dimanche 9 mai 2010

Zef - Busleidengang, Jozef - Le mort d'un sorcier... on fait la fête - Présentation- Page de couverture


Didier de Lannoy
« Busleidengang, Jozef »
, sous-titré « La mort d’un sorcier, on fait la fête », roman avec une bande son (grincements de portes et de poulies de puits, cris d’oiseaux !) carrément inaudible



Ce texte, enfermé depuis près de dix ans dans le disque dur d'un vieux Mac (LC III) et géré par un programme Ragtime obsolète et inconvertible... a été libéré in extrémis (en lambeaux, certes... amputé de sa bande son et de ses grandes enseignes lumineuses, les oreilles arrachées, les yeux exorbités... totalement défiguré... mais encore vivant) par Djuna le Magnifique, en date du 28 avril 2010






« Jodi, toute la nuit »
(intitulé aussi, à l’époque, « Ils sont tous presque mariés et moi je n’suis qu’une serveuse ») et « Zef » (également intitulé
"Busleidengang, Jozef", "Bon’joir " ou, mieux encore, "La mort d’un sorcier, on fait la fête ", anciens "projets" ayant survécu au grand brûlement de tous mes manuscrits (à Kinshasa, dans les années 1985-1986) ont été remis en chantier et réécrits « parallèlement » aussitôt après la parution en 1998 du roman « Le cul de ma femme mariée » aux éditions Quorum.

De quoi s'agit-il ? Cliquez sur:
http://leculdemafemmemarie.blogspot.com/


Leuven, Mbanza-Mboma, Nassogne (Belgique) et Ixelles-Elsene
2000-2001


Zef - texte intégral (1ère partie) ... sans bande son ni enseignes lumineuses

Didier de Lannoy
La mort d'un sorcier, on fait la fête
2000-2001
Texte intégral (1ère partie) ... sans bande son
ni enseignes lumineuses



"Busleidengang, Jozef", raconte l'histoire de Zef. Sa vie et sa mort. Entre le XIXe siècle et le XXIe siècle. Entre la République française et le royaume des Pays-Bas. Une vie en espalier, avec des enseignes lumineuses, des proverbes bidouillés, des francs et des euros, des terrains vagues, des fenêtres et des braguettes à trente-deux boutons s'ouvrant sur d'autres histoires possibles. Avec effluves et phéromones, bruitages, parasites, cancers et moisissures, bactéries et germes pathogènes, imprécations, atermoiements funestes et précipitations inconsidérées, termites, cadavres de pigeons obstruant les gouttières, brindilles de bois mort et p puces de r rr rat

s'il vous plaît ? watte ?

b bonj'oir

goeie avond

dank u


je ne pose pas de questions, j'émets, j'énonce, j'éructe, je pr profère

- à vot'bon coeur !

attrapant au vol une pièce de monnaie qu'on me lance, eh

joder

je f ff fronce et je cr crécelle

je prononce et je proverbe

j'rct éructe

je profère

prf f

un seul remède contre l'héroïsme, le cancer des couilles


quand je suis une mouche à merde, je tiens un rouleau de pellicule pour un attrape-


il y a deux marches de pierre à l'entrée du café RIO

saupoudrées de gros sel marin


mouches et je lui f fais des

g gg gourmandises s

godverdomme


CAFE RIO


il y a deux marches de pierre bleue

à l'entrée

du café

RIO

O


et la patronne du staminei-estaminet, en bigoudis, faisant claquer ses gros sabots de ferme fourrés au foin ou à la paille sèche, armée d'une serpillière et de deux seaux, d'un balai-brosse et d'une raclette

chasse les mouches, piétine les blattes, traque les chiques, les mégots, les chewing-gums, les sparadraps, les serviettes hygiéniques et les tessons de verre qui se planquent sournoisement en dessous des banquettes, jette de la sciure sur le carrelage, immobilise avec la main une ampoule qui se balance d'avant en arrière, lave à grands jets d'eau les pavés de grès du trottoir qui se déchaussent sous la pression des racines d'un vieux platane, frotte les vitres, s'efforce d'enlever la mince couche de nicotine qui s'y est déposée au fil des jours et des semaines, gratte les murs à la brosse en fer pour effacer les graffitis, éloigne les poules qui picorent le mastic des carreaux, descend à la cave pour y prendre du charbon, rate la dernière marche de l'escalier et manque se briser la cheville


en face du Z-BAR

CHEZ TINA


déjections canines souillant les trottoirs, pulpes de betteraves, mégots de cigarettes, papiers de bonbons chiffonnés, kleenex froissés, trognons de pommes rouges et pansements rouillés, couches-culottes usagées, langes souillés, tubes de dentifrice écrasés, grains de chapelet grignotés par les rats de messe, dégueulis d'hosties avariées


odeurs d'épluchures de pommes de terre

le fritkot de Tina est une ancienne roulotte de camping, aménagée en friterie-frituur, installée sur pilotis

entre le café RIO et le Z-BAR


tout près du MACUMBA

dancing des raclures, des déchets, des rebuts, des racailles, des résidus de nuit, des ivrognes bagarreurs de fins de kermesses et de bals populaires, des crachats visqueux, des disques grillés, des bielles fondues, des jantes tordues, des chewing-gums et des sparadraps qui collent au fond des cendriers

et pas loin de l'AMBASSY

bordel de voisinage et de proximité, maternel et surchauffé, avec un bar, deux arrière-salons, trois chambres à l' étage

et quelques mansardes sous les toits

louées à des étudiants qui ne prennent pas la peine de se rendre aux toilettes du premier étage et se soulagent par la fenêtre, directement, dans la gouttière


Tina a enlevé les volets de son fritkot, fixé l'auvent, donné un coup de balai à l'extérieur, branché les bouteilles de butane, allumé les fourneaux, fait chauffer les graisses, trié, brossé, lavé, épluché et découpé les patates, aligné les bocaux sur les étagères, mis la radio en marche, servi les premiers clients

ouvert son sac, sorti ses aiguilles à tricoter et ses revues de mots fléchés

pour entretenir la forme


Tina fait des frites et les vend, depuis bientôt trente ans

Tina est frituriste

- ik ?

je tiens un rouleau de p pellicules pour un attrape-mouches

et quand on m'interroge

si je suis allergique aux poussières et à c rt certaines espèces de gr graminées, si j'prv éprouve une sensation d'opp pression dans la poitrine ou dans la région pectorale, si je crache des sg glaires pendant l'hiver et me fais régulièrement d dd déboucher les r rr oreilles à l'aide d'une poire en cc tch caoutchouc, si j'ai des pr problèmes de parole ou d'entendement, si j'ai mal aux mollets en montant td deux marches de pierre bleue à l'ntr entrée du café RIO, si je suis ncm incommodé par de petites st taches floues qui me s st sautillent devant les yeux, si je c nst constate des d ffc difficultés à évacuer complètement mes sxcr excréments ou si j'ai modifié récemment mes h bt habitudes en matière de d fc défécation, si je suis pr propriétaire de trois sb baraques, si j'ai tout tp plein de pognon et si je le p place en ct actions ou en obligations, si je parle fr français ou néerlandais, si la police me laisse tr nq tranquille, si j'ai encore des ch cheveux sous ma c sq casquette et si des sc chauve-souris sr sortent des sp poches de mon nm manteau, tous les s soirs, vers 18 heures

les cheveux

quand on les cueille, quand on les coupe et quand on les arrache

quand on les met dans des pots

perdent toutes leurs couleurs

si ma br braguette est ntr entrouverte, si je sais sj jouer de la tr mp trompette avec les m ns mains, si je f fais encore l'amour, avec qui, cm comment, p pourquoi

si je me m mm mst msttt masturbe tous les s soirs dans un pot de ch mbr chambre ou dans un seau en p plastique, si des g gouttes me tombent toujours de la v rg verge lorsque j'ai fini de pisser, si j'utilise des pr tct protections nt antifuites ou si je p prends d'autres mesures sp spécifiques, si je suis d'humeur fn fantasque et c pr capricieuse, si Zef est mon vrai nom, si mes verrues sont purulentes, si je me sens las de vivre, pour qui des l rm larmes me coulent p rf parfois des yeux

je ne réponds js jamais, je p pousse des cris, je ricane, j'rct éructe et tj je pr profère e

prf f


Tina vend des frites au saindoux

- croustillantes à l'extérieur, moelleuse à l'intérieur !

à quarante befs (environ 1 euro), cinquante befs (environ 1,25 euro), soixante befs (environ 1,50 euro)

- moins cher !

mangées avec les doigts

servies à l'ancienne dans des sachets à pointe

ou dans des barquettes en plastique ou en carton

moutarde et mayo, sauce cocktail, sauce marocaine, sauce andalouse, sauce américaine, sauce tartare, sauce à l'ail, sauce tzigane, sauce banzaï, sauce au curry, sauce au pili-pili

cornichons, pickles, oignons

cervelas, saucisses sèches, fricadelles, brochettes, croquettes de dinde ou de poulet, boulettes de viande précuites, carbonnades, goulash

hot dogs, hamburgers, saucisses blanches

beignets, loempias, nems, samosas

merguez

maatjes, harengs saurs, oeufs à la russe, moules au vinaigre, rollmops, canettes de bière et de Coca-Cola

Tina invite ses clients à commander

- d'abord les viandes et ensuite les frites ! pour faciliter le service !


- ik ?

la langue est amp-

utée

la bouche est éd-

entée e

la lèvre est déch-

irée

rrah ! rah! rah!

cris d de crabe

crabcès, cr craries, des s

cris de rire, des cc cris de sable

je ricane, j'rct éructe

et je pr profère

prf f

épingles et c clous enfoncés dans l'écorce du tronc d'un arbre mort rt

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !

baies d'rg argousier, de de h houx, de g genévrier ou de srb sorbier

- bien gentil ! bien aimable !

graines de v verrues recrachées p par un merle ou une gr grive, restées c collées s sur le m menton et y ayant g germé

n'avend

s'il vous plaît ? watte ?

danke

blattes me sortant des oreilles et du nez, du gosier et du t trou de balle, se nourrissant de mes parasites


je ricane, j'rct éructe et je p pr profère e

des cris de lettres perdues, de lettres ar rrachées

deux

deux lourdes marches

deux lourdes marches de pierre bleue

saupoudrées de gros sel marin

à l'entrée

du café

RIO

O

ce qui pèse le plus quand on meurt

tous les soirs

c'est de se réveiller dans son lit

tous les matins

et de devoir se lever, se laver et s'habiller

manger, causer, fumer, tousser, pisser, chier, crier, danser, bander, baiser

pointer, bosser et casser les cailloux

chasser, cueillir ou cultiver

vivre

jusqu'à la nuit tombée

comme si rien ne s'était jamais passé


Busleidengang, à côté de l'entrée du Z-BAR

panneaux d'exclusion cloués aux arbres, pancartes agressives, obscènes et menaçantes

affichettes de rendez-vous pervers placardées sur les palissades ou collées sur les poubelles ou les sorties de secours, murs des chiottes barbouillés de graffitis merdeux, mots d'ordre effrayants et slogans haineux tagués au spray, monstres libidineux et violeurs sadiques dessinés au charbon de bois, déclarations de haine tracées à la craie

signatures, chiffres maléfiques, initiales et lettres majuscules gravés au couteau sur l'écorce du tronc d'un arbre mort


défense de pisser sur les murs

interdiction de déféquer sur la voie publique

interdiction de pêcher à la mouche dans les étangs du château

verboden voertuigen te wassen

défense de laver les véhicules

les jeux de ballon sont interdits dans la cour de l'immeuble

les chaises roulantes sont priées de passer par le garage


FRATERNITE ARYENNE ! SUPREMATIE BLANCHE ! UNION PATRIOTIQUE ! REVEIL NATIONAL ! ECRASONS LA VERMINE ! DIEU EST GRAND ! HONNEUR ET PATRIE ! ETHIQUE ET TRADITION ! LA DIRECTION SE RÉSERVE LE DROIT D'ENTRÉE ! TODO POR LA PATRIA ! PREFERENCE NATIONALE ! IVOIRITE ! CE QUE NOUS FAISONS NOUS-MÊMES, NOUS LE FAISONS MIEUX ! ROMANIA MARE ! DUC IN ALTUM ! GLOIRE A LA FRANCE ! TOUCHE PAS A MON BELGE ! NUS FÉMININS RÉALISÉS D'APRÈS MODÈLES ! HOMMES MURS RECHERCHENT COMPAGNIE DE JEUNES FEMMES STERILES ! NOS PAUVRES D'ABORD ! IDENTITE CHRETIENNE ! SUS AUX MOSQUÉES ! DU VIN, DES FEMMES ET DU BOUDIN ! FAISONS LE MÉNAGE ! ECRABOUILLONS LES INSECTES ! CHASSONS LES CANCRELATS ! ERADIQUONS LES NUISIBLES ! FRAPPONS LES PINATAS ET COGNONS LEUR LE VENTRE AVEC UNE BATTE DE BASE-BALL JUSQU'A CE QU'ELLES CRACHENT LEURS BRONCHES ET CHIENT LEURS ENTRAILLES DANS LA RIGOLE ! BIENVENUE EN ENFER ! RETOUR A LA TERRE DES ANCÊTRES ! RELAXATION COQUINE ! ON DEMANDE SERVEUSES !

orgue de barbarie installé sur une carriole sans charretier, tirée par un âne, ivre et sourd, abritant l'âme d'un mort, divaguant


je r ricane

c cris de crabe ensablé

de vampire éd-

enté é

j'rct éructe et je pr profère

prf f



BUSLEIDENGANG


tenir les chiens en laisse

pizzas om mee te nemen

pizzas à emporter pour la vie entière

interdiction de pisser en dehors de la rigole

interdiction de déposer des détritus

interdiction de tremper son mouchoir dans le sang des suppliciés

défense de prendre fait et cause

interdiction d'installer des extracteurs de hurlements dans les prisons du Roi

interdiction de passer outre

verboden aan te plakken

défense d'afficher


JESUS SAUVE, GUERIT, DELIVRE ! ARBEIT MACHT FREI ! MUKLISTO ADJALI MWINDA ! ALLES VOOR VLAANDEREN, VLAANDEREN VOOR KRISTUS ! ELECTROCUTONS LES MOUSTIQUES ! STERILISONS LES HANDICAPES ! REGULONS LES ESPECES ! PADANIA LIBERA ! INTERDIT AUX NORD-AFRICAINS ! MARCHONS SUR LES SYNAGOGUES ! EMPECHONS L'HOMOSEXUALITE IMMORALE ET LES ORGIES VICIEUSES ! DEFENDONS ET ILLUSTRONS LA LANGUE FRANÇAISE ! IMMIGRATION ZERO ! NO ALLA MOSCHEA ! VIVE LA BIERE, LES MOULES ET LES FRITES ! QU'UN SANG IMPUR ABREUVE NOS SILLONS ! LES FLAMINS C'N'EST NIN DES DJINS ! ON NE RECRUTE PAS DE NOIRS POUR LE SERVICE EN SALLE ! MORT AUX LOUKOUMS ET AU BOEUF ANGLAIS ! FORMONS NOS BATAILLONS ! KAMERADEN TOEN, KAMERADEN NU ! JETONS LES KURDES A LA MER ! INTERNONS LES TZIGANES ! EXTERMINONS LES INYENZI ! WALEN BUITEN ! SOLI DEO GLORIA ! CLANDESTINS DEHORS ! CORNELIU VADIM TUDOR PRESIDENTE ! DIEU SOIT BENI ! GORA ETA ! FDF VAINCRA ! GEEN FACILITEITEN ! WALLONNIE INDEPENDANTE ! RATTACHEMENT A LA FRANCE ! VIVA EL PERELLO LIBRE ! VLAANDEREN ONAFHANKELIJK ! A BAS LES IGNOBLES ! GAZONS LES BLAIREAUX DANS LEURS TERRIERS ! NETTOYONS LES MUTINS ! DESINFECTONS GAZA ! STÖRKRAFT ! ENDSIEG !


interdiction de ne pas heurter la pudeur d'autrui

interdiction de stationner devant les bars à hôtesses et les églises du Christ Ressuscité

interdiction de faire la manche

- l'aumône faite à une population fragilisée finance et encourage la consommation de drogue et d'alcool !

interdiction de nourrir les hommes qui errent dans les rues et de leur jeter des grains de maïs et des croutons de pain par la fenêtre

une enfant, quelquefois, une petite fille aux joues de faïence, élevée par une marraine en chaise roulante, vilaine et méchante, impotente et incontinente, qui utilise sa nièce comme cuisinière, lavandière, garde-malade et femme de chambre

- lala lalala lala

une petite fille aux ongles rongés, aux lèvres livides, au visage barbouillé de chocolat, aux yeux boutons, aux doigts tachés d'encre

n'ayant pas beaucoup d'amies, ne s'intéressant pas vraiment aux garçons, rougissant quand on la regarde, s'enfuyant quand on l'appelle, ne se posant jamais de questions, ne s'inquiétant encore de rien, allant toujours au pot et se torchant le cul avec un gant de toilette, chaque soir, avant de se coucher

jupe marine à plis, lunettes rondes, noeud de satin noir piqué dans les cheveux, nattes sur les épaules ou se balançant dans le dos

- Bompa Zef ?

dessinant un gentil poisson rouge et un joli canari jaune dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé, jouant avec des marionnettes de bois et une poupée de chiffons, sautant à la corde, suçant son pouce pour savoir d'où vient le vent, s'essuyant la bouche avec le bras

- youppie youp, les ex-gendarmes sont venus, lala lalala, ils ont pris mon fiancé, lalala lala

mangeant ses croûtes et avalant sa morve, dansant avec les feuilles mortes, tétant son tchoc-tchoc en laine, interpellant une ombre

- trois pas en avant, trois pas en arrière, lala lalala, trois pas à gauche, trois pas à droite, lalala lala, Bompa, c'est toi ?

une petite fille vient se laver les mains au filet d'eau rouillée qui se déverse en crachouillant dans la rigole de la pissotière du Busleidengang, à côté de l'entrée du Z-BAR

- ils ont pris mon fiancé, lala lalala, mais je n'en suis pas fâchée, lalala lala, car un autre le remplacera, lala lalala


une petite fille se passe la paume de ses mains sur la surface du mur, enlève des écaillures de vieille peinture au plomb, se donne la Sainte Communion, tète le soufre des allumettes, les tubes de colle et de dentifrice, sniffe, jouit


je e

j je brandis des crocs d'un rire

une poule gratte des feuilles de laitue, picore des coquilles d'oeufs, distingue une


ruiné, borgne, ép-

ilé


mouche


une p poule, sur un rebord de fenêtre, au rez-de-chaussée, picore une mouche à m rd merde à t rv travers la vitrine d'un bordel de famille, m maternel et sr surchauffé

éclairée au n néon

rose-vert

fluo


A L'AMBASSY


un type en bicyclette circulant au milieu de la chaussée

en sens interdit

salopette et béret, thermos et boîte à tartines, cigarette sur l'oreille, canette de bière à la main, sac de sport porté en bandoulière

zigzaguant, faisant du vélo sans les mains

sur une bicyclette non éclairée

un type aux doigts couverts de peinture et de sparadraps,

visitant tour à tour les différents bistrots du quartier, sifflant faux

- des gars qui sifflent sur les chantiers, y en a plus !

se raclant la gorge et reniflant, un type s'arrête devant le MACUMBA, descend de sa bécane rouillée, urine sur la façade du dancing, boitille, bute sur un pavé déchaussé, trébuche, perd l'équilibre, manque se casser la gueule sur la bordure du trottoir, se rattrape de justesse, oublie de reboutonner sa braguette


Tina de la friterie-frituur, fichu noué sur la tête, épluchant et découpant les patates, plongeant les frites dans l'huile ou le saindoux

portant des médailles de la Sainte Vierge Marie, mère compatissante, accrochées à la bretelle de son soutien-gorge avec une épingle de sûreté

glissant les gros billets de banque entre ses seins opulents, croyant au pouvoir des étoiles, Tina nettoie ses lunettes avec un mouchoir à pois


une p poule frappe au carreau

- ik ?

cacanéant, quand je suis m mort, on me transporte

s'il vous plaît ? watte ?

cris de mots secs, de noms g gobés, de boue séchée, de sangs g gg gom-

més


on ne meurt pas gratuitement

à la fin du contrat, après exécution complète du marché

q quand je suis mort

gelé, de faim, roué de coups

on me transporte

- au cercueil ! à la tombe !

on m'oblige à revenir sur scène, ss saluer r mon public ?

bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag

s'il vous plaît ? watte ?

danke, choukrane


il faut payer pour mourir

à l'avance, par acomptes, tous les jours


Tina la frituriste discute avec un individu

jouant avec un béret rouge et une batte de base-ball, chiquant un mégot humide qui lui boude au coin des lèvres, un militaire de carrière, un boutonneux

les grandes oreilles décollées, le menton et le front proéminents, les testicules hypertrophiés

un caporal-chef, un tueur en uniforme, un assassin professionnel, un connard, une brute, un salaud

- un défenseur de la Patrie en danger ! un croisé de l'Occident ! un servant de l'ordre établi ! un souteneur de la civilisation chrétienne ! un protecteur des traités régissant les échanges internationaux ! un Rambo du droit d'ingérence et de l'intervention humanitaire ! un conquérant de la libre entreprise et de la loi du profit ! un combattant de la mondialisation ! un héros du marché !


cris de dents rares, d'orbites cr creuses

cris de consonnes qui r rou-


deux marches et des gens qui gravissent


lent les lettres à même des g gencives en pierres sèches


- c'est comment, Zef ? hoe gaat't met je ? comment ça va avec toi ?

- alles goed, Zef ? tout va bien ? en forme ? alles in orde ?

- Zef, t'es sourd ? tu nous nies ou quoi, Zef ?


les sourds ont le droit de rire en silence, dans l'obscurité la plus totale


- ik ?

je t tousse un rire, si on cr croit

mv m'avoir

je ne réponds j jamais s


- Zef, tu n'vas pas danser ?


- ik ?

si je suis s sourd, d'accord, mais seulement d'une oreille, d'une seule oreille, j jamais de l'autre, jamais la même

cacanéant tt

et cornes de crocodile


j'entends ce qu'il me p plaît d'entendre et ce qu'ils n'osent pas dire

- à vot'bon coeur ! la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

je ne réponds jamais aux q qq questions que personne ne me p pose

plus


godverdomme

et puis s soudain j'explose, j'entre en f fureur, je lâche des g gaz, je cr crache de la lave, je pr projette des cendres

je reviens sur mes pas, je m menace et je brandis ma canne, je t trace des moulinets, je tire des f ff flèches acérées, j'acc ccroche aux branches des arbres des l lanières de cuir tr tressé

t terminées s par un nd noeud c coulant

j'accroch che e et je t tire, je m menace d' appeler la p police

j'ai des amis dans la p pp lc police ?

b bonj'oir

goeie avond d


CAFE RIO


Chez Tina

Bij Tina


je m'approche

- ik ?


Tina l'avorteuse, plante grasse, tendre et bourrue, dont un sein pèse plus lourd que l'autre

secoue une pelletée de frites au saindoux, longues de 7 à 8 centimètres, épaisses de 10 à 13 millimètres, dans sa passoire en métal

en égoutte la graisse bouillante

appelle

- Jozef !

- ikke ?

je dis b bonj'oir, que je suis Zef f ff

bonj'oir, n'avend

mel'si


quand je suis v vieux, je m'appelle Zef et si j'étais cul-de-jatte


elle en égoutte la graisse encore bouillante

- des frites, Jozef ? un cornet ou un ravier ? un grand ou un petit ?

- non, peut-être !

- un cornet, Zef ? ou un ravier ? un grand ou un petit ?

- un cornet, Tinneke ! un grand ! et pas trop cuites, meï !

et si j'étais cul-de-jatte, s si je jouais s de l'accordéon n je m'appelerais Juju ?


- avec quelqu'chose, Jozef ?

Tina, son fichu noué sur la tête

- avec beaucoup d'sel et d'la sauce tartare, Jozef ?


Tina m m'aime bien, du moins elle me sp ssp supporte, c'est sa façon

je g grumine

je gr grumine et j'attends s - ja zeker, meï !


BIJ TINA


Tina sert un ménage de teckels à poil dur, unis par les liens sacrés du Mariage, entretenant des relations sexuelles en période de fécondité en vue d'une procréation rapide, élevés dans le droit chemin de la Race, de la Croix, de l'Epée, de la Banque et du Drapeau, sachant dissimuler aux yeux du vulgaire la répulsion définitive et réciproque qu'ils éprouvent l'un pour l'autre, sortant du Z-BAR

où la canaille vient s'embourgeoiser et la bourgeoisie s'encanailler


ayant été piqués par le Saint Démon de la Divine Tentation ?

cherchant à comprendre les comportements du bas peuple ?

en empruntant, à cet effet, les rites récréatifs et les habitudes alimentaires ?

curiosité humanitaire, joyeuse entrée, expédition anthropologique, espionnage de classe, voyeurisme ordinaire, exhibitionnisme discret, exploration du monde, training électoral ?


des jeunes gens d'excellent pedigree et de bonne éducation, faisant partie des 0,3 % des ex-Belges qui possèdent 50% de la fortune nationale et se marient entre eux, bagués dès leur naissance, mettant un soin particulier à tenir leur rang, ayant quelques introductions à la Cour, entretenant des affinités certaines avec les mondes politique, ecclésiastique, agro-industriel, financier, pénitentiaire, vétérinaire, judiciaire, artistique, journalistique, culinaire, militaire, pharmaceutique, diplomatique, européen et policier

mangeant des frites, debout, sous un auvent


Orval, Grégoire-Yveric, Raphaël-Aurélien, Antoine-Evrard, Vincent-Léopold, Reginald-Brice, Hans-Adam, Gerhard-Johan, Toussaint-Ghislain, Philippe-Edgar, Blaise-Philippe, Juste-Michel, James-Patrick, Jacques-Ulrich, Ronald-Andrew, Gregory, Aymar, Amaury, Aymeric, Balderic, Diederik, Ludovic, Wolfgang, Krzysztof, Carlos, Wenceslas-Gaston, Léo-Ferdinand, François-Ferdinand, François-Albert, Viktor-François, Willem-Alexander, Morgan-Ayres, Gérard-Paul, Gédéon-Otto, Ernest-Antoine, Karl-August, Marc-Aurèle, Alfred-Charles, Jean-Charles, Charles-Aymon, Charles-Henry, Henry-Claude, Claude-Emmanuel, Rodolphe-Arnoud, Adrien-Lionel, Geoffroy, Josselin, Tanneguy, Nikolaas, Maximilien-Frederik, Pierre-Anne de la Sèche Mare, membre de la Conférence de Saint Vincent de Paul et chevalier de l'Ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem depuis le XIIe siècle, sous-lieutenant de réserve au 1er régiment de Guides, possédant des participations dans le groupe chimique Solvay et l'entreprise pharmaceutique UCB, appartenant à diverses sociétés royales de lawn-tennis, la voix nasillarde et le zézaiement distingué, dressé pour le polo par un précepteur castré, protecteur de la nature, s'intéressant à la vie intérieure secrète et aux comportements ludiques des animaux de compagnie, perché sur les plus hautes branches de son chêne généalogique, aimant les kermesses moyenâgeuses et les défilés folkloriques, portant une fleur à la boutonnière, prenant le thé à cinq heures et le whisky à sept, posant dans les salons lambrissés de son hôtel particulier sous un crucifix gravé à ses armes, parmi les livres et les tableaux, les tabatières en ivoire et les vases en porcelaine, les portraits en pied et les bustes de ses ancêtres, les meubles encaustiqués, les pendules, les lustres et les dorures, les ors et les cristaux, les épées d'apparat, les tissus bordés de perles, les tapisseries anciennes, la vaisselle en argent et le service à thé

ou devant la superbe cheminée de marbre de la salle des Glaces du manoir de son illustre famille

qui se glorifie d'avoir donné un prélat au Royaume, des ambassadeurs et des champions de golf et de bridge, des administrateurs coloniaux, des présidents de conseils d'administration, un maréchal de la Cour, des ministres, des généraux, des gouverneurs, des sénateurs, des députés, des bourgmestres, des chanoinesses, des gourgandines et des bâtards royaux, des pères jésuites, des yachtmen, des archéologues et des académiciens d'art et d'histoire

et qui célèbre la musique d'inspiration celtique, le gui sacré, les faines et les glands, la chouette chevêche élisant domicile dans le tronc des vieux saules, le druide et l'hydromel, la fleur de lys et le dix-cors


le bouton d'or n'est pas comestible, même un lundi, même en avril


Orval de la Sèche Mare, exposant à ses pairs que le sida et la tuberculose, nnn'essst-ccce pppas, ne se transmettent guère par le piano ou le violon, nnn'essst-ccce pppas, mais plutôt par l'harmonica et l'accordéon, nnn'essst-ccce pppas, s'investissant dans le monde associatif équestre, étudiant les moeurs des populations en déclin, participant à un programme de reproduction des espèces végétales menacées d'extinction, considérant que 1789 et 1917 sont des articles du code criminel, observant qu'il vaut mieux se noyer dans une piscine à Uccle que d'être jeté dans le canal de Charleroi, attaché au développement de la pratique des armes et à la promotion des valeurs écologiques de l'escrime

en plein air, dans le parc du château

maniant le paradoxe qui déconcerte, lançant l'allusion qui blesse, décochant la saillie qui assassine

et dont l'aptitude à jongler avec les phrases vipérines, fourrées de perfidie, ne laisse pas de surprendre


depuis longtemps déjà

un problème est assis au bord de la route et regarde sa montre

il attend


Orval et sa bécheuse

Adeline, Alexia, Liesse, Liévine, Anne-Sophie, Anne-Friederike, Anne-Emmanuelle, Valérie-Anne, Marie-Anne, Marie-Elyane, Marie-Aglaé, Marie-Morgane, Marie-Pauline, Marie-Caroline, Maria-Isabella, Britt-Marie, Gentiane-Marie, Marie-Marie, Cassiane, Cédrique, Cléomire, Romane, Laetitia, Aurélia, Albina, Olivia ,Guénola, Priscilla, Clotilde, Colienne, Eugénie, Jehanne, Jean-Maureen, Alsace-Lorraine, Henriette-Aimée, Elsebeth-Elfriede, Mathilde-Blanche, Régine-Christyn, Aude, Inès, Yseult, Garance, Guillemette, Gwendoline, Gaëtane, Eglantine, Ombeline, Amandine, Capucine, Ondine, Ursuline, Daphnis, Yoanna, Ludmille, Lutgarde, Theodora, Alexandra, Ariane, Isis, Ingeborg, Benedikte, Engelberte, Cayetana, Jacquette, fille adultérine de la riche héritière d'une famille de hobereaux fransquillons reconvertis dans l'industrie agroalimentaire et d'une Personne Royale dont il convient de taire le nom, élevée par une nurse anglaise, ancienne cheftaine d'une meute de louveteaux de pure race, animant des goûters de charité dans des maisons de retraites et des hôpitaux gérées par des révérendes mères issues de la bonne société, appréciant l'atmosphère chaleureuse des galas philanthropiques et des tournois de bienfaisance, des vernissages et des pique-niques sur les gazons anglais, les dessous distingués et les bijoux à particule, les anecdotes savoureuses et les souvenirs émouvants

allergique au latex des préservatifs, à la vaseline et aux crèmes lubrifiantes mais sachant composer les menus, assortir les nappes et les ronds de serviette, dresser la liste des invités, disposer les places à table, donner des instructions au jardinier et confectionner des bouquets, choisir les fournisseurs

- Marks & Spencer pour les chutneys, Rob pour les mangoustans et le foie gras, Wittamer pour les massepains ! ils sont certes hors de prix mais leurs produits sont définitivement sublimes !

apprenant à ses gens à servir le champagne dans des flûtes et le cognac dans des ballons, passant beaucoup de temps à faire du shopping dans d'élégantes galeries marchandes, ayant toujours un chapelet et une pince à épiler dans son sac, ne dédaignant pas d'apparaître dans les réceptions mondaines où le crédit bancaire, les portefeuilles d'actions cotées en Bourse et les titres de noblesse reconnus et respectés déterminent les préséances

chasseresse confirmée, se plaisant à tordre, à mains nues, le cou d'un faisan blessé

mélomane avertie, se plaisant à écouter jouer du violon

aimant assister à des funérailles concélébrées dans des églises gothiques et s'y faire voir dans ses plus belles toilettes de deuil, reconnaissant toutefois ne plus fréquenter assidûment ces lieux

- envahis par le tout-venant ! on y trouve un peu n'importe qui ! et puis, vous avez vu, mon ami, ces toiles qui se craquellent, ces panneaux qui se fissurent, ces pierres qui se descellent, ces murs qui se lézardent, ces taches noires qui apparaissent, ces champignons qui fructifient ?

faisant collection de timbres et de bijoux, de scarabées en argent, de boules à thé, d'horloges en forme de lyre, de statuettes en verre, de tablettes à mosaïques, de caniches en porcelaine, de bouchons de carafes en cristal et de bouddhas laqués recouverts de feuilles d'or, participant aux rallyes de berlines et de cabriolets dans les collines de l'Eifel, éprise de haute couture, de cuisine moderne et de tourisme ethnique

ne buvant que de l'eau capsulée, ne mangeant que des fruits pelés, ne suçant que des bonbons emballés sous vide, évitant tout contact avec les poignées de porte et les mains de petits vendeurs qui pourraient être souillées par des germes fécaux, jetant des piécettes aux autochtones qui plongent autour des navires de plaisance pour les repêcher

leur demandant de rire de toutes leurs dents

prenant des clichés zoologiques

faisant l'objet des soins attentifs d'une manucure, d'une pédicure, d'une décoratrice d'intérieur, d'un installateur de piscine et d'un confesseur

ayant, dans sa jeunesse, été mordue à la gorge par un cheval sous ecstasy alors qu'elle en caressait un autre

ou par un chien de garde, nourri au chanvre congolais, qui avait réussi, en creusant le sol, à se glisser sous le grillage de son enclos

se plaisant à donner à une petite fille le foulard qu'elle porte autour du cou pour dissimuler sa vilaine cicatrice

l'altruisme faisant partie de son éducation

gloussant de se trouver si généreuse

portant à la connaissance de son époux qu'elle n'a absolument plus rien à se mettre et l'invitant à lui offrir ce châle de soie, dans des teintes ocres ou fuchsia, ou ce manteau de pur cashmere d'Ecosse ou de Mongolie, avec un col et des poignets de velours, tissé en véritable poil de chèvres

égorgées avec tendresse, non stressées

qu'ils avaient vus, ensemble, la semaine passée, jeudi dernier, en fin d'après-midi, dans la vitrine d'une boutique de mode et d'articles de luxe, en promenant leur caniche ou leur lévrier dans un passage couvert du haut de la ville

- je sais que je peux compter sur vous, mon ami


les pauvres contrastés et les peuplades bigarrées

on ne leur demande pas leur bristol

on les photographie


des jeunes gens de bonnes manières et de bon placement, séparés par un vitrage pare-balles et se parlant par interphone, s'interdisant les contacts oropharyngés, refusant d'éprouver du plaisir conjugal, s'abstenant de tout rapport sexuel qui ne réponde pas expressément à une finalité procréatrice autorisée par Notre Seigneur Jésus-Christ

s'efforçant néanmoins de donner l'image avenante et moderne d'un couple épris et très soudé, rentrant à la maison pour procéder à des ablutions nocturnes et à des actes de dévotion, prenant le risque d'être reconnus en train de manger

- des frites ! dans une gargote ! avec les doigts !

- jjj'espppère qque vvous nn'en êtttes ppas offfusquée, tttrès chcchère, jjj'avvvais unnne pppetite ffffaim ? se risque-t-il, avec audace et componction, une botte anglaise, à revers, mieux cirée que l'autre

la cravate de chasse triturée nerveusement, fermée par une épingle en or

- oh que non, mon ami !

- mmmmmais vvvous nnnne mmmangez ggguère, vvvous nn'avvvez pppoint d'appppétit ? bégaie-t-il, avec affectation et fermeté, se retenant de porter un noeud papillon pour ne pas ressembler à un garçon de café

craignant de s'aliéner l'aristocratie charbonnière, métallurgiste et francophone du XIXe siècle et les anciennes dynasties lainières de la région verviétoise par une politique de rapprochement avec la bourgeoisie agro-industrielle, informatique et biotechnologique flamande du XXIe siècle

- je suis très fatiguée, j'ai très mal à la tête, se prépare-t-elle, la petite chérie, à refuser d'accomplir son devoir conjugal

et n'ose-t-elle confesser, l'ancienne élève du Sacré-Coeur du Berlaymont, qu'elle a foutrement mal au bide, qu'elle souffre de sécheresse vaginale et qu'elle n'est pas en période de fécondité

- ouais ! qu'elle a ses klottes, quoi ! comme une caissière d'Aldi, une infirmière de nuit ou une hôtesse de l'air, une vendeuse de Marks & Spencer ou une ouvrière de la FN, quoi !


- qquoi dddonc, ttrès chchchère ? vvvvous nnne sseriez ppas dddisposée à mmme rrrecevoir ?

- j'en suis désolée, mon ami, vraiment désolée !

- pppuis-jje vvvvous sugggggérer ddde ppprendre unnne tttisane ddde cammmmmomille ?

- à quel effet, mon ami ?

- jjjess sssuis ppppersuadé qqque ccela vvous fffera llle pplus ggggrand bbbbbien, trrrtrès chhhèrre !

- je vous l'accorde, mon ami, je vous l'accorde !


CHEZ TINA


et puis des religieuses faisant le signe de la croix pour chasser les esprits malins, s'accrochant à leur parapluie, le vent leur gonflant les jupes, ressemblant à des vautours

des Ma Soeur en tchador, préposées à la garde sourcilleuse d'un troupeau de jeunes filles en capeline sombre

choristes de tragédies de patronage

- une deux ! une deux !

qui vont où, qui sont très pressées, qui viennent d'où, en rang, par deux


et Mademoiselle Juliette, en religion Soeur Philippe-Marie, adoratrice du Saint-Sacrement, les doigts mordus, les seins sucés et le cul piqué par des puces de missel

ayant basé sa vie sur le rencontre avec Dieu


Dieu est un kakerlak

l'haleine pestilentielle, la barbe blanche peinte au jaune d'oeuf, des restes de nourriture coincés entre les dents


- Comment va notre Seigneur ce matin ? Dieu a-t-il fait de beaux rêves ? Dieu boira-t-il une tasse de thé au lit en parcourant la presse quotidienne et en dépouillant son courrier ? Dieu n'a sûrement pas oublié de prendre ses gouttes et ses comprimés ? Dieu a-t-il mangé avec appétit ses croissants au beurre et siroté son jus d'orange ? Dieu a-t-il fait son petit rot ?

déformée par plusieurs grossesses mystiques

gouine maquerelle puisant dans la Contemplation du Coeur Sacré de Jésus la force d'accomplir sa mission, de manifester et de répandre l'amour miséricordieux


Dieu se cache derrière le frigo

chaque fois que je l'extermine

trois jours après, il ressuscite



Soeur Philippe-Marie passe commande à Tina, d'un ton péremptoire

- des frites, s'il vous plaît !

- ...

- un seul cornet, ça suffira !

- ...

- pour tout le monde, évidemment !

- ...

- à quarante befs (environ 1 euro), très peu de sel, pas de pickles !

- ...

- pas de sauce, madame ! rien qui pique ! surtout pas ! s'il vous plaît !


Soeur Philippe-Marie compte ses sous en se servant de son chapelet

et s'inquiète de voir approcher un groupe de students

en vadrouille, chopes à la main, défoulés, défoncés, débraillés, achevant d'honorer la quatrième station de leur chemin de croix nocturne

- skooool ! santeï !

attirés par les rires et les piaillements des petites, se taisant, s'immobilisant, levant une patte, dressant l'oreille, observant l'assemblée, ricanant, interpellant les mignonnes, se débraguant, exhibant leur biroute, s'avançant lentement en direction de la troupe

qui rigole, s'affole, se disperse, s'égraine, s'égaille, se débande, s'éparpille


Soeur Philippe-Marie se prend à paniquer

- Coeur Sacré de Jésus, ayez pitié de nous !

s'agite, brandit son chapelet et son parapluie, lance des ordres

- ne riez pas comme des cruches, mesdemoiselles ! n'adressez pas la parole aux garçons ! ne les regardez pas ! ne leur répondez surtout pas ! il est interdit aux dames de parler à des hommes qui ne leur ont pas été convenablement présentés !

presse les jeunes filles de se mettre en carré, en tortue ou en hérisson pour résister à l'assaut des soudards

- regroupez-vous, mesdemoiselles ! rassemblez-vous ! serrez-vous les unes contre les autres ! donnez-vous la main ! baissez les yeux ! rentrez les épaule ! courbez la tête ! faites le gros dos ! pincez les lèvres ! fermez les jambes ! bloquez les fesses !

s'esclaffant, hésitant, s'étonnant, oscillant, se tâtant, haussant les épaules et décidant de laisser tomber

- opgepast, gevaar ! la mère abbesse a ses vapeurs ! y faut faire gaffe ! on risque de recevoir des coups d'ombrelle !

poursuivant leur chemin, riant à gorge déployée, reboutonnant leur braguette, entrant au Macumba, se commandant la cinquième bière de la soirée

- skooooooool !


- Loué soit le Seigneur !

Soeur Philippe-Marie cesse d'angoisser, décompresse, lâche quelques gouttes d'urine au fond de sa culotte

et se reprend aussitôt, s'impatiente, interpelle la frituriste avec sévérité

et autorité

- s'il vous plaît, elles sont bientôt prêtes vos frites, madame Tina ? il faut combien de temps pour attendre ici !

des religieuses

et des orphelines

des filles du péché, enfants cachées de mères honteuses, enfants de l'inceste et du viol, enfants de prêtres, de patrons et de flics

des balles-perdues nées dans le secret des couches, placées dans des couvents, enfermées dans des dortoirs divisés en alcôves

revenant d'une tournée de charité chrétienne

ayant obligé les enfants cancéreux à se casser les dents sur des morceaux de cougnous rassis gracieusement offerts par le boulanger-pâtissier-bedeau qui tient boutique en face de l'église du Christ Ressuscité

s'étant rendues au domicile de vieillards grabataires, ayant visité les malades et tourmenté les agonisants, ayant fait don de choux-fleurs défraîchis et de pommes de terre blettes aux indigents

et de luzerne

et de foin

et de pulpes de betteraves

et de chutes de saumon et d'abats de volaille achetés au kilo qui ne répondent plus aux normes sanitaires et commerciales en usage dans les Etats membres de l'Union Européenne

ayant servi des gobelets de soupe aux fèves à des clochards assoiffés de bière blonde et de gros pinard

ayant appris les usages du monde à ceux qui transgressaient avec ostentation les règles de la bienséance et de la pudeur et ne voulaient pas attendre leur tour

- faites la file, s'il vous plaît ! il y a des gens devant vous !

ayant distribué des tartines de margarine

et moriginé sans indulgence ceux dont la faim débordait, refoulait, dégorgeait, basculait

- veuillez vous calmer, s'il vous plaît ! notre patience est à bout ! veuillez prendre la file ou quitter immédiatement les lieux !

ayant houspillé ceux qui ne mangeaient pas assez vite et leur ayant fait comprendre avec fermeté qu'ils devaient rapidement céder leur place aux nouveaux arrivants

- s'il vous plaît ! ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on ne doit pas penser aux autres !


ayant apporté la bonne parole et d'utiles secours aux pauvres de la paroisse, des religieuses et des orphelines se signent et s'en vont rapidement

- une deux ! une deux ! une deux !

les yeux baissés, le regard furtif et glissant, des limaces leur coulant du nez

pugnaces, tenaces, voraces

amères


Accoudée au chambranle de la porte d'entrée, une

- Salut ! T'aurais pas une clope, trésor ?

jeune femme interpelle le portier du Z-BAR... occupé à relacer ses chaussures sur la bordure du trottoir... reboutonnant sa braguette en vitesse... fouillant le fond de ses poches, sortant un paquet, offrant une cigarette... empruntant le briquet d'un client, s'empressant...

Elle l'interpelle avec un accent qui vient d'ailleurs.

- C'est quoi ton truc, c' drôle de paquet-là, emballé dans du papier alu, qu'tu t'caches sur l'rebord d'la f'nêtre, c'est quoi ?

- ...

- Des tartines ? A l'aise !

- ...

- Des feuilles de salade verte aussi ?

- ...

- A l'aise, quoi ! Mais dis-moi, trésor, t'aurais pas une petite soif ?

- ...

Elle invite le portier à boire dans une flasque qu'elle tient à la main.

- Un cocktail de ma composition, quoi ! Fabriqué avec des copines ! A base d'ail, de citron, de miel, de levure de bière, d'oeuf cru, de piment et d'absinthe ! Et ça sert à plein de choses ! A éloigner les mouches urticantes, à soigner les coqs de combat blessés, à réveiller les ardeurs perdues, à rendre les hommes irrésistibles, à s'laver la bouche après la baise, quoi ! se marre-t-elle.

- J'rigooole !

Elle lui explique que danser ça donne soif. Et envie de faire l'amour. Et qu'elle a cassé ses ongles en dansant !

- A l'aise, quoi !

C'est pour ça qu'elle est venue dehors, se rafraîchir. Se curer les ongles.

- Faire la causette au portier et lui grignoter ses tartines, c'est cool, non ?

Elle ne veut plus danser. Elle en a marre.

- Tu n'me demandes pas quelle danse je préfère, trésor ?

- ...

C'est la rumba, elle rit.

- La rumba congolaise, bien sûr ! Remuant les fesses. Et sans bouger les pieds. A l'aise, quoi !


Elle porte un ensemble de skaï noir, une tenue de surfeuse, de femme-crocodile ou de plongeuse sous-marine. Zippée de bas en haut. Par devant et par derrière.

Elle est marrante. Elle est orange. Elle est amère aussi.

- Dis-moi, trésor, t'as pas un pétard ?

- ...

- A l'aise, quoi !

- ...

- Du libanais, de l'afghan ou bien du marocain ?

Elle se fait appeler Aimee. Ou bien s'appelle Aimee. Pétroleuse ou persilleuse ? Elle porte une perruque de cheveux rouges, des gants jaunes et des chaussures de la même couleur. Les yeux fardés de khôl sous un masque de velours vert. Très en beauté.

- J'te plais comme j'suis, trésor ? Dis-moi ! Tu m' trouves bandante ? Tu peux tout m'dire !

Elle invite le portier du Z-BAR à tirer sa crampe, vite fait, dans l'Impasse d'à côté.

- ...

- Mais pour toi, trésor, ce sera gratuit !

- ...

- Gratos, j'te dis ! Offert par la maison ! A l'aise, quoi ! Sans taxe ni dot ! Sans engagement ! Ni de ta part,ni de la mienne !

- ...

- Mais n't'en fais comme ça ! T'es bloqué ou quoi ? Ton patron n'en saura rien, j'te dis ! Et ta maman non plus ! Ok ?

- ...

Adossés au tronc creux d'un arbre mort.

Elle l'attire, l'entraîne.

Elle l'aspire, l'absorbe.

-A l'aiiiiiiiiiise, quoi !

Elle l'engloutit...


Et l'éjecte aussitôt, saisit sa flasque et se rince la bouche et crache dans la rigole...

- Bon, voilà une bonne chose de faite ! Mais ne t'fais pas d'idées, trésor, c'est pas l'coup de foudre ou l'grand amour, y faut pas croire !

- ...

- J'rigooole !

- ...

- Juste pour m'détendre, trésor, j'en avais vraiment besoin, quoi ! J'ai eu une rude journée ! Tu n'peux pas savoir !

- ...

- Ne boudes pas, quoi ! On peut même s'revoir si tu veux ! A l'occase ! Où tu crèches ? A l'Ambassy ?



les limaces et les escargots

détestent fixer Dieu dans les yeux


des religieuses disparaissent avec leur troupeau d'orphelines, d'abandonnées, d'illégitimes et de déshonorées

frappant les retardataires avec une brosse à cheveux, ordonnant à leurs pupilles de marcher en silence

- une deux ! une deux ! taisez-vous, mesdemoiselles ! serrez les rangs, s'il vous plaît ! si vous ne vous taisez pas, comment voulez-vous entendre la voix du Divin Sauveur ?

leur rappelant qu'un demi-milliard de chinoises n'ont pas eu la chance d'être baptisées et qu'elles ne portent pas de prénoms de saintes

dont la vie exemplaire ne leur a pas été proposée en exemple

leur enseignant la crainte du châtiment éternel, la contrition, le renoncement, la modestie, la gratitude, le pardon des offenses, le sacrifice de soi et l'excitation manuelle des parties génitales

- je vous remercie de ne pas sourire quand je vous parle, mesdemoiselles !


chaque bougie doit pouvoir s'adapter au chandelier qui la convoîte


q qui vont où ?

j'ai les dents d'un pirate, ppp peintes en noir, peintes en tr trou, j'attends nds

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !

bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag

dank u u


IMPASSE DES DES CHUCHOTEMENTS


ménagères, ayez du coeur

ménagères, mangez des sandwiches fourrés à l'emmenthal et à la souris grise


regardant sa montre

assise sur le tronc d'un vieil arbre abattu, au fond d'une impasse

tapant très fort sur les touches d'un piano

la mort raconte la vie des hommes


j'attends, je m mets des linges fermenter dans des c cuves, des aines et des aisselles

je gr grumine

- un seul passé, manneke, la mort !

j'introduis des fièvres r rares s et des esprits mauvais dans la c cavité abdominale d'une statuette en bois, dans la coquille d'un oeuf g gobé, percé à l'aide d'une tr très longue et très fine tige de br bronze

je les cache et je les nourris, s subrepticement, eh

j'attends

bbb bonj'oir, n n'avend d

g goeie avond


une cliente à Tina

Tantine Gudule

cheveux de paille sèche, sourcils mauves surlignés

Tantine Gudule, portant des bas dont les mailles filent, ayant oublié de se couper les ongles avant d'enfiler des voiles lycras transparents

exposant ses problèmes

- j'ai mal mon dos !

racontant ses salades, ses pieds lourds, ses cuisses gonflées, ses fesses tombantes et boursouflées, son ventre ballonné, sa serviette hygiénique qui glisse, son chien Bobby qui n'aboie plus depuis longtemps et qui fait ses besoins où ça lui plaît

- mon chien va où il veut !

son chat Petit Lu qui mange le beurre sur la table et ramène des souris grises dans la gueule, son perroquet rose et son pigeon vert, ses petites nouvelles qui ne connaissent pas encore le métier, ses vieux habitués qui viennent la voir une fois par semaine

- on s'attache, savez-vous, Madame Tina !

et ses étudiants en duffel-coat qu'il faut encore fidéliser

se plaignant

- ma ceinture de mon panty ne me serre pas suffisamment, Madame Tina, ma culotte me descend et mes jambes me forment des plis, savez-vous !

montrant le Zef du doigt

- het is zoals ik het zeg, Mevrouw : waar gaat het naartoe ?

une cliente à Tina, Tantine Gudule, s'indigne et donne des leçons de civisme et d'hygiène sociale

- il n'avait qu'à, Madame

je n'avais q qu'à trv travailler r rr, tout de m même


- c'est comme je vous m'le dis, Madame : où allons-nous, Madame ? il y a des valeurs qui se perdent ! on vit dans un triste temps quand même ! il n'y a plus de saisons !


t tout de même

qu' à trv travailler quoi, comme elle q quoi uoi


- il n'avait qu'à monter une entreprise, tenir une épicerie, faire des ménages, balayer les trottoirs, laver les cadavres à la morgue, exploiter un café de nuit ou une attraction foraine, distribuer le courrier dans les villages, descendre au fond des mines, décharger les navires, prêter ses fesses aux prêtres, renseigner la police et l'aider à retrouver les criminels, ouvrir un salon de coiffure pour chiens, vendre des journaux à la criée, aller aux champignons, garder un troupeau de chèvres ou de moutons, planter des carottes et des pommes de terre, fabriquer des cierges d'autel pour les églises, faire la plonge dans un restaurant italien, tourner la manivelle d'un orgue de barbarie, protéger les filles, cogner sur les grévistes, que sais-je ? s'occuper, quoi ! s'activer, quoi ! se rendre utile, quoi ! faire preuve d'initiative, quoi ! réintégrer l'économie marchande, quoi ! contribuer au développement du pays, quoi !


s'il vous plaît ? watte ?


- quand on veut, on peut !


ploeg vroeg

je p pousse un r rr rire tubard, kraaah

joder

je pète une t tt ttt toux pointue, je l'g gg aiguise, dont je larde, pique, grf griffe, lacère, njct injecte

n n'avend

bonj'oir


Tina, fichu noué sur la tête, épluchant et découpant les patates

portant des médailles de la Sainte Vierge Marie mère compatissante accrochées à la bretelle de son soutien-gorge avec une épingle de sûreté, glissant les gros billets de banque entre ses seins opulents, ayant abandonné toute activité sexuelle depuis déjà longtemps, croyant au pouvoir des étoiles et consultant les rebouteux, aimant les poissons bien rouges et les plantes bien vertes, Tina tricote

en attendant les clients

et fait des mots fléchés pour passer le temps et maintenir son esprit en bon état de marche

Tina m'm aime bien, tous les samedis c'est sa fille qui la r remplace

l'huile de fr friture et la mayonnaise lui g graissant les doigts et lui dégoulinant sur les p gn poignets, le v visage d fgr défiguré par l'acné, les br bras aussi g gros que les cuisses d'un ch champion cycliste

- bloempot ! blinkduus !

la poitrine fc féconde, les pis douloureusement gnf gonflés, un sein nt tombant plus bas sq que l'autre

retouchant son m maquillage, r mnt remontant les bonnets de son soutien-gorge p rf parfumé à la vanille, renouant un ch chignon qui se d défait sans c ss cesse


Tina la frituriste tricote une petite laine

avec une tringle à rideau, une branche de saule, une baleine de parapluie, un fémur de poulet

pour soigner ses rhumatismes articulaires

et suinte de gentillesse

bougonne


Tina, les s samedis sa fille la remplace e

- voeil teif ! bloemkul !

je la dégoûte, sa fille et l'individu qui la tr trique et qui la t trait, sa fille

les manières de c cet individu

la façon qu'il a de lancer son b bb brt béret t rouge en l'air et de faire tr tournoyer sa batte de base-ball

les cheveux g gominés, le mg mégot au coin des lèvres, le cul américain

un m militaire de c rr carrière, un b tn boutonneux

un para ex-b belge en Corée, au Congo, au Rwanda, en Bosnie, en Somalie, en Albanie, au Kosovo

les g grandes oreilles décollées, le menton et le front pr proéminent nts

les t tt testicules hypertrophiés

s'il vous plaît ? watte ?

danke


Tina l'avorteuse ramasse les sacs en plastique, les canettes de bière vides, les sachets de frites froides, les couches-culottes sanglantes, les capotes merdeuses et les papiers gras que les clients ont laissé tomber par terre, les ramasse et les jette dans la poubelle


choukrane

des mégots de conversation, je les r ramasse et je les r roule e

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

b bonj'oir, n'avend

- à vot'bon coeur !

goeie avond

nu comme un escargot ayant p perdu son sac à dos, je f fouille également les tas de détritus, à l'aide de ma c canne, à la recherche d'une ancienne vie, d'un livre d'images pieuses, d'une ph photo jaunie, d'un b billet de banque fr froissé, d'un bulletin d'école p pr primaire, d'une ép pingle de nourrice, d'un bouton de br braguette, eh

du s stérilet, des sprays désodorisants, des serviettes hygiéniques, des bains mm moussants, des crèmes sp spermicides, de la lq laque et du g gel, des pr préservatifs spr aspergés de quelques g gg gouttes de lubrifiant nt à la banane ou à la fraise et autres outils de tr travail d'une petite Marie ayant ap appris à aimer v vv vite et sans ef efforts, tout le monde et sans ef effets secondaires, se pr stt prostituant tout au f ff fond d'une impasse dans un q qrt quartier de nuit pour gr grandir plus vite et s bv subvenir aux besoins de s sa famille

gr grenouilles c cc coassant nt dans les m marais, cri criquets ts st str sstr stridulant dd dans les pr pr pr prairies, eh


les c nt conteneurs et les bacs à ordure, les lieux d'aisances et les f fosses communes des hospices de vieillards gr grabataires, les p poubelles des ordinateurs s

- bien gentil ! bien aimable !

à la recherche de rêves ss assassinés

je f fouille e

s'il vous plaît ? watte ?

danke


la fille de Tina a

- bloemkul ! voeil teif !

je f fouille et, q quelquefois, furtivement, je découvre et j je ramasse, f ff furtivement nt, une t touffe de ses ch cheveux ccr accrochée à un hameçon, des r gn rognures d'ongles, des p poils p pubiens

un kleenex, barbouillé de sp sperme poisseux et de rouge à lèvres

- impek' !


BIJ TINA


- dans la troupe

des chefs scouts frôlent les façades illustrées des bars, frôlent et regardent, gloussent, jargonnent, claquettent

- y a pas d'jambes de bois !

de grands dadais, en culotte courte, sournoisement, tapotant les fesses et tripotant les couilles des petits garçons, se commandent des frites, entonnent

- pour la tradition ! contre le concile de Vatican II et l'abandon des valeurs familiales, raciales et boursières ! contre la culture de l'impunité ! contre l'administration de sédatifs qui combattent la douleur ! contre le port de la minijupe, l'usage de la capote et du stérilet, les bandits manchots, le chanvre congolais, la mendicité dans les couloirs du métro, le désordre des familles et l'immoralité publique, la pilule abortive RU 486, l'impôt sur la fortune, le droit de vote des immigrés, l'euthanasie, les grâces collectives, la consultation de sites à contenu sexuel sur Internet, la célébration du carnaval, l'enquête sur l'assassinat de Lumumba, les discriminations positives, la publicité sexuellement agressive, le téléphone cellulaire et le four à micro-ondes, l'interruption volontaire de grossesse et la dépénalisation de l'avortement, la réduction de la surpopulation carcérale, le divorce des hétérosexuels et le mariage des homosexuels qui transgressent la loi divine, les écoles mixtes, les cours d'hygiène et de sexologie dans les séminaires ! contre tout relâchement de l'effort d'assainissement des finances de l'Etat ! pour une gestion rigoureuse des établissements publics et le recouvrement forcé des sommes dues par les lépreux et les cancéreux qui tombent malades plus gravement qu'ils ne peuvent se le permettre, désertent l'hôpital et abandonnent les soins ! contre l'adoption d'un enfant par le concubin de sa mère divorcée ! contre les libéralités consenties au concubin adultère ! contre la vente de cigarettes et de boissons alcoolisées aux femmes et aux ouvriers ! contre l'installation de centres d'accueil pour candidats réfugiés politiques dans les beaux quartiers de nos riantes communes périphériques ! pour la défense de la propreté des villes et l'instauration d'un légitime sentiment de sécurité au sein de la population autochtone ! pour la fermeture nocturne des parcs publics ! pour la suppression des bancs où se retrouvent les amoureux, les clandestins et les dealers ! pour la libre circulation des oiseaux-gibiers migrateurs ! pour la réintroduction de la tenderie et la capture des pinsons ! pour l'affirmation du droit des patients à la souffrance rédemptrice ! pour le renforcement du pouvoir des concierges et des surveillants ! pour le contrôle sanitaire des frontières afin de diminuer les risques épidémiologiques liés à la mondialisation ! pour le fichage des contagieux ! pour la mise en bière immédiate des personnes décédées de la peste des chiffonniers, de la rage, de la lèpre, de la syphilis et du sida ! pour le renvoi des mineurs devant les tribunaux pour adultes ! pour la castration des délinquants sexuels ! pour la distribution d'images pieuses aux enfants des écoles laïques ! pour le retour à l'ordre moral ! pour la plus grande gloire de Dieu ! pour la vivisection des pigeons bisets et des chats marrons ! contre l'affaiblissement de la vie religieuse ! contre la tolérance destructrice des valeurs morales de l'Occident chrétien ! contre l'Empire du Mal !

des chefs scouts d'une paroisse du Christ Ressuscité ou d'un collège Notre-Dame, élevés dans l'amour du Seigneur, appelés à sauver les bases spirituelles de l'Europe des Nations et les valeurs morales du Catholicisme et de l'Otan, du Commerce et de l'Industrie, frôlent et regardent, gloussent, braient, cacardent

- contre la décadence et le laisser-aller ! contre la dégénérescence ! pour la béatification de Monseigneur Marcel Lefebvre, la sanctification de l'Opus Dei, de Maurice Papon, de Léopold Deux, de Margaret Thatcher, de Karol Wojtyla et d'Augusto Pinochet Ugarte ! pour la réduction du coût du travail et la responsabilisation des chômeurs ! pour la pureté de la langue française, de la race blanche et des jeunes filles de bonne famille ! contre l'interdiction de la chasse à courre ! contre la suppression des devoirs à domicile ! contre la pratique de jeux de ballon sur les places publiques et dans les squares de la ville ! pour la récitation de prières en famille, durant neuf jours, en faisant glisser entre ses doigts les grains d'un rosaire dans l'intention louable d'obtenir une grâce particulière ! contre la récupération de pièces détachées sur des cadavres de race indéterminée et de religion inconnue ! pour la multiplication des contrôles de police dans les cités de logements sociaux ! pour l'imposition d'un couvre-feu aux adolescents ! pour la baisse des impôts et l'augmentation des dépenses militaires ! pour le rétablissement de la Sainte Peine de Mort ! pour la restauration de la toise et de l'aune, de la pinte, de la corde et de la lieue de poste ! pour l'interdiction des relations sexuelles avant le mariage, l'abattage des chiens errants et la femme au foyer ! pour l'abstinence sexuelle des divorcés remariés qui souhaitent régulariser leur situation avec la Sainte Eglise ! pour le port obligatoire des bottines et des bas noirs, de la gaine et de la combinaison, de la voilette et du chapeau ! pour l'installation de logiciels de filtrage et de robots munis de caméras à infrarouge tirant au pistolet sur les cambrioleurs ! pour l'huile de foie de morue, le développement séparé des races, l'expulsion des réfugiés économiques et des demandeurs d'asile social, la protection de la faune et de la flore, le bonnet d'âne, l'apprentissage de la discipline et de la hiérarchie, les punitions corporelles, l'emprisonnement des élèves qui sèchent les cours de gymnastique et de religion chrétienne et passent l'après-midi au chaud dans les laveries automatiques du quartier, les privilèges de l'âge et la famille nombreuse, le déshéritement des enfants du péché, l'abolition de l'impôt sur les revenus de l'épargne et de l'investissement, la multiplication des rondes dans les jardins, les couloirs et les ascenseurs des immeubles résidentiels ! pour les Oeuvres de Bienfaisance et l'aumône librement consentie ! pour le droit à la vie des foetus mongoliens ! pour le droit des malades incurables à mourir dans leurs excréments ! pour la défense des valeurs judéo-chrétiennes de la famille ! pour la propagation de la vraie foi et la conversion des infidèles ! pour la répression des mauvais instincts par la crainte salutaire du bagne ! pour l'augmentation de la capacité d'accueil des prisons et l'allongement de la durée des peines ! pour une justice plus répressive et plus expéditive ! pour la sûreté de l'Etat et la défense de la Patrie ! contre Odell Barnes et Giordano Bruno ! contre la déformation des consciences ! contre la culture gay ! contre Louise Brown et la fécondation de l'ovule en dehors du corps de la femme ! contre la procréation assistée par ordinateur ! contre le droit à l'enfant des couples homosexuels ! contre la femme au volant ! contre les filles en baskets et les curés en pull-over ! pour la libération des forces du Marché !


des chefs scouts de bonne extraction

gardiens de nos institutions royales, politiques, ecclésiastiques, agro-industrielles, financières, pénitentiaires, vétérinaires, familiales, raciales, judiciaires, artistiques, journalistiques et gastronomiques, militaires, pharmaceutiques, diplomatiques, européennes et policières

défenseurs de la vraie foi à travers la messe de Pie X

des chefs scouts frôlent les façades illustrées des bars, gloussent, graillent, carcaillent

mangent des frites, frôlent et regardent, gloussent, glougloutent, glapissent

frôlent, dans des parcs publics pour enfants de riches

pour chiens de riches

pour bonnes de riches

pour vieux de riches

pour handicapés de riches

des chefs scouts, très catholiques, sachant faire le baisemain aux carnavaleux, déguisés et travestis que Sa Sainteté l'Evêque de Rome a daigné élever à la prélature

adeptes du port de la cornette et de la calotte, de la chemise de nuit en coton, des jeux de piste, des camps de survie, de la masturbation en patrouille et des offices religieux en latin liturgique

friands de romans édifiants


des chefs scouts patriotiques

interpellés par une petite fille

- personne ne veut jouer avec moi ? personne ne veut m'gratter le dos ?


et Lapin Malicieux, l'abbé ayant en charge la vie spirituelle de la troupe, bénissant, agitant un trousseau de clefs

en soutane et col romain, homme de culture et de modernité, attaché au sens caché des choses, s'efforçant de conciler ses recherches spirituelles de haut niveau et la nécessaire satisfaction de ses besoins et de ses pulsions, amant du Beau, amateur de vieilles deuches millésimées et d'aquarelles anglaises du XIXe siècle, faisant commerce d'objets de bondieuserie revendus très cher aux parents des Communiants

- pour le Pape ! pour nos Missions en Afrique ! pour achever la construction de la Basilique de Koekelberg ! pour nos Bonnes Oeuvres ! pour nos pauvres ! pour le clergé du Rwanda ! pour sauver le pays du danger communiste ! pour la grossesse des princesses Mathilde et Masako !

un abbé, issu d'une famille catholique très impliquée dans la vie pastorale, enfant nombreux, élevé dans le tabou de la sexualité, anxieux et dépressif, assidu à la prière

portant toujours sous le bras une bible annotée de la main d'une personne pieuse de son ascendance

dont l'Eglise catholique a su reconnaître les mérites et les vertus et que l'Evêque de Rome a daigné mettre au rang des Bienheureux par un acte de Béatification

ayant eu très tôt la certitude de sa vocation, ayant rêvé de suivre les traces de Charles de Foucauld et de contracter le virus d'Ebola en soignant des enfants malades, s'exerçant à présent à la charité véritable, essayant de se mettre à l'écoute de sa base paroissiale, cherchant selon ses forces et ses faiblesses à vivre conformément aux Saintes Ecritures en prenant le Christ pour guide


un abbé tétant un cigarillo humide et dirigeant les consciences troublées

- z'auriez pas du feu ?

menaçant et sermonnant une petite fille égarée

- tu veux que je te prive de Communion ? tu veux que je t'oblige à quitter l'église avant la fin de la messe ?

qui se colle un pétard entre les lèvres et qui le tourmente

- je vais le dire à ta marraine !

et ne se laisse pas facilement démonter

- racusette ! cafteur ! rascupote ! rapporteur des grands paquets ! cinq centimes pour ta chanson !

et lui propose de corriger une erreur de boutonnage de sa longue braguette à trente-deux boutons

- si on jouait aux contes de fée, M'sieur l'Abbé? j'étais le petit chaperon rouge, tu étais le grand méchant loup et tu mangeais les petites filles ? tu enfilais un soutien-gorge orange fluo par dessus ta soutane de dentelle noire, tu avais de très grandes dents et tu les aiguisais, tu me poursuivais à trottinette et tu me faisais très peur, M'sieur l'Abbé ?


un abbé tirant les oreilles de la gamine

- je me cachais au fond d'une mine avec des nains de jardin, M'sieur l'Abbé, et tu finissais toujours par me retrouver, tu m'attrapais par le col du chemisier, tu m'agrippais par les cheveux, tu m'obligeais à apprendre le petit catéchisme par coeur et à faire la vaisselle de tous les ustensiles de messe avec une paille de fer ? tu me prenais dans tes bras, tu me serrais très fort, tu me faisais très mal, tu me faisais boire du vin dans un calice et tu voulais m'embrasser sur la bouche ?

et la menaçant d'une fessée

- tu puais méchamment du bec, M'sieur l'Abbé, tu sentais la vieille chique mouillée et je me retenais de pleurer ? tu voulais m'obliger à repasser ta lingerie fine, ton surplis, ton aube et ton étole, ta chasuble, ton maillot de corps et ton caleçon long, j'm'asseyais en face de toi, j'te faisais un pied de nez et j'te montrais ma p'tite culotte ? et tu me montrais ton petit Jésus ?


un abbé ouvrant les paumes vers le ciel en soupirant

- cessez de me provoquer, mon enfant ! cessez de m'induire en tentation !

invitant la petite Marie au partage eucharistique d'un cornet de frites et d'une canette de Coca-Cola

- sais-tu que Jésus t'aime, mon enfant ? veux-tu que Jésus soit avec toi ? veux-tu connaître la profondeur de son mystère ?

l'entraînant au fond du Busleidengang, lui demandant si elle préfère le petit Jésus en chocolat ou le petit Jésus en sucre d'orge

- lala lalala lala, j'le préfère en bonne de bite de chez nous, ton p'tit Jésus, M'sieur l'Abbé ! viandeuse, nerveuse et bien musclée ! en jarret de bouc ! ou bien alors en or fin ou en bel argent ! ou en ivoire précieux du Congo !

un abbé bougonnant, marmonnant, grommelant, se disant disposé néanmoins à recevoir la petite Marie en confession, l'obligeant à se prosterner devant Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom, face contre terre

l'invitant à se nettoyer les intestins à l'eau savonneuse avec une poire à lavements

- lalala lala lalala

- pour votre bien, mon enfant ! pour purifier votre âme ! pour chasser les démons qui vous tourmentent le corps !

lui soulevant sa jupe marine à plis, lui enlevant sa petite culotte de flanelle, lui brûlant un poireau sur les fesses avec un crayon au nitrate, lui enfonçant un cierge dans le vagin, lui passant des Saintes Huiles sur l'anus, lui introduisant son index dans le trou de balle

- lala lalala lala

- allons, mon enfant, soyons de notre temps, allons à la Rédemption par le Péché de Chair !

la saisissant par les hanches et enculant la petite Marie

- lalala lala lalala

- pour ne pas vous dévierger, mon enfant

puis l'obligeant à pratiquer une fellation profonde

- lala lalala lala

- que vous arriviez pure et intacte au mariage, mon enfant, auréolée d'une éblouissante couronne de roses jaunes et blanches, n'ayant jamais servi

- lalala lala lalala

des papillons venimeux s'envolant de ses lèvres

- le Seigneur éprouve de la compassion pour les misérables pécheurs et les filles de petite et moyenne vertu ! dans son immense bonté, le Seigneur ne répugne pas à absoudre les pénitents ! Jésus vous aime, mon enfant !


des chefs scouts intégristes

et l'abbé ayant en charge la vie spirituelle de la troupe, agitant un trousseau de clefs

frôlent et regardent, gloussent, jettent leurs capotes baveuses et leurs sachets de frites froides dans la rigole, reboutonnent leur braguette, écoutent et font semblant de ne rien voir et de n'entendre rien, gloussent, rougeoient

rougeoient

s'interdisent de pratiquer le sexe pendant le Carême

gloussent


Z-BAR Z-BAR Z-BAR


il fait soif, s ss soif f

je me roule dans une c vrt couverture, je me g glisse sous un tas d'rd ordures, je me couche sr sur le sol - impek' !

les vierges et les martyrs ne couchent pas dans le même lit

entre un s seau de pisse et un seau de m merde

et j'attends de mourir r rr

attrapant au v vol une pièce de monnaie qu'on me lance

- vous êtes bien aimable, manneke !



la mort coûte cher

et ne rapporte pas grand-chose à ses bénéficiaires


ramassant des ph photos tombées d'un ns sac, un briquet, un agenda, une brosse à cheveux, un t tube de rouge à lèvres

bonj'oir

danke, n'avend

j joder

hibernant d dans les tr trous des vieux murs et les tr terriers abandonnés, s sous les racines d'un vieux platane ou d derrière un volet t

je m'ss assieds dans des br brouettes q que je tr trouve dans un rd réduit à outils au fond du potager, dans la c bn cabine de pilotage d'une b baleinière m mise en c cale s sèche ou dans un pp pigeonnier de l'Armée Fédérale, dans les nc anciennes écuries de l'ex-g nd gendarmerie montée, dans un r refuge pour

nains de jardins, urnes fêlées, p pots de vieille peinture au plomb, sanitaires f fendus par le gel, piles usagées et batteries oxydées, c cageots de fruits ou de lg légumes abandonnés, v vieux j rn journaux invendus et annuaires t téléphoniques périmés, p pesticides au nitrate, pn pneus déjantés, bonbonnes de gz gaz à la m moutarde, huiles végétales avariées, médicaments r retirés de la vente, tambours cr crevés, pianos mécaniques désaccordés, teddy bears év éventrés, fétiches ds mrc désamorcés

tr sp transpercés d'épingles et d de clous

au nombril n cr incrusté de d débris de miroirs sur lesquels les mg images c pt captives mettent une vie nt entière à s'ff effacer


est-ce que les mots j jaunissent nt, perdent leurs lettres, leurs pouvoirs, leurs c cc couleurs, leurs odeurs, leur haleine ?

et les f fétiches ?

après c combien de temps ?



il faut bien se couvrir pour mourir


je m'assieds sur une s souche ou sur un tr tronc d'arbre

et ce sont des f ff fauteuils

je m'assieds s

et j'attends de m mourir

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

j'at ttends

- à vot'bon coeur !

les p pieds dans une flaque d'eau mazoutée

de mourir r, attrapant nt au vol une p pièce de monnaie qu qu'on me lance

- merci, manneke ! vous êtes bien aimable !

dank u


un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir

des tocards de students guindailleurs, rigolards, tapageurs et chahuteurs, déjà bien allumés, débraillés, parlant fort, ayant décidé de se prendre une bonne douffe avant les examens, insultent une harde de bourges et leur extorquent un billet de deux mille befs (environ 50 euros)

- pour la jeunesse ! pour l'avenir du pays ! pour les pauvres étudiants boursiers !

et se commandent la sixième chope de la soirée

- skooooool ! santeï !

l'engloutissent aussitôt

chassent le boudin, draguent des minettes dépitées qui viennent de se voir refuser l'entrée du Z-BAR, les charrient

- vous avez les seins durs, sur le plat ou à la coque ?

les provoquent

- on se lèche les limaces derrière le fritkot de Tina ? on se gnoufte au fond de l'Impasse ? on froechelle dans la mansarde de Con-de-Dieu ? ou sur la banquette arrière d'une grosse américaine ? ou dans la cave à vins d'un curé oenologue et pédophile ? ou sur la pierre tombale d'un vampire qui aime sucer les tampax des très jeunes filles ayant leurs toutes premières klottes ?

leur proposent une tournante, un éboulement, un mariage collectif

- un feu de brousse, ça ne s'éteint pas avec une seule bite ! ouah, ouah, ouah !

leur demandent si elles se mettent aussi du rouge à lèvres autour du con

et si elles ont une idée précise de l'endroit où se trouve leur clitoris

- où ça s'situes c't engin-là et comment ça s'actionne ? plutôt vers le haut ou plutôt vers le bas ? faites-nous voir, quoi ! plutôt du côté du canal de l'urètre ou plutôt du côté du trou de balle ? montrez-nous, quoi !

si elles savent seulement s'en servir comme il faut, si elles se doigtent tous les soirs avant de s'endormir, si elles se touchent de la main gauche sous la nappe en mangant une cuisse de poulet de la main droite, si elles utilisent l'index ou le majeur, si elles ont déjà appris à tailler une plume à un mec ou à lui passer un coup de fil en dessous de la ceinture, s'esclaffent, insultent

- brouteuses de cresson ! est-ce que votre lit grince ou bien craque-t-il ? ouah, ouah, ouah !

et se font exclure, jeter, vider, nier

- on vous compisse la raie ! ouah, ouah, ouah !


des tocards de students s'amusent à faire tomber la casquette du Zef

- santeï !

s'esclaffent et discutent avec le portier du Z-BAR, le questionnent à propos du Zef, d'où il vient, quel âge il peut avoir, s'il dispose encore de la plénitude de ses facultés mentales, quelle est son identité sexuelle, s'il a été élevé dans un contexte familial difficile, s'il a encore des parents, s'il a déjà été marié et s'il a des enfants, s'il vit hors mariage avec une non-chrétienne, quels rapports il entretient avec le marché du travail, quelle drôle de langue il parle, s'il a des problèmes de parole ou d'entendement, s'il cause aux morpions qui lui tombent dans le caleçon, si leur parle français ou néerlandais, arabe ou espagnol, albanais ou serbo-croate, latin liturgique, lingala ou quechua

- t'y comprends quelque chose, toi, à c'qu'il baragouine ?

si c'est un gars d'ici ou bien d'ailleurs, combien il gagne par mois, s'il avale les pièces de monnaie que les touristes lui lancent dans la bouche pour se porter bonheur, s'il les recrache ou s'il les chie après

dans quelle piaule il crêche et si c'est exact qu'il est propriétaire de trois baraques pourries et qu'il en loue les rez-de-chaussée à de jeunes et jolies sorcières, s'il comprend bien tout ce qu'on lui dit, combien de temps il lui reste à vivre, commentent

- tu téléphones aux flics, t'as ta photo dans l'journal : l'gars qu'a prévenu la police !

- il suffit d'découvrir le corps, ouah, ouah, ouah !


watte ? s s'il vous plaît ?

âne cr cracheur de pop-corn, ayant rongé la corde qui le retenait à un p piquet, errant au bord des r routes, les yeux xrb exorbités, les naseaux fr frémissants, br brayant sur une décharge républicaine, les flancs c creux, les côtes saillantes, ivre et sourd de pékêt f flambé, mâchouillant des chardons et d des orties, br abritant l'âme d'un mort, d divaguant

et

tendant le cou et passant son museau par une f fenêtre ouverte, q md quémandant ou d rb dérobant une carotte, br broutant nt des brins de p paille ou d'herbe ss sèche qui débordent des gros sabots de ferme que la Veuve Bigoudis a déposés au pied des m rch marches de pierre bleue, à l'ntr entrée du café RIO

CAFE RIO

bonj'oir, n n'avend

cerf-volant acrobatique, s se prenant les ailes dans les fils à haute t ns tension, s'écr crasant sur une plage p polluée par la marée noire et les sc cadavres sd de clandestins ou dans un nc champ de mines antipr antipersonnel

g gg goeie avond, danke

alezan tombé dans la r rivière, ne parvenant plus à remonter sur la b berge, pissant de tr trouille, commençant à f ff fatiguer r

bonj'oir, n'avend

dank u u


on me retrouve p près du canal, au fond d'un potager, sur un tas du p purin, dans une f fosse d'aisances, un r réduit à outils, une cabane de planches rc recouverte de tôles, un refuge pour nains de j rd jardin

les yeux xf fixes et grands ouverts rts

le corps r rr raidi par la mort, n naturalisé

des épingles et des clous enfoncés dans la région du coeur

gisant sur un m mm matelas de boîtes de crt carton nd défoncées


mon éradication, p par une belle soirée d'hiver rr, passera totalement inaperçue, eh

d disparition non signalée, charogne non r réclamée, mort n non id dentifié

- à vot'bon coeur ! la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

recouvert rt de br branchages, de cageots de fruits et légumes éventrés ou de vieux journaux déchirés, un mm morceau de c rd corde autour du cou

s'il vous plaît ? watte ?

on ne pleure pas la mort d'une mouche à merde, on n'organise pas de funérailles


on me retrouve e

- bien gentil !

des tr traces de cocaïne, de marijuana, d'hostie consacrée ou de c curare r relevées dans mes urines

des gg gnocq gonocoques dans l'urètre, le vagin, le pharynx ou le r ct rectum m


le n numéro de série, g gravé sur l'oreille gauche de chaque b bgn bagnard et devant permettre de le garder sous s surveillance, toute sa vie d durant, de la f rm ferme à l'ab battoir r

g gratté au cutter, brûlé à l'acide

des p points d'acupuncture découverts sur rm ma peau, des sp piqûres de tiques, des sp puces de rat p st pesteux, des sp poux, des tr traces sd de démangeaison

on me r rr retrouve

et on nrd ordonne la mise en nb bière immédiate

s'il vous plaît ? watte ?

danke


sans tête et s sans papiers, sans t testament nt secret, sans mot d'adieu, ni ttt tatouage intime, ni puce électronique, ni br bracelet d'identification, ni vaccins, ni c cc cicatrices s, ni b boucles auriculaires, ni f fiches sn sanitaires, n ni c code de trç traçabilité

sans même la ph photo p ss passeport d'une ancienne m tr maîtresse, un cure-dent usagé, une p petite cc culotte de b bure volée sur le fil à linge d'un c vnt couvent ou reçue en cadeau d'anniversaire-adieu, une p patte de lapin, un fr fer à cheval ou une cc clé de consigne oubliés dans une poche de manteau ou de pn pantalon, des rgn rognures d'ongles, une tf touffe de ch cheveux et des p poils pb pubiens ccr accrochés à un hameçon


entouré de journaux fr froissés pour ne pas me laisser s surp prendre

d'épouvantails fourrés de paille et de dr drapeaux à prières

d'un cordon de cendres pour g rd garder les limaces à distance e

on me retrouve

s'il vous plaît ? w watte ?

danke

le corps recouvert de mouches

dans une chapelle tombée en rn ruines, transformée en p poulailler

dans un cimetière secret, nv envahi par les b broussailles ou dans le tr tronc d'un arbre mort, cr creusé par les v vers s

dans un nt tunnel du chemin de f fer ou dans un conteneur, dans un nid d srt déserté par des hr hirondelles de fenêtre ou de ch cheminée, dans une décharge de boues de dr dragage, dans une crèche de Noël

- ik ?

dans la cave d'un immeuble sq squatté, dans un entrepôt de locomotives à vp vapeur désaffectées, dans les st toilettes d'un ancien ppp poste de douane aux murs tagués à la brosse à c bn cabinet, dans un vieux m moulin ab abbatial, dans les rs réserves d'un mu musée d'histoire naturelle, dans un asile pour animaux de c compagnie violés et battus

en salle de d gr dégrisement nt

danke


on me retrouve, le corps coulé dans un p pilier de pont autoroutier

ou plongé dans le f formol d'un laboratoire de l'Institut de pathologie de la Faculté de médecine animale

la boîte cr crânienne défoncée, remplie de résine, les orbites c comblées par des oignons, les entrailles arrachées et revendues aux devins

vagabond ndmp empaillé xp exposé dans une armoire v tr vitrée, tr trophée de pauvre accroché au mur d'un c mm commissariat de police, on f finit toujours par me retrouver

s'il vous plaît ? watte ?

d dank u


électrocuté en touchant nt des c câbles électriques srr arrachés par la chute d'un vieux platane

écrasé par un nc camion de ramassage des immondices effectuant une marche arrière dans l’mp impasse

asphyxié par un ex-g nd gendarme ex-belge, à l'aide de g gants et de coussins rr réglementaires

noyé en tentant de tr traverser un cours d'eau en crue e

- à vot'bon coeur !

foudroyé en fr fracturant à c coups de masse la vitre pr pare-balles d'un tabernacle sous haute t tension

rempli, de la cave au gr grenier, de la gorge au tr trou de balle, de drogues dr dures et de dollars américains, de titres b rs boursiers, de pmt piments sous pr pression, de cortinaires des m nt montagnes prêts à éclater dans la s sauce e

encorné p par un taureau p rv pervers dans une arène de Santa Valencia


en prenant de l'âge, les taureaux deviennent mauvais

assommé d'un coup de p pelle ou pendu avec mes propres intestins à la p poignée de la porte d'entrée d'un b rd bordel de famille, mt maternel et sr surchauffé, rue de Malines

pratiquant le d dp dépucelage des scouts d'une pr paroisse du Christ Ressuscité et l'pn épanouissement des jeunes pousses, la pr préparation à la Communion et l'ntr entraînement au Mariage, l'dm administration des derniers sacrements, l'ch échangisme, le Bring Your Own et autres sj jeux de guili-guili auxquels on se livre en ns société

on m me retrouve

- la p'tite pièce !

bonj'oir r, n'avend

danke


A L'AMBASSY


acc croché au p porte-manteau du couloir d'entrée, entre un chapeau d'abbé et une casquette de commissaire de p police

on me retrouve

dank u, mel'si, trp attrapant au vol une pièce de m nn monnaie qu'on me lance

- vous êtes bien aimable, manneke !

portant une m médaille e de la Belle Dame autour du cou, attachée à un v vieux lacet

ou r renversé par une gr grosse voiture américaine

alors que je tr traversais la place du Marché aux Poissons, entre le Z-BAR et le café RIO, un s samedi soir, en t trébuchant

g goeie avond

n'avend


un groupe de clients prend l'air sur le trottoir

des doublards de students, gouailleurs et peloteurs, toucheurs, frotteurs, et caresseurs, passablement éméchés, mâles, blancs, racistes, machistes, homophobes, antichauves, antigros, antipauvres et antivieux, les cheveux taillés en sachet de frites, ayant déjà un sacré coup dans la trompette, chantent, gueulent, tuent leur septième chope

- santeï ! skoooooool !

se roulent des joints au fond du Busleidengang, tirent sur les nattes d'une petite fille qui mâche du chewing-gum à la menthe

- bonne fiesse, Sinte Marèye !

et qui leur demande d'écrire quelques mots tendres dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé

- s'il vous plaît ! s'il vous plaît ! s'il vous plaît !

lui mettent la langue dans la bouche, lui tripotent le corsage, lui palpent la poitrine

- eerst blablabla dan boemboemboem ?

s'esclaffent

- mais c'est du toc, ça ! y a encore rien là d'dans ! que de l'ouate et de la gaze ! que d'la flotte et du caoutchouc !

retournent tenir compagnie au portier du Z-BAR, continuent de s'intéresser au Zef, s'il éprouve des difficultés à évacuer complètement ses excréments, s'il se roule tous les matins dans une bouse de vache encore tiède, s'il a plein de fric, combien il peut bien en avoir mis de côté depuis le temps qu'il rackette les honnêtes chrétiens, s'il place son pognon en actions ou en obligations, où il peut bien cacher son magot, quelles sont ses chances de survie

- tu l'butes, tu lui fais les poches, tu fouilles ses tas de journaux, ses dépliants publicitaires, ses catéchismes et ses paquets d'vieilles revues pornos, tu renverses ses sacs en plastique, ses boîtes à chaussures remplies d'photos souvenirs et ses pots de géraniums parfumés, tu lui piques ses bons du Trésor, son blé, son flouze, son lard, ses titres de propriété

- et, surtout, t'oublies pas d'découvrir le corps ! ouah, ouah, ouah !

- devant témoin, après l'avoir buté ! ouah, ouah, ouah !


w watte ?

q quand je suis mort

gelé, de faim, roué de coups

on me tr transporte, je meurs dans une poubl poubelle, entre un s seau de pisse et un seau de m merde, dans une br brouette e

s'il vous plaît ? watte ?


des chauve-souris se d cr décrochent du plafond et me fr frôlent les lèvres, des mouches bleues déposent leurs larves au plus prf profond de mes pl plaies ouvertes s et p puantes

que des becs d'oiseaux f ff fouillent et p picorent


on préfère les morts quand ils sont entiers

maquillés, aseptisés, odorisés

en parfait état de conservation

colorisés

cacanéant

et cornes de crocodile

je ne m meurs pas sur le podium, en d rc direct, sous les spots, devant les caméras, en pr première page d'un quotidien à grand t tirage, dans la rubrique n cr nécrologique du bulletin des anciens élèves d'un c collège de Jésuites, en pr présence de Monsieur l'Abbé, d ns dans les salons des hôtels de luxe, de st pr stupre, de tr tourisme et d'affaires, les salles d'attente des cabn cabinets dentaires

à bord de mon avion pr privé, md médicalisé, immtr immatriculé en Ss Suisse, au Luxembourg ou aux Bahamas, entouré de l'ff affection des miens, en c compagnie de mon g guérisseur chinois


je ne meurs pas en r robe de chambre, dans mon fauteuil, dv devant la t télévision

caressant mon p petit chien r rr rose en peluche

feuilletant un v vieil album de f famille

je meurs tout habillé, dans un r réduit à outils, au fond du potager, près du c canal nl

une b bb bouteille vide ou une b rr barre de fer à p rt portée de la main

b ns bonj'oir

danke, n'avend

je m rs meurs dans l'autobus et le m métro, sur les tr trottoirs, dans la r br rubrique des faits d divers

tout habillé

on ne s'incline pas devant la dépouille mortelle d'un poulet

on le plume, on le rôtit, on l'assaisonne

on fait la fête et on le bouffe


les femmes et leurs filles

elles ont des seins

qui pointent

dru

dr

u


c'est ainsi qq que je sais que la semaine est f finie, quand sa fille la remplace, Tina, se passant de la pommade hydratante sur les pis

- voeil teif ! bloemkul !

je ramasse une m mèche de ses cheveux, des rognures d'ongles, une épingle à chignon, une tff touffe de poils cr crépus de son gros cul viandeux de ch charolaise r pr reproductrice, je les ntr introduis

s soigneusement

avec un bâtonnet, une épingle, une allumette, dans une c coquille d'oeuf gobé é

- impek' !

ou dans la cavité abdominale d'une st statuette de bois, rongée par les termites, clouée, chargée, cachée au ff fond d'une caverne des Hautes-Pyrénées, réactivée e

fr ff furtivement

nt nuitamment


y injectant la g grippe du poulet cru, les f vr fièvres exotiques et le c cancer des couilles

méchamment

à l'aide d'une tr très longue et tt très fine t tige de bronze

les larves, les rats, les crapauds, les choux, les mouches

et les blattes

souffrent aussi du cancer de la prostate

n'avend

dank u, b bonj'oir

goeie avond


le portier du Z-BAR sort les mains de ses poches et mange des tartines à la sauvette

sardines portugaises ou marocaines en boîte, rollmops à la mayonnaise, omelette au lard salé

fait une tache de graisse sur sa veste

- de Dieu !

et salit ses souliers


le portier, le vestiairiste-videur, les barmans et les serveurs du Z-BAR portent une veste d'amiral, rouge Coca-Cola, avec des boutons dorés

le patron du Z-Bar, alias Klachkop, professionnel très habité par son métier, dit

- ça fait chic, standing !

il entend que son bar ait

- de la classe !

il n'aime pas que le portier mange des tartines

- à l'entrée du bar ! et devant les clients !


il n'aime pas qu'une jeune femme, libre, nue, enragée, déchaînée, forcenée, complètement chanvrée, habillée d'une perruque de cheveux roses et d'un masque de velours vert, vêtue d'escarpins à haut talon, fasse irruption sur la piste de danse, dans la nuit de samedi à dimanche, vers 4 heures du matin


un masque c'est quand on peut mettre la tête dedans

sinon c'est une sculpture


hurlant qu'elle vient de se faire violer dans le Busleidengang

- t'en vas pas comme ça, quoi ! donne-nous quand même une chance, quoi !

par le portier du Z-BAR

gratuitement

- nous aussi, on voudrait bien faire connaissance, quoi !

et dans le vestiaire des clients, sur les manteaux et les chapeaux, derrière un paravent de pébroques, par tout le personnel de la boîte et quelques habitués

- nous aussi on voudrait bien signer l'contrat, quoi ! nous aussi on voudrait bien s'détendre, quoi !

qui tutoient le portier et lui refilent de grosses dringuelles


ceux q qui ont toutes leurs dd dents,

m rd mordent


Z-BAR


des chiens ratiers reniflent les urines qui stagnent dans la rigole d'évacuation de la pissotière du Busleidengang, des enfants enfoncent du chewing-gum dans la serrure des voitures et tracent des graffitis sur les rebords des fenêtres des stamcafés, des bars et des bordels

et sur le capot des ambulances et les portières des camionnettes de flics


CHEZ TINA


Tina l'avorteuse, sa fille qui la remplace, retouchant son maquillage, remontant les bonnets de son soutien-gorge parfumé à la vanille, renouant un chignon qui se défait sans cesse

son individu, son militaire de carrière, son prognathe, son kastar


ils mord dd dent

morsures à l'ail, au p piment vert, à l'oignon cru


Tina, sa fille qui la remplace

l'huile de f rt friture et la mayonnaise lui gr graissant les doigts et lui d dégoulinant sur les pgn poignets, le v visage défiguré par l'cn acné, les b bras aussi gr gros et v gr vigoureux que les cuisses d'un champion nc cycliste

- blinkduus ! bloempot !

une mèche de ses ch cheveux, les rgn rognures de ses ongles, une touffe de p pp poils de son gros cul v nd viandeux de charolaise r pr reproductrice, dans une cc coquille d'oeuf gg gobé, que je rb rebouche soigneusement avec de l'hostie mastiquée, un vieux chewing-gum, un sp sparadrap, de la bougie f nd fondue, du miel, du saindoux ou de la toile d'rgn araignée

s soigneusement, furtivement, m méchamment


il vient la traire et la triquer

un béret rouge et de grandes oreilles décollées

s'amène vers les deux heures du matin

tous les week-ends


ils f ff font leurs amours

leurs rs amours s


le portier, le vestiairiste-videur, les serveurs et les barmans du Z-BAR portent une veste d'uniforme rouge Coca-Cola

sur un pantalon noir

avec des boutons dorés


Tina

sa fille qui la r remplace

- bloemkul ! voeil teif !

les hanches pl pleines, la cl tt culotte haute fleurant la mandarine, la robe de p rq perroquet, le cache-poussière à fl fleurs, les b bas à pois, les soutien-g gorge à rm armature parfumé à la vanille, les seins qui pointent encore mais ne pq piquent plus

et son nd individu

tétant le pis de la bufflesse qu'il vient de ch che chev chevaucher à c cr cru

améliorant ainsi, de façon sensible, ses performances sportives, eh, eh

sans p pouvoir cep cependant être acc cusé de d do dopage, eh, eh


ne prenant aucune pr précaution np particulière, ne portant pas de m masque de carnaval, n'enfilant pas de gg gants de v tr vétérinaire, ne cr craignant pas de se m mouiller la bb bouche et de se s salir les doigts gts, eh, eh


se rég régalant nt du lait f rm fermenté de sa v nd viandeuse c mp compagne, eh, eh

ignorant avec sp superbe les inf formations alarmantes, diff fusées par les instances ss sanitaires autorisées, relatives à l'augmentation de la t teneur en dioxine du lait des f ff femmes qui élèvent des d nd dindes et des p poulardes et se font br brouter le cr cresson à pr proximité d'un incn incinérateur de c dvr cadavres humains ou de d déchets ménagers, d'une c mnt cimenterie, d'un ch chancre industriel, d'un rp aéroport m lt militaire de la Libre Amérique ou d de la Sainte Russie, d'un échg échangeur autoroutier, d'une nst installation ssd sidérurgique ou d'une usine de ff fabrication de fr farines animales, eh, eh


Tina la frituriste, sa fille qui la remplace, sexuellement réceptive, cherchant à ferrer le mâle dont elle a su gagner les faveurs

- nom de Dieu, Zef, fous l'camp ! t'as rien du prince charmant ! tu fais fuir tous mes clients ! je n'veux plus voir ta sale gueule rôder autour d'mon fritkot ! dégage, smeirlap, voleur de bites ! en vitesse !


g goeie avond

âne, ivre et sourd, abritant nt l'âme d'un m mort, z gz zigzaguant sur la gr gr grand-route, tirant une cr carriole sans c chauffeur, dont le fr fr frein à main aurait lâché

je ne suis pas là, je ne viens p pas d'où ? je p pleure ou je rigole sans j jamais savoir p rq pourquoi ? je pr porte un très vieux pantalon, d ch déchiré, laissant entrevoir un caleçon long, j jauni et rongé par l'urine e

bonj'oir

danke

un pantalon trop gr grand, trop large, retenu par de vieilles br bretelles et deux f ficelles effilochées, n nouées à la t taille

qui s'élargit encore comme je r retrécis

et comme je me d ss dessèche et q qui s s'allonge encore de p plus en plus ss s

en plus encore

s'il vous plaît ? watte ?

n'avend, bonj'oir

dank u


Tina, sa fille qui la remplace

accusant Zef de faire disparaître le pénis de ses ennemis en leur serrant la main ou en les frôlant

- même me regarder, je n'te permets pas, krapul ! fous le camp, duigeneet, bon à rien, vagabont, videur de chiottes, strondroeimer !


la fille de Tina et son individu, son militaire de carrière, son prognathe, son kastar

un caporal-chef aux grandes oreilles décollées, s'assied sur un tabouret en plastique noir, joue avec son béret rouge, fait tournoyer sa batte de base-ball jaune, attend, s'impatiente, s'énerve, attend, se lève, claque les talons, salue

et se rassied, attend

il

elle sert les derniers clients, elle débranche les bouteilles de butane, elle tripote les boutons du poste de radio, change de fréquence et choisit un programme de musique douce, retouche son maquillage, dénoue son chignon, augmente légèrement le volume du son, elle

elle rabat l'auvent, fixe les volets, elle

elle insulte copieusement son individu, son militaire de carrière, son cul-terreux, son enfoiré de connard de merde, lequel attend, en bavant, qu'elle lui tende son cul

et ça lui fout une trique d'enfer

bavant, bandant, grimaçant, gonflant ses joues, menaçant d'exploser, manquant décharger dans son froc

- tu f'rais mieux de m'donner un coup de main, Rambo, si t'veux que j't'aide à t'vider les couilles et qu'j't'envoie au plafond !

il

il donne un coup de balai à l'extérieur, en vitesse, rentre le tabouret, tend les pattes

- commence d'abord par me virer le Zef ! t'as vu son regard ? il n'arrête pas de me zieuter et de m'insulter !

il la palpe, la caresse, la brosse, la cajole, la tripote, l'invite à tester sa virilité, lui met la main aux fesses et la pousse à l'intérieur de la baraque

- mais fais quelque chose, nom de Dieu, si t'es un homme ! il n'arrête pas de me traiter de sale fille, de boîte de cirage, de chou-fleur ou de pot de fleur ! fais-lui son affaire ! donne-lui ce qu'il mérite !

puis

puis

puis

longtemps, à l'extérieur, porte close, s'enfermés


les bêtes heureuses, on prend plaisir à les regarder vivre

on a envie de les manger nues


je r ris des mots rongés, minés, qui tr torvent

- que les vers vous mangent le sexe !

et je leur souhaite d'nf enfanter d'un chou, d'une blatte, d'un crapaud, d'une mouche, d'une larve ou d'un rat

s s'il vous plaît ? watte ?

bonj'oir r


les larves, les rats, les crapauds, les choux, les mouches, les blattes

plus on les cueille, plus on les sort de l'eau, plus on les met en cage, plus on les tient en laisse

plus on leur arrache les ailes, plus on leur coupe les pattes

plus on leur tranche la tête

plus on les mange

plus on les aime


longtemps

elle se vide les eaux, il se purge les bourses

et le fritkot fait

- hi-han ! hi-han ! hi-han ! hi-han !


Tina, sa fille qui la r mpl remplace

- bloempot ! blinkduus !

une m mèche de ses cheveux, les rgn rognures de ses ongles et des poils de son gros c cc cul de vache reproductrice dans une coquille d'oeuf g gobé

ou dans une s statuette en bois que j'enfouis pr profondément, subrp subrepticement, dans un rc recoin obscur du Busleidengang

dank u u, bonj'oir

n n'avend


frottement des peaux moites, lubrification vaginale

longtemps

solide percheronne, à quatre pattes et penchée vers l'avant, en appui sur le coude et les poignets, jambes largement écartées, offrant ses fesses, s'ébrouant en faisant crier le cuir des harnais

et l'homme qui tient les rênes, à genoux, le pantalon sur les chevilles, tout à la hâte de se reproduire, ignorant les périls, s'agrippant fermement aux hanches de son adversaire, excitant sa compagne de la voix, lui flattant la croupe de la main

- hue, cocotte !

tendant les jarrets, piaffant, ahanant, hennissant

plaçant trois accélérations à la suite l'une de l'autre

et, dans un ultime effort, se cabrant, les yeux révulsés, la respiration haletante, la mâchoire crispée, franchissant en bavant, en poussant, en rotant, en pétant, les derniers mètres qui le séparent de l'extase

libérant un véhicule tueur destiné à frapper l'ogive ennemie

- encore une preuve de son existence pour ceux qui douteraient encore de la mort de Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom ! jouit le maquignon et tient-il, en pleine extension, des propos effarants et totalement insensés


contrairement à l'étalon, la jument mouille son crin


hurlements du charretier, glissant et patinant dans la boue argileuse

sifflets de locomotives, ruades et coups de sabot, cris d'oiseaux de proie

transpiration des coussinets, fuites d'huile, émission d'urine, lâchage de pets, vidange des sacs anaux

nuages d'oeufs et de laitance, lâcher de douces colombes et de montgolfières, libération des spores, capsules séminales s'envolant au gré du vent

odeurs nauséabondes des sécrétions qui se mélangent, odeurs fétides et sulfureuses, miasmes putrides, nectars des Dieux, parfums de Mascate, roses d'Ispahan, épices de Samarkande, santal de Bhârat, camphre de Bornéo, miels d'Idiofa, herbes de Belize, odeurs fécondes

odeurs de bielles fondues, de saucisses cramées

et le fritkot continue de faire

- hi-han ! hi-han ! hi-han !

- hi-han ! hi-han !

- hi-han !



Z-BAR


un groupe de clients prend l'air sur le trottoir

- santeï !

hilares, beurrés, blindés, torchés, des couillards de students, disputeurs et jaboteurs, font de leur stouf et tuent leur huitième chope

- skooooooool !

font circuler des joints, organisent un concours de lancer de mollards tièdes, baissent leur froc, montrent leur derrière et les traces de freinage qui souillent le fond de leur culotte

s'esclaffent

essaient de mettre la main dans le pantalon du Zef, lui renversent un verre de bière sur la tête, lui écrasent un mégot de cigarette dans la paume de la main

jettent des pièces de monnaie dans la rigole de la pissotière et se demandent s'il va venir les ramasser

commentent

- non mais t'as vu ?

ils désignent ça

- ça !

ils se gaussent

- ça ! ça ! ouah, ouah, ouah !


je n n'entends rien, j je

s s'il vous plaît ? watte e ?


ils insistent

- ça ! ça ! ça !


ç ça ?

joder

ils disent


s'il vous plaît ? w watte ?

ma br braguette ?

gotferdoume, q qu'elle b bâille ee et qu'ils ne s savent pas trop ce qu'ils voient, s'il faut devn deviner quoi

j je e

ils disent

- ça s'ouvre sur quoi

ils disent

- ça r'ssemble à quoi, des figues séchées ? un cep de vigne rongé par les vers de bois, le charbon, la chaude-pisse, la rouille ou le mildiou ?

ils disent

- ça fonctionne à quoi ? au diesel, à la graisse de porc fondue, à l'huile de friterie, au vin de messe piqué ?

ils disent

- c'est emballé dans quoi ? des billets de banque périmés, des images pieuses et souillées d'un magazine porno, des pages de publicité arrachées à l'annuaire du téléphone ? ouah, ouah, ouah !

ils se bouchent les narines

- et qu'est-ce que ça dégage ! et qu'est-ce que ça fouette !

ils s'interrogent

- une odeur de charogne, de vieux cageot de fruits ou de légumes, d'oeuf pourri, de compost de champignonnière, de fientes de poules, de foetus avarié, de moule crevée, de fromage de Herve ou de Bruxelles-Brussel, de hettekees ou de pottekees ?

ils disent

- le Zef, quand il ouvre sa braguette, un lézard s'enfuit, un essaim de blattes prend son envol ! des puces de rat pesteux surgissent, bondissent, explosent dans tous les sens ! ouah, ouah, ouah !

ils

il

i


tous les feignards ne sont pas nés avec un cheval entre les jambes


un rt rat d'égout, rng rongeant nt le calice des fleurs, mr mordillant les rt orteils des statues de la Sainte Vierge, gr grignotant des grains de chapelet et les quatre b boutons d'une braguette, se jj jette sur les jeunes pousses de riz, les v vieux pansements, les tampax usagés

les tr triturant nt, les lacérant, les d déballant, les aérant,

avec f férocité, voracité, j bl jubilation

dd déchiquetant et g gloutonnant nt

forant des tr trous dans les châssis et les ss serrures, p pénétrant à l'intérieur des bottines, se f faufilant dans les mn manches des chemisiers, se ruant nts sur les m mamelles, d dévorant les lèvres et les joues

- à vot'bon coeur !

gr grimpant le long des c cuisses de la fille de

Tina, lui fonçant dr droit au cul, se g glissant dans son énorme c culotte de c coton rêche aromatisée à la mandarine, lui avalant les rgn organes, eh

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

b bonj'oir

danke, n'avend


j je

je n'ai p pas d'histoire et je n'ai plus de s sexe, j'interdis q qu'on me pose des q st questions au sujet de mon âge et dd de mes couilles s

- bien gentil ! bien aimable !

je m m'énerve


MBA MACUMBA MA


d dank u, bonj'oir

goeie avond

veneurs s sonnant la vue de l'animal, j je trace des moulinets avec ma canne, je m menace une horde de chiens ratiers qui me cherchent des embrouilles, me pr poursuivent et me n rg narguent, me conspuent

et des nf enfants qui me lancent des p rr pierres

gotferdoume, je m menace

bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag

je menace e d'appeler la p police ?

- loop naar de maan ! allez vous faire foutre !


je br braque ma canne sur la t mp tempe d'un type, en b béret et en s salopette, aux doigts gts couverts de p nt peinture, rt artiste ou ouvrier, s ss sifflant nt faux, se r rr raclant la gorge et rn urinant joyeusement c ntr contre le mur du MACUMBA

avant d'y ntr entrer

s'ss assommer


Busleidengang

p pattes de poulet, bidons d'huile m minérale usagée, dentiers rouillés, bb béquilles bancales, sous-vêtements c cr crades, messages s ss secrets délavés, médaillons et photos sj jaunies

cloués sur le tr tronc d'un arbre mort

d dénonciations d'amour, lettres de haine, bandages et p pansements sanglants, couches-culottes merdeuses, billets de banque fr froissés, vieilles g godasses et chaussettes trouées, mouchoirs et tp papiers graisseux, mèches de ch cheveux, m moumoutes poussiéreuses, godemichés g gluants


je me pr protège e et je mn menace

je m menace d'appeler la police

d'appeler la p police


ils se marrent, ils


f furieusement, ma canne, je


se marrent, esquivent

le portier du Z-BAR intervient, gueule

- de Dieu !

RENE ! SI-RENE ! SI SI-RENE ! SI-RENE !

je me d défais, me liquéfie, je p pète

je, je suis mort, qu'on me laisse, q qu'on me

je suis mort pour un t temps s

p pourquoi me bousculer, pourquoi ?

bonj'oir

danke


une sirène, une ambulance


je me cr cramponne des deux mains au g garde-boue d'une voiture en stationnement, une grosse américaine, le m muscle coeur eur


le muscle coeur


vient ! passe !


gonfle et

tr tremble e ee et

vibre, ex-

plose


et puis s'

éteint


s'apaise et je m'effondre

et je m m'ef-

ff fondre

dank u, bonj'oir

goeie avond nd, n'avend


on ne meurt pas deux fois dans la même journée

douleur oppressante dans la cc cage thoracique, battements c rd cardiaques irréguliers, n nausées, syncope

s'il vous p plaît ? watte ?


- alles goed, Zef ? en forme ? hoe gaat't met je ? qu'est-ce qui s'passe avec toi ? alles in orde ?


le s souffle, reprendre souf-

fle e

r reprendre

souffle

fle


- il y a quelque chose qui n'va pas, Zef ?

pourquoi me s surprendre et me dire q quoi,

me demander quelle heure, quel jour et l'âge que j'ai

m m'interroger r p pourquoi ?


Z-BAR


un petit groupe de clients prend l'air sur le trottoir

hilares, bourrés, biturés, des gueusards de students pissent de rire et tuent leur neuvième chope

- skoooooooool !

crient, hurlent, recrachent leur bière à la gueule du Zef

en pleine tronche

- op uw bakkes ! santeï !

lui versent des fonds de verre sur la casquette, jettent des mégots allumés dans les poches de son manteau

décoré d'étoiles jaunes ou roses et de triangles bruns ou rouges

dont une manche est plus courte que l'autre


le portier se voit bien obligé d'intervenir, gueule, s'énerve, sermonne

- de Dieu ! mais laissez-le tranquille, potverdekke ! vous ne

- ouah, ouah, ouah !

- mais enfin, nom di djû, vous n'voyez pas que

- ouah, ouah, ouah !

- arrêtez quoi, potverdekke, vous n'voyez pas qu'il

- ouah, ouah, ouah

- arrêtez, nom di djos, pas devant les clients ! een beetje respect, aub ! un peu de respect svp !

- ouah, ouah, ouah !

- foert ! arrêtez quoi ! en fait, Klachkop n'aime pas les histoires, vous allez m'faire perdre mon boulot, potverdekke ! j'vais m'faire remonter les bretelles, nom di djû !


je m mouche un regard d d'excuses, un geste, une parole, je l'écrase

- va une fois à la gare avec ta valise !

g godverdomme

et je vous cr crache e à la gueule et je vous p ps pisse à la raie

je vous chie dessus

chie

ch

i


un squelette en baguettes, de bois sec, crépite

des escaliers s'affaisssent

c chie, chie, chie


goeie avond

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! à vot'bon coeur !

danke, b bonj'oir

n'avend


diables bossus

des cris de freins pointus

striiiiident


le portier du Z-BAR retourne à sa porte

mains dans le poches pour se protéger du froid

- con de Dieu !


des kraa b brefs, essoufflés


lace ses chaussures, reboutonne sa braguette, sort un paquet de clopes de sa poche, allume une nouvelle cigarette au mégot de la précédente, tire une première bouffée

- pour me réchauffer, en fait, potverdekke ! spreekt gij vlaams ?

et refuse l'entrée de la boîte à deux très jeunes filles âgées de 15 à 17 ans et demi

des battantes, des missiles

- en fait, les perroquets gris et les pigeons verts ne sont pas admis à bord, potverdekke ! sauf s'ils sont accompagnés de leur maman, nom di djû !

à deux très jeunes filles qui prétendent

l'oeil charbonneux, le regard incisif et les lèvres coupantes

- mais enfin !

portant des soutiens-gorge équipés de poches à air qui leur arrondissent les seins, leur relèvent la poitrine et leur font gagner deux tailles

- mais enfin !

et qui prétendent avoir oublié

- mais enfin !

leurs papiers d'identité


des kraa brefs, s saccadés s

bb bonj'oir

dank u


RENE ! SI-RENE ! SI SI-RENE ! SI-RENE !

- de Dieu ! attention, v'là les flics !

le portier du Z-BAR appuie sur un premier bouton, une seule sonnerie, longue, un simple avertissement pour prévenir le barman, potverdekke, celui du deuxième comptoir, tout au fond du local, près des gogues, au-delà de la piste de danse

le comptoir des boissons fortes que Klachkop sert en duty free aux seuls habitués, nom di djos

fabricants de farines animales pour poulets d'usines ex-belges, propriétaires d'écuries de course et sponsors de champions cyclistes dopés qui entrent au casino le vendredi soir et en ressortent le lundi matin, notables du bâtiment qui collectionnent les bagues de cigares et les étiquettes de vins précieux, entrepreneurs de pompes funèbres qui ne rient que quand on les brûle, commandants de bataillons de troupes humanitaires aéroportées et colonels brevetés d'état-major qui chassent le sanglier au canon et à la mitrailleuse, encaisseurs qui récupèrent l'argent dans les bars où travaillent les filles, médecins qui portent un masque hygiénique à long bec, pharmaciens branchés qui cherchent à privatiser et à commercialiser sur Internet une antique recette de pommade à la graisse de marmotte, banquiers qui meublent leurs loisirs par la lecture d'ouvrages érudits et libertins, joailliers et parfumeurs qui interdisent aux enfants de jouer devant leurs vitrines, dentistes en or et quincailliers en aluminium qui filment les jeunes filles en train de se déshabiller dans les cabines de douche de la piscine communale, gardiens de prisons qui ajustent le noeud de leur cravate et portent une serviette de cuir sous le bras, négociants en vins qui harcèlent les résidents sans contrats ni quittances des meublés insalubres qu'ils louent à des travailleurs en situation irrégulière

fleuristes et pâtissiers qui se saluent d'un coup de chapeau ou d'une inclination de tête, professeurs de grec et de latin qui portent des lunettes en sautoir et font crisser la craie sur les tableaux noirs pour terroriser les élèves autistes, confisquent leur billes et leur frappent la tête contre les bancs

commissaires de police qui conduisent une enquête sur la mort mystérieuse d'une douzaine de vaches laitières à Zwalm, fonctionnaires de rang 15 à 17 qui reçoivent une médaille de première classe pour actes éclatants de courage et d'humanité, maquignons qui sifflotent sous la douche après avoir tiré leur coup dans un box, officiers ministériels qui recouvrent les créances des jeunes ménages surendettés et exécutent les décisions d'expulsion des chômeurs précarisés, experts-comptables diligentés par l'administration fiscale, notaires et conservateurs des titres fonciers qui n'oublient jamais de mettre une bavette et des lunettes en demi-lunes avant d'avaler leur bisque de homard, avocats d'assises qui manient avec dextérité la canne en ivoire ou à pommeau d'argent, magistrats du parquet qui consacrent leur temps libre à la recherche et à la restauration des instruments de torture de la Sainte Inquisition, aumôniers de camps de concentration pour réfugiés, exilés et demandeurs d'asile

- les vrais clients ! ceux qui ont de la classe ! ceux qui savent boire, causer et claquer leur pognon !

le portier appuie sur le bouton de la sonnette

- de Dieu !

que le barman du deuxième comptoir fasse gaffe, nom di djû, et qu'il soit prêt, en cas de descente de flics non programmée ou de débarquement impromptu d'un couple d'agents en gabardine-chapeau du service des accises, à faire disparaître le rhum et le whisky, l'eau-de-feu et la vodka, le "cinq cent", l'alcool de bananes, de dattes ou de sorgho, la bière de mil ou de riz, l'absinthe, l'ouzo, le raki, la tequila, le saké, le malafu, la cachaça, le pulque et la chicha, la slivovitza, les philtres et les concoctions, les élixirs pervers et les cocktails maléfiques


le portier actionne une autre manette et diminue le volume du son, le temps que passe la camionnette des flics, chuintant, chuitant, chuintant, chuintant, chuintant sous la pluie

qu'elle disparaisse au coin de la rue

et, aussitôt après, potverdekke, sonne à nouveau, trois coups, brefs, pour signaler au deuxième bar que la situation est redevenue normale, que tout baigne, qu'on peut y aller, qu'on peut recommencer comme avant, que la fête continue

- con de Dieu !


je me jette e dans une f flaque d'ombre, un silence, une

nc encoignure, un réduit

j'ai des amis dans la p police ?

s'il vous pl t plaît ? watte ?

n'avend, bonj'oir


des flics sortant de leur camionnette, reniflant chaque buisson, identifiant les marquages urinaires, éprouvant la résistance des serviettes en papier mises à la disposition des clients dans les peep-shows et les confessionnaux, calculant le nombre de poils qui sortent du trou de balle des libertaires, percevant la dîme et la gabelle, installant des compteurs automatiques d'abeilles près des bouches de métro, à la sortie des stades et des églises, à l'entrée des boîtes de nuit


des flics s'emmerdent et font craquer leurs jointures

du chewing-gum leur collant aux talons

cheveux en brosse, moustaches taillées, oreilles dressées, babines relevées, sourcils froncés, narines pincées, mentons verruqueux

- et alors, Zef, on s'rend tristement célèbre ?

- ...

- t'as perdu ta bouche, Zef ?

- ...

- viens par ici, toi ! c'est bien toi qu'on appelle Zef, non ?


des flics de riches dressés à la chasse aux mouches à merde, entraînés au travail d'effarouchement des blattes, équipés de fusils hypodermiques pour endormir les laissés-pour-compte du marché du travail, les mendiants, les traîne-misère, les sourds-muets, les sans aveu, les sans-papiers, les sans-école et les sans-crèches, les sans-abri et les sans-terre, les sans-eau potable et les sans-électricité, les sans-gaz et les sans-chauffage, les sans-téléphone portable et les sans-boîte aux lettres électroniques, les sans-soins de santé et les sans-maisons de repos, les sans moyens réguliers d'existence, les voyageurs démunis de ticket d'autobus, les vendeurs de revues de la semaine dernière, de bouquets de fleurs fanées, de chemises dont une manche est plus longue que l'autre, de montres en toc, de chaussettes trouées et de cravates jaunies par le soleil, de brols et de babioles

- vous gâchez le paysage, vous dérangez les honnêtes gens, circulez, dégagez, allez chercher de l'eau de l'autre côté de la route ! soyez pauvres ailleurs ! qu'on ne vous voie plus traîner dans le secteur ! soyez pauvres chez vous !


les riches sillonnent la planète

à la recherche d'images et de sensations nouvelles pour se regonfler les bites


des flics politiques et culturels ayant reçu mission d'interpeller les crapauds qui tètent le pis des vaches, les mouches à merde, les blattes et les rats

mélangeant des contraceptifs à la nourriture des pigeons bisets et des chats marrons, secouant les oeufs que couvent les canards débagués

- dépérissez, engeances !

éradiquant les larves qui troublent l'ordre public, meurent de faim sans retenue, crèvent de froid avec ostentation, renversent des lampes à pétrole sur leurs paillasses, mettent le feu à leurs mansardes, harcèlent les passants et abusent de la générosité des chrétiens

- tu as de la valeur, toi ? qu'est-ce que tu vaux, toi ? quelle est ta valeur marchande, toi ? ta vie est aussi importante que la leur ?


les pauvres sont instamment priés de mourir pauvres chez eux:

- allez vous faire enterrer ailleurs !

des flics socio-économiques ayant reçu mission d'enfermer les miséreux réfractaires et les clochards obstinés dans des fourrières et des léproseries, de les charger dans des camions-cages et de les déporter à l'extérieur de la cité, loin des regards effrayés des épouses de notables odieusement agressées par des pancartes insolentes

- pardon, j'ai faim !


les riches sont invités à:

gagner un voyage de rêve au Grand Jeu de l'Eté

13 jours, en pension complète, tout compris

et à:

déjeuner au pied du Kilimandjaro

survoler le Masaï Mara en hélicoptère

parcourir la Malaisie à bord d'un train de légende

lézarder aux Seychelles sur une plage de sable blanc non polluée par la marée noire et les cadavres de clandestins


des flics dissimulés dans des cercueils en polyester et des poubelles en plastique, des distributeurs de pop-corn ou de Coca-Cola, des confessionnaux ou des toilettes publiques, des bacs à fleurs ou des coffres de voiture

derrière un réverbère, une statue de la Sainte Vierge médiatrice de toutes les grâces, un cactus, un verre de bière brune, un éventail versicolore ou un face-à-main, un masque de chirurgien, le supplément sportif d'un quotidien d'informations générales, un vieux panneau publicitaire ou un épouvantail défraîchi


des flics se cachant dans le renfoncement d'une porte d'immeuble, installant des caméras de surveillance dans les nichoirs de l'Armée du Salut, se planquant à l'intérieur de minibus aux vitres opaques ou se déguisant en dépanneurs routiers, revêtant la combinaison noire des surfeurs, écoutant les communications téléphoniques, photographiant les passants, filmant les allées et venues, cherchant à tromper la vigilance des portiers de bars, prenant des notes sur des cahiers à spirales, traquant de jeunes biches munies de colliers émetteurs


les pauvres contrastés et les peuplades bigarrées

on les prend en photo

on ne leur demande pas quelle permission


jj j'ai des amis dd dans la ppolice ?

watte ? s'il vous plaît ?

danke


des flics, cheveux en brosse, moustaches taillées, oreilles dressées, babines relevées, sourcils froncés, narines pincées, mentons verruqueux

du chewing-gum leur collant aux talons

des furets aux grands yeux rouges fêlés, des araignées aux poils urticants qui s'apprêtent à sortir de leurs trous de nonnes, des scorpions qui se glissent sous les feuilles mortes, des vipères qui s'embusquent dans des fagots de bois mort, des tortues venimeuses qui se cachent sous les pierres descellées d'un muret, des serpents aquatiques qui rampent dans une boue saumâtre d'où émergent des cadavres de rats d'égout et des mains d'enfants semblant appeler au secours


les rats maigres dont on a coupé la queue

oublient de savoir nager

et refusent de quitter le navire


des flics de riches, des dépositaires de l'Autorité

des faucons et des buses chargés d'effrayer les nuisibles et les indésirables

de les chasser de tous les lieux où ils ne sont pas les bienvenus

terrains de golf, plages de nudistes, églises collégiales, bases militaires de la Libre Amérique ou de la Sainte Russie, rues piétonnières, galeries commerçantes, boutiques de mode, bijouteries et parfumeries de luxe, restaurants distingués et promus par le guide Michelin, villas cossues, terres saintes, monuments historiques, cimetières de l'Otan, bordels de luxe, cliniques de chirurgie esthétique

- êtes-vous autorisés à circuler, à étudier, à habiter, à travailler ? à aimer et à vous reproduire ? à rire et à chanter ? à vous exprimer ? disposez-vous d'un permis de vivre ? êtes-vous titulaire d'une carte de tzigane-zigeunerkaart, d'une carte de stationnement ou d'une attestation de résidence ? êtes-vous ressortissant d'un Etat membre de l'Union Européenne ayant souscrit aux Accords de Schengen ?


des flics de riches traquant les sauvageons, les baladins, les bateleurs et les forains, les Dalits, les Touaregs, les Roms et les Manouches, les Béniguils, les Valaches, les Tchétchènes, les Aborigènes, les griots, les gnomes, les immigrés, les basanés, les demandeurs d'asile, les infidèles et les homosexuels, les naufragés, les invisibles et les itinérants, les convicts, les mariniers et les chemineaux, les skaters et les break-dancers, les phaseurs, les chayeurs et les shégués, les maraudeurs et les voleurs de pommes et de chiens, les inciviques et les réfractaires qui se planquent dans une caravane, les paillards et les impies, les camelots, les jongleurs et les musiciens de rue, les joueurs de bouteilles de bière ou de Coca-cola, les mamans manoeuvres et les changeuses au noir, les baraquis suspectés de dérober de la ferraille dans un entrepôt abandonné, les vendeurs à la sauvette d'ensembles soutien-slip et de guêpières qui interpellent les clientes à la sortie des salons de coiffure et des boutiques de produits cosmétiques, les mongoliens, les épileptiques possédés par les Esprits, les alcooliques et les asociaux, les insomniaques et les incontinents, les libertins et les malicieux, les orpailleurs et les dresseurs de puces, les avatars et les avortons, les sans foi ni loi, les sans croix ni drapeau, les sans état civil, les sans souci, les galériens et les perroquets évadés portant encore une chaîne à la patte, les pendus décrochés, les petites filles fugueuses, les avorteuses, les anarchistes, les affranchies et les extravagants

- avez-vous un domicile fixe ? disposez-vous d'une surface nette au sol de 12 m2 pour y installer un canapé clic-clac, une table, deux chaises, un évier ou une bassine en plastique, un réchaud électrique ou une gazinière, un portemanteau et une armoire personnelle ?

- avez-vous prévu un espace de circulation entre les différentes pièces de mobilier de façon à pouvoir accueillir dans des conditions satisfaisantes les receveurs des contributions, les huissiers de justice et les assistants sociaux ?


des flics de riches traquant la vermine rouge, les chômeurs, les déportés et les bannis, les interlopes et les cosmopolites, les membres d'ethnies minoritaires, les radiés du registre de la population, les porteurs de faux papiers, les travailleurs clandestins, les prisonniers en cavale, les étrangers en séjour illégal, les expulsés du café du Commerce et de l'Industrie, les hérétiques, les sorciers, les sacrilèges, les imprécateurs, les blasphémateurs

et les femmes libres

- cocottes ! cochonnes ! mouilleuses de petites culottes ! dézippeuses de braguettes ! rouleuses de cigares ! astiqueuses de pénis ! cireuses de glands ! ponceuses de bites ! tireuses de vin de palme ! accoucheuses de foetus ! voleuses de santé ! croqueuses d'innocence ! dévoreuses d'âmes ! jeteuses de sort ! squaws ! mingondo ! iveco ! roulures ! bordelles ! trottoires ! créatures ! poufiasses ! malpropres ! traînées de roulotte de foire ! souillons ! salopes ! saletés ! herbes à morpions ! gazons pouilleux ! mangeuses d'héritage ! moins que rien ! pue du col ! tabagistes ! opiomanes ! fumeuses de bangui ! alcooliques ! vérolées ! sidatiques ! criminelles ! insoumises ! stériles ! bidets ! feuillées ! latrines ! serpillières de chiottes !


des flics politiques, économiques, sociaux et culturels

traquant les mouettes, les pigeons et les goélands

dont les déjections obscènes souillent les bancs des tribunes d'honneur des stades de football, les parvis des basiliques, les auvents des friteries et les appuis de fenêtre des bistrots, tripots, kaberdouchs, beuglants et lupanars


traquant les mouettes et les goélands

et tous les récalcitrants

soupçonnés de profaner les sarcophages, de fracturer la porte des centres de revalidation, de cisailler les barbelés des camps de déportation

d'enfermer les chiens jaunes et les pitbulls dans des enclos, de fracturer les portes des armoires et des placards à naphtaline, de vider les frigos et les celliers

d'ouvrir les fenêtres, de retirer les housses des fauteuils, de secouer les tapis, de changer les draps, de rompre les sortilèges maléfiques

de bouter le feu aux sapins en polyester, aux napperons en plastique, aux oiseaux empaillés

de taguer les albums de famille, de dépoussiérer les meubles d'époque et de les repeindre en rouge et en noir, d'épicer les recettes de cuisine à l'ancienne

et de s'introduire dans les maisons de repos, de ligoter les surveillants avec le fil du téléphone, de débrancher les portiques de détection

et de libérer Nonkel Tichke et Tata Mariette

deux petits vieux

qui

aussitôt

se prennent

par la main

et se remettent

à danser


des flics de riches en camionnette, informés d'agissements extravagants et de conduites inconvenantes dans le Busleidengang

- il s'y passe de drôles de choses !

et de la présence de récalcitrants aux comportements bizarres et inquiétants

- des va-et-vient suspects !

d'apatrides et d'étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige


et de femmes libres qui ne cessent de changer de perruque, de parfum, de rouge à lèvres, de territoire, de nom et de prénom

- comment les mettre sur fiches ? à quoi les reconnaître ?


réfugiées dans le tronc creux d'un arbre mort

Rya

Habiba, May-Ling

Adolfa, Kim, Lysbeth

Maia, Anaïs, Candice, Baronne, Kasandra, Bérénice

Aylane, Mina, Franceska, Shana, Owan, Joke, Ghysela, Ilsa

Peel, Vasil, Shoura, Angelo, Halim, Kevin, Nisha, Ioan

Merita, Milika et Maleki

Mike, Onil, Talia, Pavel, Ashley, Sharko, Nagen, Petru

Britany, Noémie, Wendy, Nita, Laetithya, Aude, Hyndi, Jade

Morgane, Betina, Ophélie, Erika, Marylou, Aquarelle

Mirabelle, Suay, Cacao

Natasha, Vanille

filles et fils de peine


d dans la ppolice ?

attrapant nt au vol une pc pièce de m monnaie qu'on me lance

n'avend, dank u

- vous êtes bien aimable, manneke !

joder


IMPASSE DES CRACHOUILLEMENTS


des femmes libres, des tueuses nues, portant une perruque de cheveux roses et un masque de velours vert

incantations, libations, offrandes et sacrifices sanglants, bougies allumées au pied d'un arbre mort, poulets enterrés crus, lézards des souches et des murailles nourris à l'hostie émiettée, grenouilles élevées dans un calice doré, appels de cornes de brume dans la nuit, torches prenant subitement feu, coïts grotesques, enfantements monstrueux

des femmes libres sont entrées dans la ville

ânes tirant les attelages

chimpanzés portant les valises


des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des épouses de lampyres, des lucioles ayant subi, dès leur première enfance, les assauts du Malin et de sa Lesbienne Epouse

bavant, crachant, pétant

crottant des truffes

se découvrant la tête, déchirant leurs voiles, s'arrachant les vêtements et se frottant le corps aux buissons d'épineux

dansant le rock et la rumba, pieds nus, sur des hosties ardentes

portant au front une émeraude, des bijoux noirs en or et des pièces de monnaie dans les cheveux, des zigidas autour des hanches

buvant, dans une même écuelle, un breuvage fait de rhum haïtien et de sang de coq brésilien, de gingembre congolais et de pili-pili béninois

exhalant le souffle mortel des volcans

installant des nids d'abeilles, sourcilleuses et vigilantes, dans le tronc creux d'un arbre mort, à proximité d'un point d'eau ou d'une vespasienne

vivant dans des cabanes pourries et rouillées, non loin d'une décharge républicaine

se déplaçant, nuitamment, sur des chevaux de somme dépourvus de plaques d'immatriculation


des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles

les yeux noircis à l'antimoine, les pupilles dilatées à la marijuana, les lèvres rougies à l'ocre, les joues couvertes de taches de rousseur

radioactives

éclaboussées par le sperme en fusion de leur Divin Amant

brun, fort et généreux

des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles

s'enduisant le corps d'huile, de parfums, d'épices et de beurre de karité

s'appliquant de la craie pilée sur le visage, s'attachant des grelots aux chevilles

pelant des oeufs durs

donnant chaque matin des croûtes de pain aux écureuils de la forêt

décrochant les crucifix de surveillance et les mettant en position de veille, arrachant les micros portatifs, neutralisant les scapulaires et les médailles miraculeuses que les agents de la Sûreté Royale Catholique dissimulent sournoisement en dessous de leurs vêtements de ville

raccourcissant les cravates

prédisant les tempêtes, activant les fétiches et les transperçant d'aiguilles à coudre et de clous de cercueil

lavant les fesses des morts, soignant par excision, sentant le fauve et la charogne

creusant des cavités dans le tronc des arbres morts, y déposant des rognures d'ongles, des poils pubiens, des plumes sanglantes, des lames de rasoir, des épingles à chignon

des yeux de bouc, des dents de vipère, des cornes de crocodile, des osselets de crapauds

des débris de miroirs sur lesquels les images captives mettent une vie entière à s'effacer


on ne serre pas la main gauche d'un serpent


des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles

consommant des proies vivantes, les embrassant sur la bouche et leur perçant le coeur avec une épingle à cheveux

les étouffant ou leur brisant le cou

préparant et mangeant avec leurs doigts une selle de rat ou une gigue de serpent


quand un serpent entre dans la maison, on ne lui demande pas d'où il vient, ni comment il s'appelle

d'abord on le tue

ensuite on le bouffe


un râble d'ours de l'Ardenne, une cuisse de lynx, un magret d'oiseau rapace, une bisque de loup sur purée de navets, une darne de lézard à la menthe fraîche et aux noisettes

dégustant un civet de caïman aux airelles

savourant les trois pièces d'un flic politique tombé dans un piège à buffle

avec détermination, délectation, jubilation

plongeant les hosties consacrées dans un bénitier et leur maintenant la tête sous l'eau pendant cinq longues minutes

désaccordant les pianos mécaniques, se cachant dans les tuyaux sonores et les bandes de carton perforées des orgues de barbarie, se nichant dans les placards à balais, sachant arrêter le lait des vaches et des nourrices, prenant plaisir à crever les pneus des voitures de bourgeois sexuellement excités par l'odeur des fèces de très jeunes filles, jetant leurs téléphones portables dans la cuvette des WC


des femmes libres, des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles

des bolets Satan, des amanites phalloïdes et des champignons hallucinogènes

des corneilles tournoyant dans le ciel et tuant des lapins, frappant au carreau

annonciatrices de divorces et de deuils, d'épidémies, d'avalanches, de sécheresse et de famine, de crues et d'inondations, de défaites, de pillages, de naufrages, de cyclones et de tremblements de terre, de bogues informatiques et de krachs boursiers, de nettoyages ethniques, de croisades et d'expéditions coloniales, de massacres, d'exodes et de bombardements

des louves sorties du bois, faisant provision d'eau et de nourriture, remplissant leurs gourdes à la fontaine, volant des légumes dans le potager du presbytère

des cigognes noires, oiseaux de mauvaise augure, grattant le sol

des mangeuses de charbon, portant sur leurs épaules des singes-gargouilles, à très longue queue, sardoniques, irrespectueux, protecteurs, agressifs et grimaçants

et des fauconnes, sautant au visage de ceux qui les approchent, plantant leurs griffes dans les joues des voyeurs


Merita, Milika et Maleki

venues en se cachant des bords de la Baltique ou des hauteurs de Podolie, du golfe de Guinée ou de la cordillère des Andes

descendues en pleurant des contreforts du mont Pashtrik, sautant à cloche-pied entre les mines

enlevées nuitamment dans un village des montagnes d'Illyrie

séduites et déviergées à l'âge de 12 ans, séparées de leur mère et nourries au seau, séquestrées dans des armoires, dressées à la chicote, fouettées avec la laisse du chien pour avoir refusé d'entrer en salle de traite, suspendues par les pattes arrière et tabassées tous les soirs pour amollir les chairs, violentées pendant plusieurs mois par des hommes cagoulés, gantés et armés dans les sanitaires d'un camp de réfugiés ou sous la tente-chapelle d'un aumônier militaire de la Libre Amérique ou de la Sainte Russie, près d'une rivière à truites ou d'un lac volcanique où les hyènes viennent s'abreuver avant la chasse

transplantées en Italie, invitées à suivre un stage de requalification, placées sous la protection d'un tenancier de manège chargé de leur apprendre à exécuter des tours, à luire dans l'obscurité et à se conformer aux pratiques sexuelles en usage dans les Etats membres de l'Union Européenne

- cessez de regarder les hommes avec un regard de chienne battue ! ouvrez grand les yeux ! dévisagez outrageusement ! entraînez-vous à remuer les paupières comme un papillon tropical cligne des ailes ! fraisez-vous les lèvres et gonflez-les ! écartez les cuisses ! ne soyez pas si coincées ! buvez votre bière pendant qu'elle est encore fraîche ! soyez directes, insolentes, provocantes et impudiques ! caressez-vous l'entrejambe et le gras des seins ! montrez vos poils et vos tétons ! roulez des fesses ! mangez votre steak avant qu'il ne refroidisse ! cessez de vous ronger les ongles ! cessez de faire pipi au lit ! ne lisez pas de romans d'amour pendant les heures de service !

portées rapidement à maturation, gavées d'hormones et bourrées d'antibiotiques pour favoriser la croissance et éviter la maladie

épouillées, épilées, rasées, frottées, savonnées, douchées à l'eau glacée, bouchonnées

exercées à la monte, éduquées à l'obstacle, gardées dans des enclos sans barbelés pour que leur cuir ne porte aucune marque de griffure

mises en condition, entraînées au Saint Sacrement du Mariage par des danses spéciales qui développent les muscles du bassin et renforcent l'élasticité et la résistance au frottement des replis cutanés de l'appareil génital externe et interne

inscrites à des cours de marche, de maintien, de maquillage, de marketing, d'hygiène buccale, de prophylaxie des maladies sexuellement transmissibles, de sodomie, de fellation, de mime et d'expression dramatique, d'informatique et de comptabilité, de résistance aux coups et d'accoutumance à la captivité

rodées, testées, droguées et soudoyées, rendues opérationnelles, reçues à l'examen, déclarées aptes à l'exercice des métiers de chair

engrossées, tricotées par une avorteuse, cautérisées, stérilisées

passées professionnelles en ex-Belgique, dans des équipes de première division du grand marché social européen

jetées sur les trottoirs de l'avenue Louise et de la rue des Commerçants à Bruxelles-Brussel, en short, par moins cinq degrés

ou des Lange en Korte Winkelhaakstraat et Schaafstraat à Antwerpen

faisant semblant de patienter à l'arrêt du bus, s'asseyant sur un muret, s'accoudant à la rambarde d'un petit pont, s'adossant à un panneau de signalisation, à une cabine téléphonique ou à un réverbère


IMPASSE DES MURMURES


fleurs coupées avant l'aube

enlevées, épouillées, entraînées


larmes passées au sèche-cheveux, cris murés

converties au bef et à l'euro, s'habillant de papiers de bonbons et de costumes de carnaval, accrochant des clochettes en cristal à la pointe de leurs seins fluorescents, portant un cache-sexe retenu par une ceinture de perles multicolores

mises en vitrines dans les carrées et les bars-aquariums de Saint-Josse-ten-Noode-Sint-Joost-ten-Noode et de Schaerbeek-Schaarbeek, nichées dans des potales

les pieds sur un tabouret, bottées jusqu'à mi-cuisses, cabrant les reins

assises sur un canapé, en petite tenue fluorescente, jambes bées

offertes au regard concupiscent des automobilistes qui roulent au ralenti dans la rue d'Aerschot-Aarschotstraat, proposées à la vénération des ombres

qui errent, glissent et se frôlent sur les trottoirs de la rue des Plantes ou de la rue Linné

et hument le corps des femmes

racolant sur la voie publique, recevant dans des salons privés, se livrant à domicile dans les 15 minutes de l'appel du patient


des anges, des fées, des sorcières et des enchanteresses, des tueuses nues, des épouses de lampyres, des lucioles

Merita, Milika et Maleki

Amela Milangi, Pétronille, Renata, Golda, Galit, Azniv, Kate and Jodie, Micheline qui grimace en se regardant dans le miroir et se préfère une fesse à l'autre, Georgette, Huguette, Josette, Arlette, Ruth, Berthe, Anémone qui craint de perdre la ligne et se fait vomir quand elle est saoule, Léocadie, Nazira, Nahema, Madina, Zamira, Danjela, Soeur Credonia de la Restauration des 10 Commandements de Dieu, Flora dite Boubou, Vilma, Malka, Ginka

et Boussaina dont le nom de scène est Simone, peignant avec les doigts, sans pinceau, les murs de son alcôve

et la Vache Folle, portant un collier d'oreilles confites autour du cou, un collier de capsules de bouteilles de bière ou d'ossements de crocodile

Fouzia, Fundji, Donja, Chupa, Gréta, Anouchka, Rosaire qui fait des bébés toute seule depuis l'âge de neuf ans, Ernestine, Ipanema, Xuan dont on dit qu'elle s'épile les poils du pubis à l'aide une clé à molette ou d'une pince à arracher les dents, Rosalie, Pélagie, Pharaïlde, Mia en Mieke, Paquita, Sunait, Bibiche qui enfouit ses petits seins dans le sable chaud et les couve pendant des heures dans l'espoir qu'ils éclosent, Zuweira, Aïssatou, Michiko, Catrice qui demande à une loueur de chaises de plage de lui enduire le dos de crème solaire, Clotilde alias Dolly, Esther alias Baby, Inge, Philomène, Ambroisine, Alexandrine, Fortunata

Soeur Jeanne des missionnaires de Notre-Dame d'Afrique, Mademoiselle Paule au bordel, qui apprend le solfège à sa petite fille pendant ses heures de pause

Eva, dite aussi la Villette, les joues couvertes de paillettes, s'inventant des souvenirs d'enfance heureuse

Iracema, faisant claquer sa langue dans une bouche édentée, enfourchant son balai, se tapant sur les fesses pour le faire avancer

Marie Moke, plongeant les vêtements de son amant dans une bassine d'eau savonneuse pour l'empêcher de réintégrer le lit conjugal, subrepticement, aux petites heures de l'aube, avant le réveil de l'épouse légitime

bêtes de joie, filles de tristesse et de mélancolie

proposant des shampooings sous la douche, des coupes intimes et des mises en pli condidentielles, un tatouage au henné, une partie de pêche à la ligne, une crêpe glacée au chocolat, des potages caramélisés, un enveloppement d'algues, un massage intégral

du bout des orteils à la racine des cheveux


A L'AMBASSY


Tantine Gudule

- j'ai mal mon dos !

et Tantine Waudru, la blouse gonflée de seins gros comme des gants de boxe

qui fleurent le lait battu et le beurre ranci et ballottent de façon disgracieuse lorsqu'on les secoue brutalement

exploitantes nationales d'un bordel de famille, maternel et surchauffé, rue de Malines

- oesje !

authentiques persilleuses indigènes, éprises de traditions hennuyères et brabançonnes, gardiennes des légendes et des usages locaux, attentives au respect des règles de l'art et de l'ordre établi, conservatrices du patrimoine génétique des peuplades belgiques

justifiant des plus hautes qualifications professionnelles requises, certifiées par les organismes accrédités à cet effet, les habilitant à exécuter les différents travaux et services sexuels de base et les autorisant à proposer à leur clientèle des variantes libres audacieuses


Gudule et Waudru

- il devient urgent d'faire le ménage !

s'inquiétant de la concurrence sauvage des religieuses abandonnées par le Seigneur, des femmes trompées et des épouses divorcées, des mères célibataires poursuivies par les huissiers de justice, des anthropologues et des sociologues au chômage, des étudiantes recalées en première session d'examens, des écolières qui brossent les cours de gymnastique et de solfège, des servants de messe et des travestis

et surtout des filles de l'Est et du Sud qui s'introduisent sur leur territoire

- très belles, très jeunes, parfois mineures ! les plus vieilles n'ont même pas 25 ans !

qui opèrent en dehors des zones de tolérance, font stopper les véhicules des clients sur les bandes d'arrêt d'urgence des boulevards périphériques, travaillent derrière des bâches, dans des camionnettes et

- carrément !

sur les capots des bagnoles et se font triquer sans préservatifs

- au mépris de toute règle de sécurité, peï !

qui ne votent pas, ne cotisent pas, ne consomment pas, ne se confessent pas, ne vont pas à messe, travaillent tous les jours de la semaine, ne sont jamais réglées, s'exhibent à moitié nues, tapinent au vu des enfants

- portant gravement atteinte aux bonnes moeurs ! troublant l'ordre public !

et qui sont exonérées d'impôts

- tout l'argent qu'elles gagnent ici, ça part tout de suite à l'extérieur du pays, savez-vous ! on devrait toutes les expulser, ces salopes-là ! vite fait, bien fait ! qu'elles retournent d'où elles viennent ! on s'demande parfois ce qu'attend la police pour agir ! il suffirait d'organiser une rafle, comme dans le bon vieux temps ! ça urge, peï ! c'est un grave problème de santé et de sécurité ! ce ne sont quand même pas des étrangères qui vont faire la loi ici !


Gudule et Waudru

prostituées de quartier, putains îlotières, dispensatrices de soins intimes, débardeuses à betteraves, rêves d'occasion, vierges maculées, dépotoirs à passions, bétaillères

épouses intérimaires d'un inspecteur de police alcoolique et dépressif, chargé de faire respecter les horaires de tonte des pelouses, de verbaliser les inciviques qui sortent leurs poubelles en dehors des jours de ramassage, de procéder à l'enlèvement des affiches sauvages et d'interpeller les chiens sans laisse

Gudule et Waudru

faisant la causette sur le trottoir

ayant remarqué qu'un monocouille est moins excitant qu'un véritable bicouille et se demandant si trois seins en plastique feraient bander plus sec qu'une seule paire d'authentiques nichons de lait

- oesje !

bavardant, rigolant, philosophant

- l'utilisation de services sexuels féminins et sa part dans la consommation totale de biens sociaux et culturels constitue un bon baromètre de la conjoncture, savez-vous !

se plaignant du temps, des pouvoirs publics et de la conjoncture

- la canicule de l'été dernier a été la cause d'une baisse de 12% de la fréquentation des maisons de plaisir, savez-vous !

- et y paraît qu'à Antwerpen, les revenus des prostituées du Schipperkwartier ont diminué de 50% depuis la mise en place d'un nouveau plan de circulation !


Gudule et Waudru

accostant les passants, faisant l'article, bonimentant, prêchant la bonne parole

essayant d'attirer à elles les rossignols solitaires et les vanneaux sortis de leur nuée

discutant avec un student bigleux

en duffel-coat, frétillant de la queue, mordillant sa laisse, presque timide, ancien élève du collège Notre-Dame, ancien scout de la paroisse du Christ Ressucité, venant d'échouer en quatrième session de première année d'études de pharmacie ou de sociologie et se demandant comment annoncer ça à ses parents

- on t'a d'jà dit que t'es vach'ment bien foutu, fieu ? et que t'as d'beaux yeux, savez-vous ? et une sacrée belle gueule ? on peut te demander quel âge t'as, chouke ? et depuis combien de temps ? et comment tu t'appelles ?

lui, qui fleure encore la peinture fraîche, le yoghourt entier et le pain intégral, l'eau bénite, la bavette et la couche-culotte, la salade de pissenlits

elles, répondant à toutes les questions du jeune homme, l'informant, le rassurant, l'initiant, l'apprivoisant


Gudule et Waudru

connaissant les secrets des herbes

manipulant des fioles remplies d'épices, d'insectes, de serpents, de plumes et de poils, de racines, de cornes, de dents, d'osselets et d'écailles, de liquides glauques et obscurs, de graines imprégnées de la salive de vaches tuberculeuses

concassant des noix, pilant des feuilles

confectionnant des philtres d'amour vénal, dans des casseroles bosselées, entre le lundi des Roses et le mercredi des Cendres

pour attirer les michetons et réveiller les ardeurs perdues, rendre les hommes irrésistibles

- il est très important d'avoir un dialogue avec les clients, savez-vous !

jetant la foudre et transformant, d'un coup de balai magique, l'église des Jésuites de Marche-en-Famenne en complexe hôtelier

transformant la chapelle des soeurs de la Doctrine chrétienne de Virton en salle de spectacle et en académie des Beaux-Arts

d'un coup de balai magique

transformant le couvent des Récollectines en dépôt de charbon

concoctant des élixirs et des cocktails à base de piments frais ou séchés, de tomates, de câpres, d'oseille, de citron, de poivre, de céleri, de chanvre congolais, de poudre de cantharide et de fourmis jaunes pilées, de coriandre, de muscade et de tangawisi, de ginkgo biloba, de bois bandé, d'écorce de banane plantain ou de manguier, de feuilles de damiana, de racines de manioc, de graines de kolatier, de griffes d'ours, de sabots de cerf, de sang de tortue, d'urine de chamelle, de larmes de biche, de menstrues de vierge, de fèces de nouveau-né, de morve de shégué, de salive de chien jaune, de dards de guêpe, de dents de serpent, de sperme de tigre, d'os de baleine, de queues de rat, de bave de crapaud, de pinces de crabe, d'aiguillons de scorpion, d'huile de moteur usagée

- pour soigner les prurits vulvo-vaginaux, peï !

- et ça rend les relations sexuelles tellement plus confortables, savez-vous !

et des onguents à base de belladone


la guêpe et le scorpion

tombent en amour, crachent leur venin, écrivent un book

puis crèvent


Tantine Waudru, originaire de Mons-Bergen et Tantine Gudule-Goedele, native de Bruxelles-Brussel

en peignoir et en pantoufles

en porte-jarretelles et bigoudis, mousses élastiques couvrants et voiles lycras transparents

en pantys qui gainent les jambes, aplatissent le ventre, remontent les fesses et soutiennent les reins

- oufti !

ou en perruque et en culotte, le torse nu sous un manteau de fourrure en plastique

- oesje !


Gudule et Waudru

puissantes matrones, éraillées, patinées, burinées

exerçant leur métier avec conscience et détermination, simulant des orgasmes et des tremblements de terre, s'intéressant à leurs michetons, connaissant leurs habitudes, recueillant leurs confidences, mémorisant quelques éléments de l'histoire personnelle de chacun d'eux, leur prodiguant des conseils, les appelant par leur prénom, s'inquiétant lorsqu'elles ne les voient pas venir

- on a l'impression de servir à quelque chose, peï ! on prend grand soin de notre clientèle ! on se trouve moralement engagées dans un contrat de confiance avec nos habitués ! on leur offre des prix préférentiels ! on s'attache, savez-vous !

- ...

- oui mais, quelquefois, on doit mettre des limites, fieu ! on doit se protéger ! pour les hommes en musth, une vie de femme ça ne vaut pas grand chose ! ils deviennent complètement dingues ! on ne compte plus pour rien ! on n'est plus qu'un trou chaud ! et un trou c'est un trou ! et y faut bien qu'on se défende alors, savez-vous !

- ...

- celui qui pète les plombs, celui qui devient violent ou désagréable, celui qui ne veut pas comprendre ce qu'on lui dit, celui qui baise plus haut que son cul et qui refuse de payer des travaux supplémentaires dont il avait pourtant passé commande, on lui fait casser la gueule à coups de matraque par un copain flic ! on lui fait les poches, peï, on se rembourse et on le shoote dehors !

- ...

- et celui qui s'accroche, fieu, celui qui pleurniche et qui pousse sa petite crise de jalousie, on lui fait boire un mickey, on lui fouille ses papiers et on finit bien par retrouver son nom et son adresse, savez-vous ! on téléphone à sa bonne femme et on lui demande de venir rechercher le branleur! et si elle ne veut pas se déplacer, on lui fait livrer son triqueur à domicile, fieu ! en taxi vert ! et port payé par la destinatrice !


Waudru

s'étant fait redessiner les grandes lèvres par un chirurgien esthétique

et regonfler les seins

les mettant à l'abri du froid sous un gros châle de laine

et Gudule

- j'ai mal mon dos !

se frictionnant la poitrine, se massant les aisselles et l'entrejambe, se graissant le trou du cul

- oesje !

transformant la chapelle de l'orphelinat des religieuses de Boussu en salle du conseil communal

transformant l'église Saint-André de Liège en Temple de la Raison, manège, hôpital, entrepôt, restaurant, salle d'exposition



A L'AMBASSY



Tantine Waudru et Tantine Gudule-Goedele

des putains du Dragon, des creveuses d'yeux

transformant en discothèque la chapelle du collège de Sirault à Saint-Ghislain

émergeant des puits, des greniers, des granges et des forges

frappant aux portes des maisons, des casernes, des internats, et des presbytères

et des chambres d'hôtels pour voyageurs

lisant les mains, jouant au tarot, versant de la bougie fondue dans une bassine d'eau glacée, déchiffrant les taches d'encre et les marcs de café, agitant les pendules, remuant les osselets, jetant les cailloux de prédiction, consultant les viscères, interprétant les étrons

- oesje !

perforant les tympans, décalottant les glands et crevant les hymens, perçant la peau des tambours, administrant des cocktails lytiques

laissant longuement fermenter des racines de mandragore et des pénis de phoques dans une bouteille d'arak ou de lotoko, fabriquant des alcools lascifs ayant la vertu de rendre fertiles les jeunes vierges conventuelles et de les libérer de tous leurs voeux

- pour faciliter les sécrétions vaginales et soigner les synéchies et la stérilité, fieu !

préparant de la soupe à la ciguë et aux chardons, de la confiture d'orties et des beignets de charançons

mélangeant des poudres dans du miel

- pour le foie et pour les yeux, peï ! contre la morve et la chute des cheveux ! contre le rhume et les maux de gorge ! et aussi contre les morsures de serpent, fieu !


NE ! SI-RENE ! SI-R SI-RENE ! SI-RENE !

des flics

ça louche, ça lèche, ça flaire, ça frôle

ça

ça


des flics de riches et des prêtres en or

surviennent

des prêtres propageant le Bonne Nouvelle, distribuant aux passants des dépliants et des prospectus qui vantent les mérites des Dieux qu'ils représentent

- il n'est pas d'autre Dieu que mon Dieu !

des flics en camionnette, informés de la présence d'extravagants et de récalcitrants au comportement suspect

et de femmes libres, de fées, de sorcières et d'enchanteresses, de tueuses nues, d'épouses de lampyres, de lucioles


des prêtres en or

le corps pris de tremblements

allumant des lanternes dans des citrouilles pour éloigner les esprits malins et les idées subversives qui se glissent sournoisement dans la tête des croyants

les mains tendues vers le soleil, la lune ou les étoiles

jouant de la corne de brume, jetant de l'alcool de riz sur les trottoirs, rasant la tête des hommes en deuil, saupoudrant de sel le crâne des nouveau-nés, clouant des chouettes sur les portes des granges, noyant les pécheurs dans des marécages, coupant les cheveux des pénitentes, s'enduisant la poitrine de boue, se noircissant le visage au charbon, allumant des bâtonnets d'encens, brûlant des chats soupçonnés de sorcellerie, bouchant les tympans et obturant les anus, griffonnant les zones pubiennes, procédant à l'ablation des clitoris et à l'excision des prépuces, scotchant les bisous sur la bouche, pixellisant les rixes érotiques, tuant les mères indignes et revendant leurs bâtards comme enfants d'agrément à des familles bourgeoises

obéissant à des voix venant du ciel ou de la mer, mettant la brousse en feu, incendiant les baraques pourries où les fées reçoivent en cachette leurs amants, sonnant les cloches, frappant dans leurs mains, actionnant des moulins à prières, faisant exploser des pétards, imposant les mains, agitant des épouvantails et des mouchoirs magiques

pour chasser les âmes errantes des morts

et les démons sans nombril, rôdeurs et malfaisants


des flics de riches et des prêtres en or

offrant un Code de Savoir-Etre et le Livre Sacré d'une religion révélée aux impolis et aux analphabètes

des procureurs, des scrutateurs, des producteurs, des profileurs, des inventeurs et des investisseurs, des mandataires et des dignitaires, des fondateurs et des explorateurs, des conseillers techniques, des restaurateurs et des unificateurs, des animateurs de groupes et des motivateurs de masses, des chasseurs de tendances, des chauffeurs de salles et des professeurs de shadow boxing, des rédacteurs en chef et des directeurs littéraires, des ministres plénipotentiaires, des maîtres de chapelle, des légataires universels, des co-régents, des prophètes, des ulémas, des comptables et des clergymen, des prélats et des pontifes, des princes de Bouillon, des ducs-électeurs de Bavière, des comtes de Namur, des marquis d'Anvers et des seigneurs de Tournai, des bibliothécaires, des biographes et des académiciens, des violeurs conjugaux, des radiologues, des audiologues, des oncologues, des stomatologues, des rhumatologues, des idéologues et des commissaires politiques, des commissaires économiques, des commissaires sociaux et culturels, des préfets de discipline et des surveillants généraux, des planificateurs et des évaluateurs, des officiers des troupes spéciales, des traqueurs de terroristes, des constitutionnalistes, des mondialisationnistes, des curateurs et des redresseurs d'entreprises, des membres du conseil d'administration de la fédération ex-belge de Sumo, des podologues, des vulcanologues et des anthropologues, des météorologues et des analystes financiers, des prévisionnistes, des révisionnistes et des négationnistes, des consultants spirituels, des moralistes et des chasseurs de dot, des voyagistes et des orthopédistes, des moulinologues, des virologues et des généticiens, des chercheurs francophones et des scientifiques néerlandophones qui se disputent le brevet d'invention de la machine à découper les pommes de terre en bâtonnets de 1 centimètres de large sur 7 à 8 centimètres de long, des vertueux, des censeurs, des dévots, des bedeaux, des coordinateurs de programmes humanitaires, des développeurs et des urgenciers, des qualiticiens, des justiciers qu'aucun doute ne semble jamais ébranler, des zélés, des sbires et des affidés, des maîtres à penser, des gardiens de parkings de cimetières, des diseurs de mots justes, des protecteurs du dogme, des liquidateurs, des épurateurs, des dératiseurs

prêtant serment devant les caméras de la télévision


des bâtisseurs de centres de triage, de camps de regroupement, de filtration, de rééducation civique, de resocialisation, de réinsertion par le travail, de concentration, de déportation et d'extermination

fondant des cultes, créant des entreprises de religion, élaborant des liturgies, recrutant des fidèles, injectant des puces, plaçant des sondes, installant des micros et des caméras de surveillance affiliant, baptisant, vaccinant, excisant, enseignant, mystifiant, construisant des églises et des temples au milieu des villages, installant des clôtures, faisant payer des octrois, conférant des titres de noblesse, distribuant des charges et des privilèges, des indulgences et des décorations, réclamant des faveurs sexuelles en échange d'un emploi de femme d'ouvrage, alignant, bénissant, marmonnant et sermonnant, tenant à mots couverts des conférences secrètes dans des jardins discrets, levant des taxes, recouvrant des impôts, promulguant des catéchismes, publiant des encycliques, enceintant et farcissant des urnes, cumulant des mandats, squattant des emplacements de parking réservés aux handicapés, renversant les étals des vendeurs de fruits et de légumes, tirant des oreilles, infligeant des châtiments, dispensant des enseignements, sécurisant les coïts, normalisant le vol des papillons, réglementant la cueillette des fleurs et des champignons, enfonçant tous les clous qui dépassent, donnant des instructions et diffusant des informations par haut-parleurs, prescrivant d'emprunter les chemins balisés, interdisant aux convois de barges et de baleinières de descendre le fleuve à destination de la capitale après le coucher du soleil, sonnant le couvre-feu à 21 heures, bloquant la circulation des trains de voyageurs et fermant les grilles des parcs publics, enjoignant aux jeunes filles de ne pas dévoiler leur chair au-delà de 15 cm sous le cou et de 15 cm au-dessus du genou, contraignant les fumeurs à se réfugier sur les trottoirs pour griller une cigarette, mortifiant, photographiant, mesurant les crânes et les mentons, les sexes et les lèvres, plaçant sur tables d'écoute, mettant sur fiches, interconnectant les fichiers, scannant tous les messages qui entrent et sortent sur le réseau pour y détecter des contenus spécifiques, emprisonnant les toxicomanes et les menottant à leur lit, terrorisant les jeunes couples qui copulent dans des voitures ou des toilettes publiques, appâtant, encodant, créant des bases de données sur les sidatiques et les indigents

des Responsables

investiguant, diabolisant, s'introduisant dans les cerveaux, gangrenant les mémoires, stigmatisant les déviances sociales, encourageant la délation, pressant les bossus d'avouer leurs vices, engageant les pécheurs égarés à confesser leurs péchés et à se remettre sur le chemin du Bien, recueillant les offrandes, faisant oeuvre de Charité, lançant des appels à la prière, haranguant les soldats, exhortant les fidèles, pourchassant les infidèles, terrassant au bulldozer les baraques de palettes et de tôles de récupération que les sans-abri érigent frauduleusement en bordure des champs de détritus, enfonçant leurs baïonnettes dans les ballots de paille et les meules de foin, éventrant les sacs de riz et de haricots, découpant au fusil-mitrailleur les gamins impolis qui chapardent des olives dans les jardins des colons, excisant, nettoyant, ratissant, ratonnant, pourfendant, pointant du doigt, prenant des mesures radicales, installant des conflits, promettant une riposte immédiate, jetant des anathèmes, prononçant des réquisitoires, montrant le cerf pour désigner le cheval, exécutant des sentences, déclenchant des avalanches, rasant les quartiers infestés par la vermine rouge, liquidant les syndicalistes contagieux et les travailleurs contaminés, étranglant les concubines lascives et les enfants du carnaval, inventant de nouveaux virus, excluant de la communauté nationale et internationale, convertissant les projets de développement en dette extérieure, consignant, bannissant, dégraissant, expurgeant, comprimant, rationalisant, délocalisant, négociant des titres auprès d'une banque monégasque, organisant un salon du capital à risques, créant un réseau de business angels pour faciliter les rencontres entre porteurs de projets et investisseurs potentiels, restructurant, fermant des sites, supprimant des postes de travail, multipliant les mesures incitatives visant à développer l'esprit d'initiative, incitant les malades cancéreux à reprendre rapidement leurs activités professionnelles, transformant les places publiques et les terrains de jeux en aires de stationnement automobile, précarisant, paupérisant, implémentant des politiques d'ajustement structurel, mettant en oeuvre un plan de restructuration ambitieux et coûteux en termes d'effectifs, falsifiant les statistiques, diminuant les coûts, assouplissant la réglementation sur le taux d'arsenic acceptable dans l'eau, changeant les méthodes de fabrication, réduisant le nombre de manipulations, supprimant les tests de détection de la salmonelle dans la viande de boeuf destiné aux cantines scolaires, investissant massivement dans le commerce électronique, minimisant les risques de tension sociale grâce à une communication efficace, gérant de façon adéquate les provocations du personnel, soumettant les meneurs à des examens d'urine, analysant les données relatives au profil génétique des agitateurs et les comparant avec les traces relevées sur les lieux de différents faits criminels, lançant une campagne de marketing visant à regagner la confiance de l'opinion publique

recommandant aux instances compétentes d'élaborer une nouvelle note, devant venir en complément d'analyses socio-économiques antérieures déjà disponibles, en vue d'aider à la préparation d'actions urgentes d'intervention en faveur des couches les plus vulnérables des populations en situation de détresse

organisant une collecte de vivres non périssables pour les familles les plus démunies

limogeant, bannissant, licenciant

- pour retrouver le chemin de la croissance ! pour faire passer la marge bénéficiaire de 11% à 15% en 5 ans ! pour le bonheur des actionnaires !

poursuivant les 13 délégués syndicaux des Forges de Clabecq comme auteurs d'un crime ou d'un délit, sur pied de l'article 66 du Code Pénal, pour avoir directement provoqué à le commettre soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques qui auront été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public

décontaminant, désamiantisant, éradiquant, mettant au pilori, procédant à l'ablation du bec des poussins, capturant les okapis pour en assurer la survie et en réguler la reproduction, plaçant à l'isolement dans des cachots-cubes de 90 centimètres de côté, reconduisant à la frontière, organisant des sacrifices humains, électrocutant, décapitant et fusillant pour l'exemple, faisant vibrer la fibre patriotique, sacrifiant les chevreaux, tordant le cou du poulet pour effrayer le singe, dessouchant, zondomisant, stérilisant les Bohémiens, les asociaux, les déviants et les handicapés


une fois stérilisés, les chiens de la rue ne lèvent plus la patte

et leurs épouses cessent de hurler à la mort, par grand froid, lors d'une nuit sans lune


interdisant l'entrée du Paradis aux femmes réglées, aux enfants morveux, aux cochons, aux eunuques, aux lombrics, aux édentés, aux chauves et aux imberbes

déplaçant, concentrant, déportant

lançant des quilles dans les pattes des protestataires, ouvrant le feu sur un cortège funèbre, organisant des massacres de prisonniers sur des sites préalablement balisés

confisquant les passeports, rasant la tête des bossus et les encourageant à avouer leurs vices, passant les livres différents au pilon, coupant les mains des sourds-muets, crevant les yeux des accordeurs de piano, effaçant les tags des couloirs du métro, rançonnant les passagers et confisquant leurs bagages, internant les sorciers et les incontinents dans des bagnes psychiatriques, menant des expériences génétiques sur les détenus, plaçant sous camisole chimique, condamnant les pythonisses et les journalistes à dix ans de réclusion pour diffusion d'informations préjudiciables à l'Autorité, obligeant les taulards à pratiquer des fellations sur leurs matons, chassant les têtes et les coupant, attrapant les insectes d'un mouvement rapide de la mâchoire, mettant le feu aux pigeons et aux hirondelles, organisant de gentils petits meurtres entre amis, commanditant des attentats, procédant à l'abattage des contagieux en vue de leur incinération, exorcisant les épouses stériles et les enfants sorciers, tondant les cheveux des jeunes filles

- pour que les femmes restent pudiques et cessent de provoquer les hommes !

larguant des mines déguisées en oeufs de Pâques, testant des armes contre l'Iraq, expérimentant de nouveaux médicaments sur des prisonniers d'opinion, intégrant des personnages de synthèse à des décors naturels, déversant des barils de déchets toxiques dans les rivières poissonneuses, incendiant les arbres fruitiers, saccageant les récoltes, passant commande d'équipements de vision nocturne pour améliorer l'efficacité des bombardements au napalm des paysans suspectés d'avoir déserté l'économie de marché et de s'être réfugiés dans la forêt lointaine où chante le hibou, déversant du défoliant sur les villages et les cultures, déclarant la guerre aux peuples et les enfermant dans des camps, enlevant les plus jolies étudiantes à la sortie des classes pour en faire des filles à soldats, massacrant les Tchétchènes et les Aborigènes, exterminant les vermines et les improductifs, trucidant les irréductibles, refusant de restituer aux familles les effets personnels des suppliciés, obligeant les mères des fusillés à gratter les taches de sang séché qui souillent les murs des casernes et les pavés des prisons politiques, les piquant pour les faire taire et calmer leurs douleurs

remplissant des conteneurs de cadavres, réquisitionnant des pelleteuses et creusant des fosses communes


les cadavres gagnent en odeurs ce qu'ils perdent en couleurs


organisant des croisades, des expéditions coloniales, des prospections pétrolières et des interventions humanitaires, des battues et des rafles, des procès et des purges, des pogroms, des opérations de nettoyage

recommandant instamment aux instances compétentes d'élaborer une cinquième note

devant venir en complément d'analyses socio-économiques antérieures déjà disponibles

et susceptibles d'aider à la préparation d'actions urgentes d'intervention en faveur des couches vulnérables des populations en situation de détresse

créant, au sein de l'université, une chaire d'études africaines financée par la Belgolaise, la Société générale de Belgique et l'Union minière

portant un masque devant la bouche, mettant des gants de plastique, enfilant une chasuble fluorescente, assurant la régulation du trafic routier, s'appropriant la vie des gens, programmant des enterrements, planifiant des génocides, faisant commerce de viande d'homme crue légèrement faisandée, se nourrissant des parties génitales de leurs proies, vérifiant toutes les sept minutes 30 que les condamnés ne se sont pas suicidés, les empêchant de dormir et leur interdisant de tout lire, sauf la Bible, la Torah ou le Coran

les lèvres pincées, les bras croisés derrière le dos

purifiant par le bagne, la terreur et la mort

obligeant les survivants à manger leurs morts


pardonnant à leurs victimes

faisant défiler les veuves de guerre et les orphelins du travail en règle de cotisation, les irradiés, les silicosés et les amiantisés repris dans un fichier de membres, les mutilés de la route sponsorisés par le Lion's Club, les aveugles cartés, les prisonniers politiques qui portent un bracelet d'identification, les rescapés et les survivants qui ont fait l'objet d'une évaluation psychiatrique favorable diligentée par la Sûreté de l'Etat, les chômeurs compostés et les minimexés dûment oblitérés, les toxicomanes qui font allégeance à des traitements de substitution, les victimes repentantes de bavures policières, les jeunes délinquants placés en institution de redressement, les véroleux et les sidatiques en cours de thérapie, les boulimiques et les anorexiques qui acceptent de se soumettre à un contrôle médical permanent, les normalisés, les ligaturées et les castrés qui ont signé et retourné le formulaire d'inscription et ont, ce faisant, accepté les conditions générales figurant au verso

leur distribuant des instruments de musique et leur enseignant à chanter la plus grande gloire de Dieu

les invitant à agiter de petits drapeaux


la mort d'un rat, ça ne se pleure pas

personne ne prend le deuil


rédigeant leurs mémoires


j j'ai

j'ai des amis dans la p police ?

et chez les prêtres ?

g gg gotferdoume

- des rencontres d'urinoir, eh, eh

circoncis s rire, je les

je les c cisaille d'un crire étroit, d'épine, je

s'il vous plaît ? watte ?

danke


Z-BAR Z-BAR Z-BAR


les gens vont, les gens viennent

l'enseigne lumineuse bat le rythme, légèrement, frétille

le portier

- de Dieu !


je me

m mf méfie e

je ne me fie jamais

bjour b bonj'oir rg goeie avond dg goeiedag

dank u


le portier fait la quête

- bonne nuit ! dormez bien ! en fait, baisez bien, nom di djos ! souillez bien vos draps propres ! et n'oubliez pas l'portier, potverdekke !

le portier se dandine et fait le gigolo auprès d'une harde de bourges en goguette, des habitués qui le tutoient et lui refilent de grosses dringuelles

- j'espère qu'vous avez passé une agréable soirée, chers amis, beste vrienden, et qu'vous nous r'viendrez les poches pleines et en grande forme le week-end prochain ! dank u en tot ziens, merci et au revoir !


un jour, c'était dans une rr rue


goeie avond, mel'si, attrapant au v vv vol une pièce d dd de monnaie qu'on me lance

- vous êtes bien aimable, manneke !

danke

s'il vv vous plaît ? watte ?

gotferdoume


c'était au c centre de la ville, dans une rue

joder

une chignole de police se g glisse le long du trottoir, s s'arrête te

et

les flics me bougent, me r reni-

flent le slip, me r tn retiennent par les br bretelles

m'escroquent nt un nom, m me me

b bonj'oir


les flics de riches aiment jouer à la baballe

et renifler les aisselles, les aines et les trous du cul


un flic, sa gueule de ver de terre, ses cheveux en brosse, sa moustache taillée et ses sourcils froncés, ses narines pincées, ses oreilles dressées, ses babines relevées, son menton verruqueux

du chewing-gum lui collant aux talons

- hé ! toi, là-bas, amène-toi ici ! et d'où tu viens, bordel ?

où tu vas comme ça ? c'est bien toi qu'on appelle Zef, non ? et c'est quoi c'te journal de merde qu'tu vends dans la rue ? et qu'est c'que tu caches dans tes poches ? et tu nous la montres, ta camelote ? et ça t'rapporte beaucoup d'sous (euros) ? et c'est d'ça que tu vis ? et qui t'as permis d'vivre ? et comment ça s'fait que tu n'sois pas encore mort ? et c'est avec ce bazar-là qu' t'espères devenir riche et respectable ?

- ...

- et tu y crois vraiment ou bien tu fais semblant, bordel ?

- ...

- à l'Immaculée Conception du Commerce et de l'Industrie, à la naissance du petit Capital et à son accroissement progressif sous les yeux attendris de ses parents ? à l'irrésistible Ascension du p'tit Christ, surdoué, sans diplôme, sans papiers, sans fiche de paie, sans quittance de loyer, sans valeur marchande, conçu dans le péché en dehors des liens sacrés du mariage, fruit des oeuvres de chair d'une petite demoiselle de comptoir aux humbles origines et d'un père inconnu de très haute extraction ? à Pérette et au pot au lait, bordel ?

- ...

- et tu trouves ça marrant, bordel ? et tu t'imagines sans doute que j'rigoooole ? t'es un imprécateur ! t'es un extravagant !

- ...

- et la patente ? t'as ta patente ? tu nous la montres ta patente, bordel ?

m me demandent si j'ai q quoi ?

la p patente ? ma patente ? quelle patente ?


un flic, sa gueule de ver de terre, ses sourcils froncés, ses narines pincées, son crâne de microcéphale, sa tête de noeud emballée dans une capote bouffie

- ta gueule, nom de Dieu ! est-ce que, oui ou non, vous vendez des journaux de SDF, des lacets, des porte-clés, des boutons, des gommes, des bonbons, des crayons, des brosses à cheveux, des mouchoirs en papier, des serviettes de plage, des briquets à gaz, des fers à cheval, des pattes de lapin, des dents de requin, des gousses d'ail, des dés pipés, des cartes truquées et autres marchandises suspectes, de porte à porte, sur la voie publique, sur les trottoirs et les marchés publics ou en tout autres lieux ou salles, accessibles ou non au public ? êtes-vous inscrit au registre de la population de la commune ? ou au registre des allochtones ? cotisez-vous à la caisse de sécurité sociale des travailleurs indépendants ?


les flics de riches aiment qu'on leur donne la papatte et qu'on leur fasse le beau

et qu'on leur suce la bite au fond d'une impasse


on

on m'oblige à g garder le dos c courbé é, l'échine basse, la m main devant la bouche et les oreilles plaquées contre le corps dans une att titude de soumission


- ta gueule, nom de Dieu ! disposez-vous d'une carte de vendeur de journaux, de brols et de babioles ?

- un sans domicile fixe, un sans-papiers et un analphabète, ouah, ouah, ouah ! et ça prétend vendre des journaux, ouah, ouah, ouah !

- êtes-vous titulaire d'une carte de marchand itinérant délivrée par le Ministère des Classes moyennes ? disposez-vous d'une licence vous autorisant à exercer le commerce ambulant dans la commune ? avez-vous adressé à l'administration communale une demande en vue de l'obtention, du remplacement, de la modification ou du renouvellement de la susdite autorisation ?

on me demande si je suis d sp disposé à faire des aveux complets sous la torture

on me demande dans qq quelle langue maternelle je préfère être interrogé, quelles ch chaînes de t télévision je fréquente, avec qui je suis allé au c cinéma pour la dernière ff fois


- ta gueule, nom de Dieu ! as-tu apposé des timbres fiscaux de 500 befs (environ 12,5 euros) à 2.000 befs (environ

50 euros) sur le formulaire de demande ?

on n me pp pose des questions, on m'interdit d'y répondre


on aboie

- ta gueule, t'es un récalcitrant !

on cherche à intimider:

- tu veux qu'on t'embarque pour fraude fiscale, nationalité incertaine, filiation coupable, élocution confuse, convictions religieuses d'origine étrangère et incompatibles avec la foi catholique, tenue de propos dénigrants et contraires aux usages honnêtes, connaissance insuffisante du français et du néerlandais, fausses déclarations à l'administration communale ou à l'Office des étrangers, violation de serment de fidélité au Roi et à la Constitution, extorsion de fonds, grossesse extra-utérine, exhibition sexuelle, travail au noir, abandon volontaire de l'emploi, trouble de l'ordre public, entrave méchante à la circulation, violences à agents, menaces par geste, outrage à personne dépositaire de l'Autorité ?

- bon, d'accord et quel est le programme maintenant ? vous actionnez mon interrupteur de vie ? vous me tuez tout de suite ou bien vous me laissez terminer mon sachet de frites ? et comment vous y prenez-vous ? me poursuivez-vous à coups de pierres ? me poussez-vous dans le dos et me balancez-vous par-dessus la rambarde ? me plaquez-vous au sol et me menottez-vous ? m'arrachez-vous la casquette et la piétinez-vous ? déchirez-vous les poches de mon manteau ? me ligotez-vous à l'aide d'une grande écharpe rouge ? m'enfoncez-vous un bâillon dans la bouche ? me forcez-vous à avaler des excréments de porc ? m'étouffez-vous avec un coussin ou avec un gant rembourré ? me retrouvez-vous inanimé au pied d'un escalier ?


on s'énerve, on menace de museler la bête pour l'empêcher de braire

- ta gueule ! écrase-toi, minable !


- me crevez-vous les yeux ? me coupez-vous les oreilles ? m'arrachez-vous la langue avec une tenaille ? m'enfoncez-vous des souris vivantes dans la bouche ? me promenez-vous dans toute la ville, sur un âne ivre et sourd, la tête tournée vers la queue ? m'appliquez-vous des électrodes sur les tétons ? me découpez-vous les couilles en très fines rondelles ? m'enfoncez-vous la tête dans un seau de pisse ou dans un seau de merde ? me noyez-vous en moins de trois minutes ? me brisez-vous le cou ?


on s'excite, on montre les dents, on tente d'immobiliser le dément avec des sangles

- ta gueule, on t'a dit ! ou bien ça ne va pas s'arranger pour toi !


- d'accord, d'accord, d'accord ! et qu'allez-vous faire maintenant, qu'allez-vous décider ? vous me pendez par les pieds après m'avoir décapité ? vous m'écorchez et vous me videz ? vous me remplissez et vous me recousez ? vous me bardez et vous me ficelez ?

ou bien me plongez-vous jusqu'au cou dans un chaudron d'huile bouillante ? m'introduisez-vous un entonnoir dans l'oesophage ? y versez-vous des épices et du pili-pili ? faites-vous cuire la bête pendant des heures sur un feu de braise ?

ou bien vous me mettez à la broche, vous me salez et vous me poivrez, vous me coupez la tête juste avant de servir

pour que la peau reste bien craquante

avec une salade tendre un peu amère ?

on perd patience, on sort les matraques, on fait trembler la vaisselle dans les armoires, on tape sur la tête et les couilles de l'incivique

- ta gueeeule, nom de Dieu !


- me placez-vous un garrot sur le cou et me buvez-vous le sang ? me brisez-vous les os et me sucez-vous la moelle ? me défoncez-vous le crâne et me gobez-vous la cervelle ?


on dégaine son pistolet, on braque son arme sur la tempe du provocateur, on vocifère

- tu veux qu'on t'inflige des heures de colle ?

- tu veux qu'on t'oblige à baisser ton pantalon et à faire des pompes ?

- tu veux qu'on te jette à la fourrière, bordel ? ou qu'on te foute au zoo avec les singes ?

- tu veux qu'on t'arrange le portrait ? tu veux qu'on t'arrache les dernières dents pour t'empêcher de mordre ?

- tu veux qu'on t'embarque pour insultes à agents, sarcasmes, insolence, convoitise, voyeurisme, intoxication alcoolique, état de démence sur la voie publique, dégagement de pets sonores, émanation de mauvaises odeurs corporelles, refus de contrôle sanguin, délit de fuite, jet de crachats visqueux sur le pare-brise des voitures de patrouille, gestes indécents et propos orduriers, projection de postillons cancérigènes, émission d'urine fétide, vol de mégots rougis par les lèvres des femelles d'autrui, appropriation de frites et de tartines jetées par des inconnus dans des poubelles publiques, soustraction frauduleuse de cageots de fruits ou de légumes et d'annuaires téléphoniques abandonnés sur les trottoirs, infraction à la législation sur l'hygiène des animaux et la protection des monuments et sites ?

- tu veux qu'on te déshabille, qu'on te tabasse, qu'on te pisse au visage, qu'on te traîne par les cheveux, qu'on te cogne la tête contre les murs du commissariat, qu'on te reclaque la porte du cachot sur la main et qu'on te sectionne les doigts, qu'on t'enfonce une matraque dans l'anus et qu'on te poursuive pour rébellion ?

on nm m' nt interdit de poser des qq questions, on refuse d'y r répondre

- j'espère bien ne pas être obligé de mourir avant d'avoir pu achever mon sachet de frites, godverdomme !


on me coud les lèvres, on m'oblige à av valer des sacs en plastique, des lézards et des cr crapauds, des pr préservatifs fabriqués avec des boyaux de mouton et des p pp papiers de bn bonbons, on m'enduit les mâchoires de colle f forte pour me fr fermer la gueule


les flics de riches aussi éprouvent des sentiments pour autrui

et souffrent du cancer des couilles


analyses sanguines et g génétiques, anthropologiques, odontologiques et bb balistiques

pr prise de sang, de lait, de morve, de s salive e et de sperme

prise d'empreintes d dd digitales, rétiniennes et olfactives

prélèvement d'un seul ch cheveu, avec toute sa racine, ou d'un poil p pubien arraché chéé é avec une p pince de cr crabe, pour détecter la pr prise de c rt corticoïdes et d'nb anabolisants

contrôle des s selles, examen des urines, analyses s sémantiques et relevé des analogies significatives

on me rr reproche le temps qu'il fait

- ik ?

on me verbalise pour t tapage nocturne

- ik ?


n'avend

attrapant au vol une p pièce de monnaie qu'on me lance

- vous êtes bien aimable, manneke !

dank u

joder

on me reproche de me br branler r devant les mannequins de cire exposés d dans les v tr vitrines d'une boutique de mode et d'articles de luxe, tirant la langue aux caméras de s surveillance

on me r reproche de manquer de respect aux b nq banques d'affaires, au Boernb Boerenbond et aux gr grandes entreprises du secteur agroalimentaire, à la Confédération ex-belge des producteurs de p tr potirons

on nm me reproche de tout c nf confondre, Pluto et D ng Dingo, Léo Ferré et Ferré Gr gn Grignard, bk bokilo et sm semeki, Kn Kinshasa et Br zz Brazzaville, Stanley Laurel et Oliver rd Hardy, l'Iowa et l'Ohio, l'rth Ourthe et l'mbl Amblève, Ed Crc Cercueil et Fossoyeur Jones, Arno H ntj Hintjens et Serge G nsb Gainsbourg, Julia Roberts rts et Sharon Stone, Smyrne et Izmir, la fl flûte et la clarinette, la TVA et le TGV, le PDG et le PDJ, le concombre et la c rg courgette, la p patate sucrée et le manioc cd doux, la place Sainte-Croix et la p pl place Flagey, la langue b basque et la c nf confiture de coing ng, la B rs Bourse de Bruxelles et le Th Théâtre de la Mn Monnaie, les cartons nsd de br bière et les cd cédéroms

on

on me rpr reproche de m'tr être déculotté en np public et d'avoir montré mes ff fesses aux flics et aux abbés

on me soumet à un cc contrôle d'urine e

- ik ?


- ta gueule, on t'dit !


f finalement on consent à m'expliquer

s'il vous plaît ? watte ?

danke


- que si


que s si j'étais cul-de-jatte ...


- si t'étais cul-de-jatte, tu t'appellerais Juju et tu pourrais jouer de l'accordéon ! ouah, ouah, ouah !


- ou Jojo ?

pour être un pauvre rr reçu dans le beau monde, il faut avoir un répertoire c classique et diversifié, ne pas surprendre mais ne pas ennuyer, ne j jamais impr importuner, exhiber certains sgn signes extr extérieurs de misère mais veiller toujours à présenter pr propre e et bien repassé, savoir se t tenir dressé sur ses m membres arrière et lever les pattes de devant ts sans se casser la gueule et sans pp perdre d'rn urine, fleurer bon la f fougère ou la lavande, être c capable de chanter les louanges du Seigneur en gr grattant les cordes d'une gg tr guitare sèche, pr mn promener un ours d ns dansant au bout d'une chaîne et tourner la mm manivelle d'un orgue de barbarie dans les strotjes piétonnières de la vieille ville cmmrç commerçante et touristique, ramasser les p pp pièces de 5 befs (environ 0,125 euro) jetées sur le tr tt trottoir


il ne suffit pas d'être pauvre, encore faut-il avoir de l'entregent

pour exct exciter la charité des hn honnêtes gens, il faut faire pr preuve de respect humide et d'humilité m moite, avoir de b bonnes manières, être bien nt gr intégré à son nv environnement, ne pas cc confondre la gz zp gazpacho et le cr rp carpaccio, regarder la caméra avec com complaisance et modestie, b baiser la main des dames s d'oeuvre et lécher le cul des pr prêtres magiciens revêtus de leurs habits de s scène et de l mr lumière, fr frapper les eaux des étangs pour faire tt taire les rainettes et protéger le s ss sommeil des ss s seigneurs, subventionner le cl club de tir et l'équipe de j judo de la police, être cul-de-jatte homologué

je ne s suis pas cul-de-jatte, alors

alors, on me soumet au jugmt jugement de Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux, Béni soit Son Nom, dans une ancienne b rg bergerie transformée en salle d'audience, on d diagnostique un état de dangerosité sociale avancé, on m me livre à la Patrie e, au bourreau, à l'arracheur de d dents

officiant ss sur les foires s et les marchés


Dieu est un quasi-sexagénaire qui oeuvre dans le monde de l'assurance

on renifle mes cr crottes, on les dissèque et on les analyse pour v vérifier si j'ai m mangé du p pain sec, des viscères de pigeon, des légumes ff fanés ou du ch chaton cru

on me c condamne à cr crever de faim, attaché à un np piquet, dévoré pp par le loup p


on me c condamne à la cécité, à l'mp impuissance, à la démence, à la tb tuberculose, à l'ndgn indignité nationale et à la cnf confiscation de tous sm mes biens


on rd ordonne l'mp impression, la p publication et t le placardage sur les panneaux d'affichage de la cm commune où le cr crime a été commis de l'rt arrêt de la cour de j justice qui consent à m'accorder la peine de mort

un ancien combattant

rr royaliste, militariste, unitariste, colonialiste, atlantiste, humanitaire et c catholique

portant sur la p poitrine un gilet de décorations sp pare-balles, armé d'un ff fusil en bois vernis, me bnd bande les yeux avec du sp sparadrap, me t tient en joue, rote, vise, tire et pète

dank u

n'avend


douleurs ch chaudes, brûlantes

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames ! 20 francs seulement svp (0,5 euro) ! à vot'bon coeur !

g godverdomme

impacts des pr projectiles peints en rouge sang sur la ch chemise du fss fusillé

admirateurs rs et actionnaires se levant nt pour r rc réclamer un rp rappel

sang r rouge foncé si le foie est atteint nt, sang ngd de lapin

sang rosâtre et m mousseux si le tr tir a touché les poumons, sang ngd de pigeon

- bien gentil ! bien aimable !

on m m'interdit de messe et de sermon

on m'interdit de s sépulture

dans les terrains calcaires pr propices à la conservation n des ossements

le bourgeois est un homard


- à qui appartient ce mort ? quel en est le propriétaire légitime ? a-t-on prélevé ses empreintes digitales ? lui a-t-on retourné les poches ? a-t-on fouillé ses sacs ? a-t-on trié le contenu de ses boîtes à chaussures ? y a-t-on retrouvé les titres de propriété de trois immeubles au moins ? ou du courrier de famille, un certificat de baptême, un chapelet de communiant, un testament enfermé dans une enveloppe, un porte-monnaie ? ou les coordonnées d'une assistante sociale ou d'un service responsable ? a-t-on décousu la doublure de son manteau ? y a-t-on découvert la clef d'un coffre-fort ou d'une consigne automatique ? ou un bout de papier sur lequel figure une martingale ou le code d'accès d'un compte électronique ? ou le nom ou l'adresse ou le numéro de téléphone d'une connaissance quelconque ?

- ce mort est-il un arbre à voeux ? porte-t- il un médaillon autour du cou, un condom, une mèche de cheveux, un fétiche ou une médaille miraculeuse ? une bague, un oeil de verre, une perruque, une béquille, une prothèse dentaire, un stimulateur cardiaque ?

- qui prévenir ? quelles démarches entreprendre ? qui prendra en charge l'organisation des funérailles ? où apposer les scellés ? à quel héritier donner l'occasion de s'informer de la teneur de la succession et de l'étendue des dettes ? à qui adresser la facture des pompes funèbres ? qui remboursera les frais de séjour à la morgue, la toilette du défunt, les frais administratifs et autres dépenses exposées ?

- qui choisira le lieu de sépulture ? le modèle, la coupe et la couleur de la bière ? avec ou sans poignées ? en plastique ou en laiton ? en bois de sapin ? en simple carton ?


les pauvres se tiennent très mal dans leur cercueil

on ne peut vraiment pas les inviter à mourir chez les gens


- mais est-il bien nécessaire d'organiser de véritables obsèques ?

- et pour quel public, je vous le demande un peu ? est-il absolument indispensable de recouvrir le cercueil d'un drap mortuaire pendant la cérémonie des funérailles ? ne pourrait-on pas obtenir une dispense d'enterrement ?

- ne devrait-on pas, à tout le moins, extraire le corps et récupérer le coffre avant la mise en terre ? ou dévisser les poignées de la bière et les revendre à l'entrepreneur de pompes funèbres ?

- et si on utilisait les transports en commun ? il doit bien y avoir une ligne de tram ou de métro dont le terminus se trouve à proximité immédiate d'un cimetière pour indigents, non ? si on asseyait le corps en tailleur sur la banquette arrière d'un autobus ? si on le scotchait aux accoudoirs avec du ruban adhésif ?

- et si on se contentait, tout simplement, de déposer la charogne dans une décharge républicaine ?

- évitons les dérapages trop visiblement monstrueux ! ayons le courage d'admettre qu'il faut bien procéder au ramassage du défunt, qu'on ne peut pas décemment laisser des restes humains fermenter et se décomposer au soleil, être déchiquetés par les chiens jaunes et picorés par les mouettes et les corbeaux et qu'on doit se résoudre à enterrer ce paquet de merde quelque part !

- abandonner le récipient de l'âme d'un enfant du Bon Dieu à même le sol ou jeter son enveloppe charnelle dans une mare ou un caniveau au bord de la grand-route ou le long du canal, la recouvrir de branchages, de cageots de fruits et de légumes éventrés ou de vieux journaux déchirés, ce serait trop inanimal, ouah, ouah, ouah !

- un seul pieu enfoncé dans le sol, une croix clouée dans la poitrine, cela ne pourrait-il pas suffire ? avec seulement un numéro de mort ?

- à quel débiteur alimentaire imputer le coût de la location d'un corbillard et le nettoyage à sec des cordons du poêle ? et les frais d'entreposage en chambre froide pendant plus de dix-huit jours ? et les honoraires et les frais de déplacement d'un pasteur, d'un imam, d'un rabbin, d'un pope, d'un abbé ou d'un conseiller laïque ? et l'allocation pour travaux insalubres, incommodes ou pénibles due aux fossoyeurs exposés au contact de matières organiques en décomposition ?

- ce cadavre est-il subventionné par le centre public d'aide sociale ? peut-il s'autofinancer ? est-il carcinogène ? est-il susceptible de faire l'objet d'un prélèvement d'organes ? des mouches ont-elles commencé à s'introduire par les orifices ? observe-t-on une intense activité larvaire ? de petits rongeurs s'attaquent-ils déjà aux membres de la victime ? l'état de délabrement du corps résultant des circonstances particulières du décès de son occupant rend-il impossible son utilisation à des fins d'enseignement, de recherche ou à l'étude pratique de l'anatomie indispensable à la formation de nos jeunes médecins ?

- et comment présenter la dépouille aux journalistes de la presse écrite, de la radio et de la télévision ? ne devrait-on pas la laisser se vider de son sang pour résorber les hématomes ? ne pourrait-on pas demander au vétérinaire d'Etat de lui faire une injection de sulfite de sodium ? cela ne permettrait-il pas de régénérer les viandes gâtées, d'en améliorer l'apparence, de leur redonner de belles couleurs et d'éliminer cette insupportable odeur de putréfaction qui empeste l'atmosphère ?

- ne devrait-on pas ordonner aux employés des services municipaux de l'hygiène et de la voirie d'ensevelir le mort pendant la nuit afin d'éviter les embouteillages et les chaleurs caniculaires liées à la montée d'importantes masses d'air torride venant d'Afrique ? et d'emprunter le chemin le plus court pour se rendre au cimetière, celui des infidèles et des suicidés ? et de casser le cercueil avant de le mettre en terre de façon à accélérer le processus de dégradation naturelle des chairs ? et d'arroser régulièrement la tombe ?

- et si on se contentait de jeter le cadavre, prélablement dénudé, dans une tombe collective, numérotée, bétonnée, gratuitement, pour cinq ans ?

- avec une étiquette de traçabilité agrafée à l'oreille ou accrochée au gros orteil, mentionnant le pays de naissance du de cujus et ses pays d'élevage, de nourrissage et d'abattage, ouah, ouah, ouah !

- a-t-on obtenu de l'Autorité toutes les licences nécessaires ?


l'homme de chair est élevé dans la rue et les jardins publics, il se nourrit de châtaignes et de détritus


on me mm mélange aux ép épluchures de pommes de terre, aux feuilles mortes, aux tontes de g zn gazon, aux restes de sp spaghettis, aux écorces de b nn bananes, aux pelures de m mangues, aux bouquets de fl fleurs fanées, aux orties coupées à la faux, aux feuilles de t thé, au marc de c café, à la sc sciure, aux cq coquilles de noix, aux cendres de poêle


on m me mélange aux reliefs de la fête, à l'os du jambon, aux p plumes du canard, aux oreilles du taureau, à la carcasse du poulet, à l'eau de vaisselle chargée de d tr détergent, aux p rp parapluies br brisés, aux fils de fer rouillés, aux vieux chapeaux de paille et aux mp ampoules électriques p pétées, aux aiguilles à tr tricoter, aux hosties p rm périmées, aux rr rognures d'ongles, aux cheveux teints en rose, aux vomissures et aux déjections bestiales des clients-raclures du MACUMBA, à la m merde ff fétide des chiens truffiers de la police des amoureux qui se b bécotent sur les bancs publics, eh, eh, au crcr crottin amer des chevaux de l'ex-gendarmerie montée


pour un homme de chair, mener l'existence d'un porc ne peut qu'améliorer la qualité de sa viande

on me tr triture, on me tripote, on me malaxe, on me laisse f fermenter pendant tout l'hiver r

danke


la viande d'un homme de chair se mange froide et légèrement faisandée

on me t tabasse, on me ligote, on me renverse un verre de bière sur la tête, on m'enveloppe dans une cc couverture de l'rm armée, on m'enferme dans le coffre d'une v voiture

on me j jette tout habillé dans une baignoire remplie de vin de messe p piqué


on r repêche mon corps en état de décomposition avancée, organes vitaux arrachés chés avec les dd dents

on d sp disperse mes cendres au fond d'un jr jardin planté de pm pommiers, sur un terril en f fusion, au pied d'une plate-forme de forage ou du haut d'un pont du ch chemin de fer

goeie avond

dank u

il est vain de faire l'éloge du mort

surtout lorsqu'il est pauvre


dispersées ou vv vidées dans les chiottes

aspirées par le trou d'évacuation d'une douche p publique ou par la gg gueule béante et cr crénelée d'un grand méchant mérou

A L'AMBASSY


Gudule et Waudru

épuisées, essoufflées, déglinguées, mérulées, vérolées

approchent l'âge de la retraite

incontinentes

et se trouvent dans l'obligation de pourvoir au remplacement de Renelde de Tubize, de Pédauque de Hotton, de Catrine de Wavre, de Godelieve van Gistel, d'Agatha van Berchem et de sa cousine de Landskouter, de Margarita van Leuven, d'Adèle d'Orp-le-Grand, d'Ermeline de Beauvechain, de Gadale de Jodoigne, de Marie-Vierge de Banneux, de Béatrix de Morlanwelz, d'Hildegarde von Bingen et de Maria Amandine van Schakkebroek

- rien que du beau linge, peï !

lesquelles ont décroché ou ont trouvé à se maquer et se sont établies au compte de l'homme de leur vie


et la maison de plaisir n'étant plus à même de remplir sa fonction sociale en raison d'un manque de personnel indigène

Gudule et Waudru

craignant de perdre des clients

soucieuse de résoudre ce problème d'effectif

doivent, en fin de compte, se résigner à recourir aux services d'une main-d'oeuvre sexuelle immigrée d'origine extracommunautaire

- sans compter que le consommateur devient de plus en plus exigeant, peï ! il ne se satisfait plus de vieilles boîtes de conserves poussiéreuses et bosselées ! il veut de la qualité, de l'hygiène, de la fraîcheur ! il est de plus en plus attentif aux qualités visibles des produits exposés en vitrine : dates de naissance, tour de poitrine, balancements du cul, suçotements des lèvres !


Gudule et Waudru

se résolvant à racheter des génisses à des trafiquants de femmes

à embaucher Merita, Milika et Maleki

au noir

d'abord pour des urgences, des coups pressés et de petits travaux circonstanciels de dépannage

- ce ne sont quand même pas des étrangères qui vont baiser nos pères, nos frères et nos maris !

et ensuite pour descendre au fond de la mine et faire le gros boulot à la place des anciennes

baptêmes, anniversaires, communions solennelles, promotions, fiançailles, ordinations, divorces, enterrements, héritages, opérations à coeur ouvert, tirages de la loterie nationale, signatures de contrats importants, soirées électorales, acquittements par des jurys d'assises, obtentions de diplômes en ultime session de rattrapage, décorations et mises à la retraite, récollections, clôtures de séminaires ou de congrès d'entrepreneurs du bâtiment, fêtes annuelles de clubs de football, d'unions régionales de frituristes traditionnalistes ou d'associations royales chrétiennes de cruciverbistes amateurs

affranchir ainsi les tantines des contraintes du travail à la chaîne, leur permettre de prendre du recul et de se consacrer entièrement au marketing et au management de leur entreprise

et leur donner enfin l'occasion

de rêver à la Bourse

de saisir des opportunités

d'identifier et d'explorer de nouveaux créneaux porteurs

et de mettre sur pied une start-up de récupération, de retraitement, d'élimination des pesticides et des bactéries, d'adjonction de conservateurs et de colorants, de déshydratation, de pulvérisation, de conditionnement, d'étiquetage, de marquage, d'encodage et de commercialisation des décilitres de sperme prélevés quotidiennement, par de petites mains courageuses, aux clients de l'établissement


Gudule et Waudru

invitant un student bigleux à passer la porte d'entrée, à prendre un verre au bar, à s'installer à l'arrière, à choisir la femme de ses rêves, à consommer sur place

en duffel-coat, frétillant de la queue, mordillant sa laisse, presque timide

- on veut passer un bon moment avec Maman, chouke ?

- nous avons un problème, fieu ? nous n'avons aucune d'expérience ? nous sommes disposés à apprendre mais nous ne savons pas trop bien comment nous y prendre ?

- mais peut-être qu'on te fait peur, chouke ? peut-être qu'on est trop grosses pour toi ? ou qu'on ressemble trop à des vendeuses de frites ? ou qu'on ne te fait pas assez bander ? ou qu'on ne te fait pas assez planer ? ou qu'on est trop vieilles pour être ta première dame de coeur ?

- alleï, quoi, fieu ! pour nous, c'est l'même ! on s'vexe pas pour si peu, chouke ! viens, entre une fois ! on va te présenter des nouveautés ! des consistantes et des savoureuses ! des toutes chaudes et des bien croustillantes ! un arrivage récent ! des séries 8,5 ! presque des séries 9 ! des toutes jeunes, des toutes jolies, des toutes minces et des toutes fraîches ! des presque mineures et des presque vierges, savez-vous ! des viagra ! des filles de la campagne ! avec certificat d'origine ! à peine tombées du camion ! à peine déballées des cartons ! toutes bonnes à cougnî ! les cuisses épilées, le sexe glabre, les aisselles rasées et parfumées, les cheveux teints en blond ! on vient tout juste d'en prendre livraison ! on n'les a pas encore exposées en vitrine !

- elles s'appellent Merita, Milika et Maleki ! elles parlent déjà quelques mots de français et de néerlandais, savez-vous ! et tu pourras leur montrer c'que t'as dans la culotte, chouke ! alleï, fieu, faut pas t'gêner, entre !


Z-BAR


le portier du Z-BAR, sa veste d'amiral, rouge Coca-Cola, avec des boutons dorés, ses mains dans les poches et sa cravate verte

- potverdekke ! en fait, les dames et les mad'moiselles sont priées de retirer leur chapeau et de déposer leur manteau au vestiaire, nom di djû !

le mort ne lit pas le journal


le portier du Z-BAR

- de Dieu ! spreekt gij vlaams ?

relaçant ses chaussures sur le pas de la porte, reboutonnant sa braguette, sortant un paquet de clopes de sa poche, allumant une nouvelle cigarette au mégot de la précédente, tirant une première bouffée

- en fait, pour me réchauffer les lèvres et les mains, potverdekke !

revendant des capotes, des secrets d'alcôves et des tuyaux de bourse, des adresses et des numéros de téléphone de masseuses à domicile, des questions d'examens et des rêves prémonitoires, des pronostics fiables, des divinations certifiées, des prévisions météorologiques, des pilules de Viagra et des barrettes de haschisch


le mort ne renvoie pas l'ascenseur


le portier du Z-BAR

- foert !

habitant un meublé dans les environs, une chambre de bonne aménagée sous les combles d'un bordel de famille, maternel et surchauffé

louant sa piaule, pour une affaire urgente, un coup pressé, à un couple d'amoureux fauchés qui le caressent du plat de la main, le haïssent et l'implorent

- ...

- en fait, un paquet de clopes, un cornet d'frites à 60 befs (environ 1,5 euro), un cervelas et quelques thunes !

- ...

- de Dieu ! moins cher qu'ça, c'est donné, potverdekke ! spreekt gij vlaams ?

- ...

- n'salissez pas les draps ! utilisez une serviette de bain, des kleenex ou du papier cul ! n'oubliez pas d'vider l'pot de chambre dans le lavabo du couloir et d'faire un peu d'ménage avant d'partir, nom di djos !

- ...

- pas toute la nuit mes p'tits cochons ! en fait, à 4 heures vous dégagez et vous m'ramenez la clef, ici-même, avant la fermeture d'la boîte, bien compris ?

- ...

- en fait, bonne bourre !


arrondissant ses fins de nuit, se constituant un petit capital pour disparaître ailleurs, un jour ou l'autre, pour toujours


son pantalon noir et sa cravate verte

le portier du Z-BAR sort les mains de ses poches et tend la patte

- excellente fin de soirée et au plaisir de vous revoir la semaine prochaine ! dormez bien, en fait ! baisez bien ! n'oubliez pas l'portier, potverdekke !


entre les fêtes du gui et la Saint Carnaval

frivoles et adultérins

le renard et la renarde se frottent l'un contre l'autre, se reniflent, s'entrelèchent

et se baisent

sous une couette de fourrure rousse


sa veste d'amiral, rouge Coca-Cola avec des boutons dorés

et des tartines à la sauvette

omelettes au lard salé, rollmops à la mayonnaise, sardines portugaises ou marocaines en boîte

une tasse de thé citron, bien chaud, apporté par le serveur du premier bar, posée sur le rebord de la fenêtre, dans laquelle le portier, sortant une flasque plate de la poche arrière de son pantalon, rajoute une bonne mesure de son pékêt

- con de Dieu !


moi, mon mm manteau est le mnt manteau d'n mort

un manteau de tout poil, toutes t teintes s, t toutes saisons

un manteau de poubelle, de cave et de gr grenier

un manteau de Noël, décoré d't étoiles jaunes ou roses et de tr ngl triangles bruns ou rouges

un manteau v volé à un épouvantail

un manteau de mouche et de cr crapaud, aux xc coutures lâchées, dont une m manche est plus c courte qq que l'autre

le portier du Z-BAR, son sourire à la con, ses lèvres qu'il a du mal à soulever

- spreekt gij vlaams ?

son sourire


que je f ferme avec une épingle de sûreté

s'il vous p plaît ? watte ?

bonj'oir


qui lui vaut des vingt befs (environ 0,50 euro)

- bon week-end et merci !


qq quand un chien passe, je

g grogne e, des lévriers, des ratiers et des truffiers m'aboient

danke


ACUMBA MACUMB


la queue prude mais sournoise, les yeux têtards, de sang

caillé

un chien

affamé, cherchant un vieux cheval à égorger

rôde

ôde

de

e


je suis jj jaloux des chiens de race, des chiens de maîtres, des chiens de riches ? un moulinet de canne, un rire de tr trous, un

godverdomme

A L'AMBASSY


une lumière s'éteint, rose-verte, d'une vitrine de bordel de famille, maternel et surchauffé, rue de Malines, un mur se lève


un mur

q qu'ils ont dressé

s'interpose, m me

jj joder r

un escalier

une marche

une marche d'escalier


bouscule

qu'ils m'ont j jeté sous les pieds

tr traître et sournois, du c mp camp adverse

gotferdoume

je me relève, pesamment, g grogne

une colère re


les ruisseaux s'en vont et ne se retournent pas


- Zef, tu n'pourrais pas regarder devant toi, non ?

- tu n'pourrais pas faire attention, Zef, tu finiras bien par t'faire écraser par une bagnole ! les flics, les ambulances, les croque-morts galonnés et les fossoyeurs en bleu de travail vont envahir le quartier et ça risque de nous foutre la soirée en l'air, ouah, ouah, ouah !


les rivières ne reviennent jamais à leur source


je me relève et je rr rigole

b bonj'oir

dank u

je tends ma casquette et je rr reçois mes deux befs (environ 0,05 euro), je m rn marne

s'il v vous plaît ? watte ?

goeie avond

danke


il y a deux marches de pierre bleue à l'entrée du café RIO

deux

deux pierres tombales aux inscriptions effacées

deux verres de witteke s'écrasant et se brisant sur le carrelage

deuxième tonneau mis en perce

odeurs de cire et de cierge

odeurs de poêle à charbon et de bière aigre


une fois tombés dans la mer les fleuves ne remontent plus à la surface


le r rêve est une échelle vv volée ?

pour s'enfuir où ?

ça ?

dank u



CHEZ TINA



Tina l'avorteuse, aux réactions imprévisibles et à l'humeur changeante

elle tricote, fait macérer des tisanes à base d'absinthe, d'estragon et de feuilles de genévrier

fabrique des décoctions à base de baies de lierre, de graines et de queues de persil


Tina, fichu noué sur la tête, épluchant et découpant les patates

portant des médailles de la Sainte Vierge Marie, mère compatissante, accrochées à la bretelle de son soutien-gorge avec une épingle de sûreté, glissant les gros billets de banque entre ses seins opulents, ayant abandonné toute activité sexuelle depuis déjà longtemps, croyant au pouvoir des étoiles et consultant les rebouteux, imposant les mains sur le ventre des femmes et le front des enfants, prononçant des formules magiques, baisant les icônes sur la bouche, allumant des bougies devant les statues des Saints à sa dévotion, aimant les poissons bien rouges et les plantes bien vertes, Tina la frituriste tricote une layette


Crissement des pneus.

Une voiture rate son tournant, dérape sur des pulpes de betteraves, tourne sur elle-même, renverse une poubelle, bouscule les cônes de sécurité placés autour d'un avaloir bouché.

Un homme prend peur, trébuche, s'effondre. Sa tête heurte violemment la bordure du trottoir.

- Oh merde, le con !

Vertèbre cervicale cassée. Fracture de l'arrière du crâne. Noix de coco fêlée pissant de l'eau rosâtre.

Klaxooooooon ! Xooooooon ! Xooooooon !

Les clients du Z-BAR sortent voir, se précipitent, se bousculent.

Des gueulards rétamés se commandent en vitesse une dixième chope, viennent la boire sur le trottoir et

- Skooooooooool !

interrogent le portier, s'esclaffent

- Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui se passe ? Un accident ? C'est notre Zef qui s'est pris une hélice dans la gueule ? C'est notre Zef qu'on assassine ?

Klaxon bloqué. Moteur calé. L'autoradio continue de fonctionner à plein volume. Vacarme assourdissant.


Un homme est couché sur le bord droit de la route. Un clochard, un mendiant, une blatte, un crachat. Un type vient d'être renversé par une grosse voiture américaine.

- Ce n'est pas ma faute ! Je n'étais pas saoule ! Je ne roulais pas trop vite ! C'est lui qui a traversé ! Sans prévenir ! Je m'apprêtais à parquer ! J'ai freiné aussi fort que j'ai pu !

Hébétée, complètement schlasse, la conductrice sort péniblement de sa voiture et court vomir sa bile dans la rigole d'évacuation de la pissotière du Busleidengang.

- Ce n'est pas ma faute... Il aura entendre les pneus crisser, il aura pris peur ! Il sera tombé en arrière et se sera cogné la tête sur la bordure du trottoir. Je n'y suis pour rien ! Je ne l'ai même pas touché !


Des fêtards entourent le corps et font mine de lui témoigner du respect.

Un abbé, qui revenait de l'Ambassy et y avait oublié son chapeau, arrive inopinément sur les lieux du drame. Il considère la scène, marmonne une prière et tire des conclusions qui, certes, élèvent le débat.

- Respect, amour, humilité ! La mort des gens prend peu de place, une araignée grande comme la main meurt en l'espace d'un ongle...

Klaxon bloqué. Moteur calé. L'autoradio de la grosse bagnole américaine continue de beugler et personne

- Mate-moi donc c'te putain d'charrette ! La classe ! Sûr qu'elle a fauché la bagnole de ses vieux, la salope !

parmi les spectateurs de la scène, ne pense à mettre fin à ce vacarme.

Une femme, une inconnue, vêtue d'une longue robe du soir mauve, moulante au buste et fendue à partir de la taille, règle la circulation avec l'énergie d'une veuve de criminel de guerre.


Sirènes. Ambulance. Véhicules de police. Installation d'un périmètre de sécurité. Barrières Nadar pour tenir les curieux à distance. Odeur âcre du sang. La canne du mort, sa casquette, un tas de piécettes poisseuses.

- Mais cachez-moi ça en vitesse, nom de Dieu !

Une bâche jetée sur le corps. On dissimule la charogne à la vue des fêtards.

Le patron du Z-BAR, un mouchoir sur la bouche, commente la scène.

- Ça fait désordre, des trucs comme ça ! Tout de suite les flics rappliquent... Ce n'est jamais bon pour le commerce !

Subitement pris de nausées, le patron du Z-Bar décide de retourner boire son whisky à l'intérieur. Au deuxième comptoir, tout au fond de la boîte, au-delà de la piste de danse, près des gogues...

Il dit au portier de faire rentrer les clients.

- Le spectacle est gratuit et personne ne consomme ! Démerde-toi ! Fais ton boulot ! On risque de perdre un maximum de pognon dans cette histoire !


pour la petite chatte que sa fille lui prépare en cachette, à huis clos, tous les week-ends, avec son caporal-chef, son prognathe de carrière, son kastar

son béret rouge, ses testicules hypertrophiés, sa tenue de camouflage de tueur anonyme, invisible, impénitent


q quand j'ai gagné cent befs (environ 2,50 euros), je m'achète un coeur de m mt mouton dans un s pr supermarché des environs de la Grand-Place

un coeur de m mouton, des clous et d des aiguilles

un oeuf, une épingle de s sûreté, un hameçon, une boîte d'allumettes, un paquet de bougies


ménagères, ayez une alimentation équilibrée

ménagères, mangez du chou et de la chèvre, du crapaud et de la cigogne, de l'herbe et du mouton, du prolétaire et de l'actionnaire


trois vendeuses en blouse rose

trois vendeuses se détournent

en pouffant

trois


les impuissants sont invités à exhiber leur moyens de paiement


elles cc complotent ?

je m nc menace les vendeuses de leur donner des coups de canne si la v nd viande n'est p pas assez moelleuse

trois v vendeuses, en m ssp massepain, j joufflues, s cr sucrées, p rf parfumées, belles comme des coiffeuses pour caniches d'exposition

eh oui, j'adore ça, le mm mouton, les épingles et les aiguilles, les oeufs et les c clous, les allumettes et les bg bougies, les hameçons, je les emmerde

les v vendeuses s

faiseuses de pipes, suceuses de bb bites molles et visqueuses

slr slrp slrpnt slurpant, dans les vestiaires du personnel, le roll-mops f fs faisandé d'un sous-chef de rayon fruits et légumes, eh

sur les manteaux et les ch chapeaux, derrière un paravent de p brq pébroques


les impuissants sont invités à ne pas être impécunieux


se foutent à rire

- ouah, ouah, ouah !

se foutent

sssfftt

ssft

sf

t


les impuissants

lorsqu'ils n'ont pas de pognon

on ne leur fait pas de pipes


n'avend

d danke

toutes et tous, j je les emmerde

s'il vous plaît ? watte ?

jj je leur

je leur lancerai des b bouses de vaches, fumantes et fondantes, en p pleine gueule

gotferdoume

sur leurs perruques r roses et leurs cheveux jaunes, s sur leurs soutanes à br braguettes et leurs uniformes r rutilants

des t tomates molles et des oeufs poilus

joder


je leur lancerai des oeufs de blattes et d de mouches farcis sd de suie, des tomates à l'mn ammoniaque, des chapelets de rats d'égout mr morts se tenant par la q queue, des mots sp pourris, d depuis des arbres

je les lap p piderai

mitema ya Satana, vermines p puantes, abats c nt contaminés, chr charognes fétides, démons ns malfaisants, amants de bl blattes, p pp poux du pubis, adorateurs de la b boîte du Diable, oeufs sans cq coquille, têtes de ch chiennes, c pr coprophages, éthologues, br brahmines du Brahmapoutre, c nn cannibalistes sc celtes

je leur gr grillerai les couilles, j je les c can cancériserai

godverdomme


se

se marrent, esquivent

- montre tes sous d'abord !

sacs de morve, goitreux des Alpes, tas d'xcr excréments, vessies de gr grenouilles, fèves de p porcs élevés sur une d décharge rp républicaine, truies en chaleur rv vermillant ntd dans les c cm cim cimetières de l'Otan, déjections de c ch cachalost, fm fumiers de poulets, écrase-mr merdes, langues de paons, v vulves de sr sorcières, reliefs de repas de ch chacal


trois vendeuses

en massepain, joufflues, sucrées, parfumées, rosâtres

cessent brusquement de rire, grondent, grognent, grommellent

- et alors ?

je c mpt compte pte mes p pp pièces

p puis les

r cmpt recompte

puis

- et alors ?


on ne peut tout de même pas laisser trois petites cochonnes roses se faire traiter de truies puantes et répugnantes

impunément

par un vieux loup galeux, à poil raide, cacochyme et grincheux, rejeté par sa meute

impuissant et impécunieux


et s'imp

- et alors, ça vient, quoi ?


les doigts gts s'mbr embrouillent, les

doigts bbb bégaient nt

les doigts

n nou-

és


s'impatientent

- ça vient ou j'appelle la police ?


je ne trouve plus mes sous, mes mains, q quels gestes, je me cherche le fr front, les épaules et le sexe

b bonj'oir

dank u

dku


BIJ TINA

Tina m'appelle

Tina


- Jozef, Jozef ?

- tu veux manger quelqu'chose, Jozef ?


je c crachote et titube un rire

- non, peut-être !

Tina m'offre à b bouffer

des fr frites


- avec un cervelas, Jozef ?

- ja zeker, meï !

- avec ou sans moutarde, Jozef ? avec double mayo ?

- impeccable, Tinneke !

je p pète un rire, je dis mel'si

s'il vous plaît ? watte ?

mel'si d d'être Zef

goeie e avond

mel'si, b bonj'oir, melsi, attrapant nt au vol une pièce de monnaie qu'on m mm me lance

- vous êtes bien aimable, manneke !

bonj'oir, danke, n'avend

choukrane



Z-BAR Z-BAR Z-BAR


on me ss soupçonne d'appartenir à un g gang de cambrioleurs de ch châteaux du XVIIIe siècle et de pilleurs de ch chapelles du XVIIe siècle

on me s pç soupçonne de pêcher rl les oiseaux du Bon Dieu en attachant nt d de gros insct insectes br b rd bourdonnant au fil d'une gaule en bois sd de coudrier

on m me soupçonne d'avoir volé 7.000 befs (environ 175 euros) dans la boîte à cigarillos d'un abbé d'une paroisse du Christ Ressuscité

s'il vous plaît ? watte ?

on mm m'accuse d'avoir r renversé le s ng sang noir d'un cadavre de r rr rat sur la robe de la mariée

on nm m'accuse d'avoir ntr introduit une truie affamée, anthrp anthropophage ou déc déicide, dans ns une étable de Bethléem


les cadavres ne rougissent pas de honte

on m'accuse d'avoir enlevé, d dépecé et dévoré cru un ch chaton

- ik ?

de lui avoir arraché le cc coeur avec les dents

dd de lui avoir enlevé les yeux avec une petite cuillère

s'il vous plaît ? w watte ?

de les avoir p pelés, découpés en fines rondelles

ou de les avoir écrasés entre mes d doigts comme du raisin fr frais, pour en extraire re le miel et les larmes

d'avoir bouilli, ff fumé ou boucané ses organes génitaux et de les avoir c conservés dans un bocal de confitures

un chaton, une petite chatte

sa m v vilaine et méchante marraine, minée par des cr crises de g gg goutte, ne c cessant pas de la r pr réprimander, en aurait p perdu la tr trace du côté du Z-BAR

et du Busleidengang


une petite chatte

- lala lalala lala, z'auriez pas du feu ?

se collant un pétrd pétard entre les lèvres, pr pressant encore les s seins de sa pp poupée de chiffons pour en faire sortir le lait

dégustant des écailles de vieille p peinture au plomb, tétant le soufre des allumettes, ss se pétant la g gueule au tube de colle, à l'insecticide et au sirop pour la toux


je p pose mes collets

- la p'tite pièce, m'sieurs-dames !

bourgeons dévorés crus avant même d d'avoir pu s'ouvrir rr

- à vot'bon coeur ! bien gentil ! bien aimable !

cr crus

je p pète un rire

n'avend

dank u


un orage

un orage gronde, menace, éclate


je m rn marne

s'il vous plaît ? watte ?

je marne

g gotferdoume

je, je traverse la place en

d diagonale le

et trtr trébuche sur un pavé de grès du trottoir se déchaussant sous la pression des racines d'un vieux platane, sur un reste de tartine à la sardine ou un z zeste de citron jetés dans la rigole par le portier du Z-BAR

r relaçant ses chaussures sur le pas de la porte, reboutonnant sa br braguette, allumant une nouvelle cigarette au mégot de la pr précédente


danke

ou sur des fr fr frites fr froides, écrasées, collant aux pavés de gr grès

ou sur un préservatif, une gr grenouille baveuse et des rondelles d'oignon cru

des grains de riz ou de ch chapelet, des yeux de verre et dd des confettis, des papiers de bonbons acidulés, des tubes de dentifrice, des tr trognons de pommes rouges, des pétales de roses, des b boutons de br braguettes, des lentilles ou des f flageolets

ti ttubant au milieu de la pl place e, éb bloui par les phares

et manque me faire écraser par une v voiture


ou je me pr prends les pieds dans une vigne gr grimpante

dans la c corde à sauter d'une petite fille venue s se laver les mains au filet d'eau rouillée qui se dv vr déverse en crachouillant dans la rigole de la pissotière du Busleidengang

- lala lalala lala


une enfant, quelquefois

une petite fille faisant encore pipi au lit

- Bompa Zef ?

une enfant ne dessine plus de joli canari jaune et de gentil poisson rouge dans son carnet de poésie, bleu ciel, cadenassé

une petite fille délaisse ses marionnettes de bois et sa poupée de chiffons, saute encore à la corde, quelquefois, par habitude, sans conviction, mâche son chewing-gum à la menthe et invite Zef à rentrer

- youppie youp, les ex-gendarmes sont venus, ils ont pris mon fiancé, Bompa Zef, tu rentres ? à la une, à la deux, à la trois ! Bompa Zef, tu ne rentres pas ? lala lalala lala

bonj'oir r

dank u

ou je r reçois un coup de sabot dans la g gueule en ferrant un âne i ii ivre et ss sourd, aux f flancs creux, mâchouillant des ch chardons, du chanvre cng congolais et des orties sur une décharge rr républicaine, ayant rongé la corde qui le retenait à un p piquet t

je tr trébuche et je tombe

et me fiche un pieu de bois r rougi au feu dans le tr trou du cul, un cr crucifix fluorescent, une hampe de d drapeau en berne, une aiguille à avorter rm mouchetée de rouille, une canne à pp pêcher le mérou, la masse d'une queue de billard, la crosse d'un Prince-évêque ayant ntc consacré l'ss essentiel de ses travaux xt théologiques à la q question de Dieu, un pébroque-épée, une m matraque électrique, une corne de Dieu Osborne

d dank u u

un orage éclate en crachats, biles et sangs, spermes gluants,

injures brunâtres, verrues purulentes, noyaux rouillés jetés d'un nid


je n'aime pas m mourir écrasé q quand les pavés sont fr froids, je déteste mourir écrasé, sous la pluie

danke, n n'avend

bonj'oir

je cr crache au cul des araignées, je suis déjà mort mais ils ne vvv veulent pas le savoir r ?

ils disent q qu'on ne peut pas obliger les vvt vivants à vivre avec un m mort ?

s'il v vous plaît ? watte ?

dank u


on préfère les morts quand ils sont jeunes et beaux

propres et vivants

riches


une vache rentre seule à l'étable

un pis, très las à terre, se déchire douloureusement aux ronces érinnyes, sourires ammoniaques, silex ulcérés

des sangs roulent, des haies s'empourprent, des yeux débordent


on devrait obliger les gens à mourir en bonne santé


cerf-volant acrobatique p piquant du nez et s'abattant sur une plage m mazoutée

alezan, cr crinière en feu, fou de terreur, se jj jetant dans la mer r

s sautant du haut de la falaise et s'écrasant sur les r rochers

barque s saoule, à fond plat, sombrant dans le fleuve après être entrée en cc collision avec une souche d'arbre

ou un convoi de br barges et de b baleinières transportant nt des s sacs de ciment ntb blanc, du charbon, des gr v graviers, de la mitraille et du g grain de blé


il n'est pas interdit aux aveugles d'observer à l'oeil nu une éclipse totale de Dieu

Tout-Puissant et Miséricordieux

Béni soit Son Nom

q quand je suis mort

gelé, de faim, roué de coups

on me transporte

- au cercueil ! à la tombe !

assis dans une br brouette e

ou couché sur un vantail de bois volé dans un immeuble en d démolition


un Etre exceptionnel, d'une Bonté, d'une Gentillesse, d'une Droiture, d'une Honnêteté et d'un Intelligence inégalées

devenu incontinent

se déplaçant à l'aide de béquilles

souffrant d'ostéoporose et d'une sarcoïdose pulmonaire ne lui laissant que 20 % de capacité respiratoire


on me t transporte dans le c lr couloir d'entrée d'un br bordel de famille, m mm maternel et sr surchauffé, rue de Malines, avec un bar, deux arrière-salons et trois chambres à l'étage

cacanéant

et cornes de crocodile


se remettant difficilement d'une cuite

et qui réapparaîtra peut-être la semaine prochaine

attrapant nt au vol une pic pièce de mon monnaie qu'on me lan lance nce

- vous êtes bien aimable, manneke !

danke

joder

A L'AMBASSY



j'explose en r rires

un mv mauvais p païen vaut tt toujours mieux qu'un nb bon Dieu tu l'auras, eh, eh, eh


on me transporte vers le ddd dispensaire le plus proche, l'hôpital, la morgue, le déprt département de médecine légale de la Faculté de m médecine animale

on me tr transporte

à des fins d'expertise

on ne me laisse jamais sm mourir en paix, c couché sur le trottoir, là même où je suis tombé é

godverdomme


au moment de pr pratiquer l'autopsie, le v vétérinaire légiste d'Etat, portant nt un foulard sur le nez, c nst constatera que mon nc coeur a déjà été rr arraché

et m mangé

joder

et me d découvrira des lésions parasitaires dans les ntr entrailles

n'avend, b bonj'oir r


on m'emballe dans un s sac poubelle, on me dépose sur le tr trottoir

bonj'oir

dank u

ou d dans un panier en osier, en raphia ou en feuilles de bb bananier

on me jette dans les eaux t tumultueuses du fleuve, on me retrouve échoué sur une plage de sable bl blanc, le corps entièrement d dénudé, une chaussette g ch gauche encore fixée à la jambe dr droite e


deux lourdes marches

les murs bruns patinés par la fumée des pipes et des cigarettes