paniquer
- Coeur Sacré de Jésus, ayez pitié de nous !
s'agite, brandit son chapelet et son parapluie, lance des ordres
- ne riez pas comme des cruches, mesdemoiselles ! n'adressez pas la parole aux garçons ! ne les regardez pas ! ne leur répondez surtout pas ! il est interdit aux dames de parler à des hommes qui ne leur ont pas été convenablement présentés !
presse les jeunes filles de se mettre en carré, en tortue ou en hérisson pour résister à l'assaut des soudards
- regroupez-vous, mesdemoiselles ! rassemblez-vous ! serrez-vous les unes contre les autres ! donnez-vous la main ! baissez les yeux ! rentrez les épaule ! courbez la tête ! faites le gros dos ! pincez les lèvres ! fermez les jambes ! bloquez les fesses !
s'esclaffant, hésitant, s'étonnant, oscillant, se tâtant, haussant les épaules et décidant de laisser tomber
- opgepast, gevaar ! la mère abbesse a ses vapeurs ! y faut faire gaffe ! on risque de recevoir des coups d'ombrelle !
poursuivant leur chemin, riant à gorge déployée, reboutonnant leur braguette, entrant au Macumba, se commandant la cinquième bière de la soirée
- skooooooool !

- Loué soit le Seigneur !
Soeur Philippe-Marie cesse d'angoisser, décompresse, lâche quelques gouttes d'urine au fond de sa culotte
et se reprend aussitôt, s'impatiente, interpelle la frituriste avec sévérité
et autorité
- s'il vous plaît, elles sont bientôt prêtes vos frites, madame Tina ? il faut combien de temps pour attendre ici !

des religieuses
et des orphelines
des filles du péché, enfants cachées de mères honteuses, enfants de l'inceste et du viol, enfants de prêtres, de patrons et de flics
des balles-perdues nées dans le secret des couches, placées dans des couvents, enfermées dans des dortoirs divisés en alcôves
revenant d'une tournée de charité chrétienne
ayant obligé les enfants cancéreux à se casser les dents sur des morceaux de cougnous rassis gracieusement offerts par le boulanger-pâtissier-bedeau qui tient boutique en face de l'église du Christ Ressuscité
s'étant rendues au domicile de vieillards grabataires, ayant visité les malades et tourmenté les agonisants, ayant fait don de choux-fleurs défraîchis et de pommes de terre blettes aux indigents
et de luzerne
et de foin
et de pulpes de betteraves
et de chutes de saumon et d'abats de volaille achetés au kilo qui ne répondent plus aux normes sanitaires et commerciales en usage dans les Etats membres de l'Union Européenne
ayant servi des gobelets de soupe aux fèves à des clochards assoiffés de bière blonde et de gros pinard
ayant appris les usages du monde à ceux qui transgressaient avec ostentation les règles de la bienséance et de la pudeur et ne voulaient pas attendre leur tour
- faites la file, s'il vous plaît ! il y a des gens devant vous !
ayant distribué des tartines de margarine
et moriginé sans indulgence ceux dont la faim débordait, refoulait, dégorgeait, basculait
- veuillez vous calmer, s'il vous plaît ! notre patience est à bout ! veuillez prendre la file ou quitter immédiatement les lieux !
ayant houspillé ceux qui ne mangeaient pas assez vite et leur ayant fait comprendre avec fermeté qu'ils devaient rapidement céder leur place aux nouveaux arrivants
- s'il vous plaît ! ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on ne doit pas penser aux autres !

ayant apporté la bonne parole et d'utiles secours aux pauvres de la paroisse, des religieuses et des orphelines se signent et s'en vont rapidement
- une deux ! une deux ! une deux !
les yeux baissés, le regard furtif et glissant, des limaces leur coulant du nez
pugnaces, tenaces, voraces
amères

les limaces et les escargots
détestent fixer Dieu dans les yeux

des religieuses disparaissent avec leur troupeau d'orphelines, d'abandonnées, d'illégitimes et de déshonorées
frappant les retardataires avec une brosse à cheveux, ordonnant à leurs pupilles de marcher en silence
- une deux ! une deux ! taisez-vous, mesdemoiselles ! serrez les rangs, s'il vous plaît ! si vous ne vous taisez pas, comment voulez-vous entendre la voix du Divin Sauveur ?
leur rappelant qu'un demi-milliard de chinoises n'ont pas eu la chance d'être baptisées et qu'elles ne portent pas de prénoms de saintes
dont la vie exemplaire ne leur a pas été proposée en exemple
leur enseignant la crainte du châtiment éternel, la contrition, le renoncement, la modestie, la gratitude, le pardon des offenses, le sacrifice de soi et l'excitation manuelle des parties génitales
- je vous remercie de ne pas sourire quand je vous parle, mesdemoiselles !

chaque bougie doit pouvoir s'adapter au chandelier qui la convoîte

q qui vont où ?
j'ai les dents d'un pirate, ppp peintes en noir, peintes en tr trou, j'attends nds
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
dank u u

IMPASSE DES DES CHUCHOTEMENTS

ménagères, ayez du coeur
ménagères, mangez des sandwiches fourrés à l'emmenthal et à la souris grise

regardant sa montre
assise sur le tronc d'un vieil arbre abattu, au fond d'une impasse
tapant très fort sur les touches d'un piano
la mort raconte la vie des hommes

j'attends, je m mets des linges fermenter dans des c cuves, des aines et des aisselles
je gr grumine
- un seul passé, manneke, la mort !
j'introduis des fièvres r rares s et des esprits mauvais dans la c cavité abdominale d'une statuette en bois, dans la coquille d'un oeuf g gobé, percé à l'aide d'une tr très longue et très fine tige de br bronze
je les cache et je les nourris, s subrepticement, eh
j'attends
bbb bonj'oir, n n'avend d
g goeie avond


une cliente à Tina
Tantine Gudule
cheveux de paille sèche, sourcils mauves surlignés
Tantine Gudule, portant des bas dont les mailles filent, ayant oublié de se couper les ongles avant d'enfiler des voiles lycras transparents
exposant ses problèmes
- j'ai mal mon dos !
racontant ses salades, ses pieds lourds, ses cuisses gonflées, ses fesses tombantes et boursouflées, son ventre ballonné, sa serviette hygiénique qui glisse, son chien Bobby qui n'aboie plus depuis longtemps et qui fait ses besoins où ça lui plaît
- mon chien va où il veut !
son chat Petit Lu qui mange le beurre sur la table et ramène des souris grises dans la gueule, son perroquet rose et son pigeon vert, ses petites nouvelles qui ne connaissent pas encore le métier, ses vieux habitués qui viennent la voir une fois par semaine
- on s'attache, savez-vous, Madame Tina !
et ses étudiants en duffel-coat qu'il faut encore fidéliser
se plaignant
- ma ceinture de mon panty ne me serre pas suffisamment, Madame Tina, ma culotte me descend et mes jambes me forment des plis, savez-vous !
montrant le Zef du doigt
- het is zoals ik het zeg, Mevrouw : waar gaat het naartoe ?
une cliente à Tina, Tantine Gudule, s'indigne et donne des leçons de civisme et d'hygiène sociale
- il n'avait qu'à, Madame

je n'avais q qu'à trv travailler r rr, tout de m même

- c'est comme je vous m'le dis, Madame : où allons-nous, Madame ? il y a des valeurs qui se perdent ! on vit dans un triste temps quand même ! il n'y a plus de saisons !

t tout de même
qu' à trv travailler quoi, comme elle q quoi uoi

- il n'avait qu'à monter une entreprise, tenir une épicerie, faire des ménages, balayer les trottoirs, laver les cadavres à la morgue, exploiter un café de nuit ou une attraction foraine, distribuer le courrier dans les villages, descendre au fond des mines, décharger les navires, prêter ses fesses aux prêtres, renseigner la police et l'aider à retrouver les criminels, ouvrir un salon de coiffure pour chiens, vendre des journaux à la criée, aller aux champignons, garder un troupeau de chèvres ou de moutons, planter des carottes et des pommes de terre, fabriquer des cierges d'autel pour les églises, faire la plonge dans un restaurant italien, tourner la manivelle d'un orgue de barbarie, protéger les filles, cogner sur les grévistes, que sais-je ? s'occuper, quoi ! s'activer, quoi ! se rendre utile, quoi ! faire preuve d'initiative, quoi ! réintégrer l'économie marchande, quoi ! contribuer au développement du pays, quoi !

s'il vous plaît ? watte ?

- quand on veut, on peut !

ploeg vroeg

je p pousse un r rr rire tubard, kraaah
joder
je pète une t tt ttt toux pointue, je l'g gg aiguise, dont je larde, pique, grf griffe, lacère, njct injecte
n n'avend
bonj'oir

Tina, fichu noué sur la tête, épluchant et découpant les patates
portant des médailles de la Sainte Vierge Marie mère compatissante accrochées à la bretelle de son soutien-gorge avec une épingle de sûreté, glissant les gros billets de banque entre ses seins opulents, ayant abandonné toute activité sexuelle depuis déjà longtemps, croyant au pouvoir des étoiles et consultant les rebouteux, aimant les poissons bien rouges et les plantes bien vertes, Tina tricote
en attendant les clients
et fait des mots fléchés pour passer le temps et maintenir son esprit en bon état de marche
Tina m'm aime bien, tous les samedis c'est sa fille qui la r remplace
l'huile de fr friture et la mayonnaise lui g graissant les doigts et lui dégoulinant sur les p gn poignets, le v visage d fgr défiguré par l'acné, les br bras aussi g gros que les cuisses d'un ch champion cycliste
- bloempot ! blinkduus !
la poitrine fc féconde, les pis douloureusement gnf gonflés, un sein nt tombant plus bas sq que l'autre
retouchant son m maquillage, r mnt remontant les bonnets de son soutien-gorge p rf parfumé à la vanille, renouant un ch chignon qui se d défait sans c ss cesse

Tina la frituriste tricote une petite laine
avec une tringle à rideau, une branche de saule, une baleine de parapluie, un fémur de poulet
pour soigner ses rhumatismes articulaires
et suinte de gentillesse
bougonne

Tina, les s samedis sa fille la remplace e
- voeil teif ! bloemkul !
je la dégoûte, sa fille et l'individu qui la tr trique et qui la t trait, sa fille
les manières de c cet individu
la façon qu'il a de lancer son b bb brt béret t rouge en l'air et de faire tr tournoyer sa batte de base-ball
les cheveux g gominés, le mg mégot au coin des lèvres, le cul américain
un m militaire de c rr carrière, un b tn boutonneux
un para ex-b belge en Corée, au Congo, au Rwanda, en Bosnie, en Somalie, en Albanie, au Kosovo
les g grandes oreilles décollées, le menton et le front pr proéminent nts
les t tt testicules hypertrophiés
s'il vous plaît ? watte ?
danke

Tina l'avorteuse ramasse les sacs en plastique, les canettes de bière vides, les sachets de frites froides, les couches-culottes sanglantes, les capotes merdeuses et les papiers gras que les clients ont laissé tomber par terre, les ramasse et les jette dans la poubelle

choukrane
des mégots de conversation, je les r ramasse et je les r roule e
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
b bonj'oir, n'avend
- à vot'bon coeur !
goeie avond
nu comme un escargot ayant p perdu son sac à dos, je f fouille également les tas de détritus, à l'aide de ma c canne, à la recherche d'une ancienne vie, d'un livre d'images pieuses, d'une ph photo jaunie, d'un b billet de banque fr froissé, d'un bulletin d'école p pr primaire, d'une ép pingle de nourrice, d'un bouton de br braguette, eh
du s stérilet, des sprays désodorisants, des serviettes hygiéniques, des bains mm moussants, des crèmes sp spermicides, de la lq laque et du g gel, des pr préservatifs spr aspergés de quelques g gg gouttes de lubrifiant nt à la banane ou à la fraise et autres outils de tr travail d'une petite Marie ayant ap appris à aimer v vv vite et sans ef efforts, tout le monde et sans ef effets secondaires, se pr stt prostituant tout au f ff fond d'une impasse dans un q qrt quartier de nuit pour gr grandir plus vite et s bv subvenir aux besoins de s sa famille
gr grenouilles c cc coassant nt dans les m marais, cri criquets ts st str sstr stridulant dd dans les pr pr pr prairies, eh

les c nt conteneurs et les bacs à ordure, les lieux d'aisances et les f fosses communes des hospices de vieillards gr grabataires, les p poubelles des ordinateurs s
- bien gentil ! bien aimable !
à la recherche de rêves ss assassinés
je f fouille e
s'il vous plaît ? watte ?
danke

la fille de Tina a
- bloemkul ! voeil teif !
je f fouille et, q quelquefois, furtivement, je découvre et j je ramasse, f ff furtivement nt, une t touffe de ses ch cheveux ccr accrochée à un hameçon, des r gn rognures d'ongles, des p poils p pubiens
un kleenex, barbouillé de sp sperme poisseux et de rouge à lèvres
- impek' !

BIJ TINA

- dans la troupe
des chefs scouts frôlent les façades illustrées des bars, frôlent et regardent, gloussent, jargonnent, claquettent
- y a pas d'jambes de bois !
de grands dadais, en culotte courte, sournoisement, tapotant les fesses et tripotant les couilles des petits garçons, se commandent des frites, entonnent
- pour la tradition ! contre le concile de Vatican II et l'abandon des valeurs familiales, raciales et boursières ! contre la culture de l'impunité ! contre l'administration de sédatifs qui combattent la douleur ! contre le port de la minijupe, l'usage de la capote et du stérilet, les bandits manchots, le chanvre congolais, la mendicité dans les couloirs du métro, le désordre des familles et l'immoralité publique, la pilule abortive RU 486, l'impôt sur la fortune, le droit de vote des immigrés, l'euthanasie, les grâces collectives, la consultation de sites à contenu sexuel sur Internet, la célébration du carnaval, l'enquête sur l'assassinat de Lumumba, les discriminations positives, la publicité sexuellement agressive, le téléphone cellulaire et le four à micro-ondes, l'interruption volontaire de grossesse et la dépénalisation de l'avortement, la réduction de la surpopulation carcérale, le divorce des hétérosexuels et le mariage des homosexuels qui transgressent la loi divine, les écoles mixtes, les cours d'hygiène et de sexologie dans les séminaires ! contre tout relâchement de l'effort d'assainissement des finances de l'Etat ! pour une gestion rigoureuse des établissements publics et le recouvrement forcé des sommes dues par les lépreux et les cancéreux qui tombent malades plus gravement qu'ils ne peuvent se le permettre, désertent l'hôpital et abandonnent les soins ! contre l'adoption d'un enfant par le concubin de sa mère divorcée ! contre les libéralités consenties au concubin adultère ! contre la vente de cigarettes et de boissons alcoolisées aux femmes et aux ouvriers ! contre l'installation de centres d'accueil pour candidats réfugiés politiques dans les beaux quartiers de nos riantes communes périphériques ! pour la défense de la propreté des villes et l'instauration d'un légitime sentiment de sécurité au sein de la population autochtone ! pour la fermeture nocturne des parcs publics ! pour la suppression des bancs où se retrouvent les amoureux, les clandestins et les dealers ! pour la libre circulation des oiseaux-gibiers migrateurs ! pour la réintroduction de la tenderie et la capture des pinsons ! pour l'affirmation du droit des patients à la souffrance rédemptrice ! pour le renforcement du pouvoir des concierges et des surveillants ! pour le contrôle sanitaire des frontières afin de diminuer les risques épidémiologiques liés à la mondialisation ! pour le fichage des contagieux ! pour la mise en bière immédiate des personnes décédées de la peste des chiffonniers, de la rage, de la lèpre, de la syphilis et du sida ! pour le renvoi des mineurs devant les tribunaux pour adultes ! pour la castration des délinquants sexuels ! pour la distribution d'images pieuses aux enfants des écoles laïques ! pour le retour à l'ordre moral ! pour la plus grande gloire de Dieu ! pour la vivisection des pigeons bisets et des chats marrons ! contre l'affaiblissement de la vie religieuse ! contre la tolérance destructrice des valeurs morales de l'Occident chrétien ! contre l'Empire du Mal !
des chefs scouts d'une paroisse du Christ Ressuscité ou d'un collège Notre-Dame, élevés dans l'amour du Seigneur, appelés à sauver les bases spirituelles de l'Europe des Nations et les valeurs morales du Catholicisme et de l'Otan, du Commerce et de l'Industrie, frôlent et regardent, gloussent, braient, cacardent
- contre la décadence et le laisser-aller ! contre la dégénérescence ! pour la béatification de Monseigneur Marcel Lefebvre, la sanctification de l'Opus Dei, de Maurice Papon, de Léopold Deux, de Margaret Thatcher, de Karol Wojtyla et d'Augusto Pinochet Ugarte ! pour la réduction du coût du travail et la responsabilisation des chômeurs ! pour la pureté de la langue française, de la race blanche et des jeunes filles de bonne famille ! contre l'interdiction de la chasse à courre ! contre la suppression des devoirs à domicile ! contre la pratique de jeux de ballon sur les places publiques et dans les squares de la ville ! pour la récitation de prières en famille, durant neuf jours, en faisant glisser entre ses doigts les grains d'un rosaire dans l'intention louable d'obtenir une grâce particulière ! contre la récupération de pièces détachées sur des cadavres de race indéterminée et de religion inconnue ! pour la multiplication des contrôles de police dans les cités de logements sociaux ! pour l'imposition d'un couvre-feu aux adolescents ! pour la baisse des impôts et l'augmentation des dépenses militaires ! pour le rétablissement de la Sainte Peine de Mort ! pour la restauration de la toise et de l'aune, de la pinte, de la corde et de la lieue de poste ! pour l'interdiction des relations sexuelles avant le mariage, l'abattage des chiens errants et la femme au foyer ! pour l'abstinence sexuelle des divorcés remariés qui souhaitent régulariser leur situation avec la Sainte Eglise ! pour le port obligatoire des bottines et des bas noirs, de la gaine et de la combinaison, de la voilette et du chapeau ! pour l'installation de logiciels de filtrage et de robots munis de caméras à infrarouge tirant au pistolet sur les cambrioleurs ! pour l'huile de foie de morue, le développement séparé des races, l'expulsion des réfugiés économiques et des demandeurs d'asile social, la protection de la faune et de la flore, le bonnet d'âne, l'apprentissage de la discipline et de la hiérarchie, les punitions corporelles, l'emprisonnement des élèves qui sèchent les cours de gymnastique et de religion chrétienne et passent l'après-midi au chaud dans les laveries automatiques du quartier, les privilèges de l'âge et la famille nombreuse, le déshéritement des enfants du péché, l'abolition de l'impôt sur les revenus de l'épargne et de l'investissement, la multiplication des rondes dans les jardins, les couloirs et les ascenseurs des immeubles résidentiels ! pour les Oeuvres de Bienfaisance et l'aumône librement consentie ! pour le droit à la vie des foetus mongoliens ! pour le droit des malades incurables à mourir dans leurs excréments ! pour la défense des valeurs judéo-chrétiennes de la famille ! pour la propagation de la vraie foi et la conversion des infidèles ! pour la répression des mauvais instincts par la crainte salutaire du bagne ! pour l'augmentation de la capacité d'accueil des prisons et l'allongement de la durée des peines ! pour une justice plus répressive et plus expéditive ! pour la sûreté de l'Etat et la défense de la Patrie ! contre Odell Barnes et Giordano Bruno ! contre la déformation des consciences ! contre la culture gay ! contre Louise Brown et la fécondation de l'ovule en dehors du corps de la femme ! contre la procréation assistée par ordinateur ! contre le droit à l'enfant des couples homosexuels ! contre la femme au volant ! contre les filles en baskets et les curés en pull-over ! pour la libération des forces du Marché !

des chefs scouts de bonne extraction
gardiens de nos institutions royales, politiques, ecclésiastiques, agro-industrielles, financières, pénitentiaires, vétérinaires, familiales, raciales, judiciaires, artistiques, journalistiques et gastronomiques, militaires, pharmaceutiques, diplomatiques, européennes et policières
défenseurs de la vraie foi à travers la messe de Pie X
des chefs scouts frôlent les façades illustrées des bars, gloussent, graillent, carcaillent
mangent des frites, frôlent et regardent, gloussent, glougloutent, glapissent
frôlent, dans des parcs publics pour enfants de riches
pour chiens de riches
pour bonnes de riches
pour vieux de riches
pour handicapés de riches
des chefs scouts, très catholiques, sachant faire le baisemain aux carnavaleux, déguisés et travestis que Sa Sainteté l'Evêque de Rome a daigné élever à la prélature
adeptes du port de la cornette et de la calotte, de la chemise de nuit en coton, des jeux de piste, des camps de survie, de la masturbation en patrouille et des offices religieux en latin liturgique
friands de romans édifiants

des chefs scouts patriotiques
interpellés par une petite fille
- personne ne veut jouer avec moi ? personne ne veut m'gratter le dos ?

et Lapin Malicieux, l'abbé ayant en charge la vie spirituelle de la troupe, bénissant, agitant un trousseau de clefs
en soutane et col romain, homme de culture et de modernité, attaché au sens caché des choses, s'efforçant de conciler ses recherches spirituelles de haut niveau et la nécessaire satisfaction de ses besoins et de ses pulsions, amant du Beau, amateur de vieilles deuches millésimées et d'aquarelles anglaises du XIXe siècle, faisant commerce d'objets de bondieuserie revendus très cher aux parents des Communiants
- pour le Pape ! pour nos Missions en Afrique ! pour achever la construction de la Basilique de Koekelberg ! pour nos Bonnes Oeuvres ! pour nos pauvres ! pour le clergé du Rwanda ! pour sauver le pays du danger communiste ! pour la grossesse des princesses Mathilde et Masako !
un abbé, issu d'une famille catholique très impliquée dans la vie pastorale, enfant nombreux, élevé dans le tabou de la sexualité, anxieux et dépressif, assidu à la prière
portant toujours sous le bras une bible annotée de la main d'une personne pieuse de son ascendance
dont l'Eglise catholique a su reconnaître les mérites et les vertus et que l'Evêque de Rome a daigné mettre au rang des Bienheureux par un acte de Béatification
ayant eu très tôt la certitude de sa vocation, ayant rêvé de suivre les traces de Charles de Foucauld et de contracter le virus d'Ebola en soignant des enfants malades, s'exerçant à présent à la charité véritable, essayant de se mettre à l'écoute de sa base paroissiale, cherchant selon ses forces et ses faiblesses à vivre conformément aux Saintes Ecritures en prenant le Christ pour guide

un abbé tétant un cigarillo humide et dirigeant les consciences troublées
- z'auriez pas du feu ?
menaçant et sermonnant une petite fille égarée
- tu veux que je te prive de Communion ? tu veux que je t'oblige à quitter l'église avant la fin de la messe ?
qui se colle un pétard entre les lèvres et qui le tourmente
- je vais le dire à ta marraine !
et ne se laisse pas facilement démonter
- racusette ! cafteur ! rascupote ! rapporteur des grands paquets ! cinq centimes pour ta chanson !
et lui propose de corriger une erreur de boutonnage de sa longue braguette à trente-deux boutons
- si on jouait aux contes de fée, M'sieur l'Abbé? j'étais le petit chaperon rouge, tu étais le grand méchant loup et tu mangeais les petites filles ? tu enfilais un soutien-gorge orange fluo par dessus ta soutane de dentelle noire, tu avais de très grandes dents et tu les aiguisais, tu me poursuivais à trottinette et tu me faisais très peur, M'sieur l'Abbé ?

un abbé tirant les oreilles de la gamine
- je me cachais au fond d'une mine avec des nains de jardin, M'sieur l'Abbé, et tu finissais toujours par me retrouver, tu m'attrapais par le col du chemisier, tu m'agrippais par les cheveux, tu m'obligeais à apprendre le petit catéchisme par coeur et à faire la vaisselle de tous les ustensiles de messe avec une paille de fer ? tu me prenais dans tes bras, tu me serrais très fort, tu me faisais très mal, tu me faisais boire du vin dans un calice et tu voulais m'embrasser sur la bouche ?
et la menaçant d'une fessée
- tu puais méchamment du bec, M'sieur l'Abbé, tu sentais la vieille chique mouillée et je me retenais de pleurer ? tu voulais m'obliger à repasser ta lingerie fine, ton surplis, ton aube et ton étole, ta chasuble, ton maillot de corps et ton caleçon long, j'm'asseyais en face de toi, j'te faisais un pied de nez et j'te montrais ma p'tite culotte ? et tu me montrais ton petit Jésus ?

un abbé ouvrant les paumes vers le ciel en soupirant
- cessez de me provoquer, mon enfant ! cessez de m'induire en tentation !
invitant la petite Marie au partage eucharistique d'un cornet de frites et d'une canette de Coca-Cola
- sais-tu que Jésus t'aime, mon enfant ? veux-tu que Jésus soit avec toi ? veux-tu connaître la profondeur de son mystère ?
l'entraînant au fond du Busleidengang, lui demandant si elle préfère le petit Jésus en chocolat ou le petit Jésus en sucre d'orge
- lala lalala lala, j'le préfère en bonne de bite de chez nous, ton p'tit Jésus, M'sieur l'Abbé ! viandeuse, nerveuse et bien musclée ! en jarret de bouc ! ou bien alors en or fin ou en bel argent ! ou en ivoire précieux du Congo !
un abbé bougonnant, marmonnant, grommelant, se disant disposé néanmoins à recevoir la petite Marie en confession, l'obligeant à se prosterner devant Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom, face contre terre
l'invitant à se nettoyer les intestins à l'eau savonneuse avec une poire à lavements
- lalala lala lalala
- pour votre bien, mon enfant ! pour purifier votre âme ! pour chasser les démons qui vous tourmentent le corps !
lui soulevant sa jupe marine à plis, lui enlevant sa petite culotte de flanelle, lui brûlant un poireau sur les fesses avec un crayon au nitrate, lui enfonçant un cierge dans le vagin, lui passant des Saintes Huiles sur l'anus, lui introduisant son index dans le trou de balle
- lala lalala lala
- allons, mon enfant, soyons de notre temps, allons à la Rédemption par le Péché de Chair !
la saisissant par les hanches et enculant la petite Marie
- lalala lala lalala
- pour ne pas vous dévierger, mon enfant
puis l'obligeant à pratiquer une fellation profonde
- lala lalala lala
- que vous arriviez pure et intacte au mariage, mon enfant, auréolée d'une éblouissante couronne de roses jaunes et blanches, n'ayant jamais servi
- lalala lala lalala
des papillons venimeux s'envolant de ses lèvres
- le Seigneur éprouve de la compassion pour les misérables pécheurs et les filles de petite et moyenne vertu ! dans son immense bonté, le Seigneur ne répugne pas à absoudre les pénitents ! Jésus vous aime, mon enfant !

des chefs scouts intégristes
et l'abbé ayant en charge la vie spirituelle de la troupe, agitant un trousseau de clefs
frôlent et regardent, gloussent, jettent leurs capotes baveuses et leurs sachets de frites froides dans la rigole, reboutonnent leur braguette, écoutent et font semblant de ne rien voir et de n'entendre rien, gloussent, rougeoient
rougeoient
s'interdisent de pratiquer le sexe pendant le Carême
gloussent

Z-BAR Z-BAR Z-BAR

il fait soif, s ss soif f
je me roule dans une c vrt couverture, je me g glisse sous un tas d'rd ordures, je me couche sr sur le sol - impek' !
les vierges et les martyrs ne couchent pas dans le même lit
entre un s seau de pisse et un seau de m merde
et j'attends de mourir r rr
attrapant au v vol une pièce de monnaie qu'on me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !


la mort coûte cher
et ne rapporte pas grand-chose à ses bénéficiaires

ramassant des ph photos tombées d'un ns sac, un briquet, un agenda, une brosse à cheveux, un t tube de rouge à lèvres
bonj'oir
danke, n'avend
j joder
hibernant d dans les tr trous des vieux murs et les tr terriers abandonnés, s sous les racines d'un vieux platane ou d derrière un volet t
je m'ss assieds dans des br brouettes q que je tr trouve dans un rd réduit à outils au fond du potager, dans la c bn cabine de pilotage d'une b baleinière m mise en c cale s sèche ou dans un pp pigeonnier de l'Armée Fédérale, dans les nc anciennes écuries de l'ex-g nd gendarmerie montée, dans un r refuge pour
nains de jardins, urnes fêlées, p pots de vieille peinture au plomb, sanitaires f fendus par le gel, piles usagées et batteries oxydées, c cageots de fruits ou de lg légumes abandonnés, v vieux j rn journaux invendus et annuaires t téléphoniques périmés, p pesticides au nitrate, pn pneus déjantés, bonbonnes de gz gaz à la m moutarde, huiles végétales avariées, médicaments r retirés de la vente, tambours cr crevés, pianos mécaniques désaccordés, teddy bears év éventrés, fétiches ds mrc désamorcés
tr sp transpercés d'épingles et d de clous
au nombril n cr incrusté de d débris de miroirs sur lesquels les mg images c pt captives mettent une vie nt entière à s'ff effacer

est-ce que les mots j jaunissent nt, perdent leurs lettres, leurs pouvoirs, leurs c cc couleurs, leurs odeurs, leur haleine ?
et les f fétiches ?
après c combien de temps ?


il faut bien se couvrir pour mourir

je m'assieds sur une s souche ou sur un tr tronc d'arbre
et ce sont des f ff fauteuils
je m'assieds s
et j'attends de m mourir
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
j'at ttends
- à vot'bon coeur !
les p pieds dans une flaque d'eau mazoutée
de mourir r, attrapant nt au vol une p pièce de monnaie qu qu'on me lance
- merci, manneke ! vous êtes bien aimable !
dank u

un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir
des tocards de students guindailleurs, rigolards, tapageurs et chahuteurs, déjà bien allumés, débraillés, parlant fort, ayant décidé de se prendre une bonne douffe avant les examens, insultent une harde de bourges et leur extorquent un billet de deux mille befs (environ 50 euros)
- pour la jeunesse ! pour l'avenir du pays ! pour les pauvres étudiants boursiers !
et se commandent la sixième chope de la soirée
- skooooool ! santeï !
l'engloutissent aussitôt
chassent le boudin, draguent des minettes dépitées qui viennent de se voir refuser l'entrée du Z-BAR, les charrient
- vous avez les seins durs, sur le plat ou à la coque ?
les provoquent
- on se lèche les limaces derrière le fritkot de Tina ? on se gnoufte au fond de l'Impasse ? on froechelle dans la mansarde de Con-de-Dieu ? ou sur la banquette arrière d'une grosse américaine ? ou dans la cave à vins d'un curé oenologue et pédophile ? ou sur la pierre tombale d'un vampire qui aime sucer les tampax des très jeunes filles ayant leurs toutes premières klottes ?
leur proposent une tournante, un éboulement, un mariage collectif
- un feu de brousse, ça ne s'éteint pas avec une seule bite ! ouah, ouah, ouah !
leur demandent si elles se mettent aussi du rouge à lèvres autour du con
et si elles ont une idée précise de l'endroit où se trouve leur clitoris
- où ça s'situes c't engin-là et comment ça s'actionne ? plutôt vers le haut ou plutôt vers le bas ? faites-nous voir, quoi ! plutôt du côté du canal de l'urètre ou plutôt du côté du trou de balle ? montrez-nous, quoi !
si elles savent seulement s'en servir comme il faut, si elles se doigtent tous les soirs avant de s'endormir, si elles se touchent de la main gauche sous la nappe en mangant une cuisse de poulet de la main droite, si elles utilisent l'index ou le majeur, si elles ont déjà appris à tailler une plume à un mec ou à lui passer un coup de fil en dessous de la ceinture, s'esclaffent, insultent
- brouteuses de cresson ! est-ce que votre lit grince ou bien craque-t-il ? ouah, ouah, ouah !
et se font exclure, jeter, vider, nier
- on vous compisse la raie ! ouah, ouah, ouah !

des tocards de students s'amusent à faire tomber la casquette du Zef
- santeï !
s'esclaffent et discutent avec le portier du Z-BAR, le questionnent à propos du Zef, d'où il vient, quel âge il peut avoir, s'il dispose encore de la plénitude de ses facultés mentales, quelle est son identité sexuelle, s'il a été élevé dans un contexte familial difficile, s'il a encore des parents, s'il a déjà été marié et s'il a des enfants, s'il vit hors mariage avec une non-chrétienne, quels rapports il entretient avec le marché du travail, quelle drôle de langue il parle, s'il a des problèmes de parole ou d'entendement, s'il cause aux morpions qui lui tombent dans le caleçon, si leur parle français ou néerlandais, arabe ou espagnol, albanais ou serbo-croate, latin liturgique, lingala ou quechua
- t'y comprends quelque chose, toi, à c'qu'il baragouine ?
si c'est un gars d'ici ou bien d'ailleurs, combien il gagne par mois, s'il avale les pièces de monnaie que les touristes lui lancent dans la bouche pour se porter bonheur, s'il les recrache ou s'il les chie après
dans quelle piaule il crêche et si c'est exact qu'il est propriétaire de trois baraques pourries et qu'il en loue les rez-de-chaussée à de jeunes et jolies sorcières, s'il comprend bien tout ce qu'on lui dit, combien de temps il lui reste à vivre, commentent
- tu téléphones aux flics, t'as ta photo dans l'journal : l'gars qu'a prévenu la police !
- il suffit d'découvrir le corps, ouah, ouah, ouah !

watte ? s s'il vous plaît ?
âne cr cracheur de pop-corn, ayant rongé la corde qui le retenait à un p piquet, errant au bord des r routes, les yeux xrb exorbités, les naseaux fr frémissants, br brayant sur une décharge républicaine, les flancs c creux, les côtes saillantes, ivre et sourd de pékêt f flambé, mâchouillant des chardons et d des orties, br abritant l'âme d'un mort, d divaguant
et
tendant le cou et passant son museau par une f fenêtre ouverte, q md quémandant ou d rb dérobant une carotte, br broutant nt des brins de p paille ou d'herbe ss sèche qui débordent des gros sabots de ferme que la Veuve Bigoudis a déposés au pied des m rch marches de pierre bleue, à l'ntr entrée du café RIO

CAFE RIO
bonj'oir, n n'avend
cerf-volant acrobatique, s se prenant les ailes dans les fils à haute t ns tension, s'écr crasant sur une plage p polluée par la marée noire et les sc cadavres sd de clandestins ou dans un nc champ de mines antipr antipersonnel
g gg goeie avond, danke
alezan tombé dans la r rivière, ne parvenant plus à remonter sur la b berge, pissant de tr trouille, commençant à f ff fatiguer r
bonj'oir, n'avend
dank u u

on me retrouve p près du canal, au fond d'un potager, sur un tas du p purin, dans une f fosse d'aisances, un r réduit à outils, une cabane de planches rc recouverte de tôles, un refuge pour nains de j rd jardin
les yeux xf fixes et grands ouverts rts
le corps r rr raidi par la mort, n naturalisé
des épingles et des clous enfoncés dans la région du coeur
gisant sur un m mm matelas de boîtes de crt carton nd défoncées

mon éradication, p par une belle soirée d'hiver rr, passera totalement inaperçue, eh
d disparition non signalée, charogne non r réclamée, mort n non id dentifié
- à vot'bon coeur ! la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
recouvert rt de br branchages, de cageots de fruits et légumes éventrés ou de vieux journaux déchirés, un mm morceau de c rd corde autour du cou
s'il vous plaît ? watte ?
on ne pleure pas la mort d'une mouche à merde, on n'organise pas de funérailles

on me retrouve e
- bien gentil !
des tr traces de cocaïne, de marijuana, d'hostie consacrée ou de c curare r relevées dans mes urines
des gg gnocq gonocoques dans l'urètre, le vagin, le pharynx ou le r ct rectum m

le n numéro de série, g gravé sur l'oreille gauche de chaque b bgn bagnard et devant permettre de le garder sous s surveillance, toute sa vie d durant, de la f rm ferme à l'ab battoir r
g gratté au cutter, brûlé à l'acide
des p points d'acupuncture découverts sur rm ma peau, des sp piqûres de tiques, des sp puces de rat p st pesteux, des sp poux, des tr traces sd de démangeaison
on me r rr retrouve
et on nrd ordonne la mise en nb bière immédiate
s'il vous plaît ? watte ?
danke

sans tête et s sans papiers, sans t testament nt secret, sans mot d'adieu, ni ttt tatouage intime, ni puce électronique, ni br bracelet d'identification, ni vaccins, ni c cc cicatrices s, ni b boucles auriculaires, ni f fiches sn sanitaires, n ni c code de trç traçabilité
sans même la ph photo p ss passeport d'une ancienne m tr maîtresse, un cure-dent usagé, une p petite cc culotte de b bure volée sur le fil à linge d'un c vnt couvent ou reçue en cadeau d'anniversaire-adieu, une p patte de lapin, un fr fer à cheval ou une cc clé de consigne oubliés dans une poche de manteau ou de pn pantalon, des rgn rognures d'ongles, une tf touffe de ch cheveux et des p poils pb pubiens ccr accrochés à un hameçon

entouré de journaux fr froissés pour ne pas me laisser s surp prendre
d'épouvantails fourrés de paille et de dr drapeaux à prières
d'un cordon de cendres pour g rd garder les limaces à distance e
on me retrouve
s'il vous plaît ? w watte ?
danke
le corps recouvert de mouches
dans une chapelle tombée en rn ruines, transformée en p poulailler
dans un cimetière secret, nv envahi par les b broussailles ou dans le tr tronc d'un arbre mort, cr creusé par les v vers s
dans un nt tunnel du chemin de f fer ou dans un conteneur, dans un nid d srt déserté par des hr hirondelles de fenêtre ou de ch cheminée, dans une décharge de boues de dr dragage, dans une crèche de Noël
- ik ?
dans la cave d'un immeuble sq squatté, dans un entrepôt de locomotives à vp vapeur désaffectées, dans les st toilettes d'un ancien ppp poste de douane aux murs tagués à la brosse à c bn cabinet, dans un vieux m moulin ab abbatial, dans les rs réserves d'un mu musée d'histoire naturelle, dans un asile pour animaux de c compagnie violés et battus
en salle de d gr dégrisement nt
danke

on me retrouve, le corps coulé dans un p pilier de pont autoroutier
ou plongé dans le f formol d'un laboratoire de l'Institut de pathologie de la Faculté de médecine animale
la boîte cr crânienne défoncée, remplie de résine, les orbites c comblées par des oignons, les entrailles arrachées et revendues aux devins
vagabond ndmp empaillé xp exposé dans une armoire v tr vitrée, tr trophée de pauvre accroché au mur d'un c mm commissariat de police, on f finit toujours par me retrouver
s'il vous plaît ? watte ?
d dank u

électrocuté en touchant nt des c câbles électriques srr arrachés par la chute d'un vieux platane
écrasé par un nc camion de ramassage des immondices effectuant une marche arrière dans l’mp impasse
asphyxié par un ex-g nd gendarme ex-belge, à l'aide de g gants et de coussins rr réglementaires
noyé en tentant de tr traverser un cours d'eau en crue e
- à vot'bon coeur !
foudroyé en fr fracturant à c coups de masse la vitre pr pare-balles d'un tabernacle sous haute t tension
rempli, de la cave au gr grenier, de la gorge au tr trou de balle, de drogues dr dures et de dollars américains, de titres b rs boursiers, de pmt piments sous pr pression, de cortinaires des m nt montagnes prêts à éclater dans la s sauce e
encorné p par un taureau p rv pervers dans une arène de Santa Valencia

en prenant de l'âge, les taureaux deviennent mauvais
assommé d'un coup de p pelle ou pendu avec mes propres intestins à la p poignée de la porte d'entrée d'un b rd bordel de famille, mt maternel et sr surchauffé, rue de Malines
pratiquant le d dp dépucelage des scouts d'une pr paroisse du Christ Ressuscité et l'pn épanouissement des jeunes pousses, la pr préparation à la Communion et l'ntr entraînement au Mariage, l'dm administration des derniers sacrements, l'ch échangisme, le Bring Your Own et autres sj jeux de guili-guili auxquels on se livre en ns société
on m me retrouve
- la p'tite pièce !
bonj'oir r, n'avend
danke

A L'AMBASSY

acc croché au p porte-manteau du couloir d'entrée, entre un chapeau d'abbé et une casquette de commissaire de p police
on me retrouve
dank u, mel'si, trp attrapant au vol une pièce de m nn monnaie qu'on me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !
portant une m médaille e de la Belle Dame autour du cou, attachée à un v vieux lacet
ou r renversé par une gr grosse voiture américaine
alors que je tr traversais la place du Marché aux Poissons, entre le Z-BAR et le café RIO, un s samedi soir, en t trébuchant
g goeie avond
n'avend

un groupe de clients prend l'air sur le trottoir
des doublards de students, gouailleurs et peloteurs, toucheurs, frotteurs, et caresseurs, passablement éméchés, mâles, blancs, racistes, machistes, homophobes, antichauves, antigros, antipauvres et antivieux, les cheveux taillés en sachet de frites, ayant déjà un sacré coup dans la trompette, chantent, gueulent, tuent leur septième chope
- santeï ! skoooooool !
se roulent des joints au fond du Busleidengang, tirent sur les nattes d'une petite fille qui mâche du chewing-gum à la menthe
- bonne fiesse, Sinte Marèye !
et qui leur demande d'écrire quelques mots tendres dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé
- s'il vous plaît ! s'il vous plaît ! s'il vous plaît !
lui mettent la langue dans la bouche, lui tripotent le corsage, lui palpent la poitrine
- eerst blablabla dan boemboemboem ?
s'esclaffent
- mais c'est du toc, ça ! y a encore rien là d'dans ! que de l'ouate et de la gaze ! que d'la flotte et du caoutchouc !
retournent tenir compagnie au portier du Z-BAR, continuent de s'intéresser au Zef, s'il éprouve des difficultés à évacuer complètement ses excréments, s'il se roule tous les matins dans une bouse de vache encore tiède, s'il a plein de fric, combien il peut bien en avoir mis de côté depuis le temps qu'il rackette les honnêtes chrétiens, s'il place son pognon en actions ou en obligations, où il peut bien cacher son magot, quelles sont ses chances de survie
- tu l'butes, tu lui fais les poches, tu fouilles ses tas de journaux, ses dépliants publicitaires, ses catéchismes et ses paquets d'vieilles revues pornos, tu renverses ses sacs en plastique, ses boîtes à chaussures remplies d'photos souvenirs et ses pots de géraniums parfumés, tu lui piques ses bons du Trésor, son blé, son flouze, son lard, ses titres de propriété
- et, surtout, t'oublies pas d'découvrir le corps ! ouah, ouah, ouah !
- devant témoin, après l'avoir buté ! ouah, ouah, ouah !

w watte ?
q quand je suis mort
gelé, de faim, roué de coups
on me tr transporte, je meurs dans une poubl poubelle, entre un s seau de pisse et un seau de m merde, dans une br brouette e
s'il vous plaît ? watte ?

des chauve-souris se d cr décrochent du plafond et me fr frôlent les lèvres, des mouches bleues déposent leurs larves au plus prf profond de mes pl plaies ouvertes s et p puantes
que des becs d'oiseaux f ff fouillent et p picorent

on préfère les morts quand ils sont entiers
maquillés, aseptisés, odorisés
en parfait état de conservation
colorisés

cacanéant
et cornes de crocodile
je ne m meurs pas sur le podium, en d rc direct, sous les spots, devant les caméras, en pr première page d'un quotidien à grand t tirage, dans la rubrique n cr nécrologique du bulletin des anciens élèves d'un c collège de Jésuites, en pr présence de Monsieur l'Abbé, d ns dans les salons des hôtels de luxe, de st pr stupre, de tr tourisme et d'affaires, les salles d'attente des cabn cabinets dentaires
à bord de mon avion pr privé, md médicalisé, immtr immatriculé en Ss Suisse, au Luxembourg ou aux Bahamas, entouré de l'ff affection des miens, en c compagnie de mon g guérisseur chinois

je ne meurs pas en r robe de chambre, dans mon fauteuil, dv devant la t télévision
caressant mon p petit chien r rr rose en peluche
feuilletant un v vieil album de f famille
je meurs tout habillé, dans un r réduit à outils, au fond du potager, près du c canal nl
une b bb bouteille vide ou une b rr barre de fer à p rt portée de la main
b ns bonj'oir
danke, n'avend
je m rs meurs dans l'autobus et le m métro, sur les tr trottoirs, dans la r br rubrique des faits d divers
tout habillé
on ne s'incline pas devant la dépouille mortelle d'un poulet
on le plume, on le rôtit, on l'assaisonne
on fait la fête et on le bouffe

les femmes et leurs filles
elles ont des seins
qui pointent
dru
dr
u

c'est ainsi qq que je sais que la semaine est f finie, quand sa fille la remplace, Tina, se passant de la pommade hydratante sur les pis
- voeil teif ! bloemkul !
je ramasse une m mèche de ses cheveux, des rognures d'ongles, une épingle à chignon, une tff touffe de poils cr crépus de son gros cul viandeux de ch charolaise r pr reproductrice, je les ntr introduis
s soigneusement
avec un bâtonnet, une épingle, une allumette, dans une c coquille d'oeuf gobé é
- impek' !
ou dans la cavité abdominale d'une st statuette de bois, rongée par les termites, clouée, chargée, cachée au ff fond d'une caverne des Hautes-Pyrénées, réactivée e
fr ff furtivement
nt nuitamment

y injectant la g grippe du poulet cru, les f vr fièvres exotiques et le c cancer des couilles
méchamment
à l'aide d'une tr très longue et tt très fine t tige de bronze
les larves, les rats, les crapauds, les choux, les mouches
et les blattes
souffrent aussi du cancer de la prostate
n'avend
dank u, b bonj'oir
goeie avond

le portier du Z-BAR sort les mains de ses poches et mange des tartines à la sauvette
sardines portugaises ou marocaines en boîte, rollmops à la mayonnaise, omelette au lard salé
fait une tache de graisse sur sa veste
- de Dieu !
et salit ses souliers

le portier, le vestiairiste-videur, les barmans et les serveurs du Z-BAR portent une veste d'amiral, rouge Coca-Cola, avec des boutons dorés
le patron du Z-Bar, alias Klachkop, professionnel très habité par son métier, dit
- ça fait chic, standing !
il entend que son bar ait
- de la classe !
il n'aime pas que le portier mange des tartines
- à l'entrée du bar ! et devant les clients !

il n'aime pas qu'une jeune femme, libre, nue, enragée, déchaînée, forcenée, complètement chanvrée, habillée d'une perruque de cheveux roses et d'un masque de velours vert, vêtue d'escarpins à haut talon, fasse irruption sur la piste de danse, dans la nuit de samedi à dimanche, vers 4 heures du matin

un masque c'est quand on peut mettre la tête dedans
sinon c'est une sculpture

hurlant qu'elle vient de se faire violer dans le Busleidengang
- t'en vas pas comme ça, quoi ! donne-nous quand même une chance, quoi !
par le portier du Z-BAR
gratuitement
- nous aussi, on voudrait bien faire connaissance, quoi !
et dans le vestiaire des clients, sur les manteaux et les chapeaux, derrière un paravent de pébroques, par tout le personnel de la boîte et quelques habitués
- nous aussi on voudrait bien signer l'contrat, quoi ! nous aussi on voudrait bien s'détendre, quoi !
qui tutoient le portier et lui refilent de grosses dringuelles

ceux q qui ont toutes leurs dd dents,
m rd mordent

Z-BAR

des chiens ratiers reniflent les urines qui stagnent dans la rigole d'évacuation de la pissotière du Busleidengang, des enfants enfoncent du chewing-gum dans la serrure des voitures et tracent des graffitis sur les rebords des fenêtres des stamcafés, des bars et des bordels
et sur le capot des ambulances et les portières des camionnettes de flics

CHEZ TINA

Tina l'avorteuse, sa fille qui la remplace, retouchant son maquillage, remontant les bonnets de son soutien-gorge parfumé à la vanille, renouant un chignon qui se défait sans cesse
son individu, son militaire de carrière, son prognathe, son kastar

ils mord dd dent
morsures à l'ail, au p piment vert, à l'oignon cru

Tina, sa fille qui la remplace
l'huile de f rt friture et la mayonnaise lui gr graissant les doigts et lui d dégoulinant sur les pgn poignets, le v visage défiguré par l'cn acné, les b bras aussi gr gros et v gr vigoureux que les cuisses d'un champion nc cycliste
- blinkduus ! bloempot !
une mèche de ses ch cheveux, les rgn rognures de ses ongles, une touffe de p pp poils de son gros cul v nd viandeux de charolaise r pr reproductrice, dans une cc coquille d'oeuf gg gobé, que je rb rebouche soigneusement avec de l'hostie mastiquée, un vieux chewing-gum, un sp sparadrap, de la bougie f nd fondue, du miel, du saindoux ou de la toile d'rgn araignée
s soigneusement, furtivement, m méchamment

il vient la traire et la triquer
un béret rouge et de grandes oreilles décollées
s'amène vers les deux heures du matin
tous les week-ends

ils f ff font leurs amours
leurs rs amours s

le portier, le vestiairiste-videur, les serveurs et les barmans du Z-BAR portent une veste d'uniforme rouge Coca-Cola
sur un pantalon noir
avec des boutons dorés

Tina
sa fille qui la r remplace
- bloemkul ! voeil teif !
les hanches pl pleines, la cl tt culotte haute fleurant la mandarine, la robe de p rq perroquet, le cache-poussière à fl fleurs, les b bas à pois, les soutien-g gorge à rm armature parfumé à la vanille, les seins qui pointent encore mais ne pq piquent plus
et son nd individu
tétant le pis de la bufflesse qu'il vient de ch che chev chevaucher à c cr cru
améliorant ainsi, de façon sensible, ses performances sportives, eh, eh
sans p pouvoir cep cependant être acc cusé de d do dopage, eh, eh

ne prenant aucune pr précaution np particulière, ne portant pas de m masque de carnaval, n'enfilant pas de gg gants de v tr vétérinaire, ne cr craignant pas de se m mouiller la bb bouche et de se s salir les doigts gts, eh, eh

se rég régalant nt du lait f rm fermenté de sa v nd viandeuse c mp compagne, eh, eh
ignorant avec sp superbe les inf formations alarmantes, diff fusées par les instances ss sanitaires autorisées, relatives à l'augmentation de la t teneur en dioxine du lait des f ff femmes qui élèvent des d nd dindes et des p poulardes et se font br brouter le cr cresson à pr proximité d'un incn incinérateur de c dvr cadavres humains ou de d déchets ménagers, d'une c mnt cimenterie, d'un ch chancre industriel, d'un rp aéroport m lt militaire de la Libre Amérique ou d de la Sainte Russie, d'un échg échangeur autoroutier, d'une nst installation ssd sidérurgique ou d'une usine de ff fabrication de fr farines animales, eh, eh

Tina la frituriste, sa fille qui la remplace, sexuellement réceptive, cherchant à ferrer le mâle dont elle a su gagner les faveurs
- nom de Dieu, Zef, fous l'camp ! t'as rien du prince charmant ! tu fais fuir tous mes clients ! je n'veux plus voir ta sale gueule rôder autour d'mon fritkot ! dégage, smeirlap, voleur de bites ! en vitesse !

g goeie avond
âne, ivre et sourd, abritant nt l'âme d'un m mort, z gz zigzaguant sur la gr gr grand-route, tirant une cr carriole sans c chauffeur, dont le fr fr frein à main aurait lâché
je ne suis pas là, je ne viens p pas d'où ? je p pleure ou je rigole sans j jamais savoir p rq pourquoi ? je pr porte un très vieux pantalon, d ch déchiré, laissant entrevoir un caleçon long, j jauni et rongé par l'urine e
bonj'oir
danke
un pantalon trop gr grand, trop large, retenu par de vieilles br bretelles et deux f ficelles effilochées, n nouées à la t taille
qui s'élargit encore comme je r retrécis
et comme je me d ss dessèche et q qui s s'allonge encore de p plus en plus ss s
en plus encore
s'il vous plaît ? watte ?
n'avend, bonj'oir
dank u

Tina, sa fille qui la remplace
accusant Zef de faire disparaître le pénis de ses ennemis en leur serrant la main ou en les frôlant
- même me regarder, je n'te permets pas, krapul ! fous le camp, duigeneet, bon à rien, vagabont, videur de chiottes, strondroeimer !

la fille de Tina et son individu, son militaire de carrière, son prognathe, son kastar
un caporal-chef aux grandes oreilles décollées, s'assied sur un tabouret en plastique noir, joue avec son béret rouge, fait tournoyer sa batte de base-ball jaune, attend, s'impatiente, s'énerve, attend, se lève, claque les talons, salue
et se rassied, attend
il
elle sert les derniers clients, elle débranche les bouteilles de butane, elle tripote les boutons du poste de radio, change de fréquence et choisit un programme de musique douce, retouche son maquillage, dénoue son chignon, augmente légèrement le volume du son, elle
elle rabat l'auvent, fixe les volets, elle
elle insulte copieusement son individu, son militaire de carrière, son cul-terreux, son enfoiré de connard de merde, lequel attend, en bavant, qu'elle lui tende son cul
et ça lui fout une trique d'enfer
bavant, bandant, grimaçant, gonflant ses joues, menaçant d'exploser, manquant décharger dans son froc
- tu f'rais mieux de m'donner un coup de main, Rambo, si t'veux que j't'aide à t'vider les couilles et qu'j't'envoie au plafond !
il
il donne un coup de balai à l'extérieur, en vitesse, rentre le tabouret, tend les pattes
- commence d'abord par me virer le Zef ! t'as vu son regard ? il n'arrête pas de me zieuter et de m'insulter !
il la palpe, la caresse, la brosse, la cajole, la tripote, l'invite à tester sa virilité, lui met la main aux fesses et la pousse à l'intérieur de la baraque
- mais fais quelque chose, nom de Dieu, si t'es un homme ! il n'arrête pas de me traiter de sale fille, de boîte de cirage, de chou-fleur ou de pot de fleur ! fais-lui son affaire ! donne-lui ce qu'il mérite !
puis
puis
puis
longtemps, à l'extérieur, porte close, s'enfermés

les bêtes heureuses, on prend plaisir à les regarder vivre
on a envie de les manger nues

je r ris des mots rongés, minés, qui tr torvent
- que les vers vous mangent le sexe !
et je leur souhaite d'nf enfanter d'un chou, d'une blatte, d'un crapaud, d'une mouche, d'une larve ou d'un rat
s s'il vous plaît ? watte ?
bonj'oir r

les larves, les rats, les crapauds, les choux, les mouches, les blattes
plus on les cueille, plus on les sort de l'eau, plus on les met en cage, plus on les tient en laisse
plus on leur arrache les ailes, plus on leur coupe les pattes
plus on leur tranche la tête
plus on les mange
plus on les aime

longtemps
elle se vide les eaux, il se purge les bourses
et le fritkot fait
- hi-han ! hi-han ! hi-han ! hi-han !

Tina, sa fille qui la r mpl remplace
- bloempot ! blinkduus !
une m mèche de ses cheveux, les rgn rognures de ses ongles et des poils de son gros c cc cul de vache reproductrice dans une coquille d'oeuf g gobé
ou dans une s statuette en bois que j'enfouis pr profondément, subrp subrepticement, dans un rc recoin obscur du Busleidengang
dank u u, bonj'oir
n n'avend

frottement des peaux moites, lubrification vaginale
longtemps
solide percheronne, à quatre pattes et penchée vers l'avant, en appui sur le coude et les poignets, jambes largement écartées, offrant ses fesses, s'ébrouant en faisant crier le cuir des harnais
et l'homme qui tient les rênes, à genoux, le pantalon sur les chevilles, tout à la hâte de se reproduire, ignorant les périls, s'agrippant fermement aux hanches de son adversaire, excitant sa compagne de la voix, lui flattant la croupe de la main
- hue, cocotte !
tendant les jarrets, piaffant, ahanant, hennissant
plaçant trois accélérations à la suite l'une de l'autre
et, dans un ultime effort, se cabrant, les yeux révulsés, la respiration haletante, la mâchoire crispée, franchissant en bavant, en poussant, en rotant, en pétant, les derniers mètres qui le séparent de l'extase
libérant un véhicule tueur destiné à frapper l'ogive ennemie
- encore une preuve de son existence pour ceux qui douteraient encore de la mort de Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom ! jouit le maquignon et tient-il, en pleine extension, des propos effarants et totalement insensés

contrairement à l'étalon, la jument mouille son crin

hurlements du charretier, glissant et patinant dans la boue argileuse
sifflets de locomotives, ruades et coups de sabot, cris d'oiseaux de proie
transpiration des coussinets, fuites d'huile, émission d'urine, lâchage de pets, vidange des sacs anaux
nuages d'oeufs et de laitance, lâcher de douces colombes et de montgolfières, libération des spores, capsules séminales s'envolant au gré du vent
odeurs nauséabondes des sécrétions qui se mélangent, odeurs fétides et sulfureuses, miasmes putrides, nectars des Dieux, parfums de Mascate, roses d'Ispahan, épices de Samarkande, santal de Bhârat, camphre de Bornéo, miels d'Idiofa, herbes de Belize, odeurs fécondes
odeurs de bielles fondues, de saucisses cramées
et le fritkot continue de faire
- hi-han ! hi-han ! hi-han !
- hi-han ! hi-han !
- hi-han !


Z-BAR

un groupe de clients prend l'air sur le trottoir
- santeï !
hilares, beurrés, blindés, torchés, des couillards de students, disputeurs et jaboteurs, font de leur stouf et tuent leur huitième chope
- skooooooool !
font circuler des joints, organisent un concours de lancer de mollards tièdes, baissent leur froc, montrent leur derrière et les traces de freinage qui souillent le fond de leur culotte
s'esclaffent
essaient de mettre la main dans le pantalon du Zef, lui renversent un verre de bière sur la tête, lui écrasent un mégot de cigarette dans la paume de la main
jettent des pièces de monnaie dans la rigole de la pissotière et se demandent s'il va venir les ramasser
commentent
- non mais t'as vu ?
ils désignent ça
- ça !
ils se gaussent
- ça ! ça ! ouah, ouah, ouah !

je n n'entends rien, j je
s s'il vous plaît ? watte e ?

ils insistent
- ça ! ça ! ça !

ç ça ?
joder
ils disent

s'il vous plaît ? w watte ?
ma br braguette ?
gotferdoume, q qu'elle b bâille ee et qu'ils ne s savent pas trop ce qu'ils voient, s'il faut devn deviner quoi
j je e
ils disent
- ça s'ouvre sur quoi
ils disent
- ça r'ssemble à quoi, des figues séchées ? un cep de vigne rongé par les vers de bois, le charbon, la chaude-pisse, la rouille ou le mildiou ?
ils disent
- ça fonctionne à quoi ? au diesel, à la graisse de porc fondue, à l'huile de friterie, au vin de messe piqué ?
ils disent
- c'est emballé dans quoi ? des billets de banque périmés, des images pieuses et souillées d'un magazine porno, des pages de publicité arrachées à l'annuaire du téléphone ? ouah, ouah, ouah !
ils se bouchent les narines
- et qu'est-ce que ça dégage ! et qu'est-ce que ça fouette !
ils s'interrogent
- une odeur de charogne, de vieux cageot de fruits ou de légumes, d'oeuf pourri, de compost de champignonnière, de fientes de poules, de foetus avarié, de moule crevée, de fromage de Herve ou de Bruxelles-Brussel, de hettekees ou de pottekees ?
ils disent
- le Zef, quand il ouvre sa braguette, un lézard s'enfuit, un essaim de blattes prend son envol ! des puces de rat pesteux surgissent, bondissent, explosent dans tous les sens ! ouah, ouah, ouah !
ils
il
i

tous les feignards ne sont pas nés avec un cheval entre les jambes

un rt rat d'égout, rng rongeant nt le calice des fleurs, mr mordillant les rt orteils des statues de la Sainte Vierge, gr grignotant des grains de chapelet et les quatre b boutons d'une braguette, se jj jette sur les jeunes pousses de riz, les v vieux pansements, les tampax usagés
les tr triturant nt, les lacérant, les d déballant, les aérant,
avec f férocité, voracité, j bl jubilation
dd déchiquetant et g gloutonnant nt
forant des tr trous dans les châssis et les ss serrures, p pénétrant à l'intérieur des bottines, se f faufilant dans les mn manches des chemisiers, se ruant nts sur les m mamelles, d dévorant les lèvres et les joues
- à vot'bon coeur !
gr grimpant le long des c cuisses de la fille de
Tina, lui fonçant dr droit au cul, se g glissant dans son énorme c culotte de c coton rêche aromatisée à la mandarine, lui avalant les rgn organes, eh
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
b bonj'oir
danke, n'avend

j je
je n'ai p pas d'histoire et je n'ai plus de s sexe, j'interdis q qu'on me pose des q st questions au sujet de mon âge et dd de mes couilles s
- bien gentil ! bien aimable !
je m m'énerve

MBA MACUMBA MA

d dank u, bonj'oir
goeie avond
veneurs s sonnant la vue de l'animal, j je trace des moulinets avec ma canne, je m menace une horde de chiens ratiers qui me cherchent des embrouilles, me pr poursuivent et me n rg narguent, me conspuent
et des nf enfants qui me lancent des p rr pierres
gotferdoume, je m menace
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
je menace e d'appeler la p police ?
- loop naar de maan ! allez vous faire foutre !

je br braque ma canne sur la t mp tempe d'un type, en b béret et en s salopette, aux doigts gts couverts de p nt peinture, rt artiste ou ouvrier, s ss sifflant nt faux, se r rr raclant la gorge et rn urinant joyeusement c ntr contre le mur du MACUMBA
avant d'y ntr entrer
s'ss assommer

Busleidengang
p pattes de poulet, bidons d'huile m minérale usagée, dentiers rouillés, bb béquilles bancales, sous-vêtements c cr crades, messages s ss secrets délavés, médaillons et photos sj jaunies
cloués sur le tr tronc d'un arbre mort
d dénonciations d'amour, lettres de haine, bandages et p pansements sanglants, couches-culottes merdeuses, billets de banque fr froissés, vieilles g godasses et chaussettes trouées, mouchoirs et tp papiers graisseux, mèches de ch cheveux, m moumoutes poussiéreuses, godemichés g gluants

je me pr protège e et je mn menace
je m menace d'appeler la police
d'appeler la p police

ils se marrent, ils

f furieusement, ma canne, je

se marrent, esquivent
le portier du Z-BAR intervient, gueule
- de Dieu !
RENE ! SI-RENE ! SI SI-RENE ! SI-RENE !
je me d défais, me liquéfie, je p pète
je, je suis mort, qu'on me laisse, q qu'on me
je suis mort pour un t temps s
p pourquoi me bousculer, pourquoi ?
bonj'oir
danke

une sirène, une ambulance

je me cr cramponne des deux mains au g garde-boue d'une voiture en stationnement, une grosse américaine, le m muscle coeur eur

le muscle coeur

vient ! passe !

gonfle et
tr tremble e ee et
vibre, ex-
plose

et puis s'
éteint

s'apaise et je m'effondre
et je m m'ef-
ff fondre
dank u, bonj'oir
goeie avond nd, n'avend

on ne meurt pas deux fois dans la même journée
douleur oppressante dans la cc cage thoracique, battements c rd cardiaques irréguliers, n nausées, syncope
s'il vous p plaît ? watte ?

- alles goed, Zef ? en forme ? hoe gaat't met je ? qu'est-ce qui s'passe avec toi ? alles in orde ?

le s souffle, reprendre souf-
fle e
r reprendre
souffle
fle

- il y a quelque chose qui n'va pas, Zef ?

pourquoi me s surprendre et me dire q quoi,
me demander quelle heure, quel jour et l'âge que j'ai
m m'interroger r p pourquoi ?

Z-BAR

un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir
hilares, bourrés, biturés, des gueusards de students pissent de rire et tuent leur neuvième chope
- skoooooooool !
crient, hurlent, recrachent leur bière à la gueule du Zef
en pleine tronche
- op uw bakkes ! santeï !
lui versent des fonds de verre sur la casquette, jettent des mégots allumés dans les poches de son manteau
décoré d'étoiles jaunes ou roses et de triangles bruns ou rouges
dont une manche est plus courte que l'autre


le portier se voit bien obligé d'intervenir, gueule, s'énerve, sermonne
- de Dieu ! mais laissez-le tranquille, potverdekke ! vous ne
- ouah, ouah, ouah !
- mais enfin, nom di djû, vous n'voyez pas que
- ouah, ouah, ouah !
- arrêtez quoi, potverdekke, vous n'voyez pas qu'il
- ouah, ouah, ouah
- arrêtez, nom di djos, pas devant les clients ! een beetje respect, aub ! un peu de respect svp !
- ouah, ouah, ouah !
- foert ! arrêtez quoi ! en fait, Klachkop n'aime pas les histoires, vous allez m'faire perdre mon boulot, potverdekke ! j'vais m'faire remonter les bretelles, nom di djû !

je m mouche un regard d d'excuses, un geste, une parole, je l'écrase
- va une fois à la gare avec ta valise !
g godverdomme
et je vous cr crache e à la gueule et je vous p ps pisse à la raie
je vous chie dessus
chie
ch
i

un squelette en baguettes, de bois sec, crépite
des escaliers s'affaisssent
c chie, chie, chie

goeie avond
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !
danke, b bonj'oir
n'avend

diables bossus
des cris de freins pointus
striiiiident

le portier du Z-BAR retourne à sa porte
mains dans le poches pour se protéger du froid
- con de Dieu !

des kraa b brefs, essoufflés

lace ses chaussures, reboutonne sa braguette, sort un paquet de clopes de sa poche, allume une nouvelle cigarette au mégot de la précédente, tire une première bouffée
- pour me réchauffer, en fait, potverdekke ! spreekt gij vlaams ?
et refuse l'entrée de la boîte à deux très jeunes filles âgées de 15 à 17 ans et demi
des battantes, des missiles
- en fait, les perroquets gris et les pigeons verts ne sont pas admis à bord, potverdekke ! sauf s'ils sont accompagnés de leur maman, nom di djû !
à deux très jeunes filles qui prétendent
l'oeil charbonneux, le regard incisif et les lèvres coupantes
- mais enfin !
portant des soutiens-gorge équipés de poches à air qui leur arrondissent les seins, leur relèvent la poitrine et leur font gagner deux tailles
- mais enfin !
et qui prétendent avoir oublié
- mais enfin !
leurs papiers d'identité

des kraa brefs, s saccadés s
bb bonj'oir
dank u

RENE ! SI-RENE ! SI SI-RENE ! SI-RENE !
- de Dieu ! attention, v'là les flics !
le portier du Z-BAR appuie sur un premier bouton, une seule sonnerie, longue, un simple avertissement pour prévenir le barman, potverdekke, celui du deuxième comptoir, tout au fond du local, près des gogues, au-delà de la piste de danse
le comptoir des boissons fortes que Klachkop sert en duty free aux seuls habitués, nom di djos
fabricants de farines animales pour poulets d'usines ex-belges, propriétaires d'écuries de course et sponsors de champions cyclistes dopés qui entrent au casino le vendredi soir et en ressortent le lundi matin, notables du bâtiment qui collectionnent les bagues de cigares et les étiquettes de vins précieux, entrepreneurs de pompes funèbres qui ne rient que quand on les brûle, commandants de bataillons de troupes humanitaires aéroportées et colonels brevetés d'état-major qui chassent le sanglier au canon et à la mitrailleuse, encaisseurs qui récupèrent l'argent dans les bars où travaillent les filles, médecins qui portent un masque hygiénique à long bec, pharmaciens branchés qui cherchent à privatiser et à commercialiser sur Internet une antique recette de pommade à la graisse de marmotte, banquiers qui meublent leurs loisirs par la lecture d'ouvrages érudits et libertins, joailliers et parfumeurs qui interdisent aux enfants de jouer devant leurs vitrines, dentistes en or et quincailliers en aluminium qui filment les jeunes filles en train de se déshabiller dans les cabines de douche de la piscine communale, gardiens de prisons qui ajustent le noeud de leur cravate et portent une serviette de cuir sous le bras, négociants en vins qui harcèlent les résidents sans contrats ni quittances des meublés insalubres qu'ils louent à des travailleurs en situation irrégulière
fleuristes et pâtissiers qui se saluent d'un coup de chapeau ou d'une inclination de tête, professeurs de grec et de latin qui portent des lunettes en sautoir et font crisser la craie sur les tableaux noirs pour terroriser les élèves autistes, confisquent leur billes et leur frappent la tête contre les bancs
commissaires de police qui conduisent une enquête sur la mort mystérieuse d'une douzaine de vaches laitières à Zwalm, fonctionnaires de rang 15 à 17 qui reçoivent une médaille de première classe pour actes éclatants de courage et d'humanité, maquignons qui sifflotent sous la douche après avoir tiré leur coup dans un box, officiers ministériels qui recouvrent les créances des jeunes ménages surendettés et exécutent les décisions d'expulsion des chômeurs précarisés, experts-comptables diligentés par l'administration fiscale, notaires et conservateurs des titres fonciers qui n'oublient jamais de mettre une bavette et des lunettes en demi-lunes avant d'avaler leur bisque de homard, avocats d'assises qui manient avec dextérité la canne en ivoire ou à pommeau d'argent, magistrats du parquet qui consacrent leur temps libre à la recherche et à la restauration des instruments de torture de la Sainte Inquisition, aumôniers de camps de concentration pour réfugiés, exilés et demandeurs d'asile
- les vrais clients ! ceux qui ont de la classe ! ceux qui savent boire, causer et claquer leur pognon !

le portier appuie sur le bouton de la sonnette
- de Dieu !
que le barman du deuxième comptoir fasse gaffe, nom di djû, et qu'il soit prêt, en cas de descente de flics non programmée ou de débarquement impromptu d'un couple d'agents en gabardine-chapeau du service des accises, à faire disparaître le rhum et le whisky, l'eau-de-feu et la vodka, le "cinq cent", l'alcool de bananes, de dattes ou de sorgho, la bière de mil ou de riz, l'absinthe, l'ouzo, le raki, la tequila, le saké, le malafu, la cachaça, le pulque et la chicha, la slivovitza, les philtres et les concoctions, les élixirs pervers et les cocktails maléfiques

le portier actionne une autre manette et diminue le volume du son, le temps que passe la camionnette des flics, chuintant, chuitant, chuintant, chuintant, chuintant sous la pluie
qu'elle disparaisse au coin de la rue
et, aussitôt après, potverdekke, sonne à nouveau, trois coups, brefs, pour signaler au deuxième bar que la situation est redevenue normale, que tout baigne, qu'on peut y aller, qu'on peut recommencer comme avant, que la fête continue
- con de Dieu !

je me jette e dans une f flaque d'ombre, un silence, une
nc encoignure, un réduit
j'ai des amis dans la p police ?
s'il vous pl t plaît ? watte ?
n'avend, bonj'oir

des flics sortant de leur camionnette, reniflant chaque buisson, identifiant les marquages urinaires, éprouvant la résistance des serviettes en papier mises à la disposition des clients dans les peep-shows et les confessionnaux, calculant le nombre de poils qui sortent du trou de balle des libertaires, percevant la dîme et la gabelle, installant des compteurs automatiques d'abeilles près des bouches de métro, à la sortie des stades et des églises, à l'entrée des boîtes de nuit

des flics s'emmerdent et font craquer leurs jointures
du chewing-gum leur collant aux talons
cheveux en brosse, moustaches taillées, oreilles dressées, babines relevées, sourcils froncés, narines pincées, mentons verruqueux
- et alors, Zef, on s'rend tristement célèbre ?
- ...
- t'as perdu ta bouche, Zef ?
- ...
- viens par ici, toi ! c'est bien toi qu'on appelle Zef, non ?

des flics de riches dressés à la chasse aux mouches à merde, entraînés au travail d'effarouchement des blattes, équipés de fusils hypodermiques pour endormir les laissés-pour-compte du marché du travail, les mendiants, les traîne-misère, les sourds-muets, les sans aveu, les sans-papiers, les sans-école et les sans-crèches, les sans-abri et les sans-terre, les sans-eau potable et les sans-électricité, les sans-gaz et les sans-chauffage, les sans-téléphone portable et les sans-boîte aux lettres électroniques, les sans-soins de santé et les sans-maisons de repos, les sans moyens réguliers d'existence, les voyageurs démunis de ticket d'autobus, les vendeurs de revues de la semaine dernière, de bouquets de fleurs fanées, de chemises dont une manche est plus longue que l'autre, de montres en toc, de chaussettes trouées et de cravates jaunies par le soleil, de brols et de babioles
- vous gâchez le paysage, vous dérangez les honnêtes gens, circulez, dégagez, allez chercher de l'eau de l'autre côté de la route ! soyez pauvres ailleurs ! qu'on ne vous voie plus traîner dans le secteur ! soyez pauvres chez vous !

les riches sillonnent la planète
à la recherche d'images et de sensations nouvelles pour se regonfler les bites

des flics politiques et culturels ayant reçu mission d'interpeller les crapauds qui tètent le pis des vaches, les mouches à merde, les blattes et les rats
mélangeant des contraceptifs à la nourriture des pigeons bisets et des chats marrons, secouant les oeufs que couvent les canards débagués
- dépérissez, engeances !
éradiquant les larves qui troublent l'ordre public, meurent de faim sans retenue, crèvent de froid avec ostentation, renversent des lampes à pétrole sur leurs paillasses, mettent le feu à leurs mansardes, harcèlent les passants et abusent de la générosité des chrétiens
- tu as de la valeur, toi ? qu'est-ce que tu vaux, toi ? quelle est ta valeur marchande, toi ? ta vie est aussi importante que la leur ?

les pauvres sont instamment priés de mourir pauvres chez eux:
- allez vous faire enterrer ailleurs !

des flics socio-économiques ayant reçu mission d'enfermer les miséreux réfractaires et les clochards obstinés dans des fourrières et des léproseries, de les charger dans des camions-cages et de les déporter à l'extérieur de la cité, loin des regards effrayés des épouses de notables odieusement agressées par des pancartes insolentes
- pardon, j'ai faim !

les riches sont invités à:
gagner un voyage de rêve au Grand Jeu de l'Eté
13 jours, en pension complète, tout compris
et à:
déjeuner au pied du Kilimandjaro
survoler le Masaï Mara en hélicoptère
parcourir la Malaisie à bord d'un train de légende
lézarder aux Seychelles sur une plage de sable blanc non polluée par la marée noire et les cadavres de clandestins

des flics dissimulés dans des cercueils en polyester et des poubelles en plastique, des distributeurs de pop-corn ou de Coca-Cola, des confessionnaux ou des toilettes publiques, des bacs à fleurs ou des coffres de voiture
derrière un réverbère, une statue de la Sainte Vierge médiatrice de toutes les grâces, un cactus, un verre de bière brune, un éventail versicolore ou un face-à-main, un masque de chirurgien, le supplément sportif d'un quotidien d'informations générales, un vieux panneau publicitaire ou un épouvantail défraîchi

des flics se cachant dans le renfoncement d'une porte d'immeuble, installant des caméras de surveillance dans les nichoirs de l'Armée du Salut, se planquant à l'intérieur de minibus aux vitres opaques ou se déguisant en dépanneurs routiers, revêtant la combinaison noire des surfeurs, écoutant les communications téléphoniques, photographiant les passants, filmant les allées et venues, cherchant à tromper la vigilance des portiers de bars, prenant des notes sur des cahiers à spirales, traquant de jeunes biches munies de colliers émetteurs

les pauvres contrastés et les peuplades bigarrées
on les prend en photo
on ne leur demande pas quelle permission

jj j'ai des amis dd dans la ppolice ?
watte ? s'il vous plaît ?
danke

des flics, cheveux en brosse, moustaches taillées, oreilles dressées, babines relevées, sourcils froncés, narines pincées, mentons verruqueux
du chewing-gum leur collant aux talons
des furets aux grands yeux rouges fêlés, des araignées aux poils urticants qui s'apprêtent à sortir de leurs trous de nonnes, des scorpions qui se glissent sous les feuilles mortes, des vipères qui s'embusquent dans des fagots de bois mort, des tortues venimeuses qui se cachent sous les pierres descellées d'un muret, des serpents aquatiques qui rampent dans une boue saumâtre d'où émergent des cadavres de rats d'égout et des mains d'enfants semblant appeler au secours

les rats maigres dont on a coupé la queue
oublient de savoir nager
et refusent de quitter le navire

des flics de riches, des dépositaires de l'Autorité
des faucons et des buses chargés d'effrayer les nuisibles et les indésirables
de les chasser de tous les lieux où ils ne sont pas les bienvenus
terrains de golf, plages de nudistes, églises collégiales, bases militaires de la Libre Amérique ou de la Sainte Russie, rues piétonnières, galeries commerçantes, boutiques de mode, bijouteries et parfumeries de luxe, restaurants distingués et promus par le guide Michelin, villas cossues, terres saintes, monuments historiques, cimetières de l'Otan, bordels de luxe, cliniques de chirurgie esthétique
- êtes-vous autorisés à circuler, à étudier, à habiter, à travailler ? à aimer et à vous reproduire ? à rire et à chanter ? à vous exprimer ? disposez-vous d'un permis de vivre ? êtes-vous titulaire d'une carte de tzigane-zigeunerkaart, d'une carte de stationnement ou d'une attestation de résidence ? êtes-vous ressortissant d'un Etat membre de l'Union Européenne ayant souscrit aux Accords de Schengen ?

des flics de riches traquant les sauvageons, les baladins, les bateleurs et les forains, les Dalits, les Touaregs, les Roms et les Manouches, les Béniguils, les Valaches, les Tchétchènes, les Aborigènes, les griots, les gnomes, les immigrés, les basanés, les demandeurs d'asile, les infidèles et les homosexuels, les naufragés, les invisibles et les itinérants, les convicts, les mariniers et les chemineaux, les skaters et les break-dancers, les phaseurs, les chayeurs et les shégués, les maraudeurs et les voleurs de pommes et de chiens, les inciviques et les réfractaires qui se planquent dans une caravane, les paillards et les impies, les camelots, les jongleurs et les musiciens de rue, les joueurs de bouteilles de bière ou de Coca-cola, les mamans manoeuvres et les changeuses au noir, les baraquis suspectés de dérober de la ferraille dans un entrepôt abandonné, les vendeurs à la sauvette d'ensembles soutien-slip et de guêpières qui interpellent les clientes à la sortie des salons de coiffure et des boutiques de produits cosmétiques, les mongoliens, les épileptiques possédés par les Esprits, les alcooliques et les asociaux, les insomniaques et les incontinents, les libertins et les malicieux, les orpailleurs et les dresseurs de puces, les avatars et les avortons, les sans foi ni loi, les sans croix ni drapeau, les sans état civil, les sans souci, les galériens et les perroquets évadés portant encore une chaîne à la patte, les pendus décrochés, les petites filles fugueuses, les avorteuses, les anarchistes, les affranchies et les extravagants
- avez-vous un domicile fixe ? disposez-vous d'une surface nette au sol de 12 m2 pour y installer un canapé clic-clac, une table, deux chaises, un évier ou une bassine en plastique, un réchaud électrique ou une gazinière, un portemanteau et une armoire personnelle ?
- avez-vous prévu un espace de circulation entre les différentes pièces de mobilier de façon à pouvoir accueillir dans des conditions satisfaisantes les receveurs des contributions, les huissiers de justice et les assistants sociaux ?

des flics de riches traquant la vermine rouge, les chômeurs, les déportés et les bannis, les interlopes et les cosmopolites, les membres d'ethnies minoritaires, les radiés du registre de la population, les porteurs de faux papiers, les travailleurs clandestins, les prisonniers en cavale, les étrangers en séjour illégal, les expulsés du café du Commerce et de l'Industrie, les hérétiques, les sorciers, les sacrilèges, les imprécateurs, les blasphémateurs
et les femmes libres
- cocottes ! cochonnes ! mouilleuses de petites culottes ! dézippeuses de braguettes ! rouleuses de cigares ! astiqueuses de pénis ! cireuses de glands ! ponceuses de bites ! tireuses de vin de palme ! accoucheuses de foetus ! voleuses de santé ! croqueuses d'innocence ! dévoreuses d'âmes ! jeteuses de sort ! squaws ! mingondo ! iveco ! roulures ! bordelles ! trottoires ! créatures ! poufiasses ! malpropres ! traînées de roulotte de foire ! souillons ! salopes ! saletés ! herbes à morpions ! gazons pouilleux ! mangeuses d'héritage ! moins que rien ! pue du col ! tabagistes ! opiomanes ! fumeuses de bangui ! alcooliques ! vérolées ! sidatiques ! criminelles ! insoumises ! stériles ! bidets ! feuillées ! latrines ! serpillières de chiottes !

des flics politiques, économiques, sociaux et culturels
traquant les mouettes, les pigeons et les goélands
dont les déjections obscènes souillent les bancs des tribunes d'honneur des stades de football, les parvis des basiliques, les auvents des friteries et les appuis de fenêtre des bistrots, tripots, kaberdouchs, beuglants et lupanars

traquant les mouettes et les goélands
et tous les récalcitrants
soupçonnés de profaner les sarcophages, de fracturer la porte des centres de revalidation, de cisailler les barbelés des camps de déportation
d'enfermer les chiens jaunes et les pitbulls dans des enclos, de fracturer les portes des armoires et des placards à naphtaline, de vider les frigos et les celliers
d'ouvrir les fenêtres, de retirer les housses des fauteuils, de secouer les tapis, de changer les draps, de rompre les sortilèges maléfiques
de bouter le feu aux sapins en polyester, aux napperons en plastique, aux oiseaux empaillés
de taguer les albums de famille, de dépoussiérer les meubles d'époque et de les repeindre en rouge et en noir, d'épicer les recettes de cuisine à l'ancienne
et de s'introduire dans les maisons de repos, de ligoter les surveillants avec le fil du téléphone, de débrancher les portiques de détection
et de libérer Nonkel Tichke et Tata Mariette
deux petits vieux
qui
aussitôt
se prennent
par la main
et se remettent
à danser

des flics de riches en camionnette, informés d'agissements extravagants et de conduites inconvenantes dans le Busleidengang
- il s'y passe de drôles de choses !
et de la présence de récalcitrants aux comportements bizarres et inquiétants
- des va-et-vient suspects !
d'apatrides et d'étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige

et de femmes libres qui ne cessent de changer de perruque, de parfum, de rouge à lèvres, de territoire, de nom et de prénom
- comment les mettre sur fiches ? à quoi les reconnaître ?

réfugiées dans le tronc creux d'un arbre mort
Rya
Habiba, May-Ling
Adolfa, Kim, Lysbeth
Maia, Anaïs, Candice, Baronne, Kasandra, Bérénice
Aylane, Mina, Franceska, Shana, Owan, Joke, Ghysela, Ilsa
Peel, Vasil, Shoura, Angelo, Halim, Kevin, Nisha, Ioan
Merita, Milika et Malika
Mike, Onil, Talia, Pavel, Ashley, Sharko, Nagen, Petru
Britany, Noémie, Wendy, Nita, Laetithya, Aude, Hyndi, Jade
Morgane, Betina, Ophélie, Erika, Marylou, Aquarelle
Mirabelle, Suay, Cacao
Natasha, Vanille

filles et fils de peine

d dans la ppolice ?
attrapant nt au vol une pc pièce de m monnaie qu'on me lance
n'avend, dank u
- vous êtes bien aimable, manneke !
joder

IMPASSE DES CRACHOUILLEMENTS

des femmes libres, des tueuses nues, portant une perruque de cheveux roses et un masque de velours vert
incantations, libations, offrandes et sacrifices sanglants, bougies allumées au pied d'un arbre mort, poulets enterrés crus, lézards des souches et des murailles nourris à l'hostie émiettée, grenouilles élevées dans un calice doré, appels de cornes de brume dans la nuit, torches prenant subitement feu, coïts grotesques, enfantements monstrueux
des femmes libres sont entrées dans la ville
ânes tirant les attelages
chimpanzés portant les valises

des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des épouses de lampyres, des lucioles ayant subi, dès leur première enfance, les assauts du Malin et de sa Lesbienne Epouse
bavant, crachant, pétant
crottant des truffes
se découvrant la tête, déchirant leurs voiles, s'arrachant les vêtements et se frottant le corps aux buissons d'épineux
dansant le rock et la rumba, pieds nus, sur des hosties ardentes
portant au front une émeraude, des bijoux noirs en or et des pièces de monnaie dans les cheveux, des zigidas autour des hanches
buvant, dans une même écuelle, un breuvage fait de rhum haïtien et de sang de coq brésilien, de gingembre congolais et de pili-pili béninois
exhalant le souffle mortel des volcans
installant des nids d'abeilles, sourcilleuses et vigilantes, dans le tronc creux d'un arbre mort, à proximité d'un point d'eau ou d'une vespasienne
vivant dans des cabanes pourries et rouillées, non loin d'une décharge républicaine
se déplaçant, nuitamment, sur des chevaux de somme dépourvus de plaques d'immatriculation

des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles
les yeux noircis à l'antimoine, les pupilles dilatées à la marijuana, les lèvres rougies à l'ocre, les joues couvertes de taches de rousseur
radioactives
éclaboussées par le sperme en fusion de leur Divin Amant
brun, fort et généreux

des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles
s'enduisant le corps d'huile, de parfums, d'épices et de beurre de karité
s'appliquant de la craie pilée sur le visage, s'attachant des grelots aux chevilles
pelant des oeufs durs
donnant chaque matin des croûtes de pain aux écureuils de la forêt
décrochant les crucifix de surveillance et les mettant en position de veille, arrachant les micros portatifs, neutralisant les scapulaires et les médailles miraculeuses que les agents de la Sûreté Royale Catholique dissimulent sournoisement en dessous de leurs vêtements de ville
raccourcissant les cravates
prédisant les tempêtes, activant les fétiches et les transperçant d'aiguilles à coudre et de clous de cercueil
lavant les fesses des morts, soignant par excision, sentant le fauve et la charogne
creusant des cavités dans le tronc des arbres morts, y déposant des rognures d'ongles, des poils pubiens, des plumes sanglantes, des lames de rasoir, des épingles à chignon
des yeux de bouc, des dents de vipère, des cornes de crocodile, des osselets de crapauds
des débris de miroirs sur lesquels les images captives mettent une vie entière à s'effacer

on ne serre pas la main gauche d'un serpent

des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles
consommant des proies vivantes, les embrassant sur la bouche et leur perçant le coeur avec une épingle à cheveux
les étouffant ou leur brisant le cou
préparant et mangeant avec leurs doigts une selle de rat ou une gigue de serpent

quand un serpent entre dans la maison, on ne lui demande pas d'où il vient, ni comment il s'appelle
d'abord on le tue
ensuite on le bouffe

un râble d'ours de l'Ardenne, une cuisse de lynx, un magret d'oiseau rapace, une bisque de loup sur purée de navets, une darne de lézard à la menthe fraîche et aux noisettes
dégustant un civet de caïman aux airelles
savourant les trois pièces d'un flic politique tombé dans un piège à buffle
avec détermination, délectation, jubilation
plongeant les hosties consacrées dans un bénitier et leur maintenant la tête sous l'eau pendant cinq longues minutes
désaccordant les pianos mécaniques, se cachant dans les tuyaux sonores et les bandes de carton perforées des orgues de barbarie, se nichant dans les placards à balais, sachant arrêter le lait des vaches et des nourrices, prenant plaisir à crever les pneus des voitures de bourgeois sexuellement excités par l'odeur des fèces de très jeunes filles, jetant leurs téléphones portables dans la cuvette des WC

des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles
des bolets Satan, des amanites phalloïdes et des champignons hallucinogènes
des corneilles tournoyant dans le ciel et tuant des lapins, frappant au carreau
annonciatrices de divorces et de deuils, d'épidémies, d'avalanches, de sécheresse et de famine, de crues et d'inondations, de défaites, de pillages, de naufrages, de cyclones et de tremblements de terre, de bogues informatiques et de krachs boursiers, de nettoyages ethniques, de croisades et d'expéditions coloniales, de massacres, d'exodes et de bombardements
des louves sorties du bois, faisant provision d'eau et de nourriture, remplissant leurs gourdes à la fontaine, volant des légumes dans le potager du presbytère
des cigognes noires, oiseaux de mauvaise augure, grattant le sol
des mangeuses de charbon, portant sur leurs épaules des singes-gargouilles, à très longue queue, sardoniques, irrespectueux, protecteurs, agressifs et grimaçants
et des fauconnes, sautant au visage de ceux qui les approchent, plantant leurs griffes dans les joues des voyeurs

Merita, Milika et Malika
venues en se cachant des bords de la Baltique ou des hauteurs de Podolie, du golfe de Guinée ou de la cordillère des Andes
descendues en pleurant des contreforts du mont Pashtrik, sautant à cloche-pied entre les mines
enlevées nuitamment dans un village des montagnes d'Illyrie
séduites et déviergées à l'âge de 12 ans, séparées de leur mère et nourries au seau, séquestrées dans des armoires, dressées à la chicote, fouettées avec la laisse du chien pour avoir refusé d'entrer en salle de traite, suspendues par les pattes arrière et tabassées tous les soirs pour amollir les chairs, violentées pendant plusieurs mois par des hommes cagoulés, gantés et armés dans les sanitaires d'un camp de réfugiés ou sous la tente-chapelle d'un aumônier militaire de la Libre Amérique ou de la Sainte Russie, près d'une rivière à truites ou d'un lac volcanique où les hyènes viennent s'abreuver avant la chasse
transplantées en Italie, invitées à suivre un stage de requalification, placées sous la protection d'un tenancier de manège chargé de leur apprendre à exécuter des tours, à luire dans l'obscurité et à se conformer aux pratiques sexuelles en usage dans les Etats membres de l'Union Européenne
- cessez de regarder les hommes avec un regard de chienne battue ! ouvrez grand les yeux ! dévisagez outrageusement ! entraînez-vous à remuer les paupières comme un papillon tropical cligne des ailes ! fraisez-vous les lèvres et gonflez-les ! écartez les cuisses ! ne soyez pas si coincées ! buvez votre bière pendant qu'elle est encore fraîche ! soyez directes, insolentes, provocantes et impudiques ! caressez-vous l'entrejambe et le gras des seins ! montrez vos poils et vos tétons ! roulez des fesses ! mangez votre steak avant qu'il ne refroidisse ! cessez de vous ronger les ongles ! cessez de faire pipi au lit ! ne lisez pas de romans d'amour pendant les heures de service !
portées rapidement à maturation, gavées d'hormones et bourrées d'antibiotiques pour favoriser la croissance et éviter la maladie
épouillées, épilées, rasées, frottées, savonnées, douchées à l'eau glacée, bouchonnées
exercées à la monte, éduquées à l'obstacle, gardées dans des enclos sans barbelés pour que leur cuir ne porte aucune marque de griffure
mises en condition, entraînées au Saint Sacrement du Mariage par des danses spéciales qui développent les muscles du bassin et renforcent l'élasticité et la résistance au frottement des replis cutanés de l'appareil génital externe et interne
inscrites à des cours de marche, de maintien, de maquillage, de marketing, d'hygiène buccale, de prophylaxie des maladies sexuellement transmissibles, de sodomie, de fellation, de mime et d'expression dramatique, d'informatique et de comptabilité, de résistance aux coups et d'accoutumance à la captivité
rodées, testées, droguées et soudoyées, rendues opérationnelles, reçues à l'examen, déclarées aptes à l'exercice des métiers de chair
engrossées, tricotées par une avorteuse, cautérisées, stérilisées
passées professionnelles en ex-Belgique, dans des équipes de première division du grand marché social européen
jetées sur les trottoirs de l'avenue Louise et de la rue des Commerçants à Bruxelles-Brussel, en short, par moins cinq degrés
ou des Lange en Korte Winkelhaakstraat et Schaafstraat à Antwerpen
faisant semblant de patienter à l'arrêt du bus, s'asseyant sur un muret, s'accoudant à la rambarde d'un petit pont, s'adossant à un panneau de signalisation, à une cabine téléphonique ou à un réverbère

IMPASSE DES MURMURES

fleurs coupées avant l'aube
enlevées, épouillées, entraînées

larmes passées au sèche-cheveux, cris murés
converties au bef et à l'euro, s'habillant de papiers de bonbons et de costumes de carnaval, accrochant des clochettes en cristal à la pointe de leurs seins fluorescents, portant un cache-sexe retenu par une ceinture de perles multicolores
mises en vitrines dans les carrées et les bars-aquariums de Saint-Josse-ten-Noode-Sint-Joost-ten-Noode et de Schaerbeek-Schaarbeek, nichées dans des potales
les pieds sur un tabouret, bottées jusqu'à mi-cuisses, cabrant les reins
assises sur un canapé, en petite tenue fluorescente, jambes bées
offertes au regard concupiscent des automobilistes qui roulent au ralenti dans la rue d'Aerschot-Aarschotstraat, proposées à la vénération des ombres
qui errent, glissent et se frôlent sur les trottoirs de la rue des Plantes ou de la rue Linné
et hument le corps des femmes
racolant sur la voie publique, recevant dans des salons privés, se livrant à domicile dans les 15 minutes de l'appel du patient

des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles
Merita, Milika et Malika
Amela Milangi, Pétronille, Renata, Golda, Galit, Azniv, Kate and Jodie, Micheline qui grimace en se regardant dans le miroir et se préfère une fesse à l'autre, Georgette, Huguette, Josette, Arlette, Ruth, Berthe, Anémone qui craint de perdre la ligne et se fait vomir quand elle est saoule, Léocadie, Nazira, Nahema, Madina, Zamira, Danjela, Soeur Credonia de la Restauration des 10 Commandements de Dieu, Flora dite Boubou, Vilma, Malka, Ginka
et Boussaina dont le nom de scène est Simone, peignant avec les doigts, sans pinceau, les murs de son alcôve
et la Vache Folle, portant un collier d'oreilles confites autour du cou, un collier de capsules de bouteilles de bière ou d'ossements de crocodile
Fouzia, Fundji, Donja, Chupa, Gréta, Anouchka, Rosaire qui fait des bébés toute seule depuis l'âge de neuf ans, Ernestine, Ipanema, Xuan dont on dit qu'elle s'épile les poils du pubis à l'aide une clé à molette ou d'une pince à arracher les dents, Rosalie, Pélagie, Pharaïlde, Mia en Mieke, Paquita, Sunait, Bibiche qui enfouit ses petits seins dans le sable chaud et les couve pendant des heures dans l'espoir qu'ils éclosent, Zuweira, Aïssatou, Michiko, Catrice qui demande à une loueur de chaises de plage de lui enduire le dos de crème solaire, Clotilde alias Dolly, Esther alias Baby, Inge, Philomène, Ambroisine, Alexandrine, Fortunata
Soeur Jeanne des missionnaires de Notre-Dame d'Afrique, Mademoiselle Paule au bordel, qui apprend le solfège à sa petite fille pendant ses heures de pause
Eva, dite aussi la Villette, les joues couvertes de paillettes, s'inventant des souvenirs d'enfance heureuse
Iracema, faisant claquer sa langue dans une bouche édentée, enfourchant son balai, se tapant sur les fesses pour le faire avancer
Marie Moke, plongeant les vêtements de son amant dans une bassine d'eau savonneuse pour l'empêcher de réintégrer le lit conjugal, subrepticement, aux petites heures de l'aube, avant le réveil de l'épouse légitime
bêtes de joie, filles de tristesse et de mélancolie
proposant des shampooings sous la douche, des coupes intimes et des mises en pli condidentielles, un tatouage au henné, une partie de pêche à la ligne, une crêpe glacée au chocolat, des potages caramélisés, un enveloppement d'algues, un massage intégral
du bout des orteils à la racine des cheveux

A L'AMBASSY

Tantine Gudule
- j'ai mal mon dos !
et Tantine Waudru, la blouse gonflée de seins gros comme des gants de boxe
qui fleurent le lait battu et le beurre ranci et ballottent de façon disgracieuse lorsqu'on les secoue brutalement
exploitantes nationales d'un bordel de famille, maternel et surchauffé, rue de Malines
- oesje !
authentiques persilleuses indigènes, éprises de traditions hennuyères et brabançonnes, gardiennes des légendes et des usages locaux, attentives au respect des règles de l'art et de l'ordre établi, conservatrices du patrimoine génétique des peuplades belgiques
justifiant des plus hautes qualifications professionnelles requises, certifiées par les organismes accrédités à cet effet, les habilitant à exécuter les différents travaux et services sexuels de base et les autorisant à proposer à leur clientèle des variantes libres audacieuses

Gudule et Waudru
- il devient urgent d'faire le ménage !
s'inquiétant de la concurrence sauvage des religieuses abandonnées par le Seigneur, des femmes trompées et des épouses divorcées, des mères célibataires poursuivies par les huissiers de justice, des anthropologues et des sociologues au chômage, des étudiantes recalées en première session d'examens, des écolières qui brossent les cours de gymnastique et de solfège, des servants de messe et des travestis
et surtout des filles de l'Est et du Sud qui s'introduisent sur leur territoire
- très belles, très jeunes, parfois mineures ! les plus vieilles n'ont même pas 25 ans !
qui opèrent en dehors des zones de tolérance, font stopper les véhicules des clients sur les bandes d'arrêt d'urgence des boulevards périphériques, travaillent derrière des bâches, dans des camionnettes et
- carrément !
sur les capots des bagnoles et se font triquer sans préservatifs
- au mépris de toute règle de sécurité, peï !
qui ne votent pas, ne cotisent pas, ne consomment pas, ne se confessent pas, ne vont pas à messe, travaillent tous les jours de la semaine, ne sont jamais réglées, s'exhibent à moitié nues, tapinent au vu des enfants
- portant gravement atteinte aux bonnes moeurs ! troublant l'ordre public !
et qui sont exonérées d'impôts
- tout l'argent qu'elles gagnent ici, ça part tout de suite à l'extérieur du pays, savez-vous ! on devrait toutes les expulser, ces salopes-là ! vite fait, bien fait ! qu'elles retournent d'où elles viennent ! on s'demande parfois ce qu'attend la police pour agir ! il suffirait d'organiser une rafle, comme dans le bon vieux temps ! ça urge, peï ! c'est un grave problème de santé et de sécurité ! ce ne sont quand même pas des étrangères qui vont faire la loi ici !

Gudule et Waudru
prostituées de quartier, putains îlotières, dispensatrices de soins intimes, débardeuses à betteraves, rêves d'occasion, vierges maculées, dépotoirs à passions, bétaillères
épouses intérimaires d'un inspecteur de police alcoolique et dépressif, chargé de faire respecter les horaires de tonte des pelouses, de verbaliser les inciviques qui sortent leurs poubelles en dehors des jours de ramassage, de procéder à l'enlèvement des affiches sauvages et d'interpeller les chiens sans laisse
Gudule et Waudru
faisant la causette sur le trottoir
ayant remarqué qu'un monocouille est moins excitant qu'un véritable bicouille et se demandant si trois seins en plastique feraient bander plus sec qu'une seule paire d'authentiques nichons de lait
- oesje !
bavardant, rigolant, philosophant
- l'utilisation de services sexuels féminins et sa part dans la consommation totale de biens sociaux et culturels constitue un bon baromètre de la conjoncture, savez-vous !
se plaignant du temps, des pouvoirs publics et de la conjoncture
- la canicule de l'été dernier a été la cause d'une baisse de 12% de la fréquentation des maisons de plaisir, savez-vous !
- et y paraît qu'à Antwerpen, les revenus des prostituées du Schipperkwartier ont diminué de 50% depuis la mise en place d'un nouveau plan de circulation !

Gudule et Waudru
accostant les passants, faisant l'article, bonimentant, prêchant la bonne parole
essayant d'attirer à elles les rossignols solitaires et les vanneaux sortis de leur nuée
discutant avec un student bigleux
en duffel-coat, frétillant de la queue, mordillant sa laisse, presque timide, ancien élève du collège Notre-Dame, ancien scout de la paroisse du Christ Ressucité, venant d'échouer en quatrième session de première année d'études de pharmacie ou de sociologie et se demandant comment annoncer ça à ses parents
- on t'a d'jà dit que t'es vach'ment bien foutu, fieu ? et que t'as d'beaux yeux, savez-vous ? et une sacrée belle gueule ? on peut te demander quel âge t'as, chouke ? et depuis combien de temps ? et comment tu t'appelles ?
lui, qui fleure encore la peinture fraîche, le yoghourt entier et le pain intégral, l'eau bénite, la bavette et la couche-culotte, la salade de pissenlits
elles, répondant à toutes les questions du jeune homme, l'informant, le rassurant, l'initiant, l'apprivoisant

Gudule et Waudru
connaissant les secrets des herbes
manipulant des fioles remplies d'épices, d'insectes, de serpents, de plumes et de poils, de racines, de cornes, de dents, d'osselets et d'écailles, de liquides glauques et obscurs, de graines imprégnées de la salive de vaches tuberculeuses
concassant des noix, pilant des feuilles
confectionnant des philtres d'amour vénal, dans des casseroles bosselées, entre le lundi des Roses et le mercredi des Cendres
pour attirer les michetons et réveiller les ardeurs perdues, rendre les hommes irrésistibles
- il est très important d'avoir un dialogue avec les clients, savez-vous !
jetant la foudre et transformant, d'un coup de balai magique, l'église des Jésuites de Marche-en-Famenne en complexe hôtelier
transformant la chapelle des soeurs de la Doctrine chrétienne de Virton en salle de spectacle et en académie des Beaux-Arts
d'un coup de balai magique
transformant le couvent des Récollectines en dépôt de charbon
concoctant des élixirs et des cocktails à base de piments frais ou séchés, de tomates, de câpres, d'oseille, de citron, de poivre, de céleri, de chanvre congolais, de poudre de cantharide et de fourmis jaunes pilées, de coriandre, de muscade et de tangawisi, de ginkgo biloba, de bois bandé, d'écorce de banane plantain ou de manguier, de feuilles de damiana, de racines de manioc, de graines de kolatier, de griffes d'ours, de sabots de cerf, de sang de tortue, d'urine de chamelle, de larmes de biche, de menstrues de vierge, de fèces de nouveau-né, de morve de shégué, de salive de chien jaune, de dards de guêpe, de dents de serpent, de sperme de tigre, d'os de baleine, de queues de rat, de bave de crapaud, de pinces de crabe, d'aiguillons de scorpion, d'huile de moteur usagée
- pour soigner les prurits vulvo-vaginaux, peï !
- et ça rend les relations sexuelles tellement plus confortables, savez-vous !
et des onguents à base de belladone

la guêpe et le scorpion
tombent en amour, crachent leur venin, écrivent un book
puis crèvent

Tantine Waudru, originaire de Mons-Bergen et Tantine Gudule-Goedele, native de Bruxelles-Brussel
en peignoir et en pantoufles
en porte-jarretelles et bigoudis, mousses élastiques couvrants et voiles lycras transparents
en pantys qui gainent les jambes, aplatissent le ventre, remontent les fesses et soutiennent les reins
- oufti !
ou en perruque et en culotte, le torse nu sous un manteau de fourrure en plastique
- oesje !

Gudule et Waudru
puissantes matrones, éraillées, patinées, burinées
exerçant leur métier avec conscience et détermination, simulant des orgasmes et des tremblements de terre, s'intéressant à leurs michetons, connaissant leurs habitudes, recueillant leurs confidences, mémorisant quelques éléments de l'histoire personnelle de chacun d'eux, leur prodiguant des conseils, les appelant par leur prénom, s'inquiétant lorsqu'elles ne les voient pas venir
- on a l'impression de servir à quelque chose, peï ! on prend grand soin de notre clientèle ! on se trouve moralement engagées dans un contrat de confiance avec nos habitués ! on leur offre des prix préférentiels ! on s'attache, savez-vous !
- ...
- oui mais, quelquefois, on doit mettre des limites, fieu ! on doit se protéger ! pour les hommes en musth, une vie de femme ça ne vaut pas grand chose ! ils deviennent complètement dingues ! on ne compte plus pour rien ! on n'est plus qu'un trou chaud ! et un trou c'est un trou ! et y faut bien qu'on se défende alors, savez-vous !
- ...
- celui qui pète les plombs, celui qui devient violent ou désagréable, celui qui ne veut pas comprendre ce qu'on lui dit, celui qui baise plus haut que son cul et qui refuse de payer des travaux supplémentaires dont il avait pourtant passé commande, on lui fait casser la gueule à coups de matraque par un copain flic ! on lui fait les poches, peï, on se rembourse et on le shoote dehors !
- ...
- et celui qui s'accroche, fieu, celui qui pleurniche et qui pousse sa petite crise de jalousie, on lui fait boire un mickey, on lui fouille ses papiers et on finit bien par retrouver son nom et son adresse, savez-vous ! on téléphone à sa bonne femme et on lui demande de venir rechercher le branleur! et si elle ne veut pas se déplacer, on lui fait livrer son triqueur à domicile, fieu ! en taxi vert ! et port payé par la destinatrice !

Waudru
s'étant fait redessiner les grandes lèvres par un chirurgien esthétique
et regonfler les seins
les mettant à l'abri du froid sous un gros châle de laine
et Gudule
- j'ai mal mon dos !
se frictionnant la poitrine, se massant les aisselles et l'entrejambe, se graissant le trou du cul
- oesje !
transformant la chapelle de l'orphelinat des religieuses de Boussu en salle du conseil communal
transformant l'église Saint-André de Liège en Temple de la Raison, manège, hôpital, entrepôt, restaurant, salle d'exposition


A L'AMBASSY


Tantine Waudru et Tantine Gudule-Goedele
des putains du Dragon, des creveuses d'yeux
transformant en discothèque la chapelle du collège de Sirault à Saint-Ghislain
émergeant des puits, des greniers, des granges et des forges
frappant aux portes des maisons, des casernes, des internats, et des presbytères
et des chambres d'hôtels pour voyageurs
lisant les mains, jouant au tarot, versant de la bougie fondue dans une bassine d'eau glacée, déchiffrant les taches d'encre et les marcs de café, agitant les pendules, remuant les osselets, jetant les cailloux de prédiction, consultant les viscères, interprétant les étrons
- oesje !
perforant les tympans, décalottant les glands et crevant les hymens, perçant la peau des tambours, administrant des cocktails lytiques
laissant longuement fermenter des racines de mandragore et des pénis de phoques dans une bouteille d'arak ou de lotoko, fabriquant des alcools lascifs ayant la vertu de rendre fertiles les jeunes vierges conventuelles et de les libérer de tous leurs voeux
- pour faciliter les sécrétions vaginales et soigner les synéchies et la stérilité, fieu !
préparant de la soupe à la ciguë et aux chardons, de la confiture d'orties et des beignets de charançons
mélangeant des poudres dans du miel
- pour le foie et pour les yeux, peï ! contre la morve et la chute des cheveux ! contre le rhume et les maux de gorge ! et aussi contre les morsures de serpent, fieu !

NE ! SI-RENE ! SI-R SI-RENE ! SI-RENE !

des flics
ça louche, ça lèche, ça flaire, ça frôle
ça
ça

des flics de riches et des prêtres en or
surviennent
des prêtres propageant le Bonne Nouvelle, distribuant aux passants des dépliants et des prospectus qui vantent les mérites des Dieux qu'ils représentent
- il n'est pas d'autre Dieu que mon Dieu !
des flics en camionnette, informés de la présence d'extravagants et de récalcitrants au comportement suspect
et de femmes libres, de fées, de sorcières et d'enchanteresses, de tueuses nues, d'épouses de lampyres, de lucioles

des prêtres en or
le corps pris de tremblements
allumant des lanternes dans des citrouilles pour éloigner les esprits malins et les idées subversives qui se glissent sournoisement dans la tête des croyants
les mains tendues vers le soleil, la lune ou les étoiles
jouant de la corne de brume, jetant de l'alcool de riz sur les trottoirs, rasant la tête des hommes en deuil, saupoudrant de sel le crâne des nouveau-nés, clouant des chouettes sur les portes des granges, noyant les pécheurs dans des marécages, coupant les cheveux des pénitentes, s'enduisant la poitrine de boue, se noircissant le visage au charbon, allumant des bâtonnets d'encens, brûlant des chats soupçonnés de sorcellerie, bouchant les tympans et obturant les anus, griffonnant les zones pubiennes, procédant à l'ablation des clitoris et à l'excision des prépuces, scotchant les bisous sur la bouche, pixellisant les rixes érotiques, tuant les mères indignes et revendant leurs bâtards comme enfants d'agrément à des familles bourgeoises
obéissant à des voix venant du ciel ou de la mer, mettant la brousse en feu, incendiant les baraques pourries où les fées reçoivent en cachette leurs amants, sonnant les cloches, frappant dans leurs mains, actionnant des moulins à prières, faisant exploser des pétards, imposant les mains, agitant des épouvantails et des mouchoirs magiques
pour chasser les âmes errantes des morts
et les démons sans nombril, rôdeurs et malfaisants

des flics de riches et des prêtres en or
offrant un Code de Savoir-Etre et le Livre Sacré d'une religion révélée aux impolis et aux analphabètes
des procureurs, des scrutateurs, des producteurs, des profileurs, des inventeurs et des investisseurs, des mandataires et des dignitaires, des fondateurs et des explorateurs, des conseillers techniques, des restaurateurs et des unificateurs, des animateurs de groupes et des motivateurs de masses, des chasseurs de tendances, des chauffeurs de salles et des professeurs de shadow boxing, des rédacteurs en chef et des directeurs littéraires, des ministres plénipotentiaires, des maîtres de chapelle, des légataires universels, des co-régents, des prophètes, des ulémas, des comptables et des clergymen, des prélats et des pontifes, des princes de Bouillon, des ducs-électeurs de Bavière, des comtes de Namur, des marquis d'Anvers et des seigneurs de Tournai, des bibliothécaires, des biographes et des académiciens, des violeurs conjugaux, des radiologues, des audiologues, des oncologues, des stomatologues, des rhumatologues, des idéologues et des commissaires politiques, des commissaires économiques, des commissaires sociaux et culturels, des préfets de discipline et des surveillants généraux, des planificateurs et des évaluateurs, des officiers des troupes spéciales, des traqueurs de terroristes, des constitutionnalistes, des mondialisationnistes, des curateurs et des redresseurs d'entreprises, des membres du conseil d'administration de la fédération ex-belge de Sumo, des podologues, des vulcanologues et des anthropologues, des météorologues et des analystes financiers, des prévisionnistes, des révisionnistes et des négationnistes, des consultants spirituels, des moralistes et des chasseurs de dot, des voyagistes et des orthopédistes, des moulinologues, des virologues et des généticiens, des chercheurs francophones et des scientifiques néerlandophones qui se disputent le brevet d'invention de la machine à découper les pommes de terre en bâtonnets de 1 centimètres de large sur 7 à 8 centimètres de long, des vertueux, des censeurs, des dévots, des bedeaux, des coordinateurs de programmes humanitaires, des développeurs et des urgenciers, des qualiticiens, des justiciers qu'aucun doute ne semble jamais ébranler, des zélés, des sbires et des affidés, des maîtres à penser, des gardiens de parkings de cimetières, des diseurs de mots justes, des protecteurs du dogme, des liquidateurs, des épurateurs, des dératiseurs
prêtant serment devant les caméras de la télévision

des bâtisseurs de centres de triage, de camps de regroupement, de filtration, de rééducation civique, de resocialisation, de réinsertion par le travail, de concentration, de déportation et d'extermination
fondant des cultes, créant des entreprises de religion, élaborant des liturgies, recrutant des fidèles, injectant des puces, plaçant des sondes, installant des micros et des caméras de surveillance affiliant, baptisant, vaccinant, excisant, enseignant, mystifiant, construisant des églises et des temples au milieu des villages, installant des clôtures, faisant payer des octrois, conférant des titres de noblesse, distribuant des charges et des privilèges, des indulgences et des décorations, réclamant des faveurs sexuelles en échange d'un emploi de femme d'ouvrage, alignant, bénissant, marmonnant et sermonnant, tenant à mots couverts des conférences secrètes dans des jardins discrets, levant des taxes, recouvrant des impôts, promulguant des catéchismes, publiant des encycliques, enceintant et farcissant des urnes, cumulant des mandats, squattant des emplacements de parking réservés aux handicapés, renversant les étals des vendeurs de fruits et de légumes, tirant des oreilles, infligeant des châtiments, dispensant des enseignements, sécurisant les coïts, normalisant le vol des papillons, réglementant la cueillette des fleurs et des champignons, enfonçant tous les clous qui dépassent, donnant des instructions et diffusant des informations par haut-parleurs, prescrivant d'emprunter les chemins balisés, interdisant aux convois de barges et de baleinières de descendre le fleuve à destination de la capitale après le coucher du soleil, sonnant le couvre-feu à 21 heures, bloquant la circulation des trains de voyageurs et fermant les grilles des parcs publics, enjoignant aux jeunes filles de ne pas dévoiler leur chair au-delà de 15 cm sous le cou et de 15 cm au-dessus du genou, contraignant les fumeurs à se réfugier sur les trottoirs pour griller une cigarette, mortifiant, photographiant, mesurant les crânes et les mentons, les sexes et les lèvres, plaçant sur tables d'écoute, mettant sur fiches, interconnectant les fichiers, scannant tous les messages qui entrent et sortent sur le réseau pour y détecter des contenus spécifiques, emprisonnant les toxicomanes et les menottant à leur lit, terrorisant les jeunes couples qui copulent dans des voitures ou des toilettes publiques, appâtant, encodant, créant des bases de données sur les sidatiques et les indigents
des Responsables
investiguant, diabolisant, s'introduisant dans les cerveaux, gangrenant les mémoires, stigmatisant les déviances sociales, encourageant la délation, pressant les bossus d'avouer leurs vices, engageant les pécheurs égarés à confesser leurs péchés et à se remettre sur le chemin du Bien, recueillant les offrandes, faisant oeuvre de Charité, lançant des appels à la prière, haranguant les soldats, exhortant les fidèles, pourchassant les infidèles, terrassant au bulldozer les baraques de palettes et de tôles de récupération que les sans-abri érigent frauduleusement en bordure des champs de détritus, enfonçant leurs baïonnettes dans les ballots de paille et les meules de foin, éventrant les sacs de riz et de haricots, découpant au fusil-mitrailleur les gamins impolis qui chapardent des olives dans les jardins des colons, excisant, nettoyant, ratissant, ratonnant, pourfendant, pointant du doigt, prenant des mesures radicales, installant des conflits, promettant une riposte immédiate, jetant des anathèmes, prononçant des réquisitoires, montrant le cerf pour désigner le cheval, exécutant des sentences, déclenchant des avalanches, rasant les quartiers infestés par la vermine rouge, liquidant les syndicalistes contagieux et les travailleurs contaminés, étranglant les concubines lascives et les enfants du carnaval, inventant de nouveaux virus, excluant de la communauté nationale et internationale, convertissant les projets de développement en dette extérieure, consignant, bannissant, dégraissant, expurgeant, comprimant, rationalisant, délocalisant, négociant des titres auprès d'une banque monégasque, organisant un salon du capital à risques, créant un réseau de business angels pour faciliter les rencontres entre porteurs de projets et investisseurs potentiels, restructurant, fermant des sites, supprimant des postes de travail, multipliant les mesures incitatives visant à développer l'esprit d'initiative, incitant les malades cancéreux à reprendre rapidement leurs activités professionnelles, transformant les places publiques et les terrains de jeux en aires de stationnement automobile, précarisant, paupérisant, implémentant des politiques d'ajustement structurel, mettant en oeuvre un plan de restructuration ambitieux et coûteux en termes d'effectifs, falsifiant les statistiques, diminuant les coûts, assouplissant la réglementation sur le taux d'arsenic acceptable dans l'eau, changeant les méthodes de fabrication, réduisant le nombre de manipulations, supprimant les tests de détection de la salmonelle dans la viande de boeuf destiné aux cantines scolaires, investissant massivement dans le commerce électronique, minimisant les risques de tension sociale grâce à une communication efficace, gérant de façon adéquate les provocations du personnel, soumettant les meneurs à des examens d'urine, analysant les données relatives au profil génétique des agitateurs et les comparant avec les traces relevées sur les lieux de différents faits criminels, lançant une campagne de marketing visant à regagner la confiance de l'opinion publique
recommandant aux instances compétentes d'élaborer une nouvelle note, devant venir en complément d'analyses socio-économiques antérieures déjà disponibles, en vue d'aider à la préparation d'actions urgentes d'intervention en faveur des couches les plus vulnérables des populations en situation de détresse
organisant une collecte de vivres non périssables pour les familles les plus démunies
limogeant, bannissant, licenciant
- pour retrouver le chemin de la croissance ! pour faire passer la marge bénéficiaire de 11% à 15% en 5 ans ! pour le bonheur des actionnaires !
poursuivant les 13 délégués syndicaux des Forges de Clabecq comme auteurs d'un crime ou d'un délit, sur pied de l'article 66 du Code Pénal, pour avoir directement provoqué à le commettre soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques qui auront été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public
décontaminant, désamiantisant, éradiquant, mettant au pilori, procédant à l'ablation du bec des poussins, capturant les okapis pour en assurer la survie et en réguler la reproduction, plaçant à l'isolement dans des cachots-cubes de 90 centimètres de côté, reconduisant à la frontière, organisant des sacrifices humains, électrocutant, décapitant et fusillant pour l'exemple, faisant vibrer la fibre patriotique, sacrifiant les chevreaux, tordant le cou du poulet pour effrayer le singe, dessouchant, zondomisant, stérilisant les Bohémiens, les asociaux, les déviants et les handicapés

une fois stérilisés, les chiens de la rue ne lèvent plus la patte
et leurs épouses cessent de hurler à la mort, par grand froid, lors d'une nuit sans lune

interdisant l'entrée du Paradis aux femmes réglées, aux enfants morveux, aux cochons, aux eunuques, aux lombrics, aux édentés, aux chauves et aux imberbes
déplaçant, concentrant, déportant
lançant des quilles dans les pattes des protestataires, ouvrant le feu sur un cortège funèbre, organisant des massacres de prisonniers sur des sites préalablement balisés
confisquant les passeports, rasant la tête des bossus et les encourageant à avouer leurs vices, passant les livres différents au pilon, coupant les mains des sourds-muets, crevant les yeux des accordeurs de piano, effaçant les tags des couloirs du métro, rançonnant les passagers et confisquant leurs bagages, internant les sorciers et les incontinents dans des bagnes psychiatriques, menant des expériences génétiques sur les détenus, plaçant sous camisole chimique, condamnant les pythonisses et les journalistes à dix ans de réclusion pour diffusion d'informations préjudiciables à l'Autorité, obligeant les taulards à pratiquer des fellations sur leurs matons, chassant les têtes et les coupant, attrapant les insectes d'un mouvement rapide de la mâchoire, mettant le feu aux pigeons et aux hirondelles, organisant de gentils petits meurtres entre amis, commanditant des attentats, procédant à l'abattage des contagieux en vue de leur incinération, exorcisant les épouses stériles et les enfants sorciers, tondant les cheveux des jeunes filles
- pour que les femmes restent pudiques et cessent de provoquer les hommes !
larguant des mines déguisées en oeufs de Pâques, testant des armes contre l'Iraq, expérimentant de nouveaux médicaments sur des prisonniers d'opinion, intégrant des personnages de synthèse à des décors naturels, déversant des barils de déchets toxiques dans les rivières poissonneuses, incendiant les arbres fruitiers, saccageant les récoltes, passant commande d'équipements de vision nocturne pour améliorer l'efficacité des bombardements au napalm des paysans suspectés d'avoir déserté l'économie de marché et de s'être réfugiés dans la forêt lointaine où chante le hibou, déversant du défoliant sur les villages et les cultures, déclarant la guerre aux peuples et les enfermant dans des camps, enlevant les plus jolies étudiantes à la sortie des classes pour en faire des filles à soldats, massacrant les Tchétchènes et les Aborigènes, exterminant les vermines et les improductifs, trucidant les irréductibles, refusant de restituer aux familles les effets personnels des suppliciés, obligeant les mères des fusillés à gratter les taches de sang séché qui souillent les murs des casernes et les pavés des prisons politiques, les piquant pour les faire taire et calmer leurs douleurs
remplissant des conteneurs de cadavres, réquisitionnant des pelleteuses et creusant des fosses communes

les cadavres gagnent en odeurs ce qu'ils perdent en couleurs

organisant des croisades, des expéditions coloniales, des prospections pétrolières et des interventions humanitaires, des battues et des rafles, des procès et des purges, des pogroms, des opérations de nettoyage
recommandant instamment aux instances compétentes d'élaborer une cinquième note
devant venir en complément d'analyses socio-économiques antérieures déjà disponibles
et susceptibles d'aider à la préparation d'actions urgentes d'intervention en faveur des couches vulnérables des populations en situation de détresse
créant, au sein de l'université, une chaire d'études africaines financée par la Belgolaise, la Société générale de Belgique et l'Union minière
portant un masque devant la bouche, mettant des gants de plastique, enfilant une chasuble fluorescente, assurant la régulation du trafic routier, s'appropriant la vie des gens, programmant des enterrements, planifiant des génocides, faisant commerce de viande d'homme crue légèrement faisandée, se nourrissant des parties génitales de leurs proies, vérifiant toutes les sept minutes 30 que les condamnés ne se sont pas suicidés, les empêchant de dormir et leur interdisant de tout lire, sauf la Bible, la Torah ou le Coran
les lèvres pincées, les bras croisés derrière le dos
purifiant par le bagne, la terreur et la mort
obligeant les survivants à manger leurs morts

pardonnant à leurs victimes
faisant défiler les veuves de guerre et les orphelins du travail en règle de cotisation, les irradiés, les silicosés et les amiantisés repris dans un fichier de membres, les mutilés de la route sponsorisés par le Lion's Club, les aveugles cartés, les prisonniers politiques qui portent un bracelet d'identification, les rescapés et les survivants qui ont fait l'objet d'une évaluation psychiatrique favorable diligentée par la Sûreté de l'Etat, les chômeurs compostés et les minimexés dûment oblitérés, les toxicomanes qui font allégeance à des traitements de substitution, les victimes repentantes de bavures policières, les jeunes délinquants placés en institution de redressement, les véroleux et les sidatiques en cours de thérapie, les boulimiques et les anorexiques qui acceptent de se soumettre à un contrôle médical permanent, les normalisés, les ligaturées et les castrés qui ont signé et retourné le formulaire d'inscription et ont, ce faisant, accepté les conditions générales figurant au verso
leur distribuant des instruments de musique et leur enseignant à chanter la plus grande gloire de Dieu
les invitant à agiter de petits drapeaux

la mort d'un rat, ça ne se pleure pas
personne ne prend le deuil

rédigeant leurs mémoires

j j'ai
j'ai des amis dans la p police ?
et chez les prêtres ?
g gg gotferdoume
- des rencontres d'urinoir, eh, eh
circoncis s rire, je les
je les c cisaille d'un crire étroit, d'épine, je
s'il vous plaît ? watte ?
danke

Z-BAR Z-BAR Z-BAR

les gens vont, les gens viennent
l'enseigne lumineuse bat le rythme, légèrement, frétille
le portier
- de Dieu !

je me
m mf méfie e
je ne me fie jamais
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
dank u

le portier fait la quête
- bonne nuit ! dormez bien ! en fait, baisez bien, nom di djos ! souillez bien vos draps propres ! et n'oubliez pas l'portier, potverdekke !
le portier se dandine et fait le gigolo auprès d'une harde de bourges en goguette, des habitués qui le tutoient et lui refilent de grosses dringuelles
- j'espère qu'vous avez passé une agréable soirée, chers amis, beste vrienden, et qu'vous nous r'viendrez les poches pleines et en grande forme le week-end prochain ! dank u en tot ziens, merci et au revoir !

un jour, c'était dans une rr rue

goeie avond, mel'si, attrapant au v vv vol une pièce d dd de monnaie qu'on me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !
danke
s'il vv vous plaît ? watte ?
gotferdoume

c'était au c centre de la ville, dans une rue
joder
une chignole de police se g glisse le long du trottoir, s s'arrête te
et
les flics me bougent, me r reni-
flent le slip, me r tn retiennent par les br bretelles
m'escroquent nt un nom, m me me
b bonj'oir

les flics de riches aiment jouer à la baballe
et renifler les aisselles, les aines et les trous du cul

un flic, sa gueule de ver de terre, ses cheveux en brosse, sa moustache taillée et ses sourcils froncés, ses narines pincées, ses oreilles dressées, ses babines relevées, son menton verruqueux
du chewing-gum lui collant aux talons
- hé ! toi, là-bas, amène-toi ici ! et d'où tu viens, bordel ?
où tu vas comme ça ? c'est bien toi qu'on appelle Zef, non ? et c'est quoi c'te journal de merde qu'tu vends dans la rue ? et qu'est c'que tu caches dans tes poches ? et tu nous la montres, ta camelote ? et ça t'rapporte beaucoup d'sous (euros) ? et c'est d'ça que tu vis ? et qui t'as permis d'vivre ? et comment ça s'fait que tu n'sois pas encore mort ? et c'est avec ce bazar-là qu' t'espères devenir riche et respectable ?
- ...
- et tu y crois vraiment ou bien tu fais semblant, bordel ?
- ...
- à l'Immaculée Conception du Commerce et de l'Industrie, à la naissance du petit Capital et à son accroissement progressif sous les yeux attendris de ses parents ? à l'irrésistible Ascension du p'tit Christ, surdoué, sans diplôme, sans papiers, sans fiche de paie, sans quittance de loyer, sans valeur marchande, conçu dans le péché en dehors des liens sacrés du mariage, fruit des oeuvres de chair d'une petite demoiselle de comptoir aux humbles origines et d'un père inconnu de très haute extraction ? à Pérette et au pot au lait, bordel ?
- ...
- et tu trouves ça marrant, bordel ? et tu t'imagines sans doute que j'rigoooole ? t'es un imprécateur ! t'es un extravagant !
- ...
- et la patente ? t'as ta patente ? tu nous la montres ta patente, bordel ?
m me demandent si j'ai q quoi ?
la p patente ? ma patente ? quelle patente ?

un flic, sa gueule de ver de terre, ses sourcils froncés, ses narines pincées, son crâne de microcéphale, sa tête de noeud emballée dans une capote bouffie
- ta gueule, nom de Dieu ! est-ce que, oui ou non, vous vendez des journaux de SDF, des lacets, des porte-clés, des boutons, des gommes, des bonbons, des crayons, des brosses à cheveux, des mouchoirs en papier, des serviettes de plage, des briquets à gaz, des fers à cheval, des pattes de lapin, des dents de requin, des gousses d'ail, des dés pipés, des cartes truquées et autres marchandises suspectes, de porte à porte, sur la voie publique, sur les trottoirs et les marchés publics ou en tout autres lieux ou salles, accessibles ou non au public ? êtes-vous inscrit au registre de la population de la commune ? ou au registre des allochtones ? cotisez-vous à la caisse de sécurité sociale des travailleurs indépendants ?

les flics de riches aiment qu'on leur donne la papatte et qu'on leur fasse le beau
et qu'on leur suce la bite au fond d'une impasse

on
on m'oblige à g garder le dos c courbé é, l'échine basse, la m main devant la bouche et les oreilles plaquées contre le corps dans une att titude de soumission

- ta gueule, nom de Dieu ! disposez-vous d'une carte de vendeur de journaux, de brols et de babioles ?
- un sans domicile fixe, un sans-papiers et un analphabète, ouah, ouah, ouah ! et ça prétend vendre des journaux, ouah, ouah, ouah !
- êtes-vous titulaire d'une carte de marchand itinérant délivrée par le Ministère des Classes moyennes ? disposez-vous d'une licence vous autorisant à exercer le commerce ambulant dans la commune ? avez-vous adressé à l'administration communale une demande en vue de l'obtention, du remplacement, de la modification ou du renouvellement de la susdite autorisation ?
on me demande si je suis d sp disposé à faire des aveux complets sous la torture
on me demande dans qq quelle langue maternelle je préfère être interrogé, quelles ch chaînes de t télévision je fréquente, avec qui je suis allé au c cinéma pour la dernière ff fois

- ta gueule, nom de Dieu ! as-tu apposé des timbres fiscaux de 500 befs (environ 12,5 euros) à 2.000 befs (environ
50 euros) sur le formulaire de demande ?
on n me pp pose des questions, on m'interdit d'y répondre

on aboie
- ta gueule, t'es un récalcitrant !
on cherche à intimider:
- tu veux qu'on t'embarque pour fraude fiscale, nationalité incertaine, filiation coupable, élocution confuse, convictions religieuses d'origine étrangère et incompatibles avec la foi catholique, tenue de propos dénigrants et contraires aux usages honnêtes, connaissance insuffisante du français et du néerlandais, fausses déclarations à l'administration communale ou à l'Office des étrangers, violation de serment de fidélité au Roi et à la Constitution, extorsion de fonds, grossesse extra-utérine, exhibition sexuelle, travail au noir, abandon volontaire de l'emploi, trouble de l'ordre public, entrave méchante à la circulation, violences à agents, menaces par geste, outrage à personne dépositaire de l'Autorité ?
- bon, d'accord et quel est le programme maintenant ? vous actionnez mon interrupteur de vie ? vous me tuez tout de suite ou bien vous me laissez terminer mon sachet de frites ? et comment vous y prenez-vous ? me poursuivez-vous à coups de pierres ? me poussez-vous dans le dos et me balancez-vous par-dessus la rambarde ? me plaquez-vous au sol et me menottez-vous ? m'arrachez-vous la casquette et la piétinez-vous ? déchirez-vous les poches de mon manteau ? me ligotez-vous à l'aide d'une grande écharpe rouge ? m'enfoncez-vous un bâillon dans la bouche ? me forcez-vous à avaler des excréments de porc ? m'étouffez-vous avec un coussin ou avec un gant rembourré ? me retrouvez-vous inanimé au pied d'un escalier ?

on s'énerve, on menace de museler la bête pour l'empêcher de braire
- ta gueule ! écrase-toi, minable !

- me crevez-vous les yeux ? me coupez-vous les oreilles ? m'arrachez-vous la langue avec une tenaille ? m'enfoncez-vous des souris vivantes dans la bouche ? me promenez-vous dans toute la ville, sur un âne ivre et sourd, la tête tournée vers la queue ? m'appliquez-vous des électrodes sur les tétons ? me découpez-vous les couilles en très fines rondelles ? m'enfoncez-vous la tête dans un seau de pisse ou dans un seau de merde ? me noyez-vous en moins de trois minutes ? me brisez-vous le cou ?

on s'excite, on montre les dents, on tente d'immobiliser le dément avec des sangles
- ta gueule, on t'a dit ! ou bien ça ne va pas s'arranger pour toi !

- d'accord, d'accord, d'accord ! et qu'allez-vous faire maintenant, qu'allez-vous décider ? vous me pendez par les pieds après m'avoir décapité ? vous m'écorchez et vous me videz ? vous me remplissez et vous me recousez ? vous me bardez et vous me ficelez ?
ou bien me plongez-vous jusqu'au cou dans un chaudron d'huile bouillante ? m'introduisez-vous un entonnoir dans l'oesophage ? y versez-vous des épices et du pili-pili ? faites-vous cuire la bête pendant des heures sur un feu de braise ?
ou bien vous me mettez à la broche, vous me salez et vous me poivrez, vous me coupez la tête juste avant de servir
pour que la peau reste bien craquante
avec une salade tendre un peu amère ?
on perd patience, on sort les matraques, on fait trembler la vaisselle dans les armoires, on tape sur la tête et les couilles de l'incivique
- ta gueeeule, nom de Dieu !

- me placez-vous un garrot sur le cou et me buvez-vous le sang ? me brisez-vous les os et me sucez-vous la moelle ? me défoncez-vous le crâne et me gobez-vous la cervelle ?

on dégaine son pistolet, on braque son arme sur la tempe du provocateur, on vocifère
- tu veux qu'on t'inflige des heures de colle ?
- tu veux qu'on t'oblige à baisser ton pantalon et à faire des pompes ?
- tu veux qu'on te jette à la fourrière, bordel ? ou qu'on te foute au zoo avec les singes ?
- tu veux qu'on t'arrange le portrait ? tu veux qu'on t'arrache les dernières dents pour t'empêcher de mordre ?
- tu veux qu'on t'embarque pour insultes à agents, sarcasmes, insolence, convoitise, voyeurisme, intoxication alcoolique, état de démence sur la voie publique, dégagement de pets sonores, émanation de mauvaises odeurs corporelles, refus de contrôle sanguin, délit de fuite, jet de crachats visqueux sur le pare-brise des voitures de patrouille, gestes indécents et propos orduriers, projection de postillons cancérigènes, émission d'urine fétide, vol de mégots rougis par les lèvres des femelles d'autrui, appropriation de frites et de tartines jetées par des inconnus dans des poubelles publiques, soustraction frauduleuse de cageots de fruits ou de légumes et d'annuaires téléphoniques abandonnés sur les trottoirs, infraction à la législation sur l'hygiène des animaux et la protection des monuments et sites ?
- tu veux qu'on te déshabille, qu'on te tabasse, qu'on te pisse au visage, qu'on te traîne par les cheveux, qu'on te cogne la tête contre les murs du commissariat, qu'on te reclaque la porte du cachot sur la main et qu'on te sectionne les doigts, qu'on t'enfonce une matraque dans l'anus et qu'on te poursuive pour rébellion ?
on nm m' nt interdit de poser des qq questions, on refuse d'y r répondre
- j'espère bien ne pas être obligé de mourir avant d'avoir pu achever mon sachet de frites, godverdomme !

on me coud les lèvres, on m'oblige à av valer des sacs en plastique, des lézards et des cr crapauds, des pr préservatifs fabriqués avec des boyaux de mouton et des p pp papiers de bn bonbons, on m'enduit les mâchoires de colle f forte pour me fr fermer la gueule

les flics de riches aussi éprouvent des sentiments pour autrui
et souffrent du cancer des couilles

analyses sanguines et g génétiques, anthropologiques, odontologiques et bb balistiques
pr prise de sang, de lait, de morve, de s salive e et de sperme
prise d'empreintes d dd digitales, rétiniennes et olfactives
prélèvement d'un seul ch cheveu, avec toute sa racine, ou d'un poil p pubien arraché chéé é avec une p pince de cr crabe, pour détecter la pr prise de c rt corticoïdes et d'nb anabolisants
contrôle des s selles, examen des urines, analyses s sémantiques et relevé des analogies significatives
on me rr reproche le temps qu'il fait
- ik ?
on me verbalise pour t tapage nocturne
- ik ?

n'avend
attrapant au vol une p pièce de monnaie qu'on me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !
dank u
joder
on me reproche de me br branler r devant les mannequins de cire exposés d dans les v tr vitrines d'une boutique de mode et d'articles de luxe, tirant la langue aux caméras de s surveillance
on me r reproche de manquer de respect aux b nq banques d'affaires, au Boernb Boerenbond et aux gr grandes entreprises du secteur agroalimentaire, à la Confédération ex-belge des producteurs de p tr potirons
on nm me reproche de tout c nf confondre, Pluto et D ng Dingo, Léo Ferré et Ferré Gr gn Grignard, bk bokilo et sm semeki, Kn Kinshasa et Br zz Brazzaville, Stanley Laurel et Oliver rd Hardy, l'Iowa et l'Ohio, l'rth Ourthe et l'mbl Amblève, Ed Crc Cercueil et Fossoyeur Jones, Arno H ntj Hintjens et Serge G nsb Gainsbourg, Julia Roberts rts et Sharon Stone, Smyrne et Izmir, la fl flûte et la clarinette, la TVA et le TGV, le PDG et le PDJ, le concombre et la c rg courgette, la p patate sucrée et le manioc cd doux, la place Sainte-Croix et la p pl place Flagey, la langue b basque et la c nf confiture de coing ng, la B rs Bourse de Bruxelles et le Th Théâtre de la Mn Monnaie, les cartons nsd de br bière et les cd cédéroms
on
on me rpr reproche de m'tr être déculotté en np public et d'avoir montré mes ff fesses aux flics et aux abbés
on me soumet à un cc contrôle d'urine e
- ik ?

- ta gueule, on t'dit !

f finalement on consent à m'expliquer
s'il vous plaît ? watte ?
danke

- que si

que s si j'étais cul-de-jatte ...

- si t'étais cul-de-jatte, tu t'appellerais Juju et tu pourrais jouer de l'accordéon ! ouah, ouah, ouah !

- ou Jojo ?
pour être un pauvre rr reçu dans le beau monde, il faut avoir un répertoire c classique et diversifié, ne pas surprendre mais ne pas ennuyer, ne j jamais impr importuner, exhiber certains sgn signes extr extérieurs de misère mais veiller toujours à présenter pr propre e et bien repassé, savoir se t tenir dressé sur ses m membres arrière et lever les pattes de devant ts sans se casser la gueule et sans pp perdre d'rn urine, fleurer bon la f fougère ou la lavande, être c capable de chanter les louanges du Seigneur en gr grattant les cordes d'une gg tr guitare sèche, pr mn promener un ours d ns dansant au bout d'une chaîne et tourner la mm manivelle d'un orgue de barbarie dans les strotjes piétonnières de la vieille ville cmmrç commerçante et touristique, ramasser les p pp pièces de 5 befs (environ 0,125 euro) jetées sur le tr tt trottoir

il ne suffit pas d'être pauvre, encore faut-il avoir de l'entregent
pour exct exciter la charité des hn honnêtes gens, il faut faire pr preuve de respect humide et d'humilité m moite, avoir de b bonnes manières, être bien nt gr intégré à son nv environnement, ne pas cc confondre la gz zp gazpacho et le cr rp carpaccio, regarder la caméra avec com complaisance et modestie, b baiser la main des dames s d'oeuvre et lécher le cul des pr prêtres magiciens revêtus de leurs habits de s scène et de l mr lumière, fr frapper les eaux des étangs pour faire tt taire les rainettes et protéger le s ss sommeil des ss s seigneurs, subventionner le cl club de tir et l'équipe de j judo de la police, être cul-de-jatte homologué
je ne s suis pas cul-de-jatte, alors
alors, on me soumet au jugmt jugement de Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom, dans une ancienne b rg bergerie transformée en salle d'audience, on d diagnostique un état de dangerosité sociale avancé, on m me livre à la Patrie e, au bourreau, à l'arracheur de d dents
officiant ss sur les foires s et les marchés

Dieu est un quasi-sexagénaire qui oeuvre dans le monde de l'assurance
on renifle mes cr crottes, on les dissèque et on les analyse pour v vérifier si j'ai m mangé du p pain sec, des viscères de pigeon, des légumes ff fanés ou du ch chaton cru
on me c condamne à cr crever de faim, attaché à un np piquet, dévoré pp par le loup p

on me c condamne à la cécité, à l'mp impuissance, à la démence, à la tb tuberculose, à l'ndgn indignité nationale et à la cnf confiscation de tous sm mes biens

on rd ordonne l'mp impression, la p publication et t le placardage sur les panneaux d'affichage de la cm commune où le cr crime a été commis de l'rt arrêt de la cour de j justice qui consent à m'accorder la peine de mort
un ancien combattant
rr royaliste, militariste, unitariste, colonialiste, atlantiste, humanitaire et c catholique
portant sur la p poitrine un gilet de décorations sp pare-balles, armé d'un ff fusil en bois vernis, me bnd bande les yeux avec du sp sparadrap, me t tient en joue, rote, vise, tire et pète
dank u
n'avend

douleurs ch chaudes, brûlantes
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! 20 francs seulement svp (0,5 euro) ! à vot'bon coeur !
g godverdomme
impacts des pr projectiles peints en rouge sang sur la ch chemise du fss fusillé
admirateurs rs et actionnaires se levant nt pour r rc réclamer un rp rappel
sang r rouge foncé si le foie est atteint nt, sang ngd de lapin
sang rosâtre et m mousseux si le tr tir a touché les poumons, sang ngd de pigeon
- bien gentil ! bien aimable !
on m m'interdit de messe et de sermon
on m'interdit de s sépulture
dans les terrains calcaires pr propices à la conservation n des ossements

le bourgeois est un homard

- à qui appartient ce mort ? quel en est le propriétaire légitime ? a-t-on prélevé ses empreintes digitales ? lui a-t-on retourné les poches ? a-t-on fouillé ses sacs ? a-t-on trié le contenu de ses boîtes à chaussures ? y a-t-on retrouvé les titres de propriété de trois immeubles au moins ? ou du courrier de famille, un certificat de baptême, un chapelet de communiant, un testament enfermé dans une enveloppe, un porte-monnaie ? ou les coordonnées d'une assistante sociale ou d'un service responsable ? a-t-on décousu la doublure de son manteau ? y a-t-on découvert la clef d'un coffre-fort ou d'une consigne automatique ? ou un bout de papier sur lequel figure une martingale ou le code d'accès d'un compte électronique ? ou le nom ou l'adresse ou le numéro de téléphone d'une connaissance quelconque ?
- ce mort est-il un arbre à voeux ? porte-t- il un médaillon autour du cou, un condom, une mèche de cheveux, un fétiche ou une médaille miraculeuse ? une bague, un oeil de verre, une perruque, une béquille, une prothèse dentaire, un stimulateur cardiaque ?
- qui prévenir ? quelles démarches entreprendre ? qui prendra en charge l'organisation des funérailles ? où apposer les scellés ? à quel héritier donner l'occasion de s'informer de la teneur de la succession et de l'étendue des dettes ? à qui adresser la facture des pompes funèbres ? qui remboursera les frais de séjour à la morgue, la toilette du défunt, les frais administratifs et autres dépenses exposées ?
- qui choisira le lieu de sépulture ? le modèle, la coupe et la couleur de la bière ? avec ou sans poignées ? en plastique ou en laiton ? en bois de sapin ? en simple carton ?

les pauvres se tiennent très mal dans leur cercueil
on ne peut vraiment pas les inviter à mourir chez les gens

- mais est-il bien nécessaire d'organiser de véritables obsèques ?
- et pour quel public, je vous le demande un peu ? est-il absolument indispensable de recouvrir le cercueil d'un drap mortuaire pendant la cérémonie des funérailles ? ne pourrait-on pas obtenir une dispense d'enterrement ?
- ne devrait-on pas, à tout le moins, extraire le corps et récupérer le coffre avant la mise en terre ? ou dévisser les poignées de la bière et les revendre à l'entrepreneur de pompes funèbres ?
- et si on utilisait les transports en commun ? il doit bien y avoir une ligne de tram ou de métro dont le terminus se trouve à proximité immédiate d'un cimetière pour indigents, non ? si on asseyait le corps en tailleur sur la banquette arrière d'un autobus ? si on le scotchait aux accoudoirs avec du ruban adhésif ?
- et si on se contentait, tout simplement, de déposer la charogne dans une décharge républicaine ?
- évitons les dérapages trop visiblement monstrueux ! ayons le courage d'admettre qu'il faut bien procéder au ramassage du défunt, qu'on ne peut pas décemment laisser des restes humains fermenter et se décomposer au soleil, être déchiquetés par les chiens jaunes et picorés par les mouettes et les corbeaux et qu'on doit se résoudre à enterrer ce paquet de merde quelque part !
- abandonner le récipient de l'âme d'un enfant du Bon Dieu à même le sol ou jeter son enveloppe charnelle dans une mare ou un caniveau au bord de la grand-route ou le long du canal, la recouvrir de branchages, de cageots de fruits et de légumes éventrés ou de vieux journaux déchirés, ce serait trop inanimal, ouah, ouah, ouah !
- un seul pieu enfoncé dans le sol, une croix clouée dans la poitrine, cela ne pourrait-il pas suffire ? avec seulement un numéro de mort ?
- à quel débiteur alimentaire imputer le coût de la location d'un corbillard et le nettoyage à sec des cordons du poêle ? et les frais d'entreposage en chambre froide pendant plus de dix-huit jours ? et les honoraires et les frais de déplacement d'un pasteur, d'un imam, d'un rabbin, d'un pope, d'un abbé ou d'un conseiller laïque ? et l'allocation pour travaux insalubres, incommodes ou pénibles due aux fossoyeurs exposés au contact de matières organiques en décomposition ?
- ce cadavre est-il subventionné par le centre public d'aide sociale ? peut-il s'autofinancer ? est-il carcinogène ? est-il susceptible de faire l'objet d'un prélèvement d'organes ? des mouches ont-elles commencé à s'introduire par les orifices ? observe-t-on une intense activité larvaire ? de petits rongeurs s'attaquent-ils déjà aux membres de la victime ? l'état de délabrement du corps résultant des circonstances particulières du décès de son occupant rend-il impossible son utilisation à des fins d'enseignement, de recherche ou à l'étude pratique de l'anatomie indispensable à la formation de nos jeunes médecins ?
- et comment présenter la dépouille aux journalistes de la presse écrite, de la radio et de la télévision ? ne devrait-on pas la laisser se vider de son sang pour résorber les hématomes ? ne pourrait-on pas demander au vétérinaire d'Etat de lui faire une injection de sulfite de sodium ? cela ne permettrait-il pas de régénérer les viandes gâtées, d'en améliorer l'apparence, de leur redonner de belles couleurs et d'éliminer cette insupportable odeur de putréfaction qui empeste l'atmosphère ?
- ne devrait-on pas ordonner aux employés des services municipaux de l'hygiène et de la voirie d'ensevelir le mort pendant la nuit afin d'éviter les embouteillages et les chaleurs caniculaires liées à la montée d'importantes masses d'air torride venant d'Afrique ? et d'emprunter le chemin le plus court pour se rendre au cimetière, celui des infidèles et des suicidés ? et de casser le cercueil avant de le mettre en terre de façon à accélérer le processus de dégradation naturelle des chairs ? et d'arroser régulièrement la tombe ?
- et si on se contentait de jeter le cadavre, prélablement dénudé, dans une tombe collective, numérotée, bétonnée, gratuitement, pour cinq ans ?
- avec une étiquette de traçabilité agrafée à l'oreille ou accrochée au gros orteil, mentionnant le pays de naissance du de cujus et ses pays d'élevage, de nourrissage et d'abattage, ouah, ouah, ouah !
- a-t-on obtenu de l'Autorité toutes les licences nécessaires ?

l'homme de chair est élevé dans la rue et les jardins publics, il se nourrit de châtaignes et de détritus

on me mm mélange aux ép épluchures de pommes de terre, aux feuilles mortes, aux tontes de g zn gazon, aux restes de sp spaghettis, aux écorces de b nn bananes, aux pelures de m mangues, aux bouquets de fl fleurs fanées, aux orties coupées à la faux, aux feuilles de t thé, au marc de c café, à la sc sciure, aux cq coquilles de noix, aux cendres de poêle

on m me mélange aux reliefs de la fête, à l'os du jambon, aux p plumes du canard, aux oreilles du taureau, à la carcasse du poulet, à l'eau de vaisselle chargée de d tr détergent, aux p rp parapluies br brisés, aux fils de fer rouillés, aux vieux chapeaux de paille et aux mp ampoules électriques p pétées, aux aiguilles à tr tricoter, aux hosties p rm périmées, aux rr rognures d'ongles, aux cheveux teints en rose, aux vomissures et aux déjections bestiales des clients-raclures du MACUMBA, à la m merde ff fétide des chiens truffiers de la police des amoureux qui se b bécotent sur les bancs publics, eh, eh, au crcr crottin amer des chevaux de l'ex-gendarmerie montée

pour un homme de chair, mener l'existence d'un porc ne peut qu'améliorer la qualité de sa viande
on me tr triture, on me tripote, on me malaxe, on me laisse f fermenter pendant tout l'hiver r
danke

la viande d'un homme de chair se mange froide et légèrement faisandée
on me t tabasse, on me ligote, on me renverse un verre de bière sur la tête, on m'enveloppe dans une cc couverture de l'rm armée, on m'enferme dans le coffre d'une v voiture
on me j jette tout habillé dans une baignoire remplie de vin de messe p piqué

on r repêche mon corps en état de décomposition avancée, organes vitaux arrachés chés avec les dd dents
on d sp disperse mes cendres au fond d'un jr jardin planté de pm pommiers, sur un terril en f fusion, au pied d'une plate-forme de forage ou du haut d'un pont du ch chemin de fer

goeie avond
dank u
il est vain de faire l'éloge du mort
surtout lorsqu'il est pauvre

dispersées ou vv vidées dans les chiottes
aspirées par le trou d'évacuation d'une douche p publique ou par la gg gueule béante et cr crénelée d'un grand méchant mérou
A L'AMBASSY

Gudule et Waudru
épuisées, essoufflées, déglinguées, mérulées, vérolées
approchent l'âge de la retraite
incontinentes
et se trouvent dans l'obligation de pourvoir au remplacement de Renelde de Tubize, de Pédauque de Hotton, de Catrine de Wavre, de Godelieve van Gistel, d'Agatha van Berchem et de sa cousine de Landskouter, de Margarita van Leuven, d'Adèle d'Orp-le-Grand, d'Ermeline de Beauvechain, de Gadale de Jodoigne, de Marie-Vierge de Banneux, de Béatrix de Morlanwelz, d'Hildegarde von Bingen et de Maria Amandine van Schakkebroek
- rien que du beau linge, peï !
lesquelles ont décroché ou ont trouvé à se maquer et se sont établies au compte de l'homme de leur vie

et la maison de plaisir n'étant plus à même de remplir sa fonction sociale en raison d'un manque de personnel indigène
Gudule et Waudru
craignant de perdre des clients
soucieuse de résoudre ce problème d'effectif
doivent, en fin de compte, se résigner à recourir aux services d'une main-d'oeuvre sexuelle immigrée d'origine extracommunautaire
- sans compter que le consommateur devient de plus en plus exigeant, peï ! il ne se satisfait plus de vieilles boîtes de conserves poussiéreuses et bosselées ! il veut de la qualité, de l'hygiène, de la fraîcheur ! il est de plus en plus attentif aux qualités visibles des produits exposés en vitrine : dates de naissance, tour de poitrine, balancements du cul, suçotements des lèvres !

Gudule et Waudru
se résolvant à racheter des génisses à des trafiquants de femmes
à embaucher Merita, Milika et Malika
au noir
d'abord pour des urgences, des coups pressés et de petits travaux circonstanciels de dépannage
- ce ne sont quand même pas des étrangères qui vont baiser nos pères, nos frères et nos maris !
et ensuite pour descendre au fond de la mine et faire le gros boulot à la place des anciennes
baptêmes, anniversaires, communions solennelles, promotions, fiançailles, ordinations, divorces, enterrements, héritages, opérations à coeur ouvert, tirages de la loterie nationale, signatures de contrats importants, soirées électorales, acquittements par des jurys d'assises, obtentions de diplômes en ultime session de rattrapage, décorations et mises à la retraite, récollections, clôtures de séminaires ou de congrès d'entrepreneurs du bâtiment, fêtes annuelles de clubs de football, d'unions régionales de frituristes traditionnalistes ou d'associations royales chrétiennes de cruciverbistes amateurs
affranchir ainsi les tantines des contraintes du travail à la chaîne, leur permettre de prendre du recul et de se consacrer entièrement au marketing et au management de leur entreprise
et leur donner enfin l'occasion
de rêver à la Bourse
de saisir des opportunités
d'identifier et d'explorer de nouveaux créneaux porteurs
et de mettre sur pied une start-up de récupération, de retraitement, d'élimination des pesticides et des bactéries, d'adjonction de conservateurs et de colorants, de déshydratation, de pulvérisation, de conditionnement, d'étiquetage, de marquage, d'encodage et de commercialisation des décilitres de sperme prélevés quotidiennement, par de petites mains courageuses, aux clients de l'établissement

Gudule et Waudru
invitant un student bigleux à passer la porte d'entrée, à prendre un verre au bar, à s'installer à l'arrière, à choisir la femme de ses rêves, à consommer sur place
en duffel-coat, frétillant de la queue, mordillant sa laisse, presque timide
- on veut passer un bon moment avec Maman, chouke ?
- nous avons un problème, fieu ? nous n'avons aucune d'expérience ? nous sommes disposés à apprendre mais nous ne savons pas trop bien comment nous y prendre ?
- mais peut-être qu'on te fait peur, chouke ? peut-être qu'on est trop grosses pour toi ? ou qu'on ressemble trop à des vendeuses de frites ? ou qu'on ne te fait pas assez bander ? ou qu'on ne te fait pas assez planer ? ou qu'on est trop vieilles pour être ta première dame de coeur ?
- alleï, quoi, fieu ! pour nous, c'est l'même ! on s'vexe pas pour si peu, chouke ! viens, entre une fois ! on va te présenter des nouveautés ! des consistantes et des savoureuses ! des toutes chaudes et des bien croustillantes ! un arrivage récent ! des séries 8,5 ! presque des séries 9 ! des toutes jeunes, des toutes jolies, des toutes minces et des toutes fraîches ! des presque mineures et des presque vierges, savez-vous ! des viagra ! des filles de la campagne ! avec certificat d'origine ! à peine tombées du camion ! à peine déballées des cartons ! toutes bonnes à cougnî ! les cuisses épilées, le sexe glabre, les aisselles rasées et parfumées, les cheveux teints en blond ! on vient tout juste d'en prendre livraison ! on n'les a pas encore exposées en vitrine !
- elles s'appellent Merita, Milika et Malika ! elles parlent déjà quelques mots de français et de néerlandais, savez-vous ! et tu pourras leur montrer c'que t'as dans la culotte, chouke ! alleï, fieu, faut pas t'gêner, entre !

Z-BAR

le portier du Z-BAR, sa veste d'amiral, rouge Coca-Cola, avec des boutons dorés, ses mains dans les poches et sa cravate verte
- potverdekke ! en fait, les dames et les mad'moiselles sont priées de retirer leur chapeau et de déposer leur manteau au vestiaire, nom di djû !
le mort ne lit pas le journal

le portier du Z-BAR
- de Dieu ! spreekt gij vlaams ?
relaçant ses chaussures sur le pas de la porte, reboutonnant sa braguette, sortant un paquet de clopes de sa poche, allumant une nouvelle cigarette au mégot de la précédente, tirant une première bouffée
- en fait, pour me réchauffer les lèvres et les mains, potverdekke !
revendant des capotes, des secrets d'alcôves et des tuyaux de bourse, des adresses et des numéros de téléphone de masseuses à domicile, des questions d'examens et des rêves prémonitoires, des pronostics fiables, des divinations certifiées, des prévisions météorologiques, des pilules de Viagra et des barrettes de haschisch

le mort ne renvoie pas l'ascenseur

le portier du Z-BAR
- foert !
habitant un meublé dans les environs, une chambre de bonne aménagée sous les combles d'un bordel de famille, maternel et surchauffé
louant sa piaule, pour une affaire urgente, un coup pressé, à un couple d'amoureux fauchés qui le caressent du plat de la main, le haïssent et l'implorent
- ...
- en fait, un paquet de clopes, un cornet d'frites à 60 befs (environ 1,5 euro), un cervelas et quelques thunes !
- ...
- de Dieu ! moins cher qu'ça, c'est donné, potverdekke ! spreekt gij vlaams ?
- ...
- n'salissez pas les draps ! utilisez une serviette de bain, des kleenex ou du papier cul ! n'oubliez pas d'vider l'pot de chambre dans le lavabo du couloir et d'faire un peu d'ménage avant d'partir, nom di djos !
- ...
- pas toute la nuit mes p'tits cochons ! en fait, à 4 heures vous dégagez et vous m'ramenez la clef, ici-même, avant la fermeture d'la boîte, bien compris ?
- ...
- en fait, bonne bourre !

arrondissant ses fins de nuit, se constituant un petit capital pour disparaître ailleurs, un jour ou l'autre, pour toujours

son pantalon noir et sa cravate verte
le portier du Z-BAR sort les mains de ses poches et tend la patte
- excellente fin de soirée et au plaisir de vous revoir la semaine prochaine ! dormez bien, en fait ! baisez bien ! n'oubliez pas l'portier, potverdekke !

entre les fêtes du gui et la Saint Carnaval
frivoles et adultérins
le renard et la renarde se frottent l'un contre l'autre, se reniflent, s'entrelèchent
et se baisent
sous une couette de fourrure rousse

sa veste d'amiral, rouge Coca-Cola avec des boutons dorés
et des tartines à la sauvette
omelettes au lard salé, rollmops à la mayonnaise, sardines portugaises ou marocaines en boîte
une tasse de thé citron, bien chaud, apporté par le serveur du premier bar, posée sur le rebord de la fenêtre, dans laquelle le portier, sortant une flasque plate de la poche arrière de son pantalon, rajoute une bonne mesure de son pékêt
- con de Dieu !

moi, mon mm manteau est le mnt manteau d'n mort
un manteau de tout poil, toutes t teintes s, t toutes saisons
un manteau de poubelle, de cave et de gr grenier
un manteau de Noël, décoré d't étoiles jaunes ou roses et de tr ngl triangles bruns ou rouges
un manteau v volé à un épouvantail
un manteau de mouche et de cr crapaud, aux xc coutures lâchées, dont une m manche est plus c courte qq que l'autre

le portier du Z-BAR, son sourire à la con, ses lèvres qu'il a du mal à soulever
- spreekt gij vlaams ?
son sourire

que je f ferme avec une épingle de sûreté
s'il vous p plaît ? watte ?
bonj'oir

qui lui vaut des vingt befs (environ 0,50 euro)
- bon week-end et merci !

qq quand un chien passe, je
g grogne e, des lévriers, des ratiers et des truffiers m'aboient
danke

ACUMBA MACUMB

la queue prude mais sournoise, les yeux têtards, de sang
caillé
un chien
affamé, cherchant un vieux cheval à égorger
rôde
ôde
de
e

je suis jj jaloux des chiens de race, des chiens de maîtres, des chiens de riches ? un moulinet de canne, un rire de tr trous, un
godverdomme

A L'AMBASSY

une lumière s'éteint, rose-verte, d'une vitrine de bordel de famille, maternel et surchauffé, rue de Malines, un mur se lève

un mur
q qu'ils ont dressé
s'interpose, m me
jj joder r

un escalier
une marche
une marche d'escalier

bouscule
qu'ils m'ont j jeté sous les pieds
tr traître et sournois, du c mp camp adverse
gotferdoume
je me relève, pesamment, g grogne
une colère re


les ruisseaux s'en vont et ne se retournent pas

- Zef, tu n'pourrais pas regarder devant toi, non ?
- tu n'pourrais pas faire attention, Zef, tu finiras bien par t'faire écraser par une bagnole ! les flics, les ambulances, les croque-morts galonnés et les fossoyeurs en bleu de travail vont envahir le quartier et ça risque de nous foutre la soirée en l'air, ouah, ouah, ouah !

les rivières ne reviennent jamais à leur source

je me relève et je rr rigole
b bonj'oir
dank u
je tends ma casquette et je rr reçois mes deux befs (environ 0,05 euro), je m rn marne
s'il v vous plaît ? watte ?
goeie avond
danke

il y a deux marches de pierre bleue à l'entrée du café RIO
deux
deux pierres tombales aux inscriptions effacées
deux verres de witteke s'écrasant et se brisant sur le carrelage
deuxième tonneau mis en perce
odeurs de cire et de cierge
odeurs de poêle à charbon et de bière aigre

une fois tombés dans la mer les fleuves ne remontent plus à la surface

le r rêve est une échelle vv volée ?
pour s'enfuir où ?
ça ?
dank u


CHEZ TINA


Tina l'avorteuse, aux réactions imprévisibles et à l'humeur changeante
elle tricote, fait macérer des tisanes à base d'absinthe, d'estragon et de feuilles de genévrier
fabrique des décoctions à base de baies de lierre, de graines et de queues de persil

Tina, fichu noué sur la tête, épluchant et découpant les patates
portant des médailles de la Sainte Vierge Marie, mère compatissante, accrochées à la bretelle de son soutien-gorge avec une épingle de sûreté, glissant les gros billets de banque entre ses seins opulents, ayant abandonné toute activité sexuelle depuis déjà longtemps, croyant au pouvoir des étoiles et consultant les rebouteux, imposant les mains sur le ventre des femmes et le front des enfants, prononçant des formules magiques, baisant les icônes sur la bouche, allumant des bougies devant les statues des Saints à sa dévotion, aimant les poissons bien rouges et les plantes bien vertes, Tina la frituriste tricote une layette pour la petite chatte que sa fille lui prépare en cachette, à huis clos, tous les week-ends, avec son caporal-chef, son prognathe de carrière, son kastar
son béret rouge, ses testicules hypertrophiés, sa tenue de camouflage de tueur anonyme, invisible, impénitent

q quand j'ai gagné cent befs (environ 2,50 euros), je m'achète un coeur de m mt mouton dans un s pr supermarché des environs de la Grand-Place
un coeur de m mouton, des clous et d des aiguilles
un oeuf, une épingle de s sûreté, un hameçon, une boîte d'allumettes, un paquet de bougies

ménagères, ayez une alimentation équilibrée
ménagères, mangez du chou et de la chèvre, du crapaud et de la cigogne, de l'herbe et du mouton, du prolétaire et de l'actionnaire

trois vendeuses en blouse rose
trois vendeuses se détournent
en pouffant
trois

les impuissants sont invités à exhiber leur moyens de paiement

elles cc complotent ?
je m nc menace les vendeuses de leur donner des coups de canne si la v nd viande n'est p pas assez moelleuse
trois v vendeuses, en m ssp massepain, j joufflues, s cr sucrées, p rf parfumées, belles comme des coiffeuses pour caniches d'exposition
eh oui, j'adore ça, le mm mouton, les épingles et les aiguilles, les oeufs et les c clous, les allumettes et les bg bougies, les hameçons, je les emmerde
les v vendeuses s
faiseuses de pipes, suceuses de bb bites molles et visqueuses
slr slrp slrpnt slurpant, dans les vestiaires du personnel, le roll-mops f fs faisandé d'un sous-chef de rayon fruits et légumes, eh
sur les manteaux et les ch chapeaux, derrière un paravent de p brq pébroques


les impuissants sont invités à ne pas être impécunieux

se foutent à rire
- ouah, ouah, ouah !
se foutent
sssfftt
ssft
sf
t

les impuissants
lorsqu'ils n'ont pas de pognon
on ne leur fait pas de pipes

n'avend
d danke
toutes et tous, j je les emmerde
s'il vous plaît ? watte ?
jj je leur
je leur lancerai des b bouses de vaches, fumantes et fondantes, en p pleine gueule
gotferdoume
sur leurs perruques r roses et leurs cheveux jaunes, s sur leurs soutanes à br braguettes et leurs uniformes r rutilants
des t tomates molles et des oeufs poilus
joder

je leur lancerai des oeufs de blattes et d de mouches farcis sd de suie, des tomates à l'mn ammoniaque, des chapelets de rats d'égout mr morts se tenant par la q queue, des mots sp pourris, d depuis des arbres
je les lap p piderai
mitema ya Satana, vermines p puantes, abats c nt contaminés, chr charognes fétides, démons ns malfaisants, amants de bl blattes, p pp poux du pubis, adorateurs de la b boîte du Diable, oeufs sans cq coquille, têtes de ch chiennes, c pr coprophages, éthologues, br brahmines du Brahmapoutre, c nn cannibalistes sc celtes
je leur gr grillerai les couilles, j je les c can cancériserai
godverdomme

se
se marrent, esquivent
- montre tes sous d'abord !

sacs de morve, goitreux des Alpes, tas d'xcr excréments, vessies de gr grenouilles, fèves de p porcs élevés sur une d décharge rp républicaine, truies en chaleur rv vermillant ntd dans les c cm cim cimetières de l'Otan, déjections de c ch cachalost, fm fumiers de poulets, écrase-mr merdes, langues de paons, v vulves de sr sorcières, reliefs de repas de ch chacal

trois vendeuses
en massepain, joufflues, sucrées, parfumées, rosâtres
cessent brusquement de rire, grondent, grognent, grommellent
- et alors ?
je c mpt compte pte mes p pp pièces
p puis les
r cmpt recompte
puis

- et alors ?

on ne peut tout de même pas laisser trois petites cochonnes roses se faire traiter de truies puantes et répugnantes
impunément
par un vieux loup galeux, à poil raide, cacochyme et grincheux, rejeté par sa meute
impuissant et impécunieux


et s'imp
- et alors, ça vient, quoi ?

les doigts gts s'mbr embrouillent, les
doigts bbb bégaient nt
les doigts
n nou-
és

s'impatientent
- ça vient ou j'appelle la police ?

je ne trouve plus mes sous, mes mains, q quels gestes, je me cherche le fr front, les épaules et le sexe
b bonj'oir
dank u
dku

BIJ TINA
Tina m'appelle
Tina

- Jozef, Jozef ?
- tu veux manger quelqu'chose, Jozef ?

je c crachote et titube un rire
- non, peut-être !
Tina m'offre à b bouffer
des fr frites

- avec un cervelas, Jozef ?
- ja zeker, meï !
- avec ou sans moutarde, Jozef ? avec double mayo ?
- impeccable, Tinneke !
je p pète un rire, je dis mel'si
s'il vous plaît ? watte ?
mel'si d d'être Zef
goeie e avond
mel'si, b bonj'oir, melsi, attrapant nt au vol une pièce de monnaie qu'on m mm me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !
bonj'oir, danke, n'avend
choukrane


Z-BAR Z-BAR Z-BAR

on me ss soupçonne d'appartenir à un g gang de cambrioleurs de ch châteaux du XVIIIe siècle et de pilleurs de ch chapelles du XVIIe siècle
on me s pç soupçonne de pêcher rl les oiseaux du Bon Dieu en attachant nt d de gros insct insectes br b rd bourdonnant au fil d'une gaule en bois sd de coudrier
on m me soupçonne d'avoir volé 7.000 befs (environ 175 euros) dans la boîte à cigarillos d'un abbé d'une paroisse du Christ Ressuscité
s'il vous plaît ? watte ?
on mm m'accuse d'avoir r renversé le s ng sang noir d'un cadavre de r rr rat sur la robe de la mariée
on nm m'accuse d'avoir ntr introduit une truie affamée, anthrp anthropophage ou déc déicide, dans ns une étable de Bethléem

les cadavres ne rougissent pas de honte
on m'accuse d'avoir enlevé, d dépecé et dévoré cru un ch chaton
- ik ?
de lui avoir arraché le cc coeur avec les dents
dd de lui avoir enlevé les yeux avec une petite cuillère
s'il vous plaît ? w watte ?
de les avoir p pelés, découpés en fines rondelles
ou de les avoir écrasés entre mes d doigts comme du raisin fr frais, pour en extraire re le miel et les larmes
d'avoir bouilli, ff fumé ou boucané ses organes génitaux et de les avoir c conservés dans un bocal de confitures
un chaton, une petite chatte
sa m v vilaine et méchante marraine, minée par des cr crises de g gg goutte, ne c cessant pas de la r pr réprimander, en aurait p perdu la tr trace du côté du Z-BAR
et du Busleidengang

une petite chatte
- lala lalala lala, z'auriez pas du feu ?
se collant un pétrd pétard entre les lèvres, pr pressant encore les s seins de sa pp poupée de chiffons pour en faire sortir le lait
dégustant des écailles de vieille p peinture au plomb, tétant le soufre des allumettes, ss se pétant la g gueule au tube de colle, à l'insecticide et au sirop pour la toux

je p pose mes collets
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
bourgeons dévorés crus avant même d d'avoir pu s'ouvrir rr
- à vot'bon coeur ! bien gentil ! bien aimable !
cr crus
je p pète un rire
n'avend
dank u

un orage
un orage gronde, menace, éclate

je m rn marne
s'il vous plaît ? watte ?
je marne
g gotferdoume
je, je traverse la place en
d diagonale le
et trtr trébuche sur un pavé de grès du trottoir se déchaussant sous la pression des racines d'un vieux platane, sur un reste de tartine à la sardine ou un z zeste de citron jetés dans la rigole par le portier du Z-BAR
r relaçant ses chaussures sur le pas de la porte, reboutonnant sa br braguette, allumant une nouvelle cigarette au mégot de la pr précédente

danke
ou sur des fr fr frites fr froides, écrasées, collant aux pavés de gr grès
ou sur un préservatif, une gr grenouille baveuse et des rondelles d'oignon cru
des grains de riz ou de ch chapelet, des yeux de verre et dd des confettis, des papiers de bonbons acidulés, des tubes de dentifrice, des tr trognons de pommes rouges, des pétales de roses, des b boutons de br braguettes, des lentilles ou des f flageolets
ti ttubant au milieu de la pl place e, éb bloui par les phares
et manque me faire écraser par une v voiture

ou je me pr prends les pieds dans une vigne gr grimpante
dans la c corde à sauter d'une petite fille venue s se laver les mains au filet d'eau rouillée qui se dv vr déverse en crachouillant dans la rigole de la pissotière du Busleidengang
- lala lalala lala


une enfant, quelquefois
une petite fille faisant encore pipi au lit
- Bompa Zef ?
une enfant ne dessine plus de joli canari jaune et de gentil poisson rouge dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé
une petite fille délaisse ses marionnettes de bois et sa poupée de chiffons, saute encore à la corde, quelquefois, par habitude, sans conviction, mâche son chewing-gum à la menthe et invite Zef à rentrer
- youppie youp, les ex-gendarmes sont venus, ils ont pris mon fiancé, Bompa Zef, tu rentres ? à la une, à la deux, à la trois ! Bompa Zef, tu ne rentres pas ? lala lalala lala
bonj'oir r
dank u
ou je r reçois un coup de sabot dans la g gueule en ferrant un âne i ii ivre et ss sourd, aux f flancs creux, mâchouillant des ch chardons, du chanvre cng congolais et des orties sur une décharge rr républicaine, ayant rongé la corde qui le retenait à un p piquet t
je tr trébuche et je tombe
et me fiche un pieu de bois r rougi au feu dans le tr trou du cul, un cr crucifix fluorescent, une hampe de d drapeau en berne, une aiguille à avorter rm mouchetée de rouille, une canne à pp pêcher le mérou, la masse d'une queue de billard, la crosse d'un Prince-évêque ayant ntc consacré l'ss essentiel de ses travaux xt théologiques à la q question de Dieu, un pébroque-épée, une m matraque électrique, une corne de Dieu Osborne
d dank u u

un orage éclate en crachats, biles et sangs, spermes gluants,
injures brunâtres, verrues purulentes, noyaux rouillés jetés d'un nid

je n'aime pas m mourir écrasé q quand les pavés sont fr froids, je déteste mourir écrasé, sous la pluie
danke, n n'avend
bonj'oir

je cr crache au cul des araignées, je suis déjà mort mais ils ne vvv veulent pas le savoir r ?
ils disent q qu'on ne peut pas obliger les vvt vivants à vivre avec un m mort ?
s'il v vous plaît ? watte ?
dank u

on préfère les morts quand ils sont jeunes et beaux
propres et vivants
riches

une vache rentre seule à l'étable
un pis, très las à terre, se déchire douloureusement aux ronces érinnyes, sourires ammoniaques, silex ulcérés
des sangs roulent, des haies s'empourprent, des yeux débordent

on devrait obliger les gens à mourir en bonne santé

cerf-volant acrobatique p piquant du nez et s'abattant sur une plage m mazoutée
alezan, cr crinière en feu, fou de terreur, se jj jetant dans la mer r
s sautant du haut de la falaise et s'écrasant sur les r rochers
barque s saoule, à fond plat, sombrant dans le fleuve après être entrée en cc collision avec une souche d'arbre
ou un convoi de br barges et de b baleinières transportant nt des s sacs de ciment ntb blanc, du charbon, des gr v graviers, de la mitraille et du g grain de blé


il n'est pas interdit aux aveugles d'observer à l'oeil nu une éclipse totale de Dieu
Tout-Puissant et Miséricordieux
Béni soit Son Nom
q quand je suis mort
gelé, de faim, roué de coups
on me transporte
- au cercueil ! à la tombe !
assis dans une br brouette e
ou couché sur un vantail de bois volé dans un immeuble en d démolition

un Etre exceptionnel, d'une Bonté, d'une Gentillesse, d'une Droiture, d'une Honnêteté et d'un Intelligence inégalées
devenu incontinent
se déplaçant à l'aide de béquilles
souffrant d'ostéoporose et d'une sarcoïdose pulmonaire ne lui laissant que 20 % de capacité respiratoire

on me t transporte dans le c lr couloir d'entrée d'un br bordel de famille, m mm maternel et sr surchauffé, rue de Malines, avec un bar, deux arrière-salons et trois chambres à l'étage
cacanéant
et cornes de crocodile

se remettant difficilement d'une cuite
et qui réapparaîtra peut-être la semaine prochaine
attrapant nt au vol une pic pièce de mon monnaie qu'on me lan lance nce
- vous êtes bien aimable, manneke !
danke
joder
A L'AMBASSY


j'explose en r rires
un mv mauvais p païen vaut tt toujours mieux qu'un nb bon Dieu tu l'auras, eh, eh, eh

on me transporte vers le ddd dispensaire le plus proche, l'hôpital, la morgue, le déprt département de médecine légale de la Faculté de m médecine animale
on me tr transporte
à des fins d'expertise
on ne me laisse jamais sm mourir en paix, c couché sur le trottoir, là même où je suis tombé é
godverdomme

au moment de pr pratiquer l'autopsie, le v vétérinaire légiste d'Etat, portant nt un foulard sur le nez, c nst constatera que mon nc coeur a déjà été rr arraché
et m mangé
joder
et me d découvrira des lésions parasitaires dans les ntr entrailles
n'avend, b bonj'oir r

on m'emballe dans un s sac poubelle, on me dépose sur le tr trottoir
bonj'oir
dank u
ou d dans un panier en osier, en raphia ou en feuilles de bb bananier
on me jette dans les eaux t tumultueuses du fleuve, on me retrouve échoué sur une plage de sable bl blanc, le corps entièrement d dénudé, une chaussette g ch gauche encore fixée à la jambe dr droite e

deux lourdes marches
les murs bruns patinés par la fumée des pipes et des cigarettes


CAFE RIO

d
deux
deux marches
deux lourdes marches
saupoudrées de gros sel marin

je m m'embusque à l'ntr entrée et à la sortie des th théâtres et des cinémas, des gg galeries d'rt art et des casinos, des chalets de ch chasse et des quais d'mb embarquement des cr croisières en bateau
je me mêle aux foules q qui se délaient nt dans les rues, s'ng engouffrent dans les cafés
je m'installe au pied d des billetteries, devant nt les ascenseurs p rm permettant d'accéder aux parkings souterrains des grands nds magasins, dans les rues sp piétonnières
s'il vous plaît ? watte ?
danke
cela me donne l'impression dd d'avoir des loisirs et des occupations, des relations
Z-BAR

une harde de bourgeois en goguette
jetant quelques pièces de monnaie dans les pattes des mendiants
- les mendiants devraient être punis par l'Etat !
pour qu'ils se dispersent et les laissent passer sans encombre

le homard est un charognard

des habitués qui le tutoient et lui refilent de grosses dringuelles
interrogent le portier, calculent le nombre de doigts de la main qu'on leur tend
- dites-nous, cet être répugnant appartient-il vraiment au genre humain ?

ça me donne l'mpr impression d de de de v vv venir
de q quelque part rt
d'ici ou là
- cet objet d'aversion, cette épave en rupture sociale, ce légume pourri, ce pervers, ce rustre, ce galeux, ce verrat cacochyme et grincheux, ce cadavre déterré, ce pilleur de troncs, ce beideleir, ce crotté, ce débris, ce merdeux, cet invisible, ce mauvais genre, ce malveillant, ce voleur de caniches d'exposition, ce sous-produit de la fabrication d'un dérivé chloré du phénol est-il censé appartenir aux couches sociales les plus défavorisées ? est-il inscrit sur une liste autorisée de personnes démunies ?

- ik ?
jj je m'embusque à la sortie des sc cathédrales, je tends ma c sq casquette, je côtoie les gens sd de la haute société : les gg généraux de corps d'armée préoccupés de leur gl ggl gloire militaire, les diseurs de mots j jj justes, les porteurs de bonne parole, les touristes aux visages r rayonnants en br nz bronze doré, les pr présidents-fondateurs, les magnats du p tr pétrole, les romanciers du Pulitzer, les j rn journalistes du Goncourt
les p paons et les d dd dindons se berçant de phrases cc cocottes, poudrées et tr reliftées, fourrées à la lq liqueur et au chocolat, où l'acc cadémisme se mâtine de modernité, eh, eh, tandis qq que l'émoi jamais ne l'emporte sur la j jj justesse du t ton, eh, eh, alors même que les ombres rs le disputent à la lumière, eh, eh, que la sp splendeur des p pp papillons n'a d'égal que la c mplx complexité de leur système d'organisation sociale, eh, eh
les arst aristocrates et les banquiers confits, m br membres de l'asbl Cercle de Lorraine, utilisant des billets ts de banque p rf parfumés comme cartes de visite et pièces d'dn identité, ayant reçu, dp depuis leur naissance, la mm meilleure m mamelle et les meilleurs m rc morceaux de viande, éleveurs de chiens ns de race, attachés à tr nsm transmettre leur dominance à leur d descendance, s'att tribuant nt les places d d'honneur dans les ég glises, les sicav et les cimetières
nh inhumés dans des cr cryptes de style g th gothique fl mb flamboyant br brabançon
honorées de deux étoiles dans le g guide Michelin
ayant acquis une réelle m maîtrise dans l'art de sélectionner, mélanger et tt torréfier les plus exécrables boudins
- dites-moi, ce Monsieur à l'air peu recommandable, ce mauvais sujet, ce vilain bonhomme est-il un Ennemi des Riches ?
je tends ma c sq casquette, je m'ff affiche, je fraie, je me commets ts
avec
les écc conomistes du grand mm marché commun mondial, vendant aux gens ns l'air qu'ils respirent, l'eau qu'ils bv boivent, la terre qu'ils c cultivent, les passions qui les tr transportent, les maux xq qui les accablent, les rancoeurs qui les m minent nt, s'appropriant nt la lune et le soleil, la fr forêt de Brocéliande et le droit de p pâturage, la cire et le miel d des abeilles qui lutinent
le p pubis des fleurs et les cerises mises à macérer rd dans de l'alcool de cannabis
les grands pr prêtres, les grands brahmanes, les grands imams, les gr grands maîtres et les grands philosophes, les grands rrr rabbins, les grands bonzes, les gr grands p pasteurs
illusionnistes, montreurs de p poupées russes, faiseurs de bulles de savon, c cr crieurs et pr proférateurs, ff fabriquants d'automates, tr transformistes, éch changistes
en règle de cots cotisation singes supérieurs, seuls à avoir accès à la rr reproduction, seuls à avoir le dr droit de vote aux ass assemblées sg générales de l'ONU

les gr gr grandes dames du s spectacle, engageant un artiste japonais pour leur d dessiner des lèvres en or r
détendre les sp peaux, effacer rl les salissures, lisser les sc craquelures, décaper rl les écailles, colmater les sf fissures, décrasser les sd dorures, atténuer les sc cernes, les rougeurs et les rr irritations
les drag-queens de la ppp politique, se pr précipitant au devant des caméras, ff faisant des mignardises aux micros qui se tendent, s sachant comment nt tr étrangler la poule sans la faire br braire
les pr princesses lascives
pt putains du royaume se faisant nt passer pour rd des saintes, réputées sp pour leur inlss inlassable enggmt engagement nth humanitaire, dont une f ff fausse couche laisserait tl le royaume sn sans sh héritier
portant un nb bourrelet par-dessous leur jupe pour la faire b bouffer, aimant s s'entourer d'rch archers, d'eunuques et de c rt courtisans, de p ntr peintres de roses et de collectionneurs de m mouches, de clowns et d'érudits, de f fauconniers et de cr cracheurs de feu, de ss savants et de lettrés, de joueurs de p polo et de ch champions de lawn-tennis, d'envoûteurs et de mg magiciens, de c confesseurs et de bouffons, de marabouts et de ng ngangas, de tradc traducteurs et d'ntr interprètes, de voyageurs et de bn bonimenteurs, de pèlerins et de navg navigateurs qui sillonnent les mers du g globe à l'aide de cartes dr dressées par des str astronomes, de b botanistes et de pr st prestidigitateurs, de m musiciens albanais et de jt jeteurs de fdr foudre c ng congolais, de chats p rs persans qui p portent un collier de cl cl clochettes autour du cou, de p poètes serbo-croates, de p paysagistes n gr nigérians et de nains de jjj jardin allemands nds
vvynt vouvoyant leurs lévriers à poil long, ne portant pas de brillants avant l'après-midi, se montrant attentives aux souffrances d'autrui
offrant nt de la dinde et des cr croissants aux pp pauvres qu'elles pr protègent, qui v vont à la messe et leur font nt allégeance
in inaugurant des unités de s ss soins pour nf enfants malades du sida, pr prenant dans leurs b bras des enfants en pleurs et les b rç berçant jusqu'à ce qu'ils s'nd endorment
provoquant nt des tonnerres d'ppl applaudissements


- dites-moi, cet homme au comportement agressif et menaçant est-il un Ennemi du Commerce et de l'Industrie, de la Liberté d'entreprendre et du Progrès technologique ?
je tends ma c sq casquette et j'ntr entretiens des relations sc compromettantes et déshn déshonorantes
avec
les m marchands d'armes, les st stars de Hollywood, les pr propriétaires de vignobles et de mines de diamants radioactifs, les xpl exploitants de puits de pétrole, les gestn gestionnaires de f rt fortunes, les magnats de l'nd industrie ph pharmaceutique, les magst magistrats hn honoraires débattant nt la q st question de savoir si le camp mp de conctr concentration de Breendonk et le cn centre f rm fermé pour étrangers de Vottem doivent nt être rangés p rm parmi les biens du d domaine public bien qu'ils ne s rv servent pas à l'usage de tous et que l'cc accès en soit rigrs rigoureusement r réglementé
les couples r royaux et les monarques républicains, cr gn craignant Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom

tout se prend pour n'importe quoi
aimant le B Bien, appréciant l'ng engagement c ntm contemplatif des Moniales de l'rdr Ordre de Bethléem, renfr renforçant leur p présence sur le terrain, parrainant des ssc associations caritatives, écoutant les r cr récriminations des possédants nts et rc recevant les c cahiers de doléances des b banquiers, souriant aux nf enfants en peluche qui agitent des drapeaux, ouvrant un lavoir p pour les sans-abri, serrant des sm mains, rc frt réconfortant une famille de boursc boursicoteurs en détresse, leur pr prodiguant des paroles nc encourageantes, c mpr comprenant leur douleur et y compatissant, survolant nt en hélicoptère les régions nsd dévastées par le c cc cyclone, rassurant les sn syndicats de c cc commerçants, se déclarant pr profondément b bb bouleversés par les ch chagrins qu'ils côtoient, disct discutant avec les n notables, sst assistant à une séance cd académique, distrb distribuant des charges et des d députations, les terres et les pr propriétés, pr présidant un d dîner de gala, portant des toasts sts, ouvrant nt la saison des moules, inaugurant nt des classes m maternelles, des nst installations sportives, des exps expositions culturelles, des ct str catastrophes aériennes, des incendies de gr grands magasins et des inondations du siècle, faisant pr preuve de c mp compassion, cr caressant la tête d'un enfant ntm malade, laissant nt percer leur émotion, embrs embrassant les proches parents nts des v victimes, s gn signant les registres de c nd condoléances, visitant une csr caserne de p mp pompiers, présentant nt de br brèves sxc excuses après avoir excrt excrété un pet, une suée ou une q qq quinte de toux
applaudis par les nc anciens combattants, les scouts catholiques et les s ss sacs poubelles déposés le long des tr trottoirs
v visiblement émus
et toute autre p personne
vedettes de la finance, du sport et du spectacle
ayant fait l'objet d'une faveur nobiliaire, tr transmissible de mâle en mâle, par pr primogéniture
et ayant mené à bbb bonne fin la pr procédure de levée des lettres patentes
- dis-moi, cet dépravé, cette canaille, ce parasite, cet acarien, ce nuisible à l'apparence répugnante, cet écumeur de pissotière est-il une vermine rouge ? un Ennemi de l'Etat ? un ennemi de la Police, de la Justice, du Clergé, de l'Autorité et de la Propriété ?


Z-BAR

une harde de bourges en goguette
portant un masque devant la bouche, enfilant des gants de plastique, s'asseyant sur leur portefeuille
interpellent le portier, s'indignent
- trop is te veel ! on ne devrait pas permettre ! on devrait empêcher ! on devrait interdire ! on ! on ! on !
- on devrait intervenir, mettre de l'ordre, nettoyer les trottoirs, contrôler les papiers, confisquer les caddies et les poussettes, demander la feuille de paie, la fiche de pointage, le numéro d'immatriculation, la prescription médicale, l'acte de naissance, la carte d'inscription au registre des étrangers, le récépissé tenant lieu de titre de séjour, le bon d'alimentation, le carnet de milice, le certificat de baptême, la déclaration d'impôts, la lettre de motivation, la procès-verbal de conformité, le compte rendu d'audience, le C4 ou l'annexe 26 bis, le relevé bancaire, le bulletin scolaire, le contrat de bail et l'abonnement au gaz, la quittance de loyer, l'inscription à la commune, l'accusé de réception, le timbre oblitéré, l'attestation de soins donnés, l'ordonnance présidentielle, la recommandation épiscopale, le témoignage de satisfaction, le diplôme de paralytique, le brevet de cécité, la facture du fabricant de béquilles, le cachet du vétérinaire d'Etat, le label, la vignette, la franchise, le visa, l'assurance obligatoire, le formulaire et le reçu, le poinçon d'origine, la notice et le mode d'emploi, le permis d'exister, le taux de cholestérol, la carte de visite prophylactique, le ticket de métro, l'arbre généalogique et les secrets de famille, le code-barres, l'étiquette de traçabilité
- on devrait donner une prison à tous les sans-abri !
- vous ne vous imaginez pas tout le confort dont on dispose en prison ! cinq à sept personnes par chambrée ! s'isolant par des serviettes de bain ! loubards, drogués, braqueurs, vagabonds et escrocs ! maraudeurs, déportés, violeurs et pédophiles ! tuberculeux et sidatiques ! tous confondus ! couchés jour et nuit ! sur leur paillasse ! à ne rien faire ! en tenue grise ornée d'un liséré bleu ! à regarder la télévision et à s'échanger des expertises ! un seau de pisse et un seau de merde vidés toutes les 24 heures ! ou un WC chimique vidé une fois par semaine ! des promenades dans la cour ! des visites de l'aumônier ! des confessions et des absolutions ! le linge mis à sécher sur une corde en morceaux de tissus ! la nourriture, le chauffage, l'électricité, les soins médicaux et les médicaments gratuits ! de même que le coiffeur ! la sodomisation des pointeurs par les caïds et les matons ! les travaux d'ordre éducatif ! la possibilité d'apprendre la cuisine, le balayage et le nettoyage des chiottes collectives ! et comment mettre en boîte des filtres pour aspirateur ! et comment plier des t-shirts publicitaires ! et comment les emballer ! et le secret du montage des chasses d'eau ! et les techniques de fabrication des plaques minéralogiques !
- oui mais les demandeurs d'asile engorgent déjà les prisons du Royaume !
- et ils y meurent trop facilement !
- et s'y suicident sans autorisation ! à l'insu de leurs gardiens ! en avalant d'un seul trait 25 comprimés de nivaquine ! ou en faisant la grève de la faim !

le suicide est un péché mortel
surtout quand on se rate

- on devrait à tout le moins envoyer les bulldozers municipaux déloger les vendeurs ambulants ! on devrait raser les baraques de tôles et les cabanes en bois de caisses dans lesquelles s'abritent les indigents !
- on devrait délivrer un ordre de quitter le territoire aux vieillards cancéreux impropres à la résurrection et à tous les non-régularisables dont les carcasses délabrées ne se prêtent plus à prélèvement d'organes !
- on devrait interdire aux pauvres de vivre au-delà de 25 ou 26 ans ! on ne devrait pas permettre aux gens qui n'en ont pas les moyens de venir mourir chez nous, sur nos trottoirs, dans les halls d'entrée et les cages d'escalier de nos immeubles !
- on devrait capturer les nécessiteux au lance-filet, les écrouer sur de vieux cargos désarmés, les soumettre à la quarantaine et les rendre inoffensifs !
- on devrait ramasser tous les chemineaux qui pissent sur nos trottoirs, les mettre en vente publique, les euthanasier au gaz carbonique ou les jeter hors de nos frontières !
- ou les parquer dans des réserves indigènes !
- ou dans des zoos !
- ou dans des parcs à gibier !
- ou dans des Musées de l'Homme !
- ou dans des Expositions Universelles !
- ou les concentrer dans des camps !
- oui, mais à supposer qu'on parvienne à les exterminer tous, par qui pourrions-nous les remplacer ? comment maintenir les salaires à la baisse ? qui descendra dans nos mines et travaillera dans nos plantations ? qui explorera le lit des rivières de nos concessions riches en gisements alluvionnaires ? qui priera dans nos chapelles et donnera à manger à nos missionnaires ? qui cirera les souliers de nos assistants techniques et portera les bagages de nos experts ? qui bénéficiera de notre coopération au développement et de notre aide humanitaire ? qui souscrira à nos emprunts ? qui mangera notre maïs génétiquement modifié, nos vaches malades et nos poulets à la dioxine ? à qui revendrons-nous nos médicaments périmés ? où dénicherons-nous les mannequins racés qui présenteront nos collections d'été ? d'où importerons-nous nos religieuses gazouillantes et nos pétillantes putains ? d'où transférerons-nous nos footballeurs aux pieds d'or ? qui enfantera nos bébés de compagnie ? où recruterons-nous nos supplétifs armés ? qui mourra pour notre Patrie en danger ? où exercerons-nous notre devoir d'ingérence ? de qui aurons-nous encore peur ?
- évitons tout atermoiement funeste et toute précipitation inconsidérée !
- on devrait d'ailleurs se poser la question de savoir ce qu'il adviendrait des pauvres s'ils se hasardaient au-delà des limites de leur enclos et parvenaient à échapper à la surveillance des agents de la douane et de l'immigration : deviendraient-ils revendicatifs ? opéreraient-ils un raid audacieux sur nos dépôts militaires ? prendraient-ils nos touristes en otage ? s'attaquereraient-ils à nos banques, à nos temples et à nos églises ? occuperaient-ils le Cinquantenaire et le Musée de Tervuren ? détruiraient-ils nos cimetières et nos calvaires ? ravageraient-ils nos récoltes ? pilleraient-ils nos magasins ? jeteraient-ils des pierres sur nos voitures ? mettraient-ils le feu à nos villas et à nos supermarchés ? épouseraient-ils nos enfants ? causeraient-ils des dommages irréparables à nos écosystèmes ?
- on pourrait en castrer quelques-uns et les adopter comme employés de maison?
- on pourrait en élever quelques-uns pour la chasse et les relâcher dans les avenues de nos beaux quartiers
- on pourrait en atteler quelques-uns à des carrioles ou à des machines agricoles ?
- on devrait, de toute manière, tatouer les mendiants, les gitans et les immigrés clandestins avant de les remettre en liberté ! on devrait les amener chez le vétérinaire d'Etat, les épouiller, les évangéliser, leur couper les cordes vocales, les dégriffer, les lobotomiser !
- on devrait les obliger à terminer leur soupe aux pois cassés et leur brouet de betteraves ! et les contraindre à ravaler leur vomi qui souille nos trottoirs !
- on devrait éliminer les scories humaines qui abusent des bienfaits de notre société ! on devrait aspirer tous les chewing-gums et tous les sparadraps qui collent au revêtement de nos rues piétonnières ! on devrait arracher les mauvaises herbes, les pesticider et les emballer sous vide ! on devrait diriger les réfractaires et les récalcitrants vers une zone de stockage où un bras robotisé se chargerait de les enfourner et de les carboniser ! on devrait faire usage de nos armes pour éradiquer la vermine et les improductifs !

Z-BAR

jj je fais la m nch manche sur les tr trottoirs, je me p poste aux feux rg rouges, à l'entrée des c cinémas, dans les g galeries et devant les t terrasses, tous les jours de la s mn semaine, seize heures dff d'affilée
- à vot'bon coeur !
avec un gb gobelet en carton, pour rv éviter de tr transmettre la poisse à mes b nf bienfaiteurs
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
je fais les th théâtres de boulevard et les musées d'art nc ancien, les autobus et les b bouches de métros, les bords de mer, les ss stades de football, les distributeurs automatiques de billets de b banque
- bien gentil ! bien aimable !
je fais les vrt ouvertures des tr tripots d'rt art des potes
Achille Ngoye, Djuna Djanana, Jacques Simon, Jean-Pierre Jacquemin, Alain Brezault, Gougoui Kangni, Pascale de Villers, Peter Weihs, Marianne Berenhaut, El Hadj Kassé, Chéri Samba, Lye Mudaba Yoka, Ward Vervoort, Michel Antaki, Bernard Villers, Walter Swennen, Henri Jouant, Jean-Pierre Verheggen, John Ngouissani M'Boutany, Dizzy Mandjeku, Dieudos Makwanzi, Carmelo Virone, Lieve Joris, Mwepu Mwamba, Boyikasse Buafomo, Moseka Yogo-Ambake, Violaine et Jean-Marc, Tshitungu Kongolo, Barly Baruti, Emongo Lomomba, André Stas, Alain Germoz, Syms, Sim-Simaro, Kungu Luziamu, Paul Van Ackere, Daniel Locus, Mireille Ayakaluka, Bofane Inkoli, Gérard Adam, Aimé Mpane, Moke, Jean-Marie Lahaye, Etienne Bernard, Roby Comblain, Maggy Frimat, Olivier Le Brun, Tierno Monenembo, Ray Lema, Alonzo Nzau, Pascal Kongo, Aura Msimang-Berton, Dread Litoko, Anne Thyrion, Marie-Anne Pieva, Andreas Roels, Papy-Tex, Pipou Lacomblez, Yannick Koy, Michelino Mavatiku-Visa, Jean-Baptiste Nsamela
je f fais les défilés de mode, les pr processions, les bordels de haute couture, les halls de gg gare et les grands magasins
je fais les entrées des hôtels de luxe, de st stupre, de tourisme et d'affaires, je fais les salles d'tt attente des cabinets d dentaires et les consultations de gynécologie
je v vide les parcmètres, je pille les tr troncs des églises avec un attrape-mouches enroulé autour d'un f fil de fer r
j'enfonce des b baguettes de s ss sourcier, enrobées de m miel, de t toiles d'araignée et de s nd saindoux, à l'intérieur des t termitières
je vole des c cierges ou des bougies, des hosties consacrées, du vin de m messe, des anges en chêne s sculpté jouant de la trompette d dorée
d dank u

qqq quelquefois, je passe des v vv vacances à la mer, je me régale de ch chenilles, de l limaces, de cr crr crrr criquets et de vers de tr terre que je repère à l'ouïe, de perce-oreilles, de pl plancton, de larves d'ns insectes, de crabes, de crevt crevettes gr grises et td de pucerons au miel
les bêtes à bon Dieu
charmantes petites boules rouges à deux, sept ou quatorze points noirs
investissent les villages, font rouler les têtes des hommes en âge de se battre et de procréer, étouffent les vieux, éventrent les femmes enceintes, enfilent les fillettes, défoncent le cul des garçonnets, empalent et embrochent les petits Jésus de lait sur des fourches ou des rapières
et les font rôtir au fer à souder

de serpents violets, de lézards oranges et d d'oiseaux tr trouvés morts sur la plage, de petits escargots à la cq coquille transparente, de raisins murs, d'lg algues et de b baies sv sauvages fr fermentées et alcoolisées, de mr marrons et de ch champignons ns, de noisettes pp pourpres et de prunes bleues, de cr cerises amères, d'écorces d'arbres, de bousiers, de lichens et d de m mm mousses ss s
je me n nourris d'ignames, de manioc et de patates d douces volés dans les ch champs, à proximité des villages

les grives et les merles boudent les nichoirs de l'Armée du Salut
les mangeoires et les abreuvoirs
les urinoirs
je s survis en repêchant des noix de c coco flottant dans l'eau, arrachées aux p lm palmiers p par les vents ts
je t tète les tubes de colle et de dentifrice
j'aspire la s sève e des plantes, je gr grignote le sexe des fleurs
je m'abreuve à la rosée du m matin, à l'rn urine des chevaux et au sang des gn agneaux
je me lave le vv visage et les mains à l'eau des bénitiers
s'il vous p plaît ? watte ?
gotferdoume

je j jette e la foudre, j'allume des lucioles, je f ferre les cerfs-volants, je cr crève les ballons des enfants et la p peau des tambours
gotferdoume
je d détruis les rêves à coups de canne, j j'étripe et j'écartèle les m marionnettes de bois et une poupée de ch chiffons souillée de sp rm sperme astringent nt, je boute le feu aux cheveux des s sorcières rousses et des accoucheuses de foetus s, j' ar arrache les dernières pages d'un carnet td de poésie, je décp décapite les champignons à coups ps de pied
j'appâte des moines tns tonsurés, en robe de bure, m ménopausés, pour sats satisfaire mes appétits mystiques
je b bb baise la main ng gauche d'une religieuse, celle q qq qu'elle résr réserve à ses ss soins nt intimes
g godverdomme

je lève des v vents ts qui les rendent fous

je m'attache au tr tronc d'un arbre mort
creusé par les v vers s
pour ne pas être mp emporté par la t tempête

j'envoie des s signaux que personne ne décrypte, je décvr découvre et je garde en mémoire des tr trésors enfouis dans des cachettes qq qu'ils ignorent, des arches de Noah dissimulées dans des mouillages dont ils ont p rd perdu le s secret ?
ggg goeie avond
danke, n'avend
bonj'oir r
Z-BAR

une harde de bourges en goguette
des nantis, des sangsues, des gras du bide, des habitués qui le tutoient et lui refilent de grosses dringuelles
préférant jeter des pièces de monnaie dans la fontaine aux porteuses d'eau, en lui tournant le dos
- toujours est-il que ça porte chance !
par-dessus leur épaule, en formulant un voeu
plutôt que de les donner au Zef
- il pue !
interpellent le portier, s'indignent

le homard n'a pas le vertige
le homard enfile des gants de plastique et porte un masque devant la bouche
le homard tue par procuration

se disent irrités par la prolifération des mouches à merde, des blattes et des mendiants, des larves, des rats, des crapauds et des choux
par leur pauvreté, leur visibilité, leur incivisme et leur mauvaise éducation, leurs odeurs
- les pauvres sentent le chou et l'oignon
- les pauvres puent la peur et la sueur, l'eau de Javel et l'alcool de contrebande
- les pauvres ne se brossent jamais les dents tous les soirs avec du dentifrice à la chlorophylle, les pauvres ne changent pas de slip et de chaussettes tous les matins, les pauvres ont une haleine détestable
- les pauvres mangent leurs ongles
- les pauvres ont de vilaines mains avec du noir dessus
- les pauvres mangent du ragoût de chien
- les pauvres ne se frottent pas le corps entier avec du savon parfumé à la lavande une fois par mois
- les pauvres mangent du singe, de la chauve-souris, du cancrelat, du cochon d'Inde, du canari, de la toile d'araignée, du lézard, du serpent, de l'herbe, des détritus et de la farine animale

on ne peut pas avaler un serpent plus long que son intestin
tout cru
avec la peau, les arêtes et le venin
sans le couper en petits morceaux

- et les enfants des pauvres disputent des squelettes de poissons à des chats de poubelles
- les pauvres se lavent dans des fontaines publique, des abreuvoirs ou des toilettes des gares
- les pauvres mangent de la neige
- les pauvres puent des pieds
- les pauvres ne demandent pas la permission avant de fumer
- les pauvres n'ont pas fait d'excellentes études dans des écoles renommées, les pauvres sont de constitution fragile, les pauvres n'ont pas d'hygiène alimentaire, les pauvres ne sont pas nés dans une maternité privée et n'ont pas été élevés à la lumière artificielle, les pauvres se font bouillir des pommes de terre dans un jus de têtes de cabillaud ou des haricots noirs à la couenne de lard ou des macaronis charançonnés, les pauvres ne mangent pas de la viande fraîche chaque semaine, les pauvres avalent convulsivement et ne mâchent pas leurs aliments, les pauvres régurgitent, les pauvres développent un mauvais cholestérol, les pauvres toussent en dormant, les pauvres crachent des glaires et du sang
- les pauvres puent du cul
- les pauvres ne sont pas capables de mourir comme tout le monde, à la maison ou dans un lit d'hôpital
- les pauvres meurent gelés, de faim, roués de coups, sur les trottoirs et dans les caniveaux, en infraction avec la législation sociale et la réglementation en vigueur en matière de santé et de salubrité publique
- les pauvres meurent électrocutés par les barrières électrifiées du Mur de Schengen, asphyxiés par deux ex-gendarmes à l'aide d'un coussin réglementaire, noyés en tentant de traverser le détroit de Gibraltar sur un esquif de fortune, étouffés dans un semi-remorque de 18 mètres transportant des palettes de tomates de Zeebrugge à Dover
- les pauvres marchent dans la nuit sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute qui mène à Calais et se font écraser par les transporteurs routiers
- les pauvres tombent dans des crevasses et sautent sur des mines
- les pauvres sont attaqués par des crocodiles, chargés par des troupeaux de buffles, croqués par des lions édentés, piétinés par des éléphants affamés, piqués sur tout le corps par des abeilles tueuses, frappés par les éclairs, écrasés par des arbres, empoisonnés au curare, dévorés par les oncles sorciers
- les pauvres sont emportés par des glissements de terrain et des coulées de lave incandescente, ensevelis sous une montagne d'immondices, brûlés vifs dans l'explosion d'un oléoduc, expulsés de leurs habitats par le réchauffement de la planète et l'élévation du niveau de la mer, décimés par le virus d'Ebola
- certaines races de pauvres, obligées de quitter leur environnement naturel, émigrant vers le Nord, sont menacées de disparition
- les pauvres meurent pourchassés, attrapés et abattus par les services de police
- les pauvres meurent d'homicide involontaire
- les pauvres meurent d'un arrêt cardiaque, au commissariat, dans une cellule de dégrisement ou menotés à un radiateur, asphyxiés par compression thoracique, avec une large plaie dans la région occipitale de la tête, des ecchymoses multiples sur tout le corps, deux côtes cassées, un poumon perforé et la rate fissurée
- les pauvres meurent lentement
- les pauvres meurent du tétanos, de la tuberculose, de la variole, de la rougeole, du kwashiorkor et de la bilharziose, de la trypanosomiase et de l'onchocercose
- ou d'accès pernicieux de paludisme
- ou de la dengue
- ou de la rage
- ou de la syphilis
- ou du choléra
- ou piqués par le sida
- les pauvres attrapent même le scorbut, la peste noire, la morve et la cocotte, la lèpre et la grippe espagnole
- et la fièvre aphteuse et la myxomatose et la tremblante du mouton et l'encéphalite spongiforme bovine

les pauvres naissent, grandissent et meurent pauvres

- les pauvres expectorent du sang
- les pauvres sont contagieux
- les pauvres meurent 20 ans plus tôt que les riches

mais peuvent aussi le devenir

- les pauvres vieillissent plus vite que les riches
- les pauvres meurent plus souvent et plus longtemps que les riches

tout le monde est en droit d'accéder à la Sainte Pauvreté
égalitaire et rédemptrice

- les pauvres n'ont aucune considération pour la propriété privée d'autrui
- les pauvres s'habillent de vieux manteaux volés à des épouvantails, les pauvres portent l'une sur l'autre plusieurs couches de vieux vêtements pour lutter contre le froid
- les pauvres ne paient pas régulièrement leur loyer
- les pauvres s'entassent à onze personnes, dont trois vieillards et cinq enfants entre quatorze mois et quinze ans, dans des deux-pièces humides de trente-cinq mètres carrés, équipés de compteurs d'électricité limités à six ampères, sans gaz de ville, sans chauffage central et sans eau courante
- quand on loue un deux-pièces à un pauvre ils s'amènent à vingt-cinq, ils installent cinq ou six matelas dans la chambre et autant dans le séjour, on est tout de suite envahi
- les pauvres qui font l'objet d'une mesure d'expulsion ordonnée par le Juge, jettent des paillasses sur nos trottoirs et viennent camper devant les portes en verre fumé de nos immeubles distingués
- les pauvres ont quelques cartons ficelés pour tout bagage
- les pauvres ne sont pas inscrits au registre des baptêmes, les pauvres ne sont jamais déclarés à l'administration, les pauvres ne sont couverts par aucun système d'assurance maladie
- les morts des pauvres n'appartiennent jamais à personne
- les pauvres contreviennent aux règles d'organisation communautaire les plus élémentaires, les pauvres oublient toujours de fermer à clef la porte d'entrée des immeubles qu'ils habitent, les pauvres bloquent la minuterie de la cage d'escalier avec des morceaux d'allumette, les pauvres restent enfermés pendant des heures dans les douches, les pauvres salissent les planches des toilettes, les pauvres se plaisent à obturer les gouttières avec des cadavres de pigeons bisets et de chats marrons, les pauvres élèvent des poules et des lapins sur les balcons, les pauvres ne respectent pas l'heure de sortie des poubelles, les pauvres bloquent les disques des compteurs, les pauvres organisent des combats de singes dans les caves, les pauvres causent bien des tracas à leurs bailleurs
- les pauvres sont sources de nuisances politiques, économiques, sociales et culturelles
- les pauvres chantent dans le métro
- les pauvres ne parlent pas correctement le français ou le néerlandais
- les pauvres chuintent
- les pauvres n'arrêtent pas de se marier entre eux
- les pauvres sont porteurs de risques génétiques
- les pauvres ne compostent pas leur billet, les pauvres braillent et s'enivrent dans les lieux publics, les pauvres ne sont pas propres sur eux, les pauvres dégueulent à contre-vent, les pauvres tiennent des propos malséants, les pauvres urinent dans les buissons
- les pauvres défèquent, en position accroupie, dans les parterres de fleurs et sur les plages de sable blanc
- les pauvres ont des vers
- les pauvres ramassent nos mégots mais ne ramassent pas leurs selles
- les pauvres nous chient dans la gueule
- et les selles des pauvres manquent d'azote
- et les voitures des pauvres sont polluantes
- les crottes des pauvres sont anti-hygiéniques, les crottes des pauvres sont rongées par les vers et les parasites, les crottes des pauvres constituent un grave danger pour la santé publique
- et la pisse des pauvres sent mauvais


seule la merde a l'odeur de la merde, surtout la nuit

- les nomades et les miséreux qui se postent en embuscade à la sortie des églises et des supermarchés incommodent les prêtres, les fidèles, les riverains, les promeneurs et les consommateurs
- les pauvres mettent les honnêtes gens dans l'embarras et leur font éprouver un sentiment de culpabilité très inconfortable
- les pauvres importunent les automobilistes bloqués aux carrefours, ils se faufilent, grimacent, implorent, passent d'une voiture à l'autre, gênent la circulation automobile lorsque les feux repassent au vert
- les pauvres qui rôdent dans les strotjes obscures inquiètent les clients et les filles, effrayent les vacanciers, font du tort au Commerce et à l'Industrie
- les pauvres mordent par derrière, les pauvres ne votent pas comme il faut, les pauvres sont sidatiques et tuberculeux, les pauvres se chopent des morpions, les pauvres ne savent pas se soigner et conserver leur corps, les pauvres revendent leurs médailles de guerre et leur yeux de verre pour s'acheter du pain et des médicaments
- les pauvres ont oublié le goût de la viande rouge
- les pauvres cuisinent un jour sur trois, les pauvres mangent des feuilles de salade trouvées dans les poubelles et les caniveaux, les pauvres se nourrissent de chenilles et de limaces, les pauvres se régalent d'abats de volaille achetés au kilo
- les pauvres regardent dans l'assiette des autres
- les pauvres vivent de rapines, pillent nos potagers, volent nos autoradios, s'emparent de nos annuaires téléphoniques, dévalisent nos congélateurs, emportent nos fromages et nos saucissons, fouillent nos immondices, volent les graines de nos oiseaux, achèvent les écuelles de nos chiens
- il faut tenir les pauvres en laisse et leur faire porter une muselière dans tout lieu public ou privé accessible au public
- les pauvres sont de mauvais parents, les pauvres se soustraient à leurs obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation de leur progéniture
- les pauvres se servent de leurs bâtards aux yeux larmoyants, aux plaies purulentes et aux doigts agiles, pour harceler les voyageurs dans le métro, exciter la Pitié, demander la Charité, ouvrir les sacs à main et s'emparer des portefeuilles, appâter les pédophiles, soulevant ainsi l'indignation des villégiateurs étrangers, portant gravement atteinte à la réputation du Royaume, ruinant les efforts de nos entreprises de tourisme
- les pauvres abusent de la religion d'autrui

les pauvres mordent les doigts des prêtres qui consentent à leur donner les Saintes Espèces

- les pauvres ont commis des péchés qu'ils n'ont jamais confessés
- les femmes des pauvres sont illettrées
- les femmes des pauvres accouchent sur le trottoir en face de nos cliniques privées
- les femmes des pauvres ont des seins comme des gants de toilette
- les filles des pauvres ne sont pas pleines de grâce, le Seigneur n'est pas avec elles
- les pauvres achètent des boîtes de conserve bombées qu'ils ouvrent avec les dents
- les dents des pauvres se déchaussent
- les vieux des pauvres recrachent leurs dernières dents dans les casseroles de l'Armée du Salut ou de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, perdent connaissance dans la rue et meurent d'une crise cardiaque en faisant la file devant le guichet des urgences d'un hôpital public
- les hommes des pauvres sont paresseux, voleurs, menteurs et sales
- ils ont un gros zizi
- ils ne pensent qu'à forniquer,
- ce sont des incontinents sexuels
- les pauvres trichent au jeu
- ils utilisent des dés pipés et cachent des cartes dans leur slip
- la grande majorité des personnes handicapées ou mentalement retardées naissent chez les pauvres
- et les enfants des pauvres souffrent de saturnisme et la morve leur coule du nez
- et les vieilles des pauvres sont épaisses, marchent lourdement sur leurs jambes variqueuses et ne portent même pas de bas
- et les enfants des pauvres viennent, la nuit, dans nos parcs publics, subrepticement, comme des voleurs, jouer avec leurs chiens squelettiques et galeux, grimper sur nos arbres centenaires, s'amuser sur les balançoires de nos petits et se noyer dans les pièces d'eau des espaces verts des beaux quartiers de nos riantes communes périphériques
- et les enfants des pauvres vont à l'école sans manger
- et les enfants des pauvres meurent asphyxiés au gaz de carbone
- et leur mère, en larmes, assise dans un fauteuil, ivre-morte, défoncée à l'acide, n'est même pas capable de leur porter secours
- et les enfants des pauvres ont des poux
- et les chiens des pauvres ont des puces
- et les femmes des pauvres ont des morpions
- et leurs hommes ont des tiques
- et les paillasses des pauvres sont remplies de punaises

une harde de bourges en goguette
des nantis, des sangsues, des gras du bide, des habitués qui le tutoient et lui refilent de grosses dringuelles
interpellent le portier du Z-BAR
s'indignent de voir Zef faire la manche, stationner sur le trottoir, heurter la pudeur d'autrui
- dites-moi, mon ami, ce Monsieur, ce malpoli, ce mal habillé, cet épouvantail à touristes sexuels, cet abuseur, ce fainéant, ce parasite, cet écornifleur, ce fantôme, cette blatte, ce chétif, ce minable, cet avorton à la filiation coupable et à la nationalité incertaine, ce nuisible, cette gargouille, cet extravagant, ce manipulateur frauduleux de compteurs de gaz et d'électricité, ce nécessiteux ne serait-il pas en train de s'adonner de façon habituelle à la mendicité sur la voie publique ? ne serait-il pas en train de nous demander de lui faire des cadeaux sans raison valable ni contrepartie équivalente ? à l'encontre de toute bienséance et de toute rationalité économique ? sans la moindre vergogne ?

- ik ?
je m'adonne, je fais les plages, les ff foires et les kermesses
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !
je m m'adonne e

- dites-moi encore, mon brave, rassurez-moi, confirmez-moi, informez-moi, cette mouche, cette merde, ce pouacre, ce crachat, ce récalcitrant, ce professionnel de la misère organisée est-il en situation régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers ?

- ikke ?
armé d d'un bâton, d'une canne
on imm imagine e et je m'adonne
s s'il vous plaît ? watte ?
dank u

on se dit irrité par l'insolence des pauvres
- les rires et les larmes des pauvres sont indécents, les rires des pauvres sont agressifs et menaçants, les larmes des pauvres sont dérangeantes et perturbent nos petits

on suggère d'interdire aux pauvres de rire ou de pleurer en public sans y avoir été expressément invités par l'Autorité
et de mourir sur scène

il vaut mieux mourir sur scène, en vedette, sous les spots
plutôt que de prendre son ticket et de faire la file à l'abattoir

on suggère de contrôler la sexualité des pauvres
- on compterait près de neuf pauvres pour chaque bourgeois de la planète
- dont les plus vigoureux et les plus dangereux, ceux qui appartiennent à des races réputées querelleuses, empruntent des filières criminelles d'immigration clandestine, traversent l'Ukraine et la Roumanie, se cachent en Hongrie, en Serbie et en Croatie, se pressent à la frontière de le Slovénie et de l'Italie, menacent d'envahir le Grand Empire d'Occident et de s'établir à Sint-Martens-Latem ou à Lasne
- infestant nos immeubles et faisant peur à nos concitoyens
- comme les rats à New York
- la situation a assez duré
- créons une unité spéciale pour régler ce problème
- mettons en oeuvre des programmes rigoureux de contrôle des naissances
- commençons par séparer les juments des étalons
- et les enfants de leurs parents
- pas d'enfants ! pas de chiens !

les immigrés retrouvés sur les plages proches de Bari, de Tarifa et d'Almeria
indisposent les touristes
qui doivent enjamber les cadavres crus avant de plonger dans la mer

on suggère de permettre aux commerçants de nuit, aux tenancières de maisons de plaisir et patrons de dancings, d'assumer leurs responsabilités, de se constituer en comité de vigilance ou en groupe d'autodéfense, de stériliser les vagabonds et les réfugiés qui font la manche avec des gobelets en carton, vivent à nos crochets, se reproduisent comme des lapins, chapardent dans les poubelles, vident les fonds de caves et de greniers, volent des caisses de bois pour fabriquer des guitares à leurs enfants, s'éclairent à la lampe à pétrole ou à la bougie qu'ils déposent sur des valises en carton, mettent le feu à des cageots de fruits ou de légumes éventrés et à de vieux annuaires téléphoniques pour se réchauffer les mains, les orteils et le nez, souillent les trottoirs et nuisent à la bonne réputation du quartier
- tatoués, déclarés, blanchis, vaccinés, stérilisés et lobotomisés, encadrés, tenus en laisse, muselés dans les lieux publics, resocialisés et christianisés, les pauvres sauvages et les familles des demandeurs d'asile pourraient, après autorisation du vétérinaire d'Etat, être placés chez des particuliers
- ils apporteraient une touche bien sympathique à notre quartier, ils ne se battraient plus entre eux, ils ne se disputeraient plus les couvertures et les colis de nourriture que les bonnes soeurs Consolatrices du Coeur Sacré de Jésus et les braves boy-scouts d'une paroisse du Christ Ressuscité ne manqueraient pas de leur distribuer
- on leur coudrait un point au coin de la bouche pour leur donner un gentil sourire
- ils garderaient nos parkings et nos maisons, laveraient les pare-brise de nos voitures, feraient notre ménage et porteraient nos paquets, ils repasseraient notre linge et repeindraient les châssis de nos fenêtres, ils prendraient nos messages téléphoniques et veilleraient sur nos animaux de compagnie, ils promèneraient nos enfants à dos de poney, ils changeraient les couches-culottes de nos vieux, ils tondraient nos pelouses et entretiendraient nos parterres de fleurs, ils déboucheraient nos toilettes et ramasseraient nos ordures, ils couperaient notre bois et remettraient un joint au robinet de la buanderie, ils répareraient nos séchoirs et nos chauffe-eau, ils planteraient des vignobles sur nos terrils, ils fabriqueraient nos sièges en osier et nos vases en terre cuite, ils travailleraient sur nos chantiers de construction et déchargeraient nos bateaux la nuit, ils joueraient dans nos équipes de football et de basket, ils chanteraient et danseraient dans nos groupes de rap et de salsa, ils fabriqueraient des bébés que l'Autorité mettrait à la disposition des opérateurs socio-économiques du marché mondial de l'adoption, ils feraient don à la collectivité de leurs organes et leurs embryons, ils ne déposeraient plus d'odeurs âcres au coin des rues pour se créer des territoires, ils n'afficheraient plus d'attitudes provocantes, ils n'effrayeraient plus les clients et les filles de nos établissements d'utilité publique par leurs cris intempestifs, leurs gesticulations grotesques, leurs brames morbides et leurs convulsions désordonnées, ils cesseraient de mordre la main qui les masturbe
- on devrait néanmoins ordonner l'abattage massif et immédiat, par tirs à balles, surtout la nuit, sans plus attendre, des rats errants, affamés, hargneux, querelleurs, immunisés contre les raticides usuels
- on devrait interdire certaines races
- celles dont la dangerosité a été établie par des études scientifiques
- on devrait neutraliser les agitateurs, veiller à ce qu'ils n'incommodent pas les honnêtes gens de quelque manière que ce soit, ne pas les laisser discourir et se multiplier, leur imposer la muselière et l'étui pénien, les tenir en laisse dans les lieux publics
- on devrait commencer par leur couper l'eau, le gaz et l'électricité
- on pourrait également mettre en décharge les dissidents et les extravagants ou les brûler à très hautes températures, transformer les réfractaires en farines animales ou en briquaillons, s'en servir pour des expériences scientifiques, utiliser la graisse des récalcitrants pour fabriquer des produits cosmétiques
- on devrait recommander au Vétérinaire d'Etat de chloroformer les irréductibles et les irrécupérables avant de les égorger au son d'une musique douce de façon à ne pas altérer la qualité de la viande
- on pourrait aussi rendre la canaille fluorescente en utilisant de l'ADN de méduse et se donner ainsi les moyens de contrôler tous ses mouvements
- on devrait peut-être laisser faire nos skinheads
- on éviterait ainsi d'exposer la réputation de nos ex-gendarmes
- ce qui importe, c'est d'éviter que les nappes polluantes se dispersent dans l'environnement
- il y va de l'honneur et de la sauvegarde de nos institutions royales, politiques, ecclésiastiques, agro-industrielles, financières, pénitentiaires, vétérinaires, familiales, raciales, judiciaires, artistiques, journalistiques et gastronomiques, militaires, pharmaceutiques, diplomatiques, européennes et policières

on m me demande de vivre entre ppp parenthèses ? entre le ch chaud et le froid, le haut et le bas, le zist st et le zest, le s sable et la mer, le ciel et la tt terre, le pénis ss et le v vagin, le bf bef et l'euro, le lundi des Roses et le mm mercredi des Cendres, la sc scène et l'alcôve, les ardents d fn défenseurs et les farouches opposants, le hard et le s soft, la n nn nonne et la putain, le foulard slm islamique et le m sq masque de carnaval, la baguette et la f fr fourchette, l'ng onglet de boeuf et le f filet de sole, la ch chikwangue et le st stoemp, le fr fr frans et le vlaams, le fej et la r rebeu, la b bintje et la c corne de gatte, la mafuta ya mbila et l'huile d'olive, l'aigle et le p pigeon, le rr rire et les larmes, le salé et le s sucré, la gouache et le f fusain, l'amour et la haine, le pp pourquoi et le comment nt, le semblable et le d différent, le sp sperme et l'urine, le pet et le r rot, le XIXe et le XXIe s siècle, la vie et la mort, le r réel et le vv virtuel, eh
entre un ch chapeau d'abbé et une casquette de fl flic, entre ici et ailleurs s
entre le Z-BAR et le cc café RIO
n'avend
et je trace de ff furieux moulinets de canne qui me font perdre
verdoeme toch !

tous les chevaux ne sont pas nés avec un feignard sur le dos
l'éq quilibre e, tr tré-
bucher, q quelque-
fois

Z-BAR


crissement des pneus
une fille, une très jeune fille n'ayant jamais pouliné, un peu barje, complètement schlasse, un garçon l'accompagne, elle a des petits seins pointus et de longs cheveux blonds qu'elle rejette en arrière d'un grand coup de tête
- t'as compris ? begrijp je ?
revenant d'une soirée chaude, sous chapiteau, avec tombola, strip-tease, karaoké et concours de body-painting, organisée conjointement par un revendeur de bagnoles d'occasion et un commerçant en pneus rechapés
une jeune fille conduisant une grosse voiture
américaine
une Pontiac décapotable, couleur cerise, chromes rutilants, sièges de cuir beige, autoradio tonitruante
éclatant de rire et se parquant devant le Z-BAR

un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir
- santeï !
hilares, bitus, pétés, gelés à mort, sécheurs de cours, pinceurs de fesses et palpeurs de nichons, des bandards de students tuent leur onzième chope
- skoooooooooool !
braillent, décident de faire un tour dans la rue de Malines
- où sont les zoizelles, qu'on leur mette la pine au cul ?

A L'AMBASSY

forcent la porte d'entrée, investissent le bar et les deux arrière-salons, consultent les magazines pornos et les catalogues de lingerie spécialisée, embrassent sur les joues trois petites nièces
Merita, Milika et Malika
encore imberbes et récemment importées d'Illyrie, qui s'entraînent à parler d'amour et d'argent en français et en néerlandais, qui se montrent encore craintives et se tiennent quelque peu à l'écart
- waouououh, un arrivage de fruits frais ! des premières moules ! de la viande de chasse ! des pommes de terre nouvelles ! des asperges de primeurs ! des maatjes !
baisent la main des deux Cheffes boursouflées qui se goinfrent de pralines au cognac et se ventilent les aisselles avec des cartons de bière
agrippent le peignoir de Gudule, la Tantine-Mère, et la ceinture de son panty
- oesje !
qui lui gaine les jambes, lui aplatit le ventre, lui remonte les fesses et lui soutient les reins,
- retire tes couches-culottes, salope ! qu'on puisse te r'nifler la chatte ! qu'on puisse vérifier si c'est bien vrai qu'tu pues du col de l'utérus, tue-l'amour ?

des students caressent, tripotent, pressent, tordent, secouent brutalement les doudounes en gants de boxe de Waudru, Tantine-Sous-Mère
et lui demandent s'ils peuvent têter à l'oeil ou à crédit
et repèrent la présence de petites boules de graisse dans les chairs
- ouh là ! ce corps est mal tenu, souillon ! tu n'prends pas soin de tes attraits, saleté ! tu t'négliges le sein gauche, malpropre !
et se font éconduire énergiquement à coups de matraque par un inspecteur de police, alcoolique et dépressif, puant le rollmops, spécialisé dans le réglement des litiges entre cafetiers à propos des limites de terrasses, et qui s'est arrogé les fonctions de protecteur du poulailler et se fait payer en bière brune et en chaleur humaine
- borsten niet aanraken ! ne pas toucher aux mamelles !
insultent le représentant de l'Ordre Public et des Bonnes Moeurs
- bouffi d'la prostate !
s'esclaffent, observent une voiture qui s'apprête à parquer, conduite par une jeune fille
discutent, commentent

Z-BAR

une fille, complètement schlasse, un peu barje, elle a de petits seins pointus, un garçon l'accompagne
- begrijp je ? t'as compris ?
ils fument, ils rient, ils friment, ils entrent

q quelquefois

puis un silence

s'il vous plaît t ? watte ?
danke
survient, s'installe
qu'un vent gifle et chasse

une canne, un bb bâton pour soutenir la taille et redrs redresser le d dos
qui se v voûte et s'use encore sur des tr trottoirs
pavés de gr grès, de pluies acides, de ddd dégueulis d'ivrognes, d'hosties recrachées, de fr frites froides et de merdes de chiens m mm malades

et s si chaque jour je rapetisse, si m ma jambe gauche ne cesse de rr raccourcir r, si ma couille dr droite tombe plus bas q que l'autre, eh
c'est ma façon de r rajeunir ?
goeie avond
dank u, n'avend
il vaut mieux mourir tout de suite, dès la première représentation
après on écrase, on assume
on avale les pépins, les arêtes, les broches métalliques, les yeux de verre et les prothèses dentaires
on s'oublie dans son froc

- tiens, Zef, attrape ça !

le portier rd du Z-BAR me lance une gr grande écharpe rouge à la g gueule
- on me cherche ?

le portier du Z-BAR a décidé de commencer la soirée par une bonne action
- ça porte chance, nom di djos !
et de se montrer généreux
- tiens Zef, un cache-nez, potverdekke !

- on me cherche ? qui me cherche ?

- spreekt gij vlaams ? en fait, c'est une écharpe, c'est un client qui l'a oubliée, il y a déjà plus d'un an ! et le vestiairiste tient absolument à se débarrasser avant l'hiver de tous les vieux vêtements abandonnés par les clients ! ça attire les poussières ! et puis ça prend de la place sur les portemanteaux !

- on me cherche ? qui me cherche ? qui est à la recherche de quoi, ici ?

- en fait, le vestiairiste et moi, on a décidé de t'en faire cadeau ! tu vas pouvoir faire le beau maintenant, Zef, de Dieu !

le portier, de q quoi se mêle-t-il ? le vestiairiste, qu'est-ce qu'il me v veut t ?
gotferdoume
qu'on cesse des sss s'apitoyer sur mon p putain de sort, qu'est-ce qu'on me cherche, qu'est-ce qu'on me tr trouve e ?
godverdomme

le portier essaie de se défendre, s'empêtre dans ses explications
- mais nooon Zef, potverdekke ! en fait, je

des gens d déposent une assiette de hachis de veau et un bol de lait fr frais à côté de la pissotière, dans le Busleidengang, pour nourrir une vieille ch chatte et un chaton

et du p pain déjà sec, des viscères de pigeon et des légumes ff fanés devant la pr porte de mon réduit à outils, au fond du potager
qu'est-ce qu'ils me v veulent ?
gotferdoume

le portier n'arrive pas à convaincre
- mais noooooon Zef, nom di djû !
Le portier s'énerve, s'embrouille, s'emporte
- en fait, les barmans et les serveurs ont peur d'attraper la peste, la rage, la lèpre ou le sida, nom di djos !

ç ça va ! ça va ! je m'excuse d'avoir fr froid, je m'excuse d'avoir faim, je dis b bonj'oir, je dis s'il vous plaît, j'ttr attrape au vol une pièce de monnaie qu'on nm me lance et j je dis
- vous êtes bien aimable, manneke !
ml mel'si d'être Zef, je dis
danke
en peu de mots, un tr tr trop de mots pourrait les of offenser r
- ça va aller, quoi !
bonj'oir

dès cinq heures de l'après-midi, c'est l'hiver, des pluies sifflent et s'écrasent

et mes colères m mouillées déjà
c ch chancellent

des vents qui sont des répliques cinglantes
des vents qui rendent fou
f ffou fffouuu f ff fffouuuuu
f ffou f ff fouuuuu
ff f fffou
f fou
ff
f
se f fatiguent nt déjà
des ombres et des s silences me dissimulent
des confusions
je cr creuse e un trou avec ma canne, j'enterre à la hâte une tête de mouton ppp piquée d'épingles dans le Busleidengang, juste à côté de la p ss pissotière
ou un petit coeur de ch chaton cru
un poulet ég gorgé à l'aide d'un tesson de bouteille de bb bière, un s slip de femme r ng rongé par l'rn urine des morpions, un étron d'ab abbé fraîchement ch chié, un livre d'images pieuses, q quelques pages de l'an annuaire du téléphone, un b billet de banque froissé, une épingle à ch cheveux t tordue e, une b bouteille vide, un pr préservatif usagé rr ms ramassé dans la poubelle de Tina, une v vieille photo de famille, un oeuf g gg gobé

et des b brouillards me dissimu-
lent, dont je m m'habille, dont
je s ss rg surgis s
n'avend
bb bjoir

- Bompa ?
une enfant quelquefois, une petite fille, hanches étroites, seins à peine formés
qui piquent déjà
yeux boutons, translucides, vitrifiés, recouverts d'une glaçure incolore
une petite fille jette son cartable aux orties, enferme son tchoc-tchoc en laine dans une boîte à chaussures, enlève ses lunettes rondes, démêle ses longs cheveux, utilise du gel et de la laque pour se fabriquer une nouvelle tête et se maintenir la coiffure en place, mâche du chewing-gum à la menthe, se vernit les ongles, se peint les paupières en blanc, se rosit les joues au blush, se passe les lèvres au gloss
- Bompa Zef ?
une petite fille se met une goutte de sent bon derrière chaque oreille, demande du feu aux hommes sans rougir, glisse de l'ouate dans les bonnets de son soutien-gorge, remonte jusqu'à mi-cuisse sa jupe marine à plis, enlève sa petite culotte de flanelle et passe rapidement un bikini fil dentaire subtilisé dans une boutique de lingerie coquine, déboutonne son chemisier, enfile une bague encore munie d'une étiquette de prix, se noue un foulard autour des fesses et vient se laver la salade au filet d'eau rouillée qui se déverse en crachouillant dans la rigole de la vespasienne du Busleidengang
- Bompa, tu ne m'embrasses plus ? qu'est-ce qui se passe, Bompa, tu ne me dis plus bonjour ?

s'y laver le sexe
et s'y brosser les dents, déguster des écailles de vieille peinture au plomb, téter le soufre des allumettes, les tubes de colle et de dentifrice, se péter la gueule à la mousse à raser, à l'insecticide, au shampooing, à l'eau de toilette, à l'hostie avariée, au baba de pissotière, au sirop pour la toux, au bleu de méthylène, au dissolvant, au déodorant et à la crème fraîche
au suppositoire expectorant à base d'eucalyptus et de codéine
s'éclater, se coller un pétard entre les lèvres
- lala lalala lala, z'auriez pas du feu ? qui veut jouer avec moi ?

et sucer le gland des chefs scouts d'une paroisse du Christ Ressuscité et de l'abbé ayant en charge la vie spirituelle de la troupe, agitant un trousseau de clefs
rassemblés autour du drapeau pour une prière collective
- dans la troupe y a pas d'jambe de bois !
leur demander d'écrire quelques mots tendres dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé, d'y dessiner un joli canari jaune ou un gentil poisson rouge
- M'sieur l'Abbé ! s'il te plaît, M'sieur l'Abbé !
- ne m'adressez pas la parole en premier, ma fille, attendez que je vous interpelle et ne m'interrompez point !
- M'sieur l'Abbé ...
- baissez les yeux, ma fille, vous me manquez de respect !
- s'il te plaît, M'sieur l'Abbé !
- baissez les yeux quand j'ouvre les trente-deux boutons de ma braguette, mon enfant, les petites filles ne doivent pas fixer les grands prêtres dans les yeux !
- M'sieur l'Abbé, M'sieur l'Abbé ! qu'est-ce que tu vas m'donner, aujourd'hui, M'sieur l'Abbé ?
- on me suce d'abord le p'tit Jésus, mon enfant ! on s'agenouille ! on se sert de trois doigts et non pas de la main entière ! on ne parle pas la bouche pleine ! on ne se mouche pas dans la soutane des gens ! on ne se lèche pas les doigts !
- que...
- cessez de renifler, de rechigner, de quémander incessamment ! retenez-vous de tousser ! soyez modeste, effacez-vous, faites preuve d'abnégation ! sucez et veillez à ce qu'on vous oublie, qu'on ne sache même pas que vous êtes là ! sucez-moi jusqu'à la moelle et qu'on ignore votre existence !
- qu'est-ce que ...
- voulez-vous bien ne pas me regarder quand vous me sucez, ma fille ! arrêtez de prendre des photos, vous me faites mal aux yeux ! cessez de larmoyer et enlevez-moi cet affreux chewing-gum de votre bouche !
- qu'est-ce que tu m'donnes aujourd'hui, M'sieur l'Abbé, un Jésus un or ou un Jésus en argent ?
- taisez-vous, petite, sucez à fond et avalez le jus, restez à votre place, faites ce que les hommes vous commandent de faire ! élevez votre corps, mon enfant !

Z-BAR

une petite fille racolant sur les quais de la gare, le long du canal, sur une aire de repos en bordure de l'autoroute, dans les couloirs du métro et les parkings du centre commercial, à proximité d'un dancing et d'une boîte de nuit, sous un vieux platane, à la sortie de la grand-messe du dimanche
aguichant les talas et les entraînant au fond d'une impasse
- les talas ?
- ceux qui vont à la messe, quoi ! d'où tu sors, M'sieur ?
ou leur donnant rendez-vous dans des terrains vagues, au bord de cratères creusés par les bombes, derrière une palissade ou à l'intérieur d'une baraque de chantier, sur une paillasse moisie, posée à même le sol
ou dans un cimetière, traversé par un ruisseau, aux heures de fermeture
ou le long de voies de chemin de fer désaffectées, envahies par de très hautes herbes qui lui arrivent à la taille

une petite fille redoutant les relations vaginales mais tolérant les relations buccales et anales
- ça pue, c'est dégueulasse et ça fait plus mal mais ça craint moins !
se postant à côté des distributeurs de préservatifs installés dans les toilettes des écoles sans Dieu, agitant son cul, proposant des tarifs variant selon la nature des prestations à fournir, cassant les prix de 3 à 1
- lalala lala lalala
100 befs pour donner des baisers avec la langue et les dents (environ 2,5 euros), 200 befs pour soulever la jupe et renifler la minette (environ 5 euros), 400 befs pour tripoter les seins et embrasser la vulve (environ 10 euros), 500 befs pour un toucher avec deux doigts seulement (environ 12,25 euros), 700 befs pour enculer (environ 17,5 euros), 1000 befs pour faire des bébés (environ 25 euros), même pas le dixième du prix d'un bel enterrement ou d'un mariage en smoking, souliers ivoire et robe de satin à l'église du Christ Ressuscité
- et pour tirer à blanc, pisseuse ?
- tu m'donnes 300 befs (environ 7,5 euros) et j'te fais ça avec la main, une simple traite, sans prendre dans la bouche, moins cher !
- et pour une relation bucco-génitale, suceuse d'anus ?
- une quoi, M'sieur ?
- une pipe, laitue !
- j'te taille une pipe en profondeur pour à peine le double du prix, chéri ! pour 600 befs seulement (environ 15 euros) ! moins cher ! vite fait ! bien fait ! et j'avale toute la fumée ! sans crapotter ! sans recracher !

BAR Z-BAR Z-BAR Z

singe rieur se balançant, sautant et voltigeant dans tous les sens, tombant de l'arbre et s'écrasant sur un toit de tôle comme une mangue trop mûre
oreilles fanées, emportées par les vents
désorbitation de Dieu qui perd sa couronne et ses ailes, s'effiloche, se décompose, se désintègre et se consume en pénétrant dans l'atmosphère
hirondelles désertant leur nid sous les ardoises de schiste, caméléons refusant de changer de couleur, hélices des hors-bord se prenant dans les cheveux des enfants noyés
fumées d'usine souillant les draps étendus sur l'herbe des jardins
racines d'un vieux platane remontant à la surface pour y chercher de l'eau, étendant désespérément leurs radicelles en direction de zones humides ou d'une pissotière

l'iris des jardins ne supporte pas d'avoir les pieds dans l'eau

cloches fondant dans leur tour, coulées de boue ensevelissant les maisons, cheval de selle grignotant une carcasse de poulet sur un parking d'autoroute
lézards des vieux murs se couchant sur le dos pour mieux crever, au chaud, exposant leur ventre au soleil, ouvrant les jambes, exhibant leurs couilles flétries
cafard se noyant dans une assiette de soupe aux pois cassés, autruche avalant des gravillons pour faciliter sa digestion, moustique peinant à couver ses oeufs, voiture hoquetant et calant son moteur au milieu d'un gué ou d'un passage à niveau non gardé, vieilles locomotives à vapeur débitées au chalumeau par des charognards de la ferraille

on ne donne pas vraiment aux petits pois le temps de grandir
ni aux nains de jardin
ni aux spruitjes de Sint-Gillis

serpent de mer se vidant lentement de son sang dans une baignoire d'eau tiède, s'agrippant à la poitrine d'une femme gravide, sollicitant humblement, avec insistance, une dernière caresse
taurillon s'efforçant de quitter la scène avant qu'il ne soit trop tard, cherchant une issue, franchissant d'une bond le callejon, atterrissant parmi les spectateurs des premiers rangs, se prenant la tête dans les montants d'une barrière, donnant des coups de museau et de sabot pour se libérer, parvenant à se décoincer ses cornes, chargeant les policiers et les photographes
aussitôt renvoyé dans l'arène, bastonné, frappé sur le crâne à l'aide de crucifix, de fourches et de piques, de barres de fer et de matraques électriques, pissant vert-jaune, chiant jaune-vert, vomissant rouge vif, tombant à genoux, s'affaissant, s'effondrant, s'écroulant, se frottant le dos sur le sable, implorant les Dieux Osborne

le premier combat d'un taureau est toujours le combat de trop

terres confisquées, granges incendiées, veaux égorgés, crapauds immolés, enfants volés par les services sociaux, femmes vermifugées et stérilisées, jambes de bois débitées à la hache, cigognes portant des sacs-poubelle dans leur bec, files s'allongeant devant la porte des toilettes et le rideau des confessionnaux, rangées de chaises disposées devant la maison du mort
conspirations ourdies contre Un Seul Dieu et le Parti Unique de l'Ordre et du Progrès
banques, prisons, gares, bordels et bureaux de poste gardés par l'Armée Fédérale
papes, rois, présidents, gestionnaires de fonds de pension, nervis et gardes du corps, idoles du show-business et vedettes du porno, éleveurs industriels de poulets et membres du gouvernement réfugiés à l'aéroport, protégés par un mur de sacs de terre, surpris par la marée montante sur un banc de sable mouvant, souffrant d'un déficit d'image auprès de la population, égrenant un rosaire richement ouvragé, sollicitant l'intercession du Bienheureux Frère Mutien-Marie, priant avec ferveur les Saints et les Dieux de la Bourse dans l'attente d'un retournement de conjoncture, tentant de regagner le rivage à la nage
Christ rongé par les vers, tombant de sa croix et se recevant mal, dans un pot de chambre ou un bidet, au pied d'un paillasse où une pute éponge un cave
poissons mis à sécher sur une corde à linge, abeilles souffrant de problèmes d'identité et de troubles d'orientation, cathédrales et bâtiments publics rongés par la rouille et le cancer de la pierre
chênes pourrissant de l'intérieur, rats d'égout grouillant autour des machines à débiter les viandes et à emballer les saucisses, autobus se renversant sur les passagers qui se tiennent accrochés aux portières, canne d'aveugle heurtant les pattes d'un crocodile assoupi
eau des sources et des fontaines prenant subitement feu, linge pris dans les barbelés, filets verts tendus sur toute la largeur des rues pour protéger les passants des chutes d'oiseaux-suicides
larves d'agriotes suçant les orteils des plants de houblon, parapluies fanés retournés par le vent, chrétiens bénis au vinaigre
orques et cachalots s'échouant sur la plage d'une piscine couverte et climatisée, équipée d'un moteur à vagues
poissons morts enterrés dans des chaussettes de nylon, explosion d'un tabernacle à haute tension, statues décapitées à la machette, fumées noires s'échappant des cercueils éventrés au marteau-piqueur, poules pondeuses et enfants affamés se disputant les hosties activées qui jonchent la nef de l'ancienne chapelle du vieux cimetière adossé à l'église, rumeurs sifflant dans les oreilles
ébats guerriers, voix étranglées, sanglots retenus, gorges tranchées, têtes plantées sur des piques, ciels embrasés, villes incendiées, douceurs du meurtre
camions faisant la queue devant les stations d'essence, marins bloqués à quai depuis plusieurs mois
ouverture du mémorial Baudouin Ier en présence de toute la famille royale d'ex-Belgique

IMPASSE DES MURMURES

panneaux d'exclusion cloués aux arbres, pancartes agressives, obscènes et menaçantes
affichettes de rendez-vous pervers placardées sur les palissades ou collées sur les poubelles ou les portes de secours, murs des chiottes barbouillés de graffitis merdeux, mots d'ordre effrayants et slogans haineux tagués au spray, monstres libidineux et violeurs sadiques dessinés au charbon de bois, déclarations de haine tracées à la craie
signatures, chiffres maléfiques, initiales et lettres majuscules gravés au couteau sur l'écorce du tronc d'un arbre mort

interdiction de laisser les chiens crotter
défense d'uriner sur les jambes des dames
défense de lècher le sang qui coule sur les cuisses des jeunes filles
interdiction de dormir à deux dans les toilettes des gares et sur les tables de cuisine
interdiction de porter atteinte à la moralité publique
praten zonder poepen is kut
il est interdit de parler d'amour aux putes sans conclure
et aux conducteurs de tram
interdiction de cracher dans les autobus
défense de se fendre la gueule
interdiction de ne pas croire en Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom
le personnel travaillant en cuisine est prié de se laver les mains après avoir fait ses petits besoins

devenu incontinent
se déplaçant à l'aide de béquilles
se remettant difficilement d'une cuite
assailli par un essaim d'épouses légitimes et de contre-épouses qui lui reprochent d'avoir eu des relations sexuelles avec Judas dans le placard à balais d'un restaurant végétarien
Dieu déprime :
- c'est très pénible de vivre avec le sentiment qu'on ne croit plus en vous, qu'on devient progressivement inutile
et se lamente :
- ils disent que je suis trop vieux pour travailler

défense de perdre ses eaux dans la rigole de l'urinoir
défense de se teindre la moustache en bleu électrique
verboden op de werf te komen
défense de se promener glamoureusement sur le chantier du Berlaymont
la nicotine ne provoque pas d'addiction
merci de ne pas cracher sa chique dans le bénitier
on est prié d'enlever son chapeau avant de se pendre au lampadaire
interdiction de décéder les jours non ouvrables

THE BEAUTY OF DARKNESS ! MAKE MONEY !COMMIES STAY OUT ! FUCK THE WORLD ! DISCOUNT ON DRAUGHT BEERS ! IN GOD WE TRUST ! GOD IS POWER ! WELCOME TO TCHERNOBYL ! WHITE POWER ! FUCK THE FLOWERS, LET US RIDE ! BLOOD AND HONOUR ! PREPARED FOODS ! RUN, RUDOLPH, RUN ! GOD BLESS AMERIKKKA ! DON'T MESS WITH TEXAS ! DAVID LANE FOR PRESIDENT ! WHITE MALE, 56 JRS, SEEKS CONTACT WITH ATTRACTIVE WOMAN FROM AFRICA, ASIA OR LATINO ! BEWARE OF DOGS ! JESSE GO HOME ! MAKE WAR, NOT LOVE ! BIG BROTHER IS PROTECTING YOU ! AMERICAN DREAM ! ZERO TOLERANCE ! NO VISITORS IN ROOMS ! NO PROFANITY ! READY TO DIE ! GOD IS ONLY SUPERPOWER ! NO WORK, NO LOVE, ONLY SEX ! STAY ALIVE, STAY DIFFERENT, STAY CRAZY ! NO RISQ, NO FEUN ! POLICE LINE DO NOT CROSS ! DID 6 MILLION REALLY DIE ? I'VE FUKED YO MOMMA !

il est interdit de blanchir ses rêves et de les garder au congélateur
il est interdit de parler au curé pendant qu'il fait sa magie, sinon ça rate
niet met de wattman spreken
il est interdit de mourir sans s'être déchaussé
il est interdit de tomber amoureuse du petit ami de son institutrice
il est interdit aux païens de consommer de la viande froide de Dieu
il est interdit aux abeilles de s'éloigner à plus de 3 kilomètres de leurs ruches et de transporter le virus de la fièvre aphteuse
multicible, métamorphique, polymorphe, intelligent, subversif, retors, furtif et quasiment indécelable
il est interdit aux dames de monter au jubé avec des individus mâles dont la voix d'enfant n'a pas été conservée par castration
veuillez refermer la porte pour les chats

- lala lalala lala
une enfant quelquefois, une petite fille, relève sa jupe, se lave l'entrejambe au filet d'eau rouillée qui se déverse en crachouillant dans la rigole de la pissotière du Busleidengang, secoue sa salade
une enfant s'asperge le sexe, se brosse les dents, crache son chewing-gum à la menthe, se rince la gorge et l'arrière-bouche, vomit
- une pisseuse de lait écrémé ! une laitue charançonnée par les morbacs ! une suceuse de vieux boucs ! une mangeuse de bites tièdes ! un boudin de sang contaminé farci de trognons de pommes pourries !
une petite fille se frotte le pli des fesses et s'essuie l'intérieur des cuisses avec une poupée de chiffons
- lalala lala lalala, z'auriez pas du feu ? personne ne veut jouer avec moi ?

et des grandes filles, parfois, s'y font tringler par le portier du Z-BAR
le vestiairiste-videur, les barmans, les serveurs
- t'en vas pas comme ça ! nous aussi, on voudrait bien faire connaissance !
et quelques habitués
- nous aussi on a besoin d'se détendre !
qui tutoient le portier et lui refilent de grosses dringuelles

IMPASSE DES MARMONNEMENTS

interdiction de regarder les pis de la vache d'autrui
interdiction de se passionner pour quiconque et quoi que ce soit
interdiction de prendre les cocus par les cornes
interdiction de tapiner à la sortie des églises et à l'entrée des cimetières
verboden te storten
interdiction de jeter des ordures

les ordures sont immortelles
en nylon, plastique et autres fibres synthétiques

défense de laver la vaisselle dans l'urinoir et de cracher ses poumons dans le bénitier
interdiction de photographier les tueurs en béret rouge et en tenue de camouflage
défense de demander des autographes aux clochards
les décès dûs au froid seront sévèrement sanctionnés
tenez-vous tranquille et sachez que Dieu vous surveille

HITLER IS GOD ! HEIL HEIDER ! VIVE LE ROYAUME DE SERBIE ! SOLUTION FINALE ! PROPRIETE PRIVEE ! LA FRANCE AUX FRANÇAIS ! ACCES INTERDIT ! PLUS DE PARKINGS ET MOINS DE BANCS PUBLICS ! EIGEN VOLK EERST ! VOIE BARREE ! BON SANG NE PEUT MENTIR ! LES ETRANGERS DEHORS ! LA CÔTE D'IVOIRE AUX IVOIRIENS ! LES FEMMES AU LIT ET AUX FOURNEAUX ! JESUS SAUVEUR DU MONDE ! ELIMINONS L'ENNEMI INTÉRIEUR ! FRANSKILJOENEN BUITEN ! BALAYONS LA RACAILLE ! DIRIGEONS LE PAYS A LA MITRAILLETTE ! BRUSSEL VLAAMS ! EXPULSONS LES CLANDESTINS ! CHASSONS LES BURKINABES ! THAI RAK THAI ! CASTRONS LES PÉDÉS ! JUDEN RAUS ! EGORGEONS LES MACAQUES ! TENONS LES ENFANTS, LES FEMMES ET LES VIEILLARDS EN LAISSE ! COMMUONS LES PEINES DE PRISON EN CONDAMNATIONS A MORT ! VIVENT LES PRETRES ! VIVENT LES ARMÉES ! VIVENT LES PATRIES ! HAIL TO THE CHIEF ! CREVENT LES SALOPERIES DE BOUGNOULS QUI PRENNENT NOTRE BOULOT, BAISENT NOS FEMMES ET EMPESTENT NOTRE AIR ! SMRT ! MORT AUX JUIFS ! ARABI FORA ! VIVA LA MUERTE ! BE PREPARED ! NOUS VOULONS LA GUERRE ! PAS DE PAIX AVEC ARAFAT !

3x11 ! 666 ! 88 !

il est interdit de se regarder dans le miroir sans loucher, d'être pris de vertige, de perdre pied et de se noyer dans la grande profondeur
il est interdit de planter des arbres au Moyen Age

une petite fille est assise sur la bordure du trottoir
bras enserrant les jambes
une petite fille raconte comment, au départ de chaque ombre
comment une béquille s'avance, une canne, une main
et comment un rire gronde, d'un vieillard
surgit
- Bompa Zef ?

les chauve-souris n'aiment pas les courants d'air

de toute commissure
au départ de chaque ombre
surgit
- c'est toi, Bompa ? tu as failli me faire peur !

les blattes ne dorment jamais

Busleidengang
une enfant, une petite fille a peur d'avaler sa dernière dent de lait qui commence à bouger, craint de tomber enceinte, s'affole, panique, crache sur le trottoir
- ça pince très fort dans mon ventre et j'ai la tête qui tourne !
une petite fille dégueule, devient toute grise, est prise de convulsions, souffre de crampes et d'accès de migraine, se frotte une gousse d'ail sur les tempes, transpire, se met à frissonner, a des visions, voit apparaître l'Archange Gabriel, se prépare une décoction de cerfeuil sauvage, pleure, pisse, chie sous elle
- et si ça m'arrivait, Zef, si j'attrapais le bébé ? ça pense très fort dans ma tête ! et je me sens toute gonflée, toute ballonnée !
lourdeur de l'estomac, nausée, vertiges, hyperthermie, pression sur le globe oculaire, violentes crises de tremblements, bouffées de chaleur et soif intense, apparition de rougeurs sur le visage
- s'il te plaît ! s'il te plaît ! s'il te plaît !
une petite Marie supplie Bompa Zef de bien vouloir endosser la paternité de son Kinder-Surprise
- je te ferai cadeau de tout ce que tu voudras, Bompa, le Jésus en bel ivoire du Congo que M'sieur l'Abbé m'a offert, mon joli canari jaune, ma corde à sauter, mes marionnettes de bois et ma poupée de chiffons, le foulard de soie qu'une belle Madame m'a donné, mon gentil poisson rouge, mon tchoc-tchoc en laine, mon carnet de poésie, tout ce que tu voudras, Bompa, même de l'argent si tu veux


Z-BAR

chant des crapauds après la pluie
touristes sexuels cuvant leurs coïts sur les plages de sable blanc, bides à l'air, jambes ouvertes, comme des cancrelats gazés au Baygon
snipers, avec fusil à lunette infrarouge et viseur laser, embusqués au troisième étage d'un immeuble en construction, couchés sur des matelas pneumatiques, mâchant du chewing-gum et grignotant du pop-corn
gargouilles crachant leur venin, corneilles lâchant des galets sur les velux et les verrières
ébouillantage des langoustes, gazage des terriers, angelots rôtis à la broche, grenades lancées dans les piscines et les poêle à charbon
poulets accrochés à la chaîne d'abattage, tête en bas, pattes en l'air, parties génitales arrachées
jeunes gens marchant à l'aide de béquilles et jeunes filles près de mettre bas, portant des balluchons et des poupées, parqués dans des enclos à chevaux, mis à brouter dans des camps de détritus hérissés de barbelés, se passant des clopes au travers des grillages, se nourrissant d'orties et de chardons, de larves de mouches et d'asticots
épidémie d'anthrax décimant le bétail des populations soupçonnées de soutenir les bandits terroristes, stress de la vache séparée de son troupeau

aucune vache ne ressemble à une autre
chaque vache a son prénom de sainte
et un visage
qui lui appartient en propre

hommes fauves secouant les barreaux de leur cage, pointant leur dard, se mordillant les lèvres, se masturbant avec application, tirant des flèches vers le ciel, râlant, bavant, vidant tout leur chargeur, tombant d'inanition
stades, dancings, pyramides, hôtels, cathédrales et mairies pourrissant de l'intérieur, se désintégrant, s'affaissant, s'effondrant, s'écroulant sur leurs fondations, nuages de poussières et de lamentations
odeur pestilentielle des charognes boueuses, ensevelies sous les gravats et dégagées à la pelleteuse
chiens jaunes et pitbulls creusant le sol, s'efforçant de se glisser sous le grillage de leur enclos, cherchant de la chair crue et de l'eau fraîche, se disputant les restes d'un nouveau-né
bébés araignées se jetant sur leur mère et la dévorant toute nue, enseignants exécutés devant leurs élèves, ânes et truies déchiquetés par les bombardements, nutons et marmousets se réfugiant au fond des grottes
claquements des fouets des trafiquants de rivières, installés sur les berges, chicotant les eaux douces et les rouant de coups, les poussant vers les fleuves, les obligeant à se jeter dans la mer
craquements des arbres qui s'abattent, bottes noires pataugeant dans le sang des victimes et la boue des charniers, empreintes des pattes fourchues du Diable, vautours picorant les viandes putréfiées, mouettes de proie survolant les décharges d'ordures, cochons errant en grognant sur les champs de bataille, corps non réclamés enterrés frauduleusement dans les tombes désaffectées d'un ancien cimetière gardé par des scorpions, des mygales et des crotales
odeurs rances, épaisses vapeurs montant de la terre recouvrant les fosses communes, gémissements des survivants couchés sur des matelas souillés par l'urine et le jus de boudin des morts
bruit des souliers à clous des chevaux de l'ex-gendarmerie tirant des corbillards non bâchés
cadavres en uniforme, au garde-à-vous, ligotés à des brancards disposés contre le mur du couloir de l'hôpital, les uns sur les autres, verticalement, pour prendre moins de place
carcasses de paysans stockées dans des hangars désaffectés dans l'attente de la délivrance par l'Autorité d'un permis d'ériger un bûcher
rideau de fer tombant sur le devant de la scène, soleil se couchant dans la cuvette des chiottes
interview de la reine Silvia de Suède à l'occasion de son anniversaire

on ne peut pas refuser à un castrat de mourir de la syphilis et du sida sous les bombes de la Libre Amérique et de la Sainte Russie
décemment

- ik k ?
qq qui suis-je et je fais quoi?
j'habite où ça ? de quoi je v vis ?

une cliente à Tina
Tantine Goedele
cheveux de paille sèche, sourcils mauves surlignés
- oesje ! la dioxine n'a jamais fait grossir personne, savez-vous, Mevrouw Tina
Tantine Goedele dont les bas filent, ayant oublié d'ôter ses bagues et ses bracelets avant d'enfiler des mousses élastiques couvrants
exposant ses problèmes
- j'ai mal mon dos !
racontant ses salades, son chien Bobby qui n'aboie plus depuis longtemps et qui va où il veut
- mon chien fait ses besoins où ça lui plaît !
son chat Poupounet qui s'accroche aux rideaux de la douche, sa rampe d'escalier à décaper au papier émeri, ses petites nouvelles à qui elle doit tout apprendre, ses vieux habitués qui viennent la voir une fois par semaine
- on s'attache, savez-vous, Mevrouw Tina !
et ses étudiants en duffel-coat qu'il faut encore fidéliser, ses varices, ses vapeurs, ses allergies, son arthrose, sa tension, son ulcère, ses odeurs, ses flatulences, ses gargouillements intestinaux, ses gonflements abdominaux, ses douleurs du bas-ventre, son utérus rempli de pus, son ralentissement du transit du côlon, ses colites ulcéreuses
- dans ce métier, il faut toujours rester propre sur soi-même, Mevrouw Tina
se plaignant de la grossièreté des automobilistes qui roulent au ralenti et lèchent les vitrines des bars-aquariums où des galeristes exposent des femmes-bonbons pour appâter le consommateur
- la galanterie n'est plus d'usage, Mevrouw Tina, c'est vraiment très navrant ! il y a des valeurs qui se perdent ! on vit dans un triste temps ! il n'y a plus de saisons !
se plaignant de son nouveau panty qui lui gaine les jambes, lui aplatit le ventre, lui remonte les fesses et lui soutient les reins
- ma culotte me serre de trop et ça me gêne en haut de mes cuisses, Mevrouw Tina
se plaignant et se lamentant
- ce n'est plus comme avant, savez-vous, Mevrouw Tina ! il y a trop de filles qui s'exposent en vitrine et qui racolent sur les trottoirs ou par petites annonces dans les journaux toutes-boîtes ! des filles immigrées qui ne sont même pas d'ici, qui ne connaissent même pas les pratiques sexuelles en usage dans les Etats membres de l'Union Européenne et qui ne croient même pas à l'infaillibilité de notre Saint-Père-le-Pape !

qui bouffe du Pape, en meurt

- des filles qui ne parlent même pas le français et le néerlandais, savez-vous ! des femmes mariées, des filles de ferme et des ouvrières d'usine, des étudiantes et des écolières ! des filles très jeunes, sans pudeur et sans scrupules, aux petits seins, aux hanches étroites, qui n'ont pas de respect pour les anciennes, qui ne portent pas de culotte, qui cassent les prix, qui bradent leur corps et qui travaillent à perte ! waar gaat het naartoe ? où allons-nous, Mevrouw Tina ? ce ne sont quand même pas des étrangères qui vont imposer leurs prix chez nous ! seul le Pape possède le pouvoir de mettre fin au règne de Dieu !
désignant le Zef du doigt et s'en prenant à lui
- comment ? mais vous n'savez pas, Mevrouw Tina ? vous n'êtes pas au courant ? mais il est

mais je suis prpr propriétaire
de tr trois immeubles
au moins
v voyons
godverdomme e

ou comdt commanditaire d'un d domaine de plusieurs h ct hectares de vignes dont s rt sortent chaque année les meilleurs bouteilles d'un gr grand cru classé ? ou sp sponsor d'une écurie de course ? ou bailleur de p puits de pétrole ? ou mang manager d'un ch cheptel de lucioles ? ou mécène d'une g guerre civile du cobalt ou du d diamant ?

- je s'rais lui, j'aurais honte, Mevrouw !

une cliente à Tina, Tantine Goedele, l'entretient du temps qu'il fait, qu'il a fait, qu'il va faire à Knokke-Le Zoute et à Han-sur-Lesse
- oesje ! si c'est pas malheureux, Mevrouw Tina ...
se frotte les pieds l'un contre l'autre, consulte sa montre et s'exclame
- bon, j'my vais, je dois m'y aller, il m'faut qu'je m'y aille, Mevrouw Tina, je n'ai pas que ça à faire ! il y a les petites à surveiller ! et mon inspecteur de police qui déprime et qui se saoule la gueule ! et qui voudrait bien que j'lui enlève les petits points noirs qui lui chatouillent le trou de balle ! et qu'je lui fasse une gâterie ! et que j'lui remonte son moral ! et que j'lui vide son tube de dentifrice !

s'il vous plaît ? w watte ?
je b bâtis des maisons que j'habite, aux escaliers retors, clandestins et sss sournois s
et puis, traquées, que j'abandonne
n'avend, bonj'oir
il faut que c cela tienne mais cela ne doit pas être durable : des p portes m mm murées, sans tr trou de serrure, des f nt fenêtres factices et des f ff façades lisses
joder
l'entrée d'un égout, furtive et maquillée, d'un v vieux moulin, d'un banc d'école, d'un s sous-marin, d'un caveau funéraire, d'une boîte dd de sardines
v voyons
bjoir

un tas d'ombres
- Bompa Zef ?
un tas
d'ombres
- c'est toi Bompa ? je te cherchais partout, je me sens toute seule, j'ai besoin de toi, je n'ai pas d'autre ami que toi

je les effraie ee par l'intrusion des m miennes et je m'effraie, ivre et
- à vot'bon coeur !
jjj jouis d'un mot r sq risqué qui heurte un mur, fr frappe au carreau
d dégringole
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

d'ombres vêtues
qu'ils allument et déshabillent

je r rôde aux embranchements, je rôde aux commissures
- bien gentil ! bien aimable !
une enfant, une petite fille
une petite Marie serrant un coussin dans ses bras
- Bompa, j'ai un gros chagrin, je voudrais que tu m'embrasses et que tu me consoles, que tu me fasses un vrai câlin ! je voudrais m'asseoir sur tes genoux, que tu me passes la main dans les cheveux et que tu me racontes une histoire triste qui finit bien, Bompa !
j j'apprends des recoins, des p patiences, des portails oubliés, des mots de passe, des tt tatouages intimes, des ascenseurs cachés, des s soupiraux, des conduits dd d'aération, je regarde et je retiens, des sentiers, des messages s secrets, des corniches, des égouts, d des strotjes souterraines, des escaliers dissimulés derrière une vigne gr grimpante, des échelles abandonnées, des balcons qu'ils ss soupçonnent nt ?
bonj'oir
attrapp pant au vol une pièce de monnaie q qu'on me lance e
dank u, joder
- vous êtes bien aimable, manneke !
IMPASSE DES MURMURES

un tas d'ombres
qu'ils allument
- circulez !
qu'ils balaient, qu'ils effacent, lançant des injonctions comminatoires
- circulez ! circulez ! circulez !

on ne laisse pas les gens dormir sur le trottoir
on les harponne, on les sermonne, on les invective, on leur tire les oreilles, on leur tord les couilles, on leur jette un seau de pisse à la gueule
- cessez de mourir sur scène ! vous indisposez le public !

et c comme je les s surveille
depuis mes greniers, mes mâts et mes v vergues, mes chênes et mes hêtres, mes refuges ff fortifiés, mes phares, mes tours et mes clochers, mes cheminées d'usine, mes gr grues et mes échafaudages, mes pp pyramides et mes donjons de pierre, percés de meurtrières
gotferdoume

qu'ils traquent
et qu'ils invitent à décliner leur identité
- sortez de là, déchets de la société ! exhibez-vous, chiennes répugnantes ! montrez vos sales gueules, enfoirés de bougnouls de merde ! identifiez-vous !

on ne laisse pas les gens mourir impunément sur le trottoir
on leur demande d'exhiber leurs papiers

et t tapis derrière une porte, un rideau, une pissotière, planqué s sous une armoire, dans un trou d'arbre, un n nid de chimpanzé solitaire, une t tombe, une c cavité, une nfr anfractuosité, un réduit à outils, pr prr près d'un chemin de halage, au fond du p tg potager, dans un hamac t nd tendu entre deux mr marronniers
couché s sous un banc public de parc municipal, dissimulé d dans les rs roseaux ou dans la cq coquille d'un oeuf g gobé, dans une p rg pirogue basse creusée dans un tr tronc d'arbre, dans un refuge pour nains de jardin, dans la c cc cave à cigares d'un vieux curé mis à la r tr retraite pour avoir d dd ddd dégueulé sur l'autel ou confondu un c nf confessionnal et un urinoir, dans un pigeonnier de l'Armée Fédérale ou dans la cabine d'une baleinière en c cale sèche, dans une mm maison-radeau au tt toit de j joncs, comme je les s surprends
mes embuscades
n'avend d, bonj'oir

ou d dans une cabane construite sur une décharge républicaine
godverdomme
ou sur un chch charnier rr r fl fleuri, déguisé en c cc mt cimetière ou tr transformé en p parc d'ttr attraction
me d décrassant et me débarrassant de mes parasites en me roulant dans la b boue, en fr frottant mes croûtes contre le tr trr tronc creux d'un arbre mort rt
entouré de j journaux froissés pour ne pas me laisser surprendre
d'épouvantails fourrés de paille et de dr drapeaux à prières
et d'un cordon de c ndr cendres pour g rd garder les limaces à distance

qu'ils braquent au projecteur, harcèlent au mégaphone
éternuant, crachant, se raclant la gorge et se grattant le trou du cul
- sortez d'là ! circulez !

comme j j'étrangle une toux et je me m mords les doigts, je pisse dans mon caleçon qq quelques
gouttes de rire et d de peur et je rrr ravale un pet, comme j'é-
t tt trangle une t-
oux
b bonj'oir r

IMPASSE DES MURMURES

des flics de riches et des prêtres en or
des prêtres tapinant sur les grands boulevards, distribuant aux passants des prospectus vantant les mérites des Dieux qu'ils représentent, prêchant pour leur chapelle, proposant des visions paradisiaques en technicolor et promettant des guérisons miraculeuses, tendant la main et attendant leur pourboire à la sortie de la salle de spectacle
des flics en camionnette, informés d'agissements extravagants et de conduites inconvenantes dans le Busleidengang
- il s'y passe des choses graves !
et de la présence de récalcitrants aux comportements bizarres et inquiétants
d'apatrides et d'étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige
- un véritable coupe-gorge !

des flics aveuglant les ombres, affolant les mouches à merde, effarouchant les blattes, chassant les rats
- circulez !
levant les couples qui se lèchent les limaces et se touchent la mouillette
- circulez ! circulez !
débusquant le Zef, caché derrière le tronc creux d'un arbre mort

quand le coût de la mort augmente, on peut toujours essayer de mourir en fraude, en cachette
en espérant ne pas être pris

- on t'a vu Zef, sors de ton trou, montre ta sale gueule !
la casquette renfrognée, une grande écharpe rouge tortillée autour du cou
trois fois
fermée par une épingle de nourrice

- c'est bien lui qu'on appelle Zef, non ?
emmitouflé dans un manteau de mouche ou de crapaud, aux coutures lâchées, volé à un épouvantail, décoré d'étoiles jaunes ou roses et de triangles bruns ou rouges, dont une manche est plus courte que l'autre
- évidemment que c'est Zef !
les pieds enfoncés dans des godillots trouvés dans les buissons, ramassés dans les poubelles et qui n'ont jamais connu la pédale du frein ou de l'accélérateur
- il n'y a pas d'autre Zef que Zef, voyons ! ouah, ouah, ouah !

je c clopine et je vais, je m'nf enfuis
yeux trébuchants
s'il vous plaît ? watte ?
danke

trouvés, cueillis, tachés de
vieilles sueurs, eaux usées, odeurs passées, sangs versés, ulcères n'arrêtant pas de couler le long des jambes et souillant les chaussettes
- circulez ! circulez ! circulez !

joder
je v vais, je m'nf enfuis, je gr grumine
- quand on mourra, manneke, on sera mort !
godverdomme
traçant de f ff fur furieux m moulinets avec sa canne et balayant les cônes de sécurité, rouges et blancs, placés p par la p pp police devant un avaloir bouché
je suis tp taupe, des soleils et d des mouches m'ont rongé les yeux, l'anus s, la b bouche et les oreilles
je c creuse, qu'ils humilient
je gr gratte, jje gratte encore e

les morts n'ont pas droit au suicide
et leur rétorque des s silences qui rigolent, des bruitages qui gr grésillent, des parasites, des bonj'oirs et des m mel'sis, des litanies q qui les offensent, qu'ils me reprochent
des s silences
des si-
lences

Z-BAR

odeurs de vase
odeurs de glandes anales et de lisier
odeurs de poisson pourri et de bac à chat
odeurs d'urine bouillie et de cochon grillé
escargots et champignons se retenant de respirer

une harde de bourges en goguette, jetant des pierres coupantes et des canettes de bière sur les cadavres des pendus, s'enfonçant des somnifères dans les oreilles

le bourgeois est un homard, quand je suis mort il me tue

des habitués qui tutoient le portier et lui refilent de grosses dringuelles, se disent indisposés par les odeurs corporelles du Zef et se plaignent
- toujours est-il que ça pue !

qnd quand je devrais m m'agenouiller ?
joder
- à vot'bon coeur !
leur r rendre hm hommage ou les faire rire, les implorer, j jouer de l'accordéon ?
n'avend, bonj'oir
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
cesse-t-on d'être v végétarien quand, d de temps en temps, on m mange des t termites au miel rance, que l'on boit l'urine fétide des fff femmes et le sperme vsq visqueux des hommes ?
- bien gentil !
q quand on avale sa morve et qu'on en fait des g glaires, quand on m mâchouille une hostie consacrée ?

- ça pue la charogne, le vieux cageot de fruits ou de légumes, l'oeuf pourri, le compost de champignonnière, la fiente de poule, le foetus avarié, la moule crevée, le fromage de Herve ou de Bruxelles-Brussel, le hettekees ou le pottekees !
- et puis ça grogne ! et puis ça crache !

une harde de bourges en goguette
brandissant la croix de la chrétienté, le flambeau de la laïcité, le compas de la franc-maçonnerie ou la rose en plastique de la social-bourgeoisie
des habitués qui tutoient le portier et prennent à coeur la défense de ses intérêts
- toujours est-il que ça doit t'faire une sacrée concurrence, non ? tu devrais absolument réagir, tu n'dois certainement pas t'laisser faire !

- eh, eh, eh, eh
et p puis mes rires qui scandalisent, des noeuds de rires, des chapelets et des brbr braguettes de rires, éclatent
- eh, eh, eh
des c confettis de rires qui s'ccr accrochent aux cheveux, des bruitages et des parasites, des brindilles de bois m mort, des puces de rrr rat tt t p pst pesteux
- eh, eh
je perds une dernière dent, des b boutons, des centimes et des befs (s)
- eh

- ça tousse et ça renifle !
- loeissak ! sac à poux !

je m m'accroupis, je r rampe
bonj'oir
leurs s sarcasmes ! quand je trébuche, que je fais tomber ma casquette et qq que je cherche mes befs (euros) qui roulent d dans la rigole de la p ss pissotière

- ses baffes ?

quand j je leur demande s'ils n'ont pas vu mes befs (euros) ?

- ses nefs, ses Zefs, son chef ? ouah, ouah, ouah !

à q quatre pt pattes, dans la rigole d'évacuation des excréments, ramassant des mg mégots, un reste de tartine à la sardine, une assiette de hachis de veau et un bol de lait fr frais, essayant de récupérer, avec ma canne, une p pièce de 5 befs (environ 0,125 euro) qui a roulé sous les roues d'une gr grosse voiture américaine
n'avend

- s'il n'a pas vu son chef ? ouah, ouah, ouah !

puis on me lance du ss sel dans les yeux, du jus d'oignon pr pressé é, de l'ail cru et du piment vert
on m me
joder

une scie mécanique
embusquée se découvre

m'accroche au pied, s s'agrippe et m mord d
convaincu de ss sorcellerie, condamné à mort par le tr tribunal de la Sainte Inquisition, ac accusé d'avoir outragé les s mb symboles de la Patrie, menacé l'rdr ordre et la sécurité p publics, nc incité au délit, dépecé un chch chaton
ayant s rpr surpris l'animateur-vedette d'un show télévisé en c compagnie de sa collaboratrice, sous la douche ou dans les ch chiottes, en pleine activité reproductrice, les m métacarpes de l'un plaqués sur l'os iliaque d de l'une e

Z-BAR

des prêtres pourpres surviennent, se signent, grimacent et gesticulent, font entendre des cris effrayants, hurlent à la profanation, agitent des hochets et des grelots, coupent les vers de terre en deux, condamnent à mort les truies sodomisées par des valets de ferme, brandissent des torches enflammées, exterminent les petits dieux de contrebande produits par des cultes concurrents à notoriété confidentielle et décapitent les statues érigés à leur gloire, boutent le feu à des poupées de paille et les jettent dans le fleuve, tracent des croix sur le seuil des maisons, mettent au pilori les blasphémateurs, offrent à Dieu le fumet des hérétiques et des sorciers qu'ils font griller sur leurs buchers, tendent des crucifix et des icônes à bout de bras, dégainent des bibles et menacent les infidèles, noient les péchés d'autrui dans les eaux poisseuses des fleuves sacrés
- vous êtes un imprécateur, vous êtes un extravagant, vous êtes un récalcitrant, vous !
exhortent au bien et conspuent Satan
des prêtres en or et des flics de riches qui interdisent au vent de souffler, au feu de brûler, à l'eau de couler, aux oiseaux de voler, aux chiens d'aboyer, aux moustiques de piquer, aux amants de baiser
- tu veux qu'on te renverse un seau de pisse sur la gueule ? ou un seau de merde ? ça te réveillera peut-être ?

- ik ?

on organise une battue au grgr gros gibier sous la dirct direction d'un c curé légitimement nt rd ordonné, d'un m maïeur et d'un ch mpr champêtre, on me t traque à l'ouïe, on me hume, on me r nf renifle, on cherche à m'grp agripper
on pr prélève l'empreinte de mon oreille sur le v ntr ventre arrondi de la p petite Marie
- lala lalala lala
on m'envoie par le f fond, on me jette par d dessus bord, on me descend à la k kk kaka kakaka kalachnikov, on me s smashe une balle de tennis dans les tubercules, on m'enfonce d des lézards dans la gg gorge, on me plonge la t tête dans la cuvette des g gogues, on me pend avec un dr drap de lit aux barreaux de ma cellule
on br brûle mes meubles, mes vêtements, mes jouets, mes m manuscrits cr ts
on me rase la tête, on me perce le cr crâne,
on m'arrache les yy yeux x, on me coupe le pénis, on me dépèce à l'aide de tenailles r rougies au feu, on m'accroche un p pneu enflammé autour du cou
godverdomme

sppr suppression des haies vives, abat abattage des arbres cr creux, assèchement des mr mares, échrd échardonnage et destrc destruction des pln plantes nuisibles
pp pulvérisation d'armes biologiques dissimulées dans les pm pompes à vélo, les trompes des moustiques, les cr crosses des abbés et les m matraques des flics
contamination des points d'eau et d des vespasiennes situés à pr proximité des camps rebelles
dessouchage, ddd déchouquage, éradication, solution f finale
arrachage d des ongles et sévices sexuels, aspersion d'essence b bénite et immolation pp par le feu
fumigation de dd désherbant sur les cimetières et les cours de r récréation, les rizières, les ch champs de blé et les plantations de bananiers
gotferdoume

on me place s sur écoutes téléphoniques, on me br branche des électrodes sur la langue et le sexe, on mm m'implante une puce électronique derrière l'oreille, on m'introduit une c caméra dans la bouche et l'oesophage, les r ns renseignant sur tout t
mon passé s simple et mon imparfait, mon f tr futur et mon c conditionnel
joder
date de naissance, couleur des ch cheveux, forme du nez, groupe s ng sanguin, prothèses et cc cicatrices, lunettes et t tatouages
q qui je suis, d'où j je viens, où je dors, qui m me bbb baise, les rev revenus que je ne d déclare p pas, les livres que je n'ai p pas écrits, les films que je ne vais pas voir, l'état de ma dd dentition, la bonne s santé de mes ulcères, ce que je hais le p plus au monde, à qui je ne pense certainement jm jamais

on sort rt ses fusils, on se r ss rassemble au petit matin, on g gagne ses postes de tir, on scr scrute le sol boueux à la r ch recherche de mes mpr empreintes g nt génétiques et de mes tr traces nf informatiques
se m mélangeant aux pistes des mulots et des musaraignes dans les ch champs de betteraves fourragères

on ne laisse pas le gibier décider du tracé de la poursuite
installation d de caméras de surveillance et de détecteurs de v vibrations suspectes
drones de recn reconnaissance aérienne s rv survolant nt les champs de bataille, les pr prairies et les taillis, faisant nt tourner le lait des ch chèvres
capteur infrarouge signalant ma pr présence
joder

... r rentrant en ... m ... marche ar ... arrière dans mon ... ter ... terrier ... s ss... surveillant m ... mes c côtés ...
... on m'égare
... on r renifle ma voie
... on retrouve ma trace ... on m'dnt ... identifie à l'aide d'un transcd ... transcodeur ... on me locl ... localise par st ... satellite

le trait rouge indique l'itinéraire emprunté
le plan des rues s'affiche
les chemins d'accès sont signalés

on me r repère, on encln enclenche un coupe-circuit à distance, on supprime l'arrivée d'air, on m me piège, on me bloque, on m'm immobilise, on vient me r récupérer
on me cpt capture

on m'empp empoisonne, on me nourrit d'insectes ch chargés de pesticides, on m'injecte un v virus inconnu, on me tire des sb balles en argent nt dans le caleçon ou d dans le sac à dos, on me n neutralise à l'aide d'une bonbonne de gaz insecticide, de tr tranquillisants et de fléchettes anesthésiantes, on me pr prend au collet, on me castre, on me cr croque
gotferdoume

on me p pêche à la mouche, on me harponne, on me rase le crâne et le pubis, on m m'exhibe dans les foires, on me jette dans la charrette des ss supp pliciés, on me transporte jusqu'à la Grand-Place, p pieds et mains liés, c ds coudes et genoux entravés par des menottes, bouche c cousue, yeux à demi fermés par le pus
escorté par une fnf fanfare militaire à bicyclette jet d'r ng oranges, de p pétales de roses et de p gn poignées de riz, d str distribution de fr friandises et de petits c cadeaux, lancer de dr drapeaux jusqu'au t troisième étage des maisons, lâchage de b ballons, libération de pg pigeons

avocat c commis d'office s'endormant pendant l'audience
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag

camions s surmontés de haut-parleurs, sillonnant les rues de la v ville
qq quolibets des b badauds ds venus assister à l'bt abattage et à la découpe de la bête
nj injures et g gestes bsc obscènes, projct projection de tomates, de canettes de b bière et d'oeufs p pourris s, parades, concerts, bals, j jeux de lumières, feux d'rt artifice
foule en liesse massée derrière les barrières, qui app applaudit, danse, chante, bboit, hurle à tue-tête, lance des sc confettis et des serpn serpentins du haut des balcons
ricanements de satisfaction d'anciennes amours ccc colorisées
on m m'ns insulte, on me frappe à coups de pied et de p poing g et d'nn annuaire téléphonique, on me tire par les cheveux, on me contraint de pr pratiquer une fellation sur deux ex-gn gendarmes armés de g gants en cc caoutchouc et de cc cus coussins d'amiante
et sur un abbé chargé d'enregistrer les derniers râles des torturés, les c codes d'accès et les aveux rrch arrachés aux accusés soumis à la Sainte Question

des prêtres pourpres surviennent, considèrent la scène et se mettent à prier
- que Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom, accueille avec bienveillance le sacrifice de sa Brebis Egarée et nous comble tous de sa paix !
- amen !
bonj'oir, n n'avend
dank u

les bêtes tristes
on prend plaisir à les tuer
on n'a pas vraiment envie de les manger

c coiffé d'un chapeau burlesque
un fil de fer mm me liant les m mains derrière le dos
plaqué c contre le mur r
fusillé par des as assassins ns à la ss solde des agro-trafiquants
téléphones pp portables à la ceinture, bg bagouzes aux dg doigts, sv svastikas p nt peintes sur le v visage, médailles m rc miraculeuses accrochées au cou
chargés d'éradiquer la v vermine et les mpr improductifs, les En Ennemis d de la Liberté d'ntr Entreprendre et du Pr Progrès T ch Technique:
les ss semeurs à la main, les batteurs au fl fléau, les arr arracheurs à la f fourche de betteraves ff fourragères, les cueilleurs rsd de cerises qui s ss sifflent dans les vergers, les frm fermières qui mettent les ch chevaux au pr pré, courent dr derrière les g génisses, vendent les oeufs fs et les betteraves au marché, accrochent ntd du millepertuis à l'ntr entrée des étables pour les pr protéger rd du m malheur
r ntr rentrant les oies t tous les soirs, tr trayant les vaches sl laitières et leur t tapant nt le cul, cuisant leurs c nf confitures, f fabriquant nt du cidre avec les pommes de vr verger, récoltant nt chaque année 250 kilos de p pp patates dans leur j rd jardin potager, au mois de spt septembre
les ch charbonniers et les b bûcherons, les r ramasseurs de pommes de tr terre, les nf enfants de choeur qui essaient de s se ss saouler la gueule au vin de messe, les g rd gardiens de mm moutons qui incendient les fl flancs des collines pour q que la pousse d'herbe soit plus forte, les br braconniers au furet qui reçoivent dans les fesses des décharges de gr gros sel tirées par des g rd gardes à bicyclette, les ch chasseurs d'scg escargots, les c tr contrebandiers de beurre hollandais et de c gr cigarettes anglaises

les larves, les rats, les crapauds, les choux, les mouches et les blattes
quand on leur aura coupé la tête
ne seront pas admis au Paradis

les tr trafiquants de peaux de chats, les b bonneteurs et les ill lus illusionnistes habiles à escm escamoter l'as de coeur, les b bonimenteurs, les f forains qui installent leur c mp campement et montent leurs m manèges, les débrd débardeurs qui c nd conduisent leurs chevaux à la voix, les sc scieurs de long, les c nt cantonniers, les vanniers et les tr tresseurs de cordes, les r mb rembourreurs de chaises et les r réparateurs de poupées de chiffons et de mr marionnettes de bois, les joueurs de b bb balle pelote, les savetiers, les s ss sabotiers et les ardoisiers, les potiers et les cr carriers, les paveurs, les fabricants nts de b balais qui habitent une cham chaumière en lisière de la forêt, les lavnd lavandières et les cloutiers, les c ff coiffeurs et les b rb barbiers en cache-poussière blanc, les mr maréchaux qui ferrent à chaud les sabots sd des chevaux, les forgerons, les ch chaudronniers rs, les b bourreliers et les chr charrons, les af affûteurs de couteaux et de faux, les rm rémouleurs et les laitiers qui p poussent leur charrette, les dv devins et les cartomanciennes qui r reçoivent en nc consultation, dans l'rr arrière-salle des c cafés de la gare, les allumeurs rs de r réverbères, les m mineurs silicosés, les p piqueuses-surjeteuses en atelier, les poseurs de v voies, les accr accrocheurs de trains, les ch chauffeurs de locomotives à vapeur qui rg chargent le foyer et libèrent le sss ss souffle des purgeurs, les rb herboristes et les g gg guérisseurs, les b bergers qui s'nst installent à l'ombre d'un sorbier, les colpr colporteurs, les brocnt brocanteurs et les ch chineurs, les videurs de fonds nds de gr grenier, les couloneûs qui tr transportent ntd des pigeons nsv voyageurs sd dans des paniers rs en osier, les p nch pinchonneux, les c cueilleurs de ch chanterelles et de b bolets, les bt bateliers, les pêcheurs de cr vt crevettes grises qui s gn soignent les pattes b blessées de leurs chevaux, les attr attrapeurs à la main de c rp carpes d'étangs pr privés, les dist distillateurs cl clandestins d'lc alcools de mûres et de mm myrtilles, les cn concierges de c mt cimetières, les g rd gardiens de caves à vin, les b gn bougnats, les b bateleurs, les t rn tourneurs de vielles et les rg organistes de barbarie, les colorieurs rs de c cartes postales, les pinç poinçonneurs de tickets ts de tram, les v vendeurs de barbe-à-papa, les xtr extravagants nts et t tous les rr récalcitrants nts
les r rats communs, les rats sq musqués, les rats d'g égouts, les rats des c champs, les rats des b rg berges, les taupes et les souris, les petits et les gr gros c mp campagnols
qu'ils p rch pourchassent, qu'ils démbr démembrent, qu'ils éc écorchent, qu'ils sodm sodomisent, qu'ils émsc émasculent nt, qu'ils vident de leurs ntr entrailles, qu'ils sn enfilent nt sur une broche
ou qu'ils décp découpent nt en p petits m rc morceaux
et font g griller sur un b rb barbecue ou un b brasero

gibet dr dressé au Galgenberg
échafaud et b bûcher attendant les hérétiques et les sorciers rs
on me fait avancer à coups d'gg aiguillons élctr électriques, on m me cisaille les lèvres, on me ppp pend par la langue ou par les t testicules, on me fait bouillir dans une gr grande marmite de cuivre, on me br brûle le poignet droit, on m m'empale sur un pieu rougi au feu ou sur la c corne d'un Dieu Osborne, on me ss scie dans le sens de la l ng longueur, on m'aplatit sur une enclume, on m'enfonce des clous d dans le crâne et la poitrine, on me d décapite à la hache ou au s sabre

s souffleurs de verre enfonçant l'nt entonnoir dans le g gésier, fondeurs coulant le ciment d dans les boyaux
spectateurs exsp exaspérés, se d disputant nt les premiers rangs, ne v voulant rater aucune station de la d dernière scène, eh, eh
mise au b bûcher de Bonhomme Hiver
brûlage du Roi C rn Carnaval, en dirct direct, avec les h rlm hurlements, les couleurs et les odeurs de rat gr grillé

conts contestations, altr altercations, jj jets de pierre, murs badgn badigeonnés de slogans, b rrg barrage de pn pneus nflm enflammés, billes d'cr acier, écrous, morceaux de v rr verre
canons à eau br braqués sur la foule agitée, ex-g gendarmes à cheval donnant des coups de p plat de sabre, lpg alpaguant les x excités, les mp empoignant par le col de leur bls blouson, les ttr attrapant par les ch cheveux et par les oreilles
joder

on gl gl glisse une lettre dans une pp poche de m mon manteau, expliquant nt mon g geste de d désespoir, présentant mes xc excuses à la Société Globale
et demandant p rd pardon à Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux , Béni soit Son Nom,
on m m'interdit de sépulture
pour la mort d'un cafard, qui va porter le deuil ?
qui tiendra les cordons ?
v ventre déchiqueté par le bec des corneilles et des oiseaux de pr proie e
rancissement ntd des gr graisses, éclatement d des intestins, enlèvement des viscères, tr tripes et drapeaux à prière accrochés aux b branches d'un arbre, au bord de la rivière
cerveau g gobé à l'aide d'une tr très longue et très fine tige de bronze, nf enfoncée dans la nn narine gauche
hurlement des p porcs enduits de poix enflammée
g godverdomme

flics de riches
cheveux en brosse et moustaches taillées, oreilles dressées, babines relevées, sourcils froncés, narines pincées, mentons verruqueux
du chewing-gum leur collant aux talons
faisant craquer leurs jointures
portant des pr protections d'oreille réglementaires pour ne p pas entendre les cris des s pl suppliciés

riverains ss supportant de plus en plus difficilement les nuisances occasionnées par la déportation d des réfugiés, des exilés et des demandeurs d'asile
chants et hurlements des enfants pr prisonniers, odeurs âcres d de la peur, bruit des camions déchargeant le b bétail dès 3 heures du matin n
je les trtr transpercerai d'épingles, je les larderai de c coups de couteau, je les m marquerai au fer rouge, je les enterrerai au f fond du Busleidengang

Z-BAR

Marraine Titine, minée par des crises de goutte, se déplaçant avec difficulté dans son fauteuil roulant, couverture rouge sur les genoux, châle jaune sur les épaules, collier de perles noires autour du cou, part à la recherche de son investissement
interroge un groupe de students
- vous n'avez pas vu ma petite ? une brave petite, secondant utilement sa marraine dans les tâches ménagères ! à cette heure-ci, elle devrait déjà être rentrée ! il n'est pas conseillé aux petites filles de travailler au-delà de deux heures du matin ! les enfants doivent se coucher tôt !
je les n noierai dans la pisse angoissée d'une v vilaine et m ch méchante m marraine partie à la r recherche de son chaton disparu et q qui n'ose rien d dire à p personne par crainte de p rdr perdre la gg garde de la p petite, l'rg argent des passes et les all locations ss sociales
et d'être obligée de r mb rembourser les sommes indûment p perçues, lalala lala lalala
et de payer des mp impôts sur les revenus du cul de sa petite protégée, lala lalala lala
gotferdoume

et se fait jeter dans les orties
- qui a pété ? ça sent la chicorée !
- eh oui, Marraine Titine, c'n'est pas toujours facile d'suivre la piste d'une petite chatte quand on est vilaine et méchante, ouah, ouah, ouah !
- et qu'on a toujours besoin d'un plus petit chaperon rouge que soi ! ouah, ouah, ouah !
- surtout quand on est impotente et incontinente, meï ! et qu'on s'déplace en chaise roulante ! ouah, ouah, ouah !
- va t'suicider, ça soulage !
- santeï !
s'il vous plaît ? w watte ?
je ne pp pose plus quelles questions ?
je parle sourd, à c cc cloche-pied, d'une seule oreille
je ne pose plus, j'rct éructe et j je pr profère e
s s'il vous plaît ? watte ?
prf f

un t télécopieur se met en marche dans ma tête, jour et nuit, une m machine à sécher le lg linge, j jour et nuit, un sc scanner, une imprimante, un aspp pirateur, j jour et nuit

Z-BAR

une grive, complètement schlasse, un peu barje, éclatant de rire
une grive et un merle, s'étant pété la gueule aux baies de genévrier, se donnant des coups de bec et des bourrades de cul, s'enlaçant, clopinant, claudiquant, trébuchant, se roulant sur le dos

ça fait beaucoup de bruit, dans le noir, une allumette
qu'on gratte, quelqu'un
en jogging violet, chaussant des bottes
un homme ou une femme
caché(e) dans le Busleidengang
qui sort de l'ombre, une araignée
aussi grande que la main
- Bompa ?
quelqu'un se dresse et

j je
je ggg grommelle

- c'est toi, Bompa Zef ?
quelqu'un se cache et dissimule un long couteau d'équarrisseur derrière son dos
- ce n'est pas toi, Bompa ?
quelqu'un se cache
- qui est là ? qui cherche à me faire peur ?
quand une fille, elle a des petits seins pointus, elle rit trop fort
un peu barje, complètement schlasse

que je de-
vine
une j jupe très é-
troite et dont les p plis, les rides, les humeurs, les ombres s
et les odeurs
n'avend


Z-BAR

une fille, un garçon l'accompagne, enlacés, clopinant, claudiquant, trébuchant
ils fument, ils rient, ils se donnent des coups de bec et des bourrades de cul, ils passent la porte, ils hésitent et se consultent
ils jouent une pièce de 20 befs (environ 0,50 euro) à pile ou face
au Zef ou au portier
relaçant ses chaussures sur le pas de la porte, reboutonnant sa braguette, sortant un paquet de clopes de sa poche, allumant une nouvelle cigarette au mégot de la précédente, tirant une première bouffée
et décident de la donner au Zef
- bonne fiesse, Zef !
attrapant au vol la pièce de monnaie qu'on lui lance

- bonj'oir et danke ! bien gentil ! bien aimable ! veel geluk met uw examens ! beaucoup de chance avec vos examens !

plutôt qu'au portier, morfondu
- foert !
les chiens ne se partagent pas les os

sa veste d'amiral, rouge Coca-Cola avec des boutons dorés, ses mains dans les poches et sa cravate verte
dépité

et les o-
ddd deurs
bonj'oir r
convergent tr très étroitement en dr direction du sexe
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
une fille, une très jeune fille n'ayant jamais vêlé, un sein pointu lui sortant du chemisier quand elle bondit sur la piste de danse, balance son gilet sur la banquette, oscille des hanches et des épaules, lève les bras, éclate de rire, agite son corps, se trémousse et se caresse
- begrijp je ? t'as compris ?
une fille s'installe au volant d'une grosse voiture américaine, aspire une ligne de cocaïne, met le moteur en marche, branche l'autoradio, allume les

que je dv devine et que je
d dés-
habille
goeie avond
dank u, bonj'oir
joder

phares
une personne en jogging violet, armée d'un long couteau d'équarisseur, sort de l'ombre
quelqu'un
- Bompa ?
une crabesse, une méduse, une araignée
chaussant des bottes
qui se tenait cachée, en embuscade, depuis bientôt deux heures, dans le Busleidengang
- ce n'est pas toi, Bompa ?
une mère vengeresse, un grande soeur déterminée à laver dans le sang l'honneur de la famille, une voleuse de bagnoles d'occasion, un encaisseuse chargée de récupérer l'argent dans les bars où travaillent les travestis, une gouine trompée, une maîtresse jalouse ?

se rue, agrippe la poignée, s'accroche, ouvre la portière, se jette à l'intérieur de la voiture, envoie la fille rouler sur la banquette arrière, un peu barje, complètement schlasse
remonte les vitres, verrouille les portes, s'installe sur le siège du conducteur
crissement des pneus
démarre en trombe

convergent et que je ddd déshabille e
bonj'oir
avec
une fille, une très jeune fille n'ayant jamais pouliné, complètement schlasse, un peu barje
une fille, un garçon l'accompagne, se donnant des coups de bec et des bourrades de cul
- t'as compris ? begrijp je ?
et n'ont même pas le temps, l'esprit
de
elle avait d de longs cheveux blonds qu'elle rejetait en nr arrière d'un gr grand coup de tête
elle avait des chch cheveux pleins de mèches
elle avait t
elle
ell
el
e

interloqués
erloqués
loqués
qués
és
s

Z-BAR Z-BAR Z-BAR


j jj je, je tends ma casquette
je dis, je dis b bonj'oir aux gens
goeie avond
bonjoir, danke, choukrane, bonj'oir, n'avend
- beaucoup de chance avec vos examens ! en veel geluk met uw examens ! laat ze een poepje ruiken ! eh, eh, eh
une expression du pl plat pp pays, juste à côté, qq qu'ils c cc connaissent bien et qui les fait bien mr marrer, eh, eh, eh
et

- tiens Zef ! bonne fête !

q qui me vaut des cinq befs (environ 0,125 euro)
bonj'oir, n'avend
des sarcasmes, des injures, des cinq befs (environ 0,125 euro)

les pauvres contrastés et les peuplades bigarrées
on leur crache quelques sous à la gueule
on ne leur demande pas de signer des autographes
attrapant nt au vol une pièce de monnaie qu'on m me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !

dank u, joder
d des

- bonne fête ! ouah, ouah, ouah !
- bonne fiesse, Zef !

les pauvres contrastés et les peuplades bigarrées
on leur demande de faire preuve de respect et de modestie

- ik ?
j j'explose ?
je laisse tomber : q quelle autre ride ? me pousser où ?
quelle dent t tomber ?
je hais moins quand je suis ff fatigué
j je v vais s
je vais
danke

ACUMBA MACUM- BA MACUMBA MAC


- vous prenez à droite, vous tournez, vous y êtes
je vais au MACUMBA

la porte s'ouv
re bru
- ferme ça, Zef, nom de Dieu !
talement
- ferme ça, quoi ! on se gèle !
hurlements des sorcières électriques
galop trépidant des chevaux de l'ex-gendarmerie montée s'abattant sur les cités ouvrières, piétinant les femmes et les enfants des mineurs en grève
- Zef, la porte ! godverdomme !
martèlement des sabots d'un troupeau de dinosaures, chargeant dans le brouillard, dès l'aube, pesamment, dans la plaine de Bernissart
vacarme assourdissant
les clients se pressent, se bousculent, se piétinent
- les raclures, les déchets, les rebuts, les racailles, les résidus de nuit, les ivrognes bagarreurs des fins de kermesses et de bals populaires, les crachats visqueux et les trognons pourris, les disques grillés, les bielles fondues, les jantes tordues, les chewing-gums et les sparadraps qui collent au fond des cendriers, ouah, ouah, ouah !

j j'y suis
et le juke-box m m'entre entier dans la bouche,
à la p parade e
bonj'oir

d démons xtr exterminateurs f faisant irr ruption sur la piste de d danse, tuant l'animateur-vedette d'un show télévisé, évntr éventrant sa collaboratrice nc enceinte de ses oeuvres, ouvrant le f feu sur les fidèles, jetant des gr grenades dans les peep-shows, les isoloirs, les g guérites téléphoniques, les tabr tabernacles et les confs confessionnaux
joder

s'éparpillent

miroirs au-dessus des bb ban banquettes, le barman m'aperçoit, m'interpelle

- Zef, j'viens de j'ter un client dehors ! il y a des chopes à vider ! deux 33, un tango et une Leffe rousse !
et un nv verre de Jup pr presque plein qu'un type en slp salopette et b rt béret, aux doigts gts couverts de peinture et de sp sparadraps, a dû ab nd abandonner
- ja, zeker !
des fonds de v verres de bière et des mg mégots écrasés dans les c ndr cendriers, le barman me les garde
- impeccable, manneke !
et je m'installe sur une ch chaise près de la porte, je dis b bonj'oir et le barman
s s'il vous plaît ? watte ?
et le barman r rigole
c'est sa façon
rigole et m m'interroge et m'encourage

- alleï Zef, raconte !

jn je n'avoue pas
sans b bg bagages ni mémoire, sans parents ni maîtres, sans histoire, je n n'avoue jamais
sauf q quelques poches trouées
ayant p rd perdu leurs sous et leurs trésors
une patte de lapin et un fr fer à cheval, des rgn rognures d'ongles, une t touffe de cheveux ccr accrochée à un hameçon, des pn épingles à chignon, des lames de r rasoir, des poils du p pb pubis, des graines et des dents déposés dans une c cavité scr secrète
et quelques échelles v volées

- alleï quoi, Zef, raconte ta vie !

jj je n'avoue rien, ce que je pense, ni l'âge que j'ai, les amis d dans la police, les trois immeubles dont je suis sûrement pr propriétaire et les commerces au rez-de-chaussée loués à de p petites vieilles aux mains ridées
passant leur jr journée à côté d'un vieux poêle à mazout, assises d dans des fauteuils élimés, em emmitouflées dans nsd des châles, un m tr mètre ruban autour du cou, r gr regardant par la fenêtre, p prenant les mesures, c cousant nt, br brodant, plaçant un oeuf en bois au fn fond d'un bas, r cc raccommodant, rp reprisant, repiquant, rr ss rr resserrant ou délaçant les tailles, f faisant du crochet et du tricot à la lumière d'une lampe à pétrole, perdant des m mailles, les rt rattrapant aussitôt, ôtant les pp poussières et mettant de l'rdr ordre dans les r rayonnages de bocaux à conft confitures et de f flacons r mp remplis de noyaux de cerise ou de c ss cosses de sarrasin, pliant des p papiers et f br fabriquant des c cc cocottes, consr conservant leur rg argent dans des coussins

un brollewinkel de gg gommes et de crayons, de plumiers et de b boîtes de p nt peinture, de c cahiers, de cartables, d'rd ardoises et d'ncr encriers, de b ballotins de confiserie, de ch chocolats et de nb bonbons, de p pétards et de dr drapeaux, d'ép éponges, de s souricières, de jeux de cartes, de br briquets à essence, de bouillottes en c tch caoutchouc, de montres à rm remontoir et de fers à braises, de confettis, de b bandes ds sn dessinées, de c rd cordes à sauter, de toupies, de j jouets en bois et de c rf cerfs-volants, de pl plasticine, de pz puzzles, de perles à nf enfiler, de cr carnets de poésie et de couronnes de g galette des Rois
une mercerie vn vendant du fil et des aiguilles, des lacets, des articles de bn bonneterie, des rubans et des bb bas de soie, des culottes, des porte-jarretelles et des bg bigoudis, des pantys qui gainent les jambes, aplatissent le v ntr ventre, remontent les f fesses et soutiennent les reins, des mousses élastiques c vr couvrants et des voiles lycras t transparents, des éventails et des pr paravents, des noeuds de satin noir q qq que l'on pique dans les ch cheveux, des dés à codr coudre et des boutons de nacre, des animaux de pr porcelaine, des petits caniches roses en pl peluche, des m marionnettes de bois et des pp poupées de chiffons, des sb boîtes à musique, des pendules à c cc coucou, des foulards, des m mouchoirs en d dnt dentelle, des pinces à linge et des r rouleaux de coton
une boutique d'articles religieux, de c cannes de marche avec s nn sonnette pour pèlerins pressés, de bouteilles d'eau bénite p pp pasteurisée, de médailles bénies, de b bibles en 3 volumes et de missels de poche, de br bréviaires, de c rg cierges de neuvaines et d'images pieuses, de scp scapulaires, d'habits de scène et de lumière, de calices et td de ciboires, de burettes et de s ss sonnettes, d'm amulettes, de bustes d dd de la Sainte Vierge m médiatrice de toutes les gr grâces, de ch chapelets et de cr crucifix, de partitions de chants divins, d'ng angelots de plâtre p peint, de miracles, d'indulgences et d'pp apparitions mariales

les rez-de-chaussée loués à des p tt petites vieilles
s gn signes de la croix et points nts de cr crochet
ou à des pr prostituées mn mineures venues en se cachant ntd des m nt montagnes d'Illyrie, des bords rds de la Baltique ou des hauteurs sd de Podolie, du g golfe de Guinée ou de la cordillère des Andes

- alleï, Zef, c'est promis, demain c'est ton jour de chance ! raconte !
je n'avoue rien
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! 20 francs seulement svp (0,5 euro) !
les trois immeubles et t tout le pognon que certainement je cache sous un tas de vieux j journaux nv invendus, dans des boîtes à ch chaussures, d des sacs en plastique et des pots de g géranium parfumé
- à vot'bon coeur !
je n'avoue rien
- bien gentil !
le pognon et les amours de la fille de Tina et de son pr prognathe de c rr carrière, les interstices de la cloison du fritkot, les c cq coquilles d'oeufs gobés, les touffes d de ch cheveux de la pf poufiasse, les poils r ch rêches de son gr gros cul viandeux de ch charolaise r pr reproductrice qui se d d vr dévore ses 5 à 7 kilos de patates par jour, les c coeurs de mouton achetés au s prm supermarché des environs de la Grand-Place, les épingles et les clous, les hamç hameçons, le ch chaton, rien
joder
je n'avoue rien, je dis b nj bonj'oir et je m'en vais
je gr grumine
- un seul passé, manneke, un seul automne, la mort !
dank u

la mort coûte cher
et plus personne ne peut s'en passer

les lampadaires au néon de la place fléchissent d'un
demi-ton, le portier du Z-BAR se fait servir une tasse de thé citron
la prend des deux mains, comme un bol de café bouillant, pour se réchauffer les doigts
et la dépose sur le rebord de la fenêtre, à côté de sa porte

et s si j'étais cul-de-jatte, si je j jouais de l'accordéon n
je m m'appellerais Juju juuuu
goeie avond
bonj'oir, n'avend

le portier du Z-BAR observe méchamment les ébats d'une mouche à merde
- de Dieu !
insomniaque, qui s'est probablement trompée de saison, commence par mourir de soif et de froid et finit par se noyer, saoule et bouillie dans une tasse de thé citron, changeant de mort en cours de route

IMPASSE DES MURMURES

un abbé de la paroisse du Christ Ressuscité, souffrant de schizophrénie paranoïde et de psychose endogène

le coq n'oublie jamais le goût du maïs

amant du Beau, amateur de vieilles deuches millésimées et d'aquarelles anglaises du XIXe siècle, un abbé fait signe à la petite Marie
- venez ici, ma fille !
l'invite à se promener à dos d'âne
- comme la Sainte Vierge sur la route de Jerusalem, mon enfant !
lui propose une ballade en calèche, à la campagne, sous la lune et les étoiles, dans une bergerie ou dans un abri à oies
- comme à Bethléem, ma fille !
délace ses bottines de cuir noir, enlève ses fixe-chaussettes, et son col romain, son surplis, son aube et son étole, sa chasuble, son maillot de corps et son caleçon long, ouvre et piétine une botte de foin ou un ballot de paille fraîche, déboutonne sa soutane et l'étend sur le sol pour en faire un tapis
agite un trousseau de clefs, mâchonne un cigarillo humide, invite la gamine à s'allonger à ses côtés
- ça va être bon, mon enfant !
s'étire, les bras en croix, grimaçant de toutes ses rides, ouvrant les jambes
- et voici mon p'tit Jésus ! entièrement à vous ! proposé à votre adoration ! venez à Lui, ma fille !

CHEZ TINA

Tina l'avorteuse sort de son fritkot, elle s'apprête à fermer sa baraque,
elle donne quelques coups de balai

je m m'appellerais Juju
ou Jojo ?

Tina m'ntr interpelle, fichu n noué sur la tête, épluchant et décp découpant les patates, p rt portant des médailles de la Sainte Vierge Marie, mère c mp compatissante, ccr accrochées à la bretelle de son soutien-gr gorge avec une épingle de sûreté, g glissant les gr gros billets de banque entre ses ss seins opulents, ayant ab abandonné toute activité sx sexuelle depuis ln longtemps, cr croyant au p vr pouvoir des étoiles et c ns consultant nt les r rebouteux, imposant les mains sur le v ntr ventre des femmes et le front nt des nf enfants nts, pr prononçant des f formules mg magiques, aimant nt les poissons ns bien r rouges et les plantes bien v vertes

- Jozef ?

- ikke ?
jj je ne dis pas non, je
- non peut-être, Tinneke ?

Z-BAR

une musique languit, mendie
le portier du Z-BAR met les mains dans les poches pour se protéger du froid et interdit sa porte à un type en bicyclette
- spreekt gij vlaams ?

j
jje
j je rric

salopette et béret, thermos et boîte à tartines, cigarette sur l'oreille, canette de bière à la main, sac de sport porté en bandoulière
poussant son vélo rouillé, marchant de travers, inclinant le corps d'un côté plus que de l'autre
un type aux doigts couverts de plâtre, de taches de couleur et de sparadraps, vivant d'expédients divers, peinant à payer son loyer, ayant mis le feu aux factures qui s'amoncelaient dans sa boîte aux lettres, faisant la tournée des bistrots à la recherche de petits boulots de peinture, de plafonnage ou de maçonnerie, de plomberie ou de serrurerie
pissant tous les quarts d'heure, verre par verre, sans attendre que la bouteille soit pleine
- dat versta ik niet !
un mineur, haveur, carrier, tailleur de pierres, métallo, fondeur, soudeur, couvreur-zingueur, tôlier, ajusteur, électricien, chauffagiste, réparateur de machines agricoles, monteur de charpentes métalliques, poseur de portes coupe-feu, coffreur, maçon, carreleur, plafonneur, peintre ou menuisier, magasinier ou clarkiste
un cheminot, marinier, receveur de tram, facteur, coursier, secrétaire-dactylographe, palefrenier, cocher, laveur de vitres, livreur de journaux, pompiste, horloger, serrurier, cordonnier, représentant en articles de jardinage
s'étant, pendant près de 20 ans, levé à 5h 45 du matin
ayant dû, chaque jour de la semaine, faire une heure et demie de bus pour arriver à son boulot, à son usine, à son chantier
étant tombé de son échelle ou de son échafaudage
ayant trébuché sur sa machine
s'étant cassé quatre dents, coupé trois doigts, sectionné deux orteils, crevé un oeil
silicosé, irradié, asbétisé
dont le poste de travail a été déclaré obsolète ou surnuméraire, dont la fonction a été automatisée, dont le métier est devenu inutile
accroché à un clou comme un vieux vêtement, abandonné par son syndicat
aujourd'hui chômeur et divorcé
alcoolique et dépressif
sentant la frite et la bière, connu dans les discothèques pour son tempérament querelleur, s'étant fait jeter dehors par le barman du MACUMBA
le bras droit bandé en écharpe, reprenant son vélo, le tenant à la main, sifflant faux
- des gars qui sifflent sur les chantiers, y en a plus !
se raclant la gorge, reniflant et urinant une dernière fois, joyeusement, sur le mur de façade du dancing, boitillant, butant sur un pavé déchaussé, trébuchant, perdant l'équilibre, manquant se casser la gueule sur la bordure du trottoir, se rattrapant de justesse, oubliant de refermer sa braguette

je r ricane
danke, mel'si

- j'ai pas l'âge, peut-être ? dat versta ik niet !
le portier du Z-BAR lui refuse l'accès de la boîte et lui conseille d'aller plutôt au café RIO
- c'est plus populaire, potverdekke ! la Jupiler y est moins chère, la salle est bien chauffée et la patronne, quelquefois, offre du pékêt et des rondelles de saucisse sèche à ses clients, nom di djos ! spreekt gij vlaams ?
- tu veux m'empêcher d'entrer, peut-être ?
le portier du Z-BAR essaie de se justifier
- le patron, la cravate, potverdekke ! de Dieu !
- dat versta ik absoluut niet ! va t'faire foutre, esclave, faux nez, cire-pompes, platloeis, morpion, punaise, trou du cul, tête-de-lard, pue-la-sueur, ramasse-crottes, boulonneux, moegere sprinkoet, cigare maigre, platvoet, façadeklacher, exploiteur du peuple, ennemi de la classe ouvrière, grosse saucisse qui vit de la misère des pauv' gens, balance des poulets, larbin des bourges et des curés, tueur de moustiques, poisson pas frais, enculeur de mouches, chien jaune décoloré, pitbull édenté, dinosaure emplumé, fromage de tête pressée, sniffeur d'essence trafiquée, larve de moustique, puce de poule d'eau, bocal à sangsues, arroseur de plantes en plastique, cracheur de noyaux de cerises en plomb, catalogue de vieux pneus, mangeur de morve d'autrui, installateur de conflits, voeile avekoet, schieven architekt ! je n'comprends pas ! je n'veux rien comprendre !

je r ri ricane e
j'rct éructe, je profère et j je ricane
prf f

- le standing, le patron, nom di djû !
et gnagnagna, et gnagnagna, le type s'énerve, s'insurge, refuse d'entendre quoi que ce soit, dépose son vélo, tente de pénétrer de force dans la boîte, provoque un esclandre, cherche la bagarre, insulte le portier, lui crache à la figure, essaie de lui balancer un coup de genou dans les couilles, brandit maladroitement un canif qu'il dissimulait dans son sac, menace le portier
- con de Dieu ! s'énerve le portier qui appelle ses collègues en renfort
fait mine de le poignarder, se fait aussitôt désarmer par le vestiairiste-videur
tirant sur sa pipe, hilare et baraqué, venu se porter au secours du portier, malingre et déconfit
remonte sur sa bécane, glisse sur une plaque de fioul, s'accroche à sa machine, heurte la bordure du trottoir, renverse des cônes de sécurité placés par la police, coince sa roue avant dans un avaloir bouché, s'étale de tout son long dans une flaque d'eau mazoutée, bouche ouverte, dents pétées, pommettes tuméfiées, genoux entaillés

Z-BAR

un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir
pleins comme des boudins, tamponnés, foncedés, ourdés à zéro, des pendards de students organisent un concours de taille de bite, se commandent une treizième chope, versent de la bière dans des capotes qu'ils lancent à la gueule d'un couple de jeunes gens de bonne famille
Orval de la Sèche Mare et sa bécheuse
- santeï !
élevés dans des fûts de chêne, occupés à manger un ravier de frites sous l'auvent du fritkot de Tina
et tttrouvant fffranchement dddéplaisant de se rrretrouver dddans une sssituation tttotaaalement rrridicule et absssolument insupportaaable
- op uw bakkes !

des soûlauds de students shootent dans les enjoliveurs des bagnoles garées devant le Z-BAR, gerbent sur les pare-brise, dégonflent les pneus des grosses voitures américaines, pissent dans les poubelles et les boîtes aux lettres, s'esclaffent et se font rappeler à l'ordre par le portier
- foert ! à l'entrée du bar ! et devant les clients, potverdekke ! mais vous finirez par m'faire perdre mon boulot, nom di djos !
gerbent et se calment, négocient, discutent avec le portier
- de Dieu !
le questionnent à propos du Zef, s'il se nourrit de bousiers, combien de molaires il lui reste, si on lui a coupé la langue et perforé les tympans, quelles sont ses pathologies dominantes, s'il a séjourné en prison ou dans des hôpitaux, s'il entend bien tout ce qu'on lui raconte s'il a la pleine maîtrise de ses fonctions organiques, s'il a réussi à apprivoiser les punaises de sa paillasse, s'il contrôle parfaitement ses sphincters, quelle est la contenance de son éponge, quel est son taux d'alcoolémie, s'il sait seulement écrire son propre nom, s'il parle français ou néerlandais
- ou arabe ou espagnol ? ou albanais ? ou serbo-bosnio-croate ? ou lingala ? ou quechua ?
s'inquiètent de savoir si Zef est son vrai nom, si ses verrues sont purulentes, s'il est allergique aux poussières et aux graminées, s'il crache des glaires pendant l'hiver, quelle est sa religion, depuis combien de mois et d'années il rôde dans le quartier, quelle est la part de la mendicité dans ses revenus, s'il a encore des cheveux sous sa casquette, s'il se fait régulièrement déboucher les oreilles avec un coton-tige trempé dans de l'eau de Javel, s'il sait jouer de la trompette avec les mains, s'il a une activité sexuelle normale ou s'il fait ses besoins dans une chaussette ou dans un seau, s'il a encore des chaleurs
- de flech' is af ?
s'il est insensible à toute forme de sanction morale ou sociale, si la police le laisse tranquille, s'il est capable de ressentir et d'exprimer des émotions mouillantes, s'il n'éprouve aucun remord et aucune culpabilité, s'il se sent las de vivre, pour qui des larmes lui coulent parfois des yeux
s'esclaffent bruyamment

je, je g grumine, je longe un trottoir, je fouille un tas de d détritus qui s'amoncellent dans la rg rigole
je trouve des tampax et des kleenex, des ttt touffes de poils sccr accrochés à un hameçon - impek' !
je trouve des épingles à ch chignon, des sd br débris de miroirs sur rlsq lesquels les images captives m mettent une v vie entière à s'effacer
d'autres viendront qq qui trouveront des billets de banque

- mille befs (environ 25 euros) ! ouah, ouah, ouah !
- tu craches dans tes mains, tu soulèves la casquette du Zef et tu lui frictionnes le crâne ! et ça t'porte bonheur ! ouah, ouah, ouah !
- ça t'permet de résoudre tous tes problèmes, de rendre la joie de vivre à une jolie petite chatte qu'sa salope de marraine a jetée sur le trottoir pour qu'elle grandisse plus vite et l'aide à subvenir à ses besoins, d'obtenir un permis de construire en état d'ivresse ou une autorisation d'exploiter une chambre froide d'entreprise pharmaceutique dans la piscine du Résidence Palace, de jouer gagnant aux courses de petits chevaux de bois, d'retrouver l'affection d'une vieille c copine et d'la tringler pendant 2 heures de suite sans fatiguer, de guérir de la chtouille et du sida, d'apprendre à jouer d'la guimbarde ou du berimbau, de s'initier au tir à l'arc et à la copulation à dos de cheval au galop, de réussir un examen organisé par le Selor et d'dégoter un bon petit boulot d'fonctionnaire fédéral dans un organisme d'intérêt public de type A, d'échapper aux bombes de la Libre Amérique ou de la Sainte Russie, waow ! ça sert à tout, vraiment à tout !
- et si tu veux gagner l' gros lot d' la loterie nationale, tu lui touches les verrues du menton ou tu lui caresses la braguette de la main gauche en formant un voeu !
- et ensuite tu lui arraches sa casquette, tu pisses dedans et tu t'arranges pour la lui r'mettre sur la tête aussitôt après, ouah, ouah, ouah !
- ik ? de doeme ! ga kakken ! va une fois à la gare avec ta valise !

- l'important, c'est d'courir très vite, d'faire pleurer Gracieuse en vitesse, dans un recoin discret, non exposé à la vue de Zef et du public, derrière le fritkot de Tina ou au fond de l'Impasse
- et surtout d' t'arranger, au retour, pour n'pas t'faire agripper, mordre ou griffer le bras, ouah, ouah, ouah ! sinon tu recevras une décharge électrique qui te parcourera tout le corps ! et sentiras ton sexe retrécir et disparaître !
- et Zef ne te rendra jamais ta bite, ouah, ouah, ouah ! sauf si tu lui verses une importante somme d'argent ! et seulement après t'avoir asséné quelques furieux coups d'canne sur les fesses !
- et si tu ne lui verses pas l'entièreté de la rançon demandée, jamais Zef ne te restituera ton organe, ouah, ouah, ouah ! et sois sûr qu'il utilisera la magie pour chercher à se venger et à te tuer !

j je porte chance, je r rends gagnt gagnants les billets de la loterie nationale
- allez vous faire foutre !
n'avend
je fouille encore, je t trouve : ces morceaux de pain moite et r rance qui poussent dans les poubelles,
j'ai de la ch chance
dank u

Z-BAR

dringuelles glissées discrètement dans la poche supérieure de sa veste rouge Coca-Cola, le portier du Z-BAR sort les mains de ses poches et répond à toutes les questions des clients
- à vot'service ! toujours prêt à vous satisfaire ! en fait, j'suis payé pour ça, potverdekke ! l'Union fait la Force ! Eendracht maakt Macht ! je n'fais qu'mon boulot, nom di djû ! en fait, j'vous donne la bonne nuit et j'vous remercie de vot'visite ! bonne bourre ! comptez sur ma discrétion ! n'oubliez pas l'portier ! pensez à mon p'tit bouquet, potverdekke ! à la s'maine prochaine !

le portier du Z-BAR doit tout savoir sur le marché local de la dope et du cul
tout savoir
- de Dieu ! spreekt gij vlaams ?
et ne jamais rien voir, nulle part, à propos de quoi que ce soit
tout entendre, tout retenir et ne jamais rien noter

le portier du Z-BAR fume la dernière cigarette de son troisième paquet de la soirée, sort une flasque plate de la poche arrière de son pantalon, se commande une tasse de thé citron et y rajoute une bonne mesure de pékêt, grignote des tartines à la sauvette
omelette au lard salé, rollmops à la mayonnaise, sardines portugaises ou marocaines en boîte

et m me fait un léger s gn signe de main, tr très peu de connivence ce
Klachkop pn n'aimerait p pas cela
- loop naar de maan !
n'avend
danke

le patron du Z-BAR, professionnel très habité par son métier, veut que son bar ait
- de la classe !
le patron du Z-BAR, alias Klachkop, jouissant de protections royales, politiques, ecclésiastiques, agro-industrielles, financières, pénitentiaires, vétérinaires, familiales, raciales, judiciaires, artistiques, journalistiques et gastronomiques, militaires, pharmaceutiques, diplomatiques, européennes et policières, exigeant de voir la tête du lapin qu'on lui sert
- lalala lala lalala, z'auriez pas du feu ?
demandant au portier s'il connaît l'âge de la mignonne qui l'interpelle et, tout de suite, lui met la main aux patates et lui propose de l'affection
- lala lalala lala, z'auriez pas envie de jouer au docteur avec moi ?
et si cette poufiasse a encore de la famille, si elle connaît son vrai père et sa vraie mère, si c'est déjà une professionnelle, combien elle prend, quels sont ses vices et ses tendances, ce qu'elle sait faire, avec qui elle travaille, si elle est libre, si elle est propre, si elle est saine, si elle se drogue, quelles sont ses références et comment elle s'appelle
mais se méfiant et sachant résister à la tentation, refusant de se laisser piéger par une jolie petite chatte plombée, Klachkop interdit de laisser le Zef
- il pue !
s'approcher de la porte du bar et recommande instamment au portier de bien veiller à ce qu'aucun mineur ne profite de la cohue pour se faufiler à l'intérieur de la boîte
- et surtout pas c'te salope là-bas, ce body, ce babydoll, ce t-shirt près du corps, ce caraco, cette nuisette, ce serre-taille, ce négligé, cette guêpière qui ne fume que des pétards et qui demande du feu à tous les porteurs de braguettes ! j'ai pas confiance, elle a plutôt mauvais genre ! je la soupçonne de chercher à se faire baiser par des notables pour se constituer un book ! elle racole sec et ça pourrait nous valoir de sacrés ennuis !
- lala lalala lala, z'auriez pas du feu ?


homme s sans n nombril il, cr crâne chauve rongé par la mérule et les v vers de bois
oreilles br brûlées par l'acide, yeux chassieux, sortis de leurs orbites
joder
j je, je pue, je suis une odeur de larve q qui pourrit dans le v ntr ventre de la collaboratrice de l'animateur-vedette d'un ns show télévisé, qui ccc coule et s'insinue, une odeur de charogne, de fr frm fromage de Herve ou de Bruxelles-Brussel, de hettekees ou de pottekees, une odeur d'urine qui r rancit dans un verre, s sous une armoire, une odeur de gaz vert, d'os cariés, de f foetus avarié, de moule crevée
g goeie avond dd d
bonj'oir
dank u, n'avend

gentes d dames et pr preux chevaliers, ils n'osent pas encore m m'abattre mais ils y pensent tr très sérieusement
- ik ?
m'enduiront-ils de p poix enflammée ?
g grilleront-ils mes couilles au ch chalumeau ?
me dd doperont-ils aux tr tranquillisants pour faciliter mon tr nsf transfert v vers l'abattoir ?
exhiberont-ils ma tête, plantée sur une ppp pique, dans les strotjes et sous-ruelles t nbr ténébreuses de la vieille ville ?
joder

mais, aujourd'hui, ils ne s sont pas assez saouls, ils n'ont pas encore assez b bu, ils se contentent de me reprocher d'exister
s'il v vous plaît ? watte ?

- mais pue !


BIJ TINA

Tina la frituriste
sa fille la remplace, sexuellement réceptive, refusant l'insémination artificielle et la traite automatisée
solidement charpentée, présentant tous les aspects extérieurs de la bonne reproductrice, possédant de bons aplombs et une grande profondeur de poitrine, vigoureuse, fertile, aux larges mamelles, dévorant ses 5 à 7 kilos de patates par jour, ayant enfin trouvé le mâle errant disposé à la fourrer, à partager son étable et à la féconder, aimant être besognée, réclamant qu'on la vide de son lait de bufflesse tous les soirs
- tu m'les tètes ou j'te les coupe !

Tina l'avorteuse
sa fille la remplace

l'huile de friture et la mayonnaise lui graissant les doigts et lui dégoulinant sur ses poignets, le visage défiguré par l'acné, les bras aussi gros que les cuisses d'un champion cycliste
retouchant son maquillage
donnant quelques coups de balai à l'extérieur, débranchant les bouteilles de butane et baissant le volet
odeurs d'huiles usées, odeurs de frites froides, odeurs de cervelas et d'oeufs durs, odeurs d'aisselles moites et d'eau de Javel
les pis douloureusement gonflés
dénouant son chignon, dégrafant son soutien-gorge parfumé à la vanille, engueulant son individu, son caporal-chef, son prognathe de carrière, son kastar
- et tu crois qu' ça m'amuse de voir ce vieux cochon de Zef, imbibé de pékêt, puant la Maes et la Stella, m'lorgner le cul et les tèts pendant qu'tu m'tringles ? mais fais donc quelque chose, nom de Dieu, si t'es un vrai mec !

je la d dégoûte, sa fille
- bloemkul ! voeil teif !
elle, lissant entre s ses doigts une mèche de p poils pubiens, se p sst passant de la pm pommade hydratante sur les pis pr pour les soulager
et lui, s son individu, un mégot lui pendant au c coin des lèvres, le pantalon kaki sur les ch chevilles, les gr grandes oreilles décollées, le menton et le front pr proéminents, les ttt testicules hypertrophiés

elle et lui
m'accusant d de les épier rr à tr travers des interstices de la c cloison quand ils font leurs rs amours, glissent, pissent et g glapissent de p pp plaisir, eh, eh
de pl plonger mon r regard et d'obs rv observer tout ce q qui se passe à l'intérieur du fritkot et tout ce qq qui ne s'y passe pas, de s surveiller tous les mv mouvements, eh, eh, eh
godverdomme

et d de ricaner
- sac à poils ! trou montré ! grosse vache parfumée ! gepoeierde zug ! eh, eh, eh
de ricaner
- mamelles ou ventouses ? fausse barbe ou tablier de forgeron ? vertugadin ou véritable cul ? implants fessiers ? eh, eh, eh
de r ricaner
- hi-han ! hi-han ! hi-han ! hi-han ! hi-han !

odeurs de corps en sueur, odeurs de soufre, odeurs de bêtes en cage, odeurs de testicules de castor, odeurs rauques de peaux tannées, odeurs de beurre rance, odeurs de lait fermenté, de glandes, de placenta, de pets, d'urine
- mais qu'est-ce que t'attends, nom de Dieu, pour lui faire son affaire à c't enfoiré d'obsédé sexuel de merde ? qu'est-ce que t'attends pour lui donner c'qu'il mérite à ce voleur de bites ? t'attends qu'il t'envoie une décharge et qu'il te retrécisse ?
- ...
- non, mais t'as vu son regard à Zef ? tu n'te rends pas compte qu'il se fout d'ta gueule ! tu n'vois pas qu'il m'manque de respect ! descends-le ! allume-le ! bute-le ! dézingue-le !

liqueurs glauques s'accumulant dans les cavités du cerveau, reins dilatés par l'urine, tremblement des bouleaux, souffle des purgeurs qu'on libère
- moteur en feu ! on se pose ! urgence ! urgence ! urgence ! a'aa'aaa'aarag'h !
bris du train d'atterrissage sous l'aile droite et spectaculaire glissade de l'appareil
odeurs de plaquettes de freins surchauffées, de caoutchouc brûlé, de bielles fondues
odeurs de couilles cancéreuses
le phallus grillé, trempé dans la graisse bouillante, la peau recouverte de cloques remplies de liquide séreux ou striée de raies noires

Z-BAR

un client discute avec le portier
relaçant ses chaussures sur le pas de la porte, reboutonnant sa braguette, écrasant sa dernière cigarette
menace le Zef, fait mine de lui couper les jarrets avec une faux
- comme dans le bon vieux temps !
l'insulte
- sac à poux ! loeissak !
et pousse le portier à intervenir
- toujours est-il que tu devrais faire appel aux flics !
l'invite à prendre ses responsabilités, à balayer devant sa porte
- tu devrais leur demander de chasser le Zef de ton trottoir ! je ne comprends pas comment le patron peut laisser faire ça ! ce n'est pas bon pour l'image du Z-BAR ! ça fait très mauvais genre ! ça cause du tort au Commerce et à l'Industrie !

je pue, je t tt tousse, je
gotferdoume

un vent se lève, des bars se vident

les ch cheveux pris dans un attrape-mouches, j je m'appuie des deux mains sur le c pt capot d'une gr grosse voiture américaine, sur le rebord de fenêtre d'un b bordel de fm famille sr surchauffé, r rue de Malines
n'avend
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
danke, bonj'oir r
joder

A L'AMBASSY

vitrine éclairée au n néon
- à vot'bon coeur !
rose-vert
fluo

je tousse ! t tousse ! t tt tousse e !
tousse !
je c crache !
che !
ch
c

un passant se détourne ou fait semblant de regarder ailleurs, murmure entre ses dents
- va crever, ordure ! honnendeef ! voleur de chiens !
craint la contagion, fait rapidement un signe de croix pour chasser les démons, retourne sur ses pas, rote, traverse la rue, change de trottoir

IMPASSE DES MURMURES


panneaux d'invitation, pancartes de bienvenue
ex-voto, écriteaux, petites annonces
bois peints agrémentés de proverbes et de sentences
images pieuses et tableaux votifs relatant de premiers orgasmes et de plantureuses éjaculations précoces
affichettes de rendez-vous légers placardées sur les palissades ou collées sur les poubelles ou les sorties de secours, murs des toilettes barbouillés de graffitis sentimentaux, messages futiles et plaisants tagués au spray, fées érotiques et enchanteurs lubriques dessinés au marqueur, déclarations d'amour tracées à la craie
signatures, chiffres magiques, initiales et lettres majuscules gravés au couteau sur l'écorce du tronc d'un arbre mort

autorisation de se shooter aux lingettes nettoyantes et de fumer des joints d'hosties séchées au soleil
autorisation de remonter à la surface et de reprendre un peu d'oxygène après trois minutes de plongée en apnée
autorisation de lever les bras en l'air et de décrocher la lune et les étoiles
autorisation de chiquer du tabac et de cracher du sang
et de consommer du cognac polonais fabriqué avec de l'alcool pur dilué dans de l'eau déminéralisée, du caramel et du colorant pour cheveux
autorisation de chier dans les confessionnaux
autorisation de profiter de la mort sans attendre, aussi longtemps qu'on est encore vivant
autorisation de se jeter sous une rame de métro aux heures de pointe
autorisation de jouer aux cartes avec son assassin
autorisation de creuses des mines d'or dans les cimetières religieux à moins de 50 mètres des concessions perpétuelles
autorisation de glisser deux doigts dans le trou de balle d'une poule et de lui voler ses oeufs avant qu'elle ne les ponde
autorisation de sucer et de ronger les osselets des pattes avant et arrière des petits Jésus après leur avoir arraché les ongles et les clous avec une tenaille
autorisation de prélever les empreintes des morts sur de vieux grimoires
autorisation d'allumer des cierges pour éloigner la foudre et chasser les fièvres
autorisation de donner des marguerites aux chiens
autorisation d'ensorceler, de féticher, de faire des enchantements
autorisation de perdre ses clefs dans un avaloir
autorisation de niquer sa mère
entrée gratuite avant minuit pour les dames et les demoiselles

ANNEKE, IK ZIE JE ZIELSGRAAG ! ATTENTION VIEUX MÉCHANT ! TU ME QUITTES, JE VOUS HAIS ! PLEASE DON'T BUSH ! NO W ! GOLMORA ADORE UN SEUL SKALAMAR ! LIBÉREZ PIERRE CARETTE ! AN' JAT'M ! COUGNI AWE, OVRE NENNI ! LES HAMBURGERS AUSSI ONT DROIT A LA DIFFERENCE ! AFRICANA, NALINGAKA YO TROP ! TOO MUCH IS NOT ENOUGH ! LE SOIR DU 12 DÉCEMBRE, IL NE SE PASSERA PLUS JAMAIS RIEN ! WAR IS OVER ! LE POUVOIR AU MUSEE ! BEUVONS PLUS ET MEURONS MOINS ! ITALIANS DO IT BETTER ! LESBOMOEDERS KWALITEITSMOEDERS ! JE NE VOUS AIMERAI NULLE PART ! ONE ST PATRICK'DAY, 364 PRACTICE DAYS ! DON'T WORRY, BE HAPPY ! MUZIEK, HAPJES EN DRANKJES UIT AFRIKA ! LA LIBERTE NE S'ACHETE PAS DANS LESGRANDES SURFACES, ELLE S'ARRACHE SUR LES TROTTOIRS ET DANS LES AIRES DE PARKING ! ATTACHEZ VOTRE CEINTURE ! QUI SAURA ! FLEMISH IS COOL ! POUVOIR ASSASSIN ! ISLAM IS PEACE ! EU TE AMO ! SORTONS LES VIDEURS ! GEEN REVISIONISME ! ANA CROFT NIQUE LES FLICS ! NOTRE VENTRE NOUS APPARTIENT ! IN MEI LEGGEN ALLE VOGELS EEN EI ! LES REVES DE L'ETAT SONT NOS CAUCHEMARS ! DIEU A ENCORE GRANDI, IL N'ENTRE PLUS DANS SES BASKETS ! FOLLOWING MAY BE HAZARDOUS TO YOUR FACE ! NON AUX EXPULSIONS ET AUX EXPROPRIATIONS ! OUTRAGEONS LA PERSONNE ROYALE ! NZAMBE NA LIKOLO, BAYANKE NA NSE ! VIAGRA RAPE SQUAD STRIKE AGAIN ! EL QUE SIEMPRE SUMAIZ ! ON THIS SITE, IN DECEMBER THE TWELVE, NOTHING HAPPENED ! JE SUISSE DONC JE PANSE ! WE NEVER CLOSE ! AU BAC LES MACS ET LES MACHOS ! EL PUEBLO UNIDO JAMAS SERA VENCIDO ! NO A LA VIOLÈNCIA CONTRA LES DONES ! PLUS VIEUX QUE MOI, T'ES MORT ! MEAIT 'JE ! DRINK ALL THE IRISH BEER YOU CAN DRINK ! VOUS ATTENDEZ MAL ? N'ENTENDEZ PLUS ! GEBT NAZIS KEINE CHANCE ! RASONS LE CRANE DES BIOGRAPHES ! SERVICE AT THE BAR ! NAZIS RAUS ! HAIDER'S AUSTRIA IS NOT MY AUSTRIA ! D'ORAZIO ACQUITTÉ ! GEEN WONING, GEEN KRONING ! ZAPATA VIVE, LA LUCHE SIGUE ! LET IRAQ LIVE ! AFRIKA SANA ! NOUS AVONS TOUT, NOUS VOUS LAISSONS LE RESTE ! J'ST CR'ZY ! LEGALIZE IT ! ATTENTION DIEU MÉCHANT ! WARNING, ELEPHANTS DRINK AT THIS POOL, SWIMMING AT YOUR OWN RISK ! AYONS DES CONNIVENCES ! GIRL POWER ! FUCK THE WAR ! DIVERSITY INCLUDES FAT PEOPLE ! POTACHE AIME GAVROCHE ! BETOGEN ZONDER VRIJEN IS KUT ! PRINCESS ZELDA WAS HERE ! RUST IN VREDE ! NO PASARAN ! LIBEREZ LA PALESTINE ! SOYEZ TELLEMENT IMPREVISIBLES ! DJI VOS INME ! DON'T DISTURB ! WERK VOOR IDEREEN ! WIPE OUT POVERTY, NOT PEOPLE ! DEMANTELONS LES RESEAUX CLANDESTINS D'IMPORTATION DE SACS A VOMI EN PLASTIQUE DE CONTREBANDE QUI OBTURENT LES GOSIERS ET LES GESIERS DE NOS CHEVRES ET DE NOS CROCODILES ! APELES PARA TODOS ! PLUS VIEUX QUE MOI, J'TE TUE ! BOMBARDONS LES CIMETIERES ! VIVA BOMA, PAPATEN MET SAUCISSEN EN DIKKE CERVELAS !

toujours plus pr près d'un trop loin d dernier souffle, je
s'il vous plaît ? watte ?

la mort d'un chien dans la rue, ça ne se pleure pas
au chaud, à l'intérieur des maisons
je rr rapetisse et me défais, m'émiette, j'ai le mal d'un p pays où les mn moineaux pierrots, les hirondelles d'rd ardoises, les grives et les merles
p picorant nt les baies d'rg argousier, de houx, de gn genévrier et de s rb sorbier
sont des oiseaux xz zoologiques ?
godverdomme
des oiseaux de c cirque ?
n rr nourris, b bagués, lg logés, ch chauffés et choyés ?
inventoriés, v visités, dm admirés, exm examinés, photgr photographiés et f filmés, nc encyclopédiés ?
gotferdoume
r cnn reconnus, r ss rassurés, pris en ch rg charge et choyés ?
choyés ?
chch choyés s ?
yés ?

ménagères, ne brisez pas les couples, respectez les lois de la nature et du marché

du coq à l'âne, le chemin n'est pas long

mangez de l'âne de bât et de l'ours des montagnes, du petit chaperon rouge et du grand méchant loup, de la gazelle et du crocodile, de la blatte et du lézard, du pigeon biset et de l'oiseau rapace
ménagères, ayez du coeur
du coeur
du
d

on ne réveille pas les gens qui meurent sur le trottoir
on ne leur demande pas l'heure ou la route
ni le temps qu'il fera la semaine prochaine à Knokke-Le Zoute et à Han-sur-Lesse

IMPASSE DES MURMURES

une vieille deuche s'y engouffre
un homme en noir s'en extrait, fait signe à une petite Marie, l'interpelle
- M'sieur l'Abbé ? toi-même ? en civil ? qu'est-ce que tu m'veux ? quelles belles histoires on va pouvoir s'inventer ? j'étais une p'tite souris, tu m'invitais à boire un bol de chocolat chaud et tu m'enfermais dans une théière chinoise ? tu m'gardais prisonnière, tu m'faisais d'affreuses grimaces et j'me retenais de pleurer ? j'grimpais le long des tuyauteries et j'me glissais sous les portes ? tu m'mentais tout le temps, tu m'tendais des pièges et j' arrivais à les éviter ? tu bouchais les interstices des plinthes et les carrelages disjoints ? tu réparais le maillages des soupiraux et j'parvenais toujours à m'évader ? tu m'cherchais partout et j'fermais les yeux pour que tu ne m'retrouves jamais ? demande la gamine

un homme en noir invite la petite Marie à venir le rejoindre à l'intérieur de la bagnole, à prendre place sur la banquette arrière
- oui, mais dis-moi d'abord, c'est quoi les trucs que tu veux qu'on fasse ensemble, M'sieur l'abbé, que j'sache à l'avance, quoi ! que je mentalise ! qu'je puisse apprendre et répéter mon rôle ! j'étais une petite fée orpheline, tu m'coinçais la main dans un méchant tiroir de sorcière et j'te suppliais de me libérer ? j'étais un oeuf de faisan ou un nid de guêpes, t'étais un vilain blaireau qui cherchait à me croquer, tu sentais l'ail et l'oignon cru, tu n'avais plus mangé que des sardines en boîtes depuis l'été dernier et tu étais assoiffé de sang frais ? je me réfugiais derrière le frigo, sous un lavabo ou dans le bac à linge et tu m'pourchassais avec un encensoir, tu mettais le feu à mes cheveux et je plongeais la tête dans un bénitier ? tu m'kidnappais, tu m'attrapais à la sortie de l'école avec un filet à papillons, tu me plaquais au sol, tu me déshabillais complètement, tu déposais délicatement de grandes hosties en équilibre sur la pointe de mes tétons et tu me d'mandais de n'plus respirer ? tu me retournais sur le ventre, tu m'grattais le dos avec une paille ou un brin d'herbe, tu m'aspergeais les fesses avec un goupillon et tu m'enfonçais une pied de violette dans l'trou d'balle et je me retenais d'être heureuse ?
- asseyez-vous, mon enfant ! calmez-vous, ma fille ! soyez en paix ! cessez de fantasmer ! et veuillez, je vous en prie, cracher un peu de votre salive dans la patène !
- oui, mais ...
- obéissez-moi, vous dis-je !
et démarre en trombe
- que ...
- c'est moi seul qui pose les questions, mon enfant ! baissez les yeux ! faites ce que je vous dis ! ne m'interrompez point ! répondez comme il faut, poliment ! enlevez ce chewing-gum de votre bouche ! élevez votre esprit, ma fille !

une enfant pleure
une petite gamine mâche du chewing-gum à la menthe et sniffe de la colle pour ne plus rien sentir, ne plus rien entendre, tout oublier
les doigts, les bouches les sexes que les hommes tiennent dans leur main, le froid, la faim, la peur, les rires
une petite fille se colle un pétard entre les lèvres
- lala lalala lala, z'auriez pas du feu ?

je pr prends très peu de place e
une pioche, un vv vélo, une enclume, un f fagot de bois m mort ramassé dans le lit de la rivière, une bêche, un nr râteau, un nid dddd déserté par les hirondelles, un pn panier en osier tressé par un tz tzg tzigane aveugle, un trtrtr tronc d'arbre frappé par la ff foudre et creusé par les vers, une moule accrochée à une b bouée ou à un poteau d'es stacade, une anfr fractuosité d dans un vieux m mur de pierre

les morts n'aiment pas s'endormir en plein air, dans le noir, dans le froid, sous une pluie battante, au fond d'une impasse, les yeux grands ouverts
une encoignure, un bb banc d'école, une coquille d'oeuf, un couvercle de poubelle, une b brouette
je r rêve d'habiter une boîte à sardines qui se referme de l'intérieur
goeie avond
dank u, n'avend

cr creusant nt des tunnels et des puits sq qui aboutissent à des sch chambres funéraires, dans un cimetière b boueux de sangliers rss solitaires, arthritiques, s schizophrènes, paranoïaques, pervers et ps psychopathes, ch ss chassés de leur c mp compagnie
ou qui débouchent sur une piste de d décollage, ne f nct fonctionnant que la nuit, où un hélicoptère est posé, toujours pr prêt à décoller
ou qui c nd conduisent à une cr crique g rd gardée par des vautours
le vautour ne sait pas nager
ni le caïman voler

où un hors-bord est t toujours mr amarré, prêt à pr prendre le rg large, à gagner la haute mer rr r
sq esquivant les b bancs de sable, les cadavres des enfants noyés, les tourbillons s sulfureux, les s ch souches immergées

on ne meurt pas gratuitement dans la propriété privée d'autrui
j'échappe aux r rch r recherches des chasseurs de vagabonds nds, armés de fusils à balles s somnifères
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
qui se rn réunissent, nuitamment nt, dans un arrière-salon d'un bordel de fm famille sr surchauffé où ils ont nt leurs h bt habitudes, eh, eh
- bien gentil ! bien aimable !
qui limitent nt et nf uniformisent les es espèces, cc cultivent des échantillons de p peau dans des laboratoires, éliminent les vr variétés indésirables ou dont les f ff filiations sont coupables et les n nationalités nc incertaines, c ntr contrôlent nt la reproduction des c fr cafards, c castrent les pauvres p pour les empêcher de se reproduire, revendent nt leurs petits cm comme nf enfants de c mp compagnie

les pauvres ne sont pas étanches
leurs vêtements puent, leurs latrines schlinguent
leurs cercueils empestent
contribuant nt, de façon significative et d durable, à la définition d'une nouvelle conception de la ch chasse
écologiquement c correcte e
aux récalcitrants nts
- la p'tite pièce !
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
- à vot'bon coeur !

A L'AMBASSY

organisant nt battues, r rt ratonnades, séances d'exorcisme et td de purification

un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir
jetés, jupés, nasqués, zatlap, stront zat, compleet weg, totaly blastered, des soudards de students, mâles, blancs, racistes, machistes, homophobes, antichauves, antipauvres, antigros, antivieux, terminent leur chemin de croix, achèvent de tuer leur quatorzième chope
- op a' bakkes ! santeï !
braillent, gerbent, organisent un concours de lancer de verres vides dans les poubelles de la friterie-frituur, se pissent les uns sur les autres, commandent un sachet de frites, s'emparent d'un cervelas, font mine de se l'enfoncer dans l'anus, ramassent une bonbonne d'insecticide gisant dans la rigole, s'en servent comme lance-flamme, allument leurs pets, manquent mettre le feu à l'auvent du fritkot de Tina, se font vider à coups de batte de base-ball par le prognathe de carrière de la fille de la patronne, se replient en désordre
- pas op, les gars ! hij heeft haar op zijn tanden ! il a pas l'air disposé à s'laisser faire ! faites gaffe, les gars ! il a des poils aux dents !
braillent, gerbent, pissent et se disputent avec le portier, s'emparent de la casquette du Zef, s'enfuient en courant, s'esclaffent
- il suffit d'découvrir le corps ! ouah, ouah, ouah !
- déposé à même le sol ou j'té dans une mare ou un caniveau, ouah, ouah, ouah ! au bord de de la grand-route ou le long du canal, ouah, ouah, ouah ! recouvert de branchages, de cageots d'fruits et légumes ou d'vieux journaux ! ouah, ouah, ouah !
- un pavé dans la mare, ça se noie ! ouah, ouah, ouah !

les pauvres ne sont pas étanches
leurs yeux mouillent, leurs narines bavent, leurs lèvres sécrètent
leur haleine dégage
leur peau suinte, leur coeur refoule, leur cervelle jute
leur sexe fuit

j'énonce, j'émets, j'rct éructe, je pr profère
prf f
je gr grrr
je g grumine s'il vous plaît ? watte ?
dank u

les intestins des pauvres produisent des jus qui coulent à travers les planches des cercueils en sapin
- ik ?
je f fr fronce e et je crécelle, je ricane, j'rct éructe et je profère
crires, sable scié, insectes pr parasites, phrases nrx anorexiques
prf f
quand j'aurais voulu apprendre à aller jsq jusqu'au bout de t très longues ng p périodes ? bien str structurées et prf parfaitement nt rgn organisées ? peuplées de verbes r ch riches et de v vocables choisis ? avec des sous-vêtements pr propres et d'xc excellentes m manières ? avec des ronds nds de serviette, une f rch fourchette et un nc couteau ? avec des sn chn enchaînements nts logiques ? avec b cp beaucoup de mots ?
gotferdoume
interdiction de jeter le bois de sapin
et la viande humaine, même déchiquetée au broyeur
sur un tas de compost

CAFE RIO

cacanéant
il y a deux marches de pierre bleue à l'entrée du café RIO
saupoudrées de gros sel marin

les murs de brique peinte, bruns, patinés par la fumée des pipes et des cigarettes, de grosses poutres noires au plafond, un crucifix, des attrape-mouches, des trophées de chasse, des marionnettes de bois, des poupées de chiffons et un fer à cheval porte-bonheur accrochés aux murs, un vieux juke-box et une télévision grésillante, deux plâtres de la Vierge Marie, un renard empaillé, des pots de géraniums, des roses en plastique et des guirlandes graisseuses

les roses en plastique ne puent pas de la gueule

une dizaine de tables de bois recouvertes de toile cirée, des affiches de cinéma placardées sur les fenêtres, un panneau mural couvert de cartes postales punaisées
quelques tableaux-puzzle poussiéreux représentant une minque aux poissons et des pêcheurs de crevettes à cheval, un paysage de moulins à eau, de fermes basses et de rus bordés de saules blancs, taillés en têtards, qui clôturent les prairies et servent à protéger le bétail du soleil
les résultats des matchs de football inscrits à la craie sur un tableau noir
un poêle-colonne au milieu du local, briqué à la stoofpommade
des odeurs de châles et de manteaux humides
un chien bâtard, âgé, humide, repu, couché sur un paillasson, se séchant, se grattant sans entrain, s'assoupissant, ronflant au pied du feu
la respiration tranquille, les oreilles au repos
se réveillant brusquement, en sursaut, peinant à se relever pour accueillir et renifler les clients
leur tendant son museau
ou leur montrant les dents

deux petits vieux dansant à petits pas
en robe de chambre
Nonkel Tichke et Tata Mariette
qui avaient été condamnés à terminer leurs jours dans des hospices, des centres d'accueil et des maisons de retraite
et qui
un jour
avaient décidé de ne plus faire ce qu'on leur commandait de faire, avaient réussi à tromper la vigilance de leurs gardiens, s'étaient évadés des hospices et des centres de revalidation, des chambres aux volets toujours clos, des albums de famille, des meubles d'époque et des recettes de cuisine à l'ancienne, des histoires rabâchées des années de guerre
collaboration lucrative et/ou résistance héroïque avec/à l'envahisseur abhorré et/ou marchandages diaboliques avec l'Armée Secrète et/ou les bandits terroristes et/ou les patriotes et/ou le Nonce Apostolique et/ou les dealers du marché noir
dans lesquels des notaires, des avocats, des juges, des ayants droit et des gardes-malades les avaient enterrés pour toujours, les bourrant de calmants
- pour qu'ils cessent de crier et ne dérangent pas le personnel pendant la nuit
s'emparant de leurs bijoux
- pour ne pas qu'on les vole
les frappant avec des pantoufles quand ils ne sont pas sages et obéissants
- pour ne pas laisser de traces
confisquant leurs lunettes
- pour ne pas qu'elles se perdent
embarquant leurs animaux de compagnie et les plaçant à la fourrière
- pour qu'on s'occupe d'eux
enfermant leurs prothèses dentaires dans une armoire à pharmacie toujours fermée à clef
- pour ne pas qu'elles se cassent
et leurs tabatières
- pour qu'ils cessent de chiquer et de priser !parce que fumer provoque des maladies cardio-vasculaires et pulmonaires !
et leurs préservatifs
- parce que l'abus de sexe nuit gravement à la santé !
les ligotant à leur lit
- pour les empêcher de fuguer
les plaçant sous contrôle électronique
- pour qu'ils ne profitent pas des heures de visite pour traverser le hall d'entrée et filer au stamcafé, pour qu'ils ne dépensent pas tout l'argent de leur pension au bistrot

deux petits vieux dansant à petits pas
en mules et robe de chambre
portant un boîtier scellé au poignet ou à la cheville
se tenant tendrement par la main, ne se quittant plus des yeux
elle, coiffée d'un fichu, se parfumant à la lavande, jetant un brin de buis dans le feu lorsque l'orage gronde, défaisant les noeuds de son mouchoir, comptant ses sous, commandant à boire
- deux extra pils Piedboeuf export !
- j'n'ai plus ça, Tata Mariette
- et des bières Lamot, la Veuve, t'as encore ça ?

et Bigoudis, debout derrière sa pompe à bière, lui répond en souriant
- j'n'ai plus ça non plus, depuis longtemps déjà ! tu l'sais bien, Tata Mariette !
- alors deux pressions, Mère ! Sans faux col !

elle et lui
elle, jument ardennaise, cherchant à reconnaître des parents et des amis sur de vieilles photos jaunies, lisant à haute voix une vieille recette de cuisine comme s'il s'agissait d'un conte de fée, plaçant un zeste de citron dans le moutardier
- pour ne pas qu'ça s'dessèche
lui, cheval de trait des Flandres, tournant les pages d'un vieux journal, promenant son index sur les titres, s'arrêtant sur les mots succulents, enfilant des caleçons longs
- pour passer l'hiver au chaud
elle et lui
cultivant des légumes entre les tombes de leurs parents

elle, son visage à peine ridé, ses yeux toujours brillants, ses rangées de salades et ses plants de tomates, sa cuisinière au bois, ses moules à cake, son fouet ballon, son presse-purée, son moulin à herbes, ses rince-doigts, sa huche à pain boulot et à pain platine, ses farines d'épeautre et de marron, son potage de châtaignes, sa choucroute préparée avec les choux blancs du potager, sa soupe au lait battu, ses potées, son petit boudin aux oignons confits, ses oeufs pochés à la Chimay, sa cervoise aromatisée au miel, son beurre de coings, sa tarte al djote, sa makeye, son plat filet de Nassogne, sa potiflette ardennaise, ses carbonnades parfumées à la tartine de pain d'épices enduite de moutarde, ses crêpes et ses croustillons, ses cougnous, ses oreilles de béguines et ses petits sablés, son sirop de Liège et son fromage de Herve, ses laines désuintées à l'urine, ses plantes qu'elle arrose avec une infusion de thé, ses placards sentant encore la naphtaline, ses oeufs de Pâques peints au jus de betterave et à l'eau de cuisson d'échalote, sa fracture de la clavicule ou du col du fémur, ses capucines semées autour des pommiers et des rosiers
- pour chasser les pucerons !
et lui, ses rhumatismes et ses cheveux grisonnants rincés à la bière brune, ses matchs de football, ses courses de chiens et ses kermesses cyclistes, son demi-anniversaire fêté tous les six mois, ses derniers poireaux de l'hiver arrachés avec une bèche, ses sels de bain qui soulagent les verrues et les durillons, son cache-poussières, ses maquettes de bateaux, sa collection de porte-clés, ses rondelles de radis noir, son stoemp au chou et à la saucisse, ses boulettes à la sauce tomate, ses ballekes op Brabantse wijze met Florivalbier en aardappelpuree, ses chicons en ragoût, ses choezels, ses caricoles, sa soupe au lard, sa tête pressée, ses mosselen préparées avec du céleri vert et des oignons, ses frites mayo, son waterzooi de volaille à la gantoise, son rôti de porc mariné aux griottes, son boudin noir aux pommes cerises et lardons, son lapin ou sa dinde à la gueuze et aux pruneaux, ses pannekoeken et ses smoutebollen, sa confiture des vieux garçons, sa galantine de Turnhout, ses crevettes de Nieuwpoort, sa trappiste de Westvleteren, ses maatjes et ses rollmops, ses dentelles de Brugge aux amandes, ses gaufres de Veurne, ses spéculoos de Hasselt, son cochon de lait décapité à la sortie du four
- pour que la peau reste bien craquante !

et la Veuve Bigoudis, patronne du staminei-estaminet, nourrissant le poêle à charbon, vidant les cendres au fond du potager, cueillant les tomates, coupant les salades et les choux, donnant du foin à un âne ivre et sourd qui tire une carriole à l'abandon, jetant les épluchures aux lapins, allant chercher les oeufs cachés dans des niches à saints de l'ancienne chapelle du vieux cimetière adossé à l'église, égarant son dentier et le retrouvant au sous-sol près du troisième tonneau qu'elle vient de mettre en perce, offrant des rondelles de saucisse sèche et servant du pékêt à ses clients de tous les jours
- j'offre une tournée générale ! que tout le monde trinque à la bonne mienne ! il faut tuer la mort !
- ça s'refuserait peut-être !
- santé ! gezondheid ! prosit !
- s'en fout la mort !
Popeye, Victoire et Tia qui nourrissent les chats du quartier, Mamy et Parrain, Dieu-le-Fils, Polleke et Gigi, Papy qui n'a plus qu'une seule dent, Bazin qui vend des bintjes au cul du camion, Mamour-la-tigresse qui est championne de catch dans la boue et dans la mousse à raser, Dame Elise qui revient d'un pélerinage à la grotte de Lourdes à Jette, le Roi Léon, Flooit et ons Louitje, Zézette-la-Contagieuse et Ma Routou-la-Fiévreuse, Eddy-le-Veinard, Zwette Maurice, Staf Verjean, Heike Grenadine et Zotte Benoît qui font dans la photo de nu intégral artistique, P'tit Robert, Grand Jaja et Dikke Miche, Fons-le-Taulard, Pietje-le-Taxi et Jimmy-l'Aristo, Gus en Chris, Dédé Vitess'ke, Frank De Hakkelaar

pour avoir droit à l'allaitement, il est essentiel d'être reconnu par sa mère

Père Ngoye, Jacky-la-Mandibule, Maggy-la-Sirène aux petits seins pointus, Rudy-la-Frite, Ilse Caricole, Brunhilde et Mie-Jeanne, Rex qui a repris le nom de son vieux chien écrasé par un bus, Mohamed, Jamal et Saïd, Vieux Oscar et Vieux Théo qui décapsulent les bouteilles de bière avec les dents
cadenassant leur vélo, s'accoudant au zinc, roulant leur tabac, rallumant leur pipe, sirotant leur brune ou leur witteke, mangeant des tartines de fromage blanc, grignotant des oeufs durs et des boulettes à la moutarde, savourant un potage à l'oignon, accomplissant les rites selon la coutume, versant le fond de leur verre dans le creux de leur main et s'en frictionnant la tête, offrant leur tournée, se retrouvant chaque soir autour des mêmes tables pour regarder une émission de variétés à la télévision, assembler des puzzles, jouer aux dames ou aux dominos, taper le carton à 2 ou 3
battant les cartes, les distribuant, les retournant, voulant se refaire lors d'une prochaine partie, haussant le ton, montrant le poing, menaçant d'en venir aux mains
sortant leurs chaises quand il fait beau pour prendre l'air et faire la causette sur le trottoir
avant-bras pileux et mentons verruqueux posés sur le dossier des chaises ou le pommeau des cannes
engageant des paris, attendant que le portier du Z-BAR
- de Dieu ! spreekt gij vlaams ?
se fasse casser la gueule par un chômeur très énervé
- dat versta ik niet !
ou qu'une bagarre éclate entre un groupe de students éméchés et un couple de jeunes gens de bonne famille, que les flics débarquent, que le Zef se fasse écraser par une grosse voiture américaine
ou non
passant leur temps à regarder le temps passer
rejetant des crachats, rajustant leurs bretelles, observant les allées et venues d'une vieille deuche, reposant leur verre de pékêt, commentant la grossesse avancée de la petite Marie
- faudra pas l'chercher bien loin l'saligaud qui lui a soulevé l'capot à c'te gamine !
- un bébé du Bon Dieu, conçu à l'église, en moins de deux minutes, dans un confessionnal !
- ou sur la banquette arrière de la bagnole du curé !
- ou dans une bergerie ou un abri à oies !
buvant leur blonde ou leur brune ou leur blanche à la bouteille, laissant leur mégot se consumer sur le rebord d'un cendrier, nettoyant le tuyau de leur pipe


il y a deux marches de pierre bleue à l'entrée du café RIO
deux lourdes marches
deux marches
deux
d

quand on n'a pas les moyens de mourir
on apprend à se retenir

deux marches
saupoudrées de gros sel marin

que je gr gravis, d difficilement nt, glissant sur un sandwich fourré au fr fromage, des tartines à l'omelette, des pulpes de betteraves ou un papier g gras
gotferdoume
un cornet de fr frites jeté par un client, une capote usagée, une hostie recrachée, un z zeste de citron, une gr grenouille v rt verte, un tube de dentifrice, un tr gn trognon de pomme rouge, un papier de bonbon nc acidulé, un grgr grain de chapelet, un bouton de braguette e
bonj'oir
attrapant au vol une pièce de monnaie qq qu'on me lance
- vous êtes bien aimable, manneke !
danke, n'avend
joder

des gens âgés v vont au cimetière comme je vais au stamcafé, pour ren-
contrer des
gens

deux
deux marches
deux lourdes marches

d difficilement
joder

cloche annonçant le passage du marchand de saucisses au chou et soupe aux pois cassés

CAFE RIO
s ss s'il vous plaît ? watte ?
la m mort, ça se prend où ça se trouve, on ferme les yeux, on tr tire la langue, on avale ?
les rats d'égout se marrent q quand on les chatouille ?
avec un b bb bistouri i ?

mémoire saturée ! libérez de l'espace sur le volume qui contient les fichiers temporaires ! volume inexistant ! votre message a été supprimé sans avoir été lu !
- comment ça va, Zef ? hoe gaat't met je ? alles goed, Zef ? en forme ? alles in orde ?

c mpt compteurs de vie ayant viré au rouge, sauts latéraux pour éviter les b boules de feu que m'envoient les adversaires
s'il vous plaît ? w watte ?
- ça va aller, quoi !
je tire le fr frein à main, je d dépose mon sac cd de billes, m mes armes, mes sf fiches et mes st stylos
je m'assieds au bord rd de la route
je sors de mon nb bunker, je lève les sbr bras en l'air
- OK, j'arrête tout !
j'nf enfile ma c mb combinaison de survie, j'ct active mes balises de d tr détresse
dank u, b bonj'oir r
n'avend

effacement du d disque dur, linge bloqué dans la machine à laver, ascenseur arrêté entre deux étages, ch champignon grillé par le soleil
quand il a fait du soleil toute la nuit
il pleut toute la journée
rongeurs et cancrelats gr grgr grignotant les cordes des balançoires, dévorant les câbles des ordinateurs, abattant les calvaires, dérc déracinant les croix en bois des c cimetières et les p poteaux du téléphone pour allumer un bûcher
joder

les poissons n'aiment pas la pluie
des c cygnes-esclaves, enchaînés, les ailes graisseuses, font tourner, en gr grinçant, la grande roue de la machine à vents ts
de la machine à lever les
vents v vv vents nts ss vents ss s sss ts ssss tss s
vents vv nts v vvv vents ss vents ents tsss
v vv vvv vents s ents ss ents sss tss ssss ssssss
qui s ss sss ssss sifflent ff et rendent f fou
fou f ff fouuu f ff fff ffff fffff fouuu
fou f ff fouu f ff fff fouuuuu
f ff fouuuuuuu
ffouuu
ffou
ff
f

il faut mourir à l'heure, dans les délais, ne jamais faire attendre
on ng garde ss secrète sa maladie, on fait la file, on meurt en r ng rang, au pas, dd dans l'ordre alphabétique
s'il vous plaît ? watte ?
mel'si
il ne suffit pas de se jeter dans le canal, encore faut-il ne pas savoir nager

on pr prend son ticket à la boucherie, on attend son tour
goeie avond
n'avend, bonj'oir, danke
on nttr attrape au vol une pièce de monnaie qu'on nv vous lance
- vous êtes bien aimable, manneke !
on app pelle au s ss secours s, par télph téléphone, on se sert d'une pièce de monnaie m nd mendiée dans un couloir du métro
avec un ng gobelet en carton, pour éviter rd de transmettre la poisse à ses sg généreux bienfaiteurs
on attend son tour, les p pieds dans une flaque d'eau mazoutée, on attend nd
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !
on se suicide d dns dans un vieux xc cimetière adossé à l'gl église du Christ Ressuscité pour ne déranger p rs personne
- à vot'bon coeur ! bien gentil ! bien aimable !

Busleidengang
un abbé de la paroisse du Christ Ressuscité, amant du Beau, amateur de vieilles deuches millésimées et d'aquarelles anglaises du XIXe siècle, explique à une petite fille tout paniquée qu'il ne lui arrive vraiment rien d'extraordinaire
et qu'il est bien possible, après tout, qu'elle soit tout simplement enceinte
- comme la Sainte Vierge, mon enfant, médiatrice de toutes les grâces, associée au Dieu-Sauveur, mère compatissante, qui aime les pauvres, réconforte les malades et soulage la souffrance des miséreux
et qu'elle l'a bien cherché ! et qu'elle aurait quand même dû prendre ses précautions ! et que tout ça est absolument de sa faute ! mais qu'on va quand même essayer de lui arranger le coup !
- vous pouvez refuser mais il serait incontestablement de votre intérêt que vous vous soumettiez à un examen plus approfondi, ma fille
- lala lalala lala
- vous pouvez y réfléchir, mais j'aimerais bien que vous preniez contact avec une faiseuse d'anges
- lala lalala lala
- avec Madame Tina, par exemple
- lala lalala lala
- et je vous soutiendrai dans cette épreuve qui le Seigneur vous impose, mon enfant, et je ne manquerai pas de vous réserver une place particulière dans mes prières
- lala lalala lala
- et je suis même disposé à vous aider financièrement, dans la mesure de mes modestes moyens, mais c'est à vous, de toute évidence, qu'il reviendra d'entreprendre les démarches nécessaires
- lala lalala lala
- vous êtes encore jeune et vous en aurez d'autres, ma fille

un abbé de la paroisse du Christ Ressuscité explique à une petite fille toute paniquée qu'elle doit garder le silence et ne partager leur secret avec personne
- sous peine de péché de mort, ma fille ! il ne serait pas bon pour le salut de votre âme que vous témoigniez contre moi, ma fille !
- lala lalala lala

et qu'en toute occurrence, elle doit, dès à présent, s'engager à préserver la paix des familles, à respecter les convenances, l'ordre public et les bonnes moeurs
- ayez confiance dans le Christ ! priez le Divin Sauveur, ma fille ! élevez votre âme, mon enfant !
- lala lalala lala
- certes, l'avortement est toujours un mal, mon enfant, mais, dans des situations particulières très délicates, il ne constituepas nécessairement une faute
- lala lalala lala

et que si, nonobstant les conseils qu'il consentait à lui donner, elle faisait preuve de légèreté coupable et décidait, par égoïsme et légèreté, de garder le bébé, elle devait dès à présent s'engager à ne jamais laisser l'enfant s'approcher de son père
- jamais ! au grand jamais, ma fille ! vous seriez interdite de messe et l'accès aux Saints Sacrements vous serait aussitôt refusé ! j'y veillerai personnellement !
- lala lalala lala

les bébés s'abiment quand on les sort de l'eau

- on fait comme on a dit, mon p'tit chou ?
- lala lalala lala
- demandez-moi encore une fois pardon pour tout le chagrin que vous m'avez causé, mon lapin, ensuite vous vous mettrez à genoux, vous me ferez une petite gâterie d'adieu, je vous donnerai ma bénédiction et vous pourrez aller en paix, mon enfant !

une enfant pleure
- Bompa Zef ?
une petite fille gratte le vernis de ses ongles qui commence à s'écailler, enlève le fard de ses joues, frotte le rouge de ses lèvres, essuie le blanc de ses paupières
- Bompa, je ne veux pas que tu partes, ne m'abandonne pas, ne me laisse pas toute seule

une petite fille saute à la corde
- youppie youp, les sorcières sont venues, lala lalala, elles sont venues en se cachant, lalala lala , youpee youp, elles ont pris mon fiancé, lala lalala
une petite fille fait redescendre sa jupe marine jusqu'aux genoux, enfile sa petite culotte de flanelle, reboutonne son chemisier
- si tu me quittes, je m'en fous, lala lalala
une petite fille se lave les cheveux, recrache son chewing-gum à la menthe, efface les traces de la laque et du gel qui maintenaient sa coiffure en place, tète son tchoc-tchoc en laine, se noue un foulard autour des hanches et se met à danser
- si tu me quittes, lala lalala, j'en prends un autre, lalala lala, si tu me quittes, lala lalala, j'te remplace, lalala lala, trois pas en avant, lala lalala, trois pas en arrière, lalala lala, trois pas à gauche, lala lalala, trois pas à droite, lalala lala
une petite fille remet ses lunettes rondes, se tresse des nattes dans le dos, les noue, y pique un noeud de satin noir
- Bompa, si tu meurs, je veux mourir avec toi

cacanéant
et cornes de crocodile
inflammation du gros orteil, oedème des paupières, mâchoires douloureuses, diabète, cholestérol et sang dans les urines
ménagères, mangez du lièvre et du lynx, du rat et du serpent, du réfugié économique et du flic politique
fourgons de l'ex-gendarmerie et double rangée de chevaux de frise à l'entrée du Palais royal

- alles goed, Zef ? qu'est-ce qui s'passe avec toi ? encore en vie ? encore en forme ? alles in orde ?


IMPASSE DES BOUGONNEMENTS

on d descend la voile pour ps passer le pont et accéder au vv vieux port
on remonte le f ff fleuve en hâlant le bateau, péniblement, j jusqu'aux collines
- ça va aller, quoi !
on s'applique sur le corps des v ventouses noires et vivaces, bientôt gorgées de sang g
joder
on tire son âne p par la queue, ivre et sourd, errant au bord des routes, les yeux x rb exorbités, les naseaux frémissants, abritant l'm âme d'un mort, dv divaguant
on le tr trait une dernière fois, pour le soulager, avant de l'abattre dans un parking, à coups d de marteau
n'avend
dank u

les as ss assassins ss se déplc déplaceront la n nuit
par gr groupes de six à sept p rs personnes, rm armés de fusils stm automatiques,
cm commandés par un hm homme muni d'n un s ss sifflet
n nus
la poitrine nd enduite de bb bouse de v vache pour se rendre rn anonymes, nv invisibles, mp impénitents
le front nt et les joues n rc noircis au charbon np pour ne pas être r reconnus
le nez d ss dissimulé d derrière un m sq masque hygiénique
la p pointe des oreilles, le cnt contour des yeux et l'xtr extrémité du p pénis p peints en rouge fl fluorescent
le front ntc ceint nt de feuilles de palme tr tressées
des crq criquets leur sautant ntr entre les j jambes

v vampires s s'gr agrippant au plafond, visages barrés de lunettes noires, dents t taillées en pointes, paraissant nts somnoler, ch chiant du boudin blanc aux pommes et aux raisins, pr prêts à fondre sur leur proie, eh
crapauds q quittant les mares et se cachant nt dans les sm massifs

à la fin de l'hiver
le crapaud gagne l'étang de sa naissance pour s'y reproduire
il traverse les autoroutes, les pistes cyclables, les rails de chemin de fer et les champs de bataille
les cynodromes, les hippodromes et les aérodromes
et nourrit le héron

corneilles fr frappant au carreau
hurlement des c coyotes à la rc recherche de leurs nourritures

bien élevés, les assassins enfilent des g gants de chirurgien et tq tq tq toquent à la ff fenêtre avant d'entrer rd dans la chambre à coucher et td de trancher la gorge de leurs pr proies

le héron confie sa vie au crapaud
on casse sa canne, son nd dentier, son nt thermomètre
on avale son ch chewing-gum et la p puce de son np portable
on enlève s son patch, on rr arrache son g goutte-à-goutte
bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag
on brise sa carafe en cristal, son assiette de pp porcelaine et ses verres de contact ct
on achève de r mpl remplir son nc conteneur de déchets sp personnels, de merdes sc chiées, d'rg organes amputés, de spermes sv versés
n'avend
danke

quand la mort se pr présente
si elle me ss sourit
je la pr prends par la m main, je lui b baise la bouche, je lui rn renifle le c cul, je ne la laisse plus pr partir

ménagères, ayez du coeur
chants de Noël au Palais Royal

CAFE RIO

un vieux platane, couvert d'ulcères
dont les racines déchaussent les pavés du trottoir et dont la base est pourrie
un vieux platane s'abat sur une voiture en stationnement, arrache des câbles électriques, épargne de justesse le fritkot de Tina, écorche la façade du Z-BAR, situé de l'autre côté de la place

- alles goed, Zef ? toujours en forme ? alles in orde ?

édentée, nue, grotesque
assise sur un pot de chambre en plastique
fermant les yeux pour se protéger de la lumière
arrachant les pattes d'un mouche urticante avec une pince à épiler


comment p pp peut-on savoir q qu'on est déjà mort ?
les yeux se c cr creusant, le thorax et le ventre gonflant, une b boule de graisse apparaissant dans le dos, d doit-on s'habiller pour mourir, enlever ses tatouages, s'aplatir le v ventre, se tonifier les fesses, se p pp poudrer les verrues purulentes, se refaire les lèvres, se colorier le nombril et se f farder les joues, se regonfler les gn ignames, ch changer de s sexe ?


la mort est assise au bout du tunnel
sous les spots
jetant des cartes dans un chapeau
désignant du doigt les arbres qui doivent être abattus
regardant sa montre

salopette et béret, doigts couverts de plâtre, de taches de couleur et de sparadraps
un type remonte sur sa bécane, pédale contre le vent, divague au milieu de la chaussée
frôlé par le rétroviseur d'une fourgonnette de chantier
aspiré par le déplacement d'air d'un autobus matinal
accroché par un véhicule de ramassage à compression de la voirie
happé par un tracteur aveugle ou une moissonneuse-batteuse
renversé par un camion-pompe servant à déboucher les égouts et à vider les fosses septiques
fauché par une motocyclette
gm augmentation du v volume de la pr st prostate s'cc accompagnant de d ff difficultés rn urinaires, dirrh diarrhée p rs persistante sévère ou c nst constipation opiniâtre, tr tremblement des mains, des br bras, des jambes, des mâchoires et du visage, scrapie du mouton
- ça va aller, quoi !

foetus avariés, cadavres de chats mr marrons et de p pigeons bisets obstruant les sg gouttières
rigidité du tr tronc, ns insuffisances r sp respiratoires, perte de co cocoor coordination des m mm mouvements nts, p paralysie de la langue et du ph pharynx, fr fragilisation du sq lt squelette, formation de pl plaques ss séniles dans les t testicules, d détérioration des ff fonctions s ss sexuelles
comment être v vraiment sûr qu'on est tout à fait mort ?
incendie r ravageant le c tr central téléphonique, le terminal portuaire et les entrepôts
- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !

je cueille et j j'avale les bonnets de lutin qui me poussent dans les poches, je r remonte en enfance, j'bl oublie tout, je ne me souviens nsp plus de r rr rien
- bien gentil !
ni du motif du c rr carrelage de la cuisine où l'on a m'a tr torturé, ni du t mbr timbre de la v voix de mes sb bourreaux, ni de la c couleur des lacets de leurs b ttn bottines m militaires
s'il vous p plaît ? watte ?
mes oreilles c commencent à me mentir, mes yeux rêvent à midi, mes d doigts ne répondent plus au froid et au feu, je respire par un tr trou en plastique qu'ils m'ont ouvert dans le cou, mes fétiches ont perdu beaucoup de leurs p pouvoirs magiques
les mots n'ont plus les mêmes odeurs
je g gr grumine
- un seul avenir, manneke, la mort !


IMPASSE DES MURMURES

une vieille deuche s'y engouffre à nouveau
un homme en noir s'en extrait, fait signe à une petite Marie, l'appelle, l'invite à venir le rejoindre à l'intérieur de la bagnole
- tu étais encore là, toi ? tu t'habillais toujours en civil ? tu décidais d'enlever ta soutane et de la j'ter au sale ? j'te piquais tes bottines de cuir noir, tes fixe-chaussettes et ton col romain ? j'emportais ton surplis, ton aube et ton étole, ta chasuble, ton maillot de corps et ton caleçon long ? j'cachais tout l'bazar dans la cuvette des toilettes ou dans le four à micro-ondes, j'te tirais la langue et t'essayais de m'piquer avec un affreux porteplume ou un horrible tisonnier ? j'avais un grand secret et je le gardais pour moi toute seule ? je me retenais de pleurer ? qu'est-ce que ...
l'assomme d'un violent coup de bible annotée et cartonnée, lui brise un calice sur le crâne, lui ouvre le ventre, la saigne avec le couteau du sacrifice, lui arrache les tripes, la vide du fruit de ses entrailles
- il fallait la crever, cette putain, c'était un démon !

la lame du couteau doit être neuve
pour diminuer la souffrance de l'animal

une vieille deuche redémarre, en marche arrière, nerveusement, brutalement, furieusement, sans prendre garde à rien, haineusement
- diableries et sorcelleries, elle se faisait pressante ! elle voulait me présenter sa marraine ! elle voulait même rencontrer ma mère ! elle voulait que je l'épouse pour de vrai ! elle voulait que je l'aime plus que Notre Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur !

Z-BAR

le portier du Z- BAR finit de travailler vers 4 ou 5 heures du matin et
- de Dieu ! spreekt gij vlaams ?
se dépêche de rentrer dans son trou à rats ou son placard à balais et
se gave d'odeurs de foutre froid, de pot de chambre mal rincé, de déodorant bon marché, de chanvre congolais et de bougie parfumée à l'encens abandonnées par un couple d'amoureux fauchés qui l'avaient supplié de leur louer sa piaule pour une affaire urgente, un coup pressé et
ramasse quelques kleenex souillés et les jette dans la corbeille à papiers et
défroisse les draps, secoue les oreillers, entrouvre la fenêtre, aère son lit puis le refait à la va-vite, ferme les rideaux, déboutonne sa braguette et
sort quelques revues de cul planquées entre le sommier et le matelas et
les feuillette
fébrilement, fébrilement, fébrilement, fébrilement, fébrilement et
se masturbe
énergiquement, énergiquement, énergiquement, énergiquement, énergiquement
la gueule ouverte, les yeux vitreux
- con de Dieu ! con de Dieu ! con de Dieu !
dans un mouchoir, un journal de petites annonces, un gant de toilette ou des chaussettes de laine et
reconstitue ses forces de travail et
grigote rapidement quelques tartines avant le lever du soleil et l'extinction des lampadaires
omelettes au lard salé, rollmops à la mayonnaise, sardines portugaises ou marocaines en boîte et
s'étend et
s'end
or
t
mon sexe rr rentre en lui-même, à l'abri, dans sa cq coquille e
et d disparaît
- pourquoi je devrais voter pour Dieu alors qu'il me doit plein de pognon ?
gotferdoume
je r repousse avec les pieds les ss assauts des chiens ratiers et des s rp serpents d'eau
- et qu'il attend que je sois tout à fait mort pour me règler ses dettes ?
joder

tout est trop
je m m'enfonce dans des rêves sombres et torrides, d dépourvus d'oxygène
- sauvez-moi, guérissez-moi, délivrez-moi ! Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux veut me casser la gueule, le Seigneur veut me buter, Béni soit son Nom !

respirateur pp plaqué sur le visage, je tiens à la main une corde de
r rappel
qu'ils décident de couper
un j jj jour ou l'autre, sans prévenir, savent-ils seulement p rq pourquoi, eux-autres ?

tout n'est rien
ramassé par un c cca camion poubelle des s rv services sociaux urbains, on me r retrouve le lendemain matin, dans un c mm commissariat de police, au pied d'un sc escalier, les bras m menottés sd derrière le dos, les chevilles entravées, un bandeau sur rl les yeux, décédé d'un arrêt c rd cardiaque ou asphyxié par c mpr compression thoracique

ou j je me casse la gueule en sautant de l'ambulance qui me c nd conduisait aux rg urgences
côtes fracturées, rate éclatée, poumon p p rf perforé
rg régurgitant par la bouche une sb stc substance rosâtre et mousseuse
m m'enfuyant, libre b bre
à p pied ou à vélo, à dos sd d'âne ou de ch chameau
- ikke ?

CAFE RIO

café des larves et des crapauds
café des choux, café des mouches, café des blattes, café des rats
une grosse cloche signalant aux clients qu'il est l'heure de fermer

q qq ... quand je suis une ... m ... mouche ... une merde ... un cr ... crachat
ne p ... parvenant ... mmm ... même ... plus s à ... attraper au ... vv vol ... une der ... nière ... pièce ... de ... monnaie qu'on m ... me lance ...
n'ayant ... pp plus assez ... de ss souffle ... pour tt terminer ... mes ph phra ...ses ...

on ... t téléphone à la ... p police
on pr ... prélève mes ... mpr empreintes ... on ... me ... ph ... pho ... photographie de ... f face et de ... pr profil ...
on écrit m ... mon his ... histoire ...


ON ME RETROUVE PRES DU CANAL, DANS UN REDUIT A OUTILS, ENTRE UN SEAU DE PISSE ET UN SEAU DE MERDE, GELE DE FAIM

LE CORPS RAIDI PAR LA MORT, LE TORSE PERCE DE CLOUS, LES YEUX FIXES ET GRANDS OUVERTS, LE NOMBRIL INCRUSTE DE DEBRIS DE MIROIRS, LE COEUR ARRACHE, LE VENTRE PERFORE, LES INTESTINS CHARGES DE ROGNURES D'ONGLES, DE POILS PUBIENS, DE PLUMES SANGLANTES, DE LAMES DE RASOIR, D'EPINGLES DE CHIGNONS

ON ME RETROUVE AU FOND D'UNE IMPASSE, DENUDE, DETROUSSE, DEPECE, JAMBES ET BRAS BRISES, ROTULES BROYEES, MACHOIRE FRACASSEE, CRANE ECLATE A COUPS DE BATTE DE BASE-BALL


on me t ... transporte
ver ... verdoeme ... t ... toch

cacanéant et ... cornes de ... crocodile
on ... m'invite à ... revenir sur ... scène s saluer ... mon p pp ... public ?

la mort d'un sorcier, on fait la fête